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BonjourĂ tous, Le titre rĂ©sume Ă peu prĂšs la situation et j'ai, clairement, besoin d'avis extĂ©rieurs afin de dĂ©mĂȘler la rĂ©alitĂ© de mes espoirs. Je reprends donc depuis le dĂ©but de l'histoire. Moi, 36 ans, lui 41. Je l'ai rencontrĂ© en novembre,
Monex a peur de sâengager, voici comment agir ! Câest un nouvelle article spĂ©cial que je vous propose aujourdâhui puisquâil sâagit du tĂ©moignage de Christian* qui vit une rupture douloureuse car son ex, la femme quâil aime nâa jamais rĂ©ellement eu les mĂȘmes sentiments que lui et depuis quelques semaines il a du mal Ă adopter
Ilfaut se dire que dans la plupart des cas, un phobique de l'engagement a en réalité peur que sa liberté soit bridée. Donc, il faut agir en conséquence pour
Jenâarrivais pas Ă mâengager. Mon angoisse, câĂ©tait de vivre avec lui et quâau bout de six mois, il me quitte. Je nâaurais pas Ă©tĂ© Ă la hauteur de lâĂ©preuve. Je faisais comme si
73 ClĂ© N° 3 : Donnez-vous un prix car vous le valez bien. 7.4 ClĂ© N° 4 : Ne lui laissez pas disposer de votre temps comme il lâentend. 7.5 ClĂ© N° 5 : Exprimez sans peur vos impĂ©ratifs. 8 Conseils spĂ©cifiques pour vaincre une
Site De Rencontre Ado Gratuit Et Sans Inscription. Bonjour Ă tous. Le suis avec lui depuis 1 an et quelques, tout se passait bien entre nous, beaucoup de complicitĂ© et de rires, mais pas beaucoup d'affection de sa part. En effet il a eu le coeur totalement brisĂ© il y a 2 ans et ne s'en est jamais remis. J'ai tout essayĂ©, je sais qu'il m'aime mais il ne veut pas se l'avouer, il a peur de ss sentiments et de s'engager avec quelqu'un depuis sa rupture. On a partagĂ© beaucoup de choses ensembles, on est parti 3 mois en Australie... Bref, on avancait doucement mais surement. Mois je suis Ă crocs de lui, et je sentais ces derniers temps qu'il faisait vraiment des efforts et qu'il commencait Ă me montrer ses sentiments ex messages tous doux, calins et beaucoup de tendresse... Mais on doit faire un stage de 12 mois Ă partir de septembre et il va devoir dĂ©mĂ©nager, on ne sait pas oĂč encore. Alors il s'est dit que ca ne servait Ă rien d'esperer parcequ'on ne pourrait pas continuer Ă distance. DONC IL M'A QUITTE la semaine derniĂšre. Du coup je sais que c'est Ă contre coeur qu'il l'a fait et je veux Ă tout prix le recuperer mais j'imagine que n'importe quel argument de ma part le ferait fuire car il ne voudra pas revenir sur sa dĂ©cision sauf s'il a un dĂ©clic et qu'il se rend compte de mon importance dans sa vie. Depuis la rupture, on se croise sans se regarder, je lui en veux beaucoup mais je ne sais pas comment rĂ©agir et lui a peur de venir me voir, il n'attend que ca, ca se voit Ă 10km mais il n'ose pas. Parfois je le vois meme avec les larmes aux yeux losqu'on sort entre amis on fait parfois des soirĂ©es "ensemble". Si vous pouviez m'Ă©claircir sur le comportement que je dois adopter, ca serait trop gentil. Merci Chachou
Certaines personnes fuient tous les projets Ă deux, donnant Ă penser Ă lâautre que ses sentiments ne sont pas partagĂ©s. Comment savoir sâil/elle a une vraie peur ou sâil/elle se moque de vous ? Caroline Kruse, conseillĂšre conjugale et familiale, nous Ă©claire. Pour certaines personnes, aimer et donner toutes les preuves concrĂštes qui vont avec est une vĂ©ritable source dâangoisse. Elles repoussent, voire fuient tous les projets Ă deux, donnant Ă penser Ă lâautre que ses sentiments ne sont pas partagĂ©s. En rĂ©alitĂ©, câest avant tout dâelles-mĂȘmes quâelles doutent ! Caroline Cruse, conseillĂšre conjugale et familiale*, nous Ă©claire et propose des pistes pour avancer ensemble. Habiter sous le mĂȘme toit, se marier, avoir un enfant⊠Toutes ces dĂ©cisions forment une suite logique, importante pour lâavenir du couple. Pour certaines personnes, elles ne sont pourtant pas si Ă©videntes Ă prendre. AurĂ©lie, 38 ans, a longtemps expĂ©rimentĂ© cette indĂ©cision. En couple depuis six ans, elle sâest aperçue au fil du temps quâelle avait affaire Ă un vĂ©ritable phobique de lâengagement. "Câest trop tĂŽt", "Je ne suis pas prĂȘt", "Tu vas trop vite pour moi", "On nâa pas le mĂȘme rythme de vie"⊠il invoquait toutes sortes de prĂ©textes pour ne pas me donner ce Ă quoi jâaspirais. Au dĂ©but, mĂȘme passer tous les week-ends ensemble ou partir en vacances Ă deux lui posait problĂšme !, soupire-t-elle. CâĂ©tait trĂšs difficile Ă supporter car jâavais une vision plutĂŽt fusionnelle du couple. Pour le garder, jâĂ©tais obligĂ©e en permanence de rĂ©flĂ©chir Ă ne pas le brusquer. Toutes les dĂ©cisions nous engageant Ă deux devaient ĂȘtre prises par lui. Sâil avait lâimpression que je lui imposais un choix de couple, il se braquait". Sâengager. Envers lâautre, mais aussi envers soi. Le mot fait peur, indĂ©niablement. "Il y a dans cette notion une idĂ©e de contrainte et donc, une connotation nĂ©gative. On se sent liĂ©, voire piĂ©gĂ©, reconnaĂźt Caroline Kruse, conseillĂšre conjugale et familiale. Câest trĂšs ambivalent car on abdique effectivement une partie de sa libertĂ© mais pour mieux gagner par la suite en sĂ©curitĂ©, pourvu que lâon se fasse confiance lâun lâautre". "Je me disais quâil ne mâaimait pas assez pour avancer avec moi" Alors que craint-on au juste en formulant des projets communs ? "On a peur de perdre lâautonomie conquise depuis quâon a quittĂ© ses parents. Parfois, cela traduit aussi la peur de ne pas ĂȘtre Ă la hauteur de la demande de lâautre", poursuit la thĂ©rapeute. Cette peur, qui peut muer en phobie pour certains, sâexplique le plus souvent par une blessure dâenfance. "Peut-ĂȘtre a-t-on Ă©tĂ© trop limitĂ©, trop bridĂ© dans sa libertĂ© et on cherche Ă sâĂ©manciper de ce carcan par la suite. On peut aussi avoir vĂ©cu aux cĂŽtĂ©s de parents qui se dĂ©chiraient et qui nâont pas permis de construire un modĂšle de couple sĂ©curisant", avance Caroline Kruse. Sans ces repĂšres, il est difficile, adulte, de porter naturellement de la confiance dans la notion dâengagement. La diffĂ©rence dâĂąge dans le couple ou de religion peut aussi accentuer cette peur. Les obstacles paraissent si nombreux Ă surmonter quâil est plus facile de fuir que de sây risquer ! Difficile cependant de faire la diffĂ©rence entre une personne qui ne souhaite simplement pas aller plus loin avec nous et un phobique de lâengagement. Dans tous les cas, les raisons invoquĂ©es sont douloureuses Ă entendre et Ă accepter, dâautant plus quand elles rĂ©veillent des expĂ©riences passĂ©es de non-engagement ou dâabandon. "CâĂ©tait frustrant, mais aussi blessant, confie AurĂ©lie. Je me disais quâil ne mâaimait pas assez pour avancer avec moi. Plus il campait sur ses positions, plus notre relation me paraissait fragile". Vraie peur ou manque de sĂ©rieux faire la diffĂ©rence Pourtant, Caroline Kruse lâaffirme la crainte de sâengager ne doit pas ĂȘtre nĂ©cessairement interprĂ©tĂ©e comme une preuve de non-amour, bien au contraire. "Elle trahit souvent un grand manque de confiance en soi, souligne la thĂ©rapeute. Face Ă un risque quâelle considĂšre comme Ă©norme, la personne se replie sur elle-mĂȘme et se dit quâelle ne va pas ĂȘtre capable dây arriver. TrĂšs curieusement, cela rejoint la peur de son partenaire qui, craignant de ne pas aimĂ©, attend un signe dâengagement pour ĂȘtre rassurĂ©. Au fond, ces deux craintes, la peur de lâengagement et la peur de lâabandon, sont les deux facettes dâun mĂȘme manque de confiance en soi". Ă voir aussi Il esquive la conversation et saisit tous les prĂ©textes pour prendre la poudre dâescampette ? Il y a peu de chances que vous ayez la mĂȘme vision dâavenir pour votre couple⊠A lâinverse, votre conjoint reconnaĂźt ce problĂšme dâengagement mais continue dâaffirmer ses sentiments pour vous ? Alors, vous dĂ©tenez la preuve de son sĂ©rieux et avez des raisons dâespĂ©rer quâil puisse un jour Ă©voluer. Dans ce cas, essayez dâen parler posĂ©ment ensemble. Questionnez-le pour mieux comprendre ses raisons, sans le juger. Y a-t-il, dans son passĂ©, des expĂ©riences qui lâont marquĂ© ? Se sent-il mal Ă lâaise chez vous, marchant dans lâombre dans un prĂ©cĂ©dent conjoint que vous avez aimĂ© ? Comment envisage-t-il lâavenir de votre relation ? Interrogez-vous Ă©galement sur vos propres motivations pourquoi est-ce si important pour vous de vivre avec lui ou de vous marier ? Quel besoin cela traduit-il chez vous vous avez besoin de preuves dâamour au quotidien, vous avez envie dâentendre des mots doux, vous aimeriez quâil se livre davantage⊠? Parfois, il est possible de rĂ©soudre ces manques dans la relation sans forcĂ©ment passer par la case "engagement". Trouver des compromis Oubliez les questionnements incessants, voire les ultimatums, synonymes pour lui de harcĂšlement. Toute forme de pression est Ă bannir sous peine de le faire fuir ! Pour vaincre son blocage, votre conjoint a avant tout besoin dâĂȘtre rassurĂ©. Sur vos sentiments mais aussi sur sa capacitĂ© Ă vous apporter ce dont vous avez besoin. "Valorisez ainsi toutes les petites marques dâengagement quâil peut donner et qui sont une manifestation de ses sentiments, conseille Caroline Kruse. Fleurs, mots doux, cadeaux, tout ceci montre quâil est bien avec vous identifiez ces preuves dâamour et donnez-leur lâimportance quâelles mĂ©ritent !". Avancez ensemble en douceur, Ă petits pas. Essayez de trouver des compromis qui puissent vous apaiser aussi, sans lâeffrayer. Proposez-lui par exemple de tester la vie Ă deux seulement une semaine sur deux dans un premier temps. Ou de vivre un temps chez lui, oĂč il se sent mieux, avant de chercher ensemble un appartement neutre qui vous convienne. Il prĂ©fĂšre que ce soit vous qui dĂ©mĂ©nagiez, plutĂŽt que de quitter ses repĂšres gĂ©ographiques ? Peut-ĂȘtre attend-t-il aussi des preuves de votre engagement, avant de pouvoir sauter le pas Ă son tour. "Le but nâest pas de lui faire changer dâavis Ă tout prix. Il faut quâil ait envie, lui aussi, dâaller vers cette Ă©volution de couple. Sâil le faisait Ă contrecĆur, cela poserait forcĂ©ment des problĂšmes pour la suite de la relation", note la spĂ©cialiste. Il est ainsi fondamental de lui accorder du temps pour rĂ©flĂ©chir. Voire de le faire devant un tiers professionnel, si vous ne parvenez pas ensemble Ă dĂ©gager des solutions. "Faire la dĂ©marche de consulter ensemble un thĂ©rapeute, câest dĂ©jĂ une forme dâengagement, relĂšve Caroline Kruse. Câest une action positive qui renforce le couple. Cela montre que la personne a envie de surmonter ses craintes, mĂȘme si elle ne se sent pas tout Ă fait prĂȘte". Et sâil nâest jamais prĂȘt ? Faites la part des choses entre les projets de vie auxquels vous aspirez et la rĂ©alitĂ© de votre relation. Si vous lui proposez de vivre ensemble ou de faire un bĂ©bĂ© au bout de six mois, il y a fort Ă parier que votre proposition sĂšme un vent de panique. A lâinverse, si cela fait cinq ans que vous ĂȘtes ensemble, votre dĂ©sir est tout Ă fait lĂ©gitime et mĂ©rite que la question soit officiellement posĂ©e. Si malgrĂ© tout il campe sur ses positions, il ne reste plus quâĂ faire le point de votre cĂŽtĂ© sur vos motivations. JusquâĂ quel point lâaimez-vous ? Combien de temps encore vous sentez-vous encore capable de lâattendre ? Que vous apporte-t-il en Ă©change ? Comment vous sentez-vous aujourdâhui dans cette relation ?... Le mieux reste dâen reparler clairement Ă une date fixĂ©e ensemble dans trois mois, dans six moisâŠ. Vous verrez ainsi, avec le recul, si votre discussion a permis de le faire Ă©voluer ou si, au contraire, son refus obstinĂ© doit vous amener Ă prendre la dĂ©cision qui sâimpose, quand les manques Ă combler sont trop grands. Diapo Couple les choses Ă ne jamais dire Ă une femme !
Câest un nouvelle article spĂ©cial que je vous propose aujourdâhui puisquâil sâagit du tĂ©moignage de Christian* qui vit une rupture douloureuse car son ex, la femme quâil aime nâa jamais rĂ©ellement eu les mĂȘmes sentiments que lui et depuis quelques semaines il a du mal Ă adopter la bonne stratĂ©gie notamment Ă cause de sa dĂ©pendance affective. Quand on en vient Ă se dire mon ex a peur de sâengager avec moi » câest justement que de notre cĂŽtĂ© lâamour est prĂ©sent mais quâil nâest pas partagĂ©, ou pas avec la mĂȘme intensitĂ©. A partir de lĂ , la frustration se dĂ©veloppe et forcĂ©ment il y a des erreurs qui sont commises et qui ralentissent la reconstruction du couple. Comment faire pour inverser la situation ? Comment rĂ©cupĂ©rer son ex quand il/elle doute de ses sentiments ? Faut-il continuer Ă lui mettre la pression pour le/la faire revenir u bien garder de la distance ? Vous vous posez tous et toutes ces questions et jây rĂ©ponds dans cet article, grĂące Ă ce tĂ©moignage vous allez en savoir plus sur la dĂ©marche Ă entreprendre et cesser de vous sentir seule. Je suis trop en demande avec mon ex Je vous explique ma situation un peu complexe Mon ex mâa quittĂ© en octobre aprĂšs 6 mois de relation. On s est rencontrĂ© sur internet, elle sortait dune relation trĂšs longue ou elle sest fait quitter alors quâelle voulait des enfants. Moi jâĂ©tais cĂ©libataire depuis pas mal de temps et quand je lâai rencontrĂ© jâai de suite voulu me poser avec elle et je me suis battu pour lui donner lâenvie de sâengager bien quâelle ait peur. Elle Ă©tait toujours sur les sites de rencontres mais ne discutait plus, juste par curiositĂ©. Moi entendant et sachant ca jâĂ©tais en demande et oppressant⊠alors que quand nous pensions Ă autre chose, nous passions de super moments. Elle mâa avouĂ© lors de la rupture que ses sentiments faisaient le yoyo. On se voyait pourtant tous les jours, allions nous installer ensemble mais elle me montrait tellement de signaux nĂ©gatif internet etc. câest quelquâun de trĂšs cĂ©rĂ©brale, qui rĂ©flĂ©chit beaucoup, qui nâaime pas les relations fusionnelles de peur que ce soit acquis, cherchant une Ă©vidence etc que jâĂ©tais pas moi-mĂȘme et un coup lĂ©ger un coup chiant. Apres cette 1ere sĂ©paration, Nous nous sommes revu 15 jours aprĂšs mais je suis vite redevenu oppressant, cherchant toujours des explications et des excuses je parle et communique beaucoup et elle trĂšs peu, et pourtant elle est psy mais a une carapace.. Nous nous sommes quittĂ©s de nouveau mi-dĂ©cembre, en me disant quâelle nâavait plus de sentiments et quâelle voulait couper les ponts, que ça ne marchera jamais. Elle mâa Ă©crit pour me souhaiter un joyeux noĂ«l et une bonne annĂ©e alors que jâĂ©tais en SR. AprĂšs lui avoir envoyĂ© un mail anodin jâai senti quâelle Ă©tait heureuse davoir de mes nouvelles, me posant plein de questions sur ce qui sâĂ©tait passĂ© pendant mes 3 semaines, me disant que malgrĂ© tout ça elle pensait beaucoup Ă nous etc. Au dĂ©but de lâannĂ©e je lui ai proposĂ© de se revoir et elle Ă©tait je pense toute contente ! Apres avoir interrompu la soirĂ©e au bout de 4 h alors quâelle voulait aller danser et passer la nuit avec moi elle a Ă©tĂ© frustrĂ© et a de suite vu que je lâavais fait exprĂšs ! Nous nous sommes revu rĂ©guliĂšrement, mais elle se mettait une grande pression pour que ses sentiments reviennent. Un coup elle allait bien un coup elle allait mal. Quand je lui ai proposĂ© un weekend tous les 2, un coup elle disait oui un coup non⊠Câest clair, mon ex a peur de sâengager pendant cette pĂ©riode oĂč on sâest revus alors quâon Ă©tait Ă nouveau sur les sites de rencontre, jâai eu du mal Ă gĂ©rer ca et lui ai reprochĂ© quâelle prĂ©fĂ©rait rencontrer quelquâun de nouveau plutĂŽt que de passer un moment avec moi et dâessayer. Un soir alors quâelle avait un rencard, je lui ai dit que si on se voyait pas aprĂšs et quâon ne passait pas la soirĂ©e ensemble, on se reverrait plus car je serai vexĂ© et je nâaurai aucune valeur Ă ses yeux et on s est vu alors que son rdv sĂ©tait soit disant ni mal ni bien passĂ© et on a passĂ© une super soirĂ©e complice mais dĂšs le lendemain elle cogitait de nouveau. » Cette histoire vous est peut ĂȘtre familiĂšre car elle ressemble Ă la vĂŽtre, mais aussi Ă des milliers de personnes qui souhaite se remettre en couple avec une ex. TrĂšs rapidement, il y a eu cette diffĂ©rence entre celui qui veut quelque chose de sĂ©rieux trop rapidement et celle qui sort dâune relation difficile qui a besoin de temps et dâespace et tout de suite ressent une pression incroyable malgrĂ© le fait quâelle soit attirĂ©e. Le fait de se voir tous les jours et de vouloir sâinstaller ensemble en pensant que cela arrangera les choses nâest pas Ă faire. Quand il y a un problĂšme dans le couple il faut dâabord le rĂ©gler plutĂŽt que de faire des projets trop important comme se marier, avoir un enfant ou emmĂ©nager ensemble en espĂ©rant que cela fasse cesser les conflits. Le fait de se mettre en demande est nĂ©gatif car il nây a aucun changement qui peut pousser lâex Ă revenir et surtout ne prend pas le temps de rĂ©flĂ©chir Ă la problĂ©matique de fond, ce besoin affectif et ce manque de confiance en soi. Christian a bien cernĂ© le fait quâil Ă©tait trop oppressant » pourtant il nâa rien fait pour y remĂ©dier. Je sais que vous, qui ĂȘtes dans cette situation, vous connaissez surement la cause des doutes de votre ex mais il ne faut pas sâarrĂȘter lĂ et mettre des actions en place pour y remĂ©dier convenablement. Lorsquâon se dit mon ex a peur de sâengager avec moi, câest quâil existe un blocage et il faut le comprendre pour le lever au lieu de vouloir faire des projets ou pire encore poser des ultimatums. Mon ex a du mal Ă sâengager et je suis trop oppressant » Par la suite jâĂ©tais encore en demande et elle lâa vu⊠elle a dĂ©cidĂ© de rompre 4 semaines aprĂšs alors quâon venait de passer le weekend ensemble , quâelle Ă©tait passĂ© a autre chose , quâelle nâessayait plus que ça marche et quâelle voulait faire de nouvelles rencontres internet pour savoir si qui Ă©tait le bon moi ou un autre , quâon sĂ©tait revus peut ĂȘtre par solitude et que si elle avait rencontrĂ© quelquâun entre temps elle ne lâaurait peut-ĂȘtre pas fait . Et paradoxalement, quand nous sommes ensemble, quand elle se laisse aller au bout dâun verre ou 2 et moi aussi, nous passons de super moments, je le vois trĂšs bien dans ses yeux, elle est Ă nouveau attentionnĂ©e et heureuseâŠelle mâembrasse, me tient par la main, me parle beaucoup sur quelques doutes comme si il y avait de lâamour, la quelques part en dessous de ses craintes DerniĂšrement, aprĂšs notre derniĂšre soirĂ©e alors quâĂ la base on devait juste se voir pour sâexpliquer, on a fini par manger ensemble, rigoler et boire on a fini chez elle, elle sest blotti contre moi disant quâelle aimerait que je sois une petite souris pour ĂȘtre toujours prĂšs d elle ! Le lendemain elle me disait vouloir arrĂȘter elle en a pas dormi de la nuit. On s est alors pas revu ça fait une semaine. Mon ex ne veut pas sâengager et je ne sais pas quoi faire ! Je pense quâelle sait que je suis en demande, elle pense que je suis acquis. Jâaimerai tellement lui montrer que quâon passe de super moments et les sentiments peuvent revenir ! Ses actes surtout quand elle est pompette contredisent ses paroles, je pense quand je vois son comportement quâelle est perdu mais ses paroles quand elle cogite sont fermes On s est quittĂ© mardi matin, mercredi je lui ai proposĂ© par mail quâon ne coupe pas les ponts , quâon compte lâun pour lâautre et que ce serait dommage mais que je ne mâemballais plus et que je serai ravi de repasser un moment sans prise de tĂȘte avec elle. elle mâa rĂ©pondu le lendemain par sms quâelle nâavait pas su quoi rĂ©pondre, quâelle Ă©tait Ă©tonnĂ© que je propose ça avec ce quâelle mâavait dit , quâelle ne savait pas si câĂ©tait bon mais quâelle plus ou moins dâaccord. Du coup, dois-je encore appliquer un SR ? Mais de combien de temps sachant que celui de dĂ©cembre a durĂ© 3 semaines ? Ou juste trĂšs espacer mes messages, prendre mes distances et lui faire vivre que des bons moments en gardant une distance sans lâembrasser ni recoucher avec elle ? Je suis perdu, je ne sais pas si je dois mâeffacer ou juste prendre des distances, sachant quâelle fait des rencontres internet et quâelle est en recherche de certitudes pour savoir qui est le bon » Quand un ou une ex veut faire de nouvelles rencontres, mĂȘme si ce nâest pas simple Ă accepter câest tout simplement parce quâon ne lui offre pas son meilleur visage, on est juste devant lui/elle et pourtant il/elle prĂ©fĂšre rechercher ailleurs. Il faut se remettre en question et surtout changer son attitude pour ne pas ĂȘtre constamment en train de courir derriĂšre son ex. Il est Ă©vident que la distance est nĂ©cessaire mais elle ne suffit pas car ce nâest pas un silence radio qui a Ă©tĂ© fait mais simplement une coupure de contact. Un SR comme je lâexplique dans cet article nĂ©cessite une reconstruction personnelle et pas simplement attendre quâil/elle change dâavis et câest exactement ce quâil faut faire dans cette situation. Le fait quâil y ait eu plusieurs ruptures montre bien que le problĂšme nâest pas rĂ©solu car il faut sortir de cette dĂ©pendance affective et devenir beaucoup plus inaccessible, plus sĂ©duisant et moins oppressant avec son ex. Etant donnĂ© que la relation a Ă©tĂ© courte et surtout ponctuĂ©e de multiples sĂ©parations, mais aussi de mĂ©sententes il faut se concentrer sur la resĂ©duction et pas sur une reconquĂȘte car on risque de toujours lui proposer la mĂȘme histoire. Lâobjectif est donc de montrer plus de recul et de prendre de la hauteur. Le coach quand mon ex craint de sâengager Vladimir
Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131943 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131910 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131719 Je suis donc condamnĂ© Ă rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?Prends un peu plus femme de 25 ans te conviendra trĂšs OU la rencontrer?Des clubs ou des endroits oĂč t'es amenĂ© DE FORCE Ă prendre la parole avec des pistes, au hasard - Cours de théùtre- CafĂ©s Philos- Association / ASBL de ton choixSinon, la bonne vieille mĂ©thode Aller en soirĂ©e ...IdĂ©alement en appartement grĂące Ă des potes que tu connaisBon courage kheyou. A part si tâes un 8-9/10 lâop câest over pour toi tu pourra au mieux viser de la grosse magalax 150 kg 2/10 ou une mĂšre cĂ©libataire avec ses kirikou fais avec une chance ou un jean kevin N'importe quoi l' rencontrĂ© ma femme et maintenant mĂšre de mes deux enfants Ă 32 ans, aprĂšs avoir quittĂ© une ma femme est intelligente et Ă©quilibrĂ©e. Elle Ă©tait juste disponible ces femmes ne le sont jamais bien longtemps, je l'admets Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 132108 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131910 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131719 Je suis donc condamnĂ© Ă rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?Prends un peu plus femme de 25 ans te conviendra trĂšs dirait qu'on parle de voitures 200 000 km5Ăšme mainAirbags frontaux remplacĂ© Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131719 Je suis donc condamnĂ© Ă rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. Ă Ă l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă la pause cafĂ©, que tu parles Ă ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă trente ans comme Ă qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă la tu ne leur parles pas, Ă ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, banco. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191148 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190812 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190434 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190134 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190029 hahaha t'as perdu mectu seras une deuxiĂšme option jusqu'Ă la fin de ta vie Vous ĂȘtes matrixĂ©s par les rĂ©seaux sociaux et vos biais, c'est y a 100 ans faire sa vie avec une meuf du village voisinaujourd'hui tinder, divorce, "mĂ© va au bar mec"c'est pas parce que t'utilises le mot biais que t'es pas totalement dans l'erreur Tu rĂ©alises l'absurditĂ© de ton postulat ? Une idĂ©alisation d'un passĂ© inconnu, fantasmagorique, et une extrapolation de la sociĂ©tĂ© moderne Ă travers une vision totalement n'as aucune idĂ©e du bonheur rĂ©el d'un couple vivant il y a cent ans. Il y a autant de modĂšles de relations que de relations. Deux pĂ©gus mariĂ©s en 1910 ne vivaient pas la mĂȘme vie maritale. Le divorce n'Ă©tait pas une option, on lui prĂ©fĂ©rait volontiers la souffrance d'un mariage malheureux, aux rĂ©percutions douteuses sur la rencontrĂ© mon ex-femme et mon ex-copine dans des contextes particuliers, sans chercher Ă trouver qui que ce soit. Ăa s'est fait, c'est toute maniĂšre, ce n'est pas un sujet sur lequel nous avons une once de chance d'approcher d'une quelconque "vĂ©ritĂ©".Oublie les statistiques, les idĂ©es reçues. Ce sont des gens, que tu vas rencontrer. Et tu ne peux prĂ©dire le comportement des gens. Ăa dĂ©coule de trop nombreux facteurs qui t'Ă©chapperont de TimothyDalton Des gens ayant dĂ©jĂ vĂ©cu en trouple ? SUPPRIMĂ"Je dirais bien que c'est pour un ami, mais c'est pour moi, ma femme, et la femme dont nous sommes tombĂ©s amoureux rĂ©ciproquement " j'ai pas lu ton pavĂ© et ne m'adresse plus jamais la parole J'ai beau chercher, je ne vois strictement aucun rapport avec le Ă part, peut-ĂȘtre, le fait que j'ai Ă©tĂ© capable d'ĂȘtre avec une, puis deux femmes simultanĂ©ment. Mon avis devrait donc, en toute logique, ĂȘtre d'une certaine t'adresse la parole si je veux, mon grand. Ă toi de m'ignorer si tu adores absolument la stagnation."Oh mon dieu, quelqu'un qui pense et vit diffĂ©remment... vite, fermons les yeux avant qu'il remette en question notre mode de vie !" Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131719 Je suis donc condamnĂ© Ă rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. Ă Ă l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă la pause cafĂ©, que tu parles Ă ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă trente ans comme Ă qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă la tu ne leur parles pas, Ă ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă 10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement vrai. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190727 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131719 Je suis donc condamnĂ© Ă rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?Ă l'Ă©gliseC'est bon le topic est clos stop de dĂ©battre les cucks dĂ©cadents, la question de l'op est rĂ©solue. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 133140 J'ai cĂŽtoyĂ© une fille 3 mois1er rdv elle paye sa part au resto,ensuite elle se faisait rincer tout le long, avait jamais sa carteensuite elle me disait tomber amoureuse...sauf queelle me dit qu'elle sort de 7 ans de relation, qu'elle a pas couchĂ© avec un mec depuis 1 anon se voit, on couche ensemble mais je bande pas, bref elle accepte de me revoir quand mĂȘmeen parallĂšle elle dit dĂ©velopper des sentiments pour moi, sauf que- part en rep dom et donne + de nouvelles- invite des gars et des filles dans son jaccuzzi- parle toujours Ă son ex - m'a dĂ©jĂ mentie - Daddy issue pĂšre mort- fait des shooting nue - Affiche son boule sur insta - a que des potes mecs - peur de l'engagement, sort de 7 ans de relation - Montre peu ses sentiments - Parle sans cesse de ses prouesses sexuelles - Approuve le fait que sa copine se fasse tourner par 3 mecs, dit ouvertement que c'est son fantasme - Passe son temps Ă me dire qu'ele kiffe les mecs musclĂ©s, qu'elle veut se faire Ă©trangler par un mec musclĂ© voilĂ , aprĂšs autant de doutes sur le fait de savoir si elle jouait un jeu ou non, j'ai prĂ©fĂ©rĂ© la dĂ©gager cette compil de redflag, tu t es epargnĂ© de la souffrance, t as fait le bon choix Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191545 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131719 Je suis donc condamnĂ© Ă rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. Ă Ă l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă la pause cafĂ©, que tu parles Ă ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă trente ans comme Ă qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă la tu ne leur parles pas, Ă ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă 10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement sorti 200 comme nombre arbitraire. L'idĂ©e de base, c'est qu'il est plus facile de rencontrer des personnes et donc des femmes, et donc potentiellement LA femme Ă des soirĂ©es Ă©tudiantes, parce que ces soirĂ©es sont plus nombreuses, que t'es entourĂ© de tes potes pour te chauffer et que l'alcool aide Ă dĂ©sinhiber, que dans une soirĂ©e "d'adulte" chiante en atelier cuisine ou cours de salsa oĂč gĂ©nĂ©ralement tu dĂ©barque tout seul. Et si t'es pas avenant et avec un grand sens social de base, ces soirĂ©es d'adultes serviront juste Ă passer le temps. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 192046 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191545 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131719 Je suis donc condamnĂ© Ă rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. Ă Ă l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă la pause cafĂ©, que tu parles Ă ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă trente ans comme Ă qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă la tu ne leur parles pas, Ă ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă 10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement sorti 200 comme nombre arbitraire. L'idĂ©e de base, c'est qu'il est plus facile de rencontrer des personnes et donc des femmes, et donc potentiellement LA femme Ă des soirĂ©es Ă©tudiantes, parce que ces soirĂ©es sont plus nombreuses, que t'es entourĂ© de tes potes pour te chauffer et que l'alcool aide Ă dĂ©sinhiber, que dans une soirĂ©e "d'adulte" chiante en atelier cuisine ou cours de salsa oĂč gĂ©nĂ©ralement tu dĂ©barque tout seul. Et si t'es pas avenant et avec un grand sens social de base, ces soirĂ©es d'adultes serviront juste Ă passer le sort de 9 ans de relation donc il a probablement entre 25 et 30 ans, qu'est ce qu'il irait branler a une soirĂ©e Ă©tudiante ? Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191608 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190727 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131719 Je suis donc condamnĂ© Ă rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?Ă l'Ă©gliseC'est bon le topic est clos stop de dĂ©battre les cucks dĂ©cadents, la question de l'op est le topic n'est pas rĂ©solu!!!!!!!!!!Ă l'Ă©glise j'y ai Ă©tĂ©!!!! y a que des grands mĂšres Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 194042 encorebanni2319 a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 192046 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191545 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131719 Je suis donc condamnĂ© Ă rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. Ă Ă l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă la pause cafĂ©, que tu parles Ă ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă trente ans comme Ă qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă la tu ne leur parles pas, Ă ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă 10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement sorti 200 comme nombre arbitraire. L'idĂ©e de base, c'est qu'il est plus facile de rencontrer des personnes et donc des femmes, et donc potentiellement LA femme Ă des soirĂ©es Ă©tudiantes, parce que ces soirĂ©es sont plus nombreuses, que t'es entourĂ© de tes potes pour te chauffer et que l'alcool aide Ă dĂ©sinhiber, que dans une soirĂ©e "d'adulte" chiante en atelier cuisine ou cours de salsa oĂč gĂ©nĂ©ralement tu dĂ©barque tout seul. Et si t'es pas avenant et avec un grand sens social de base, ces soirĂ©es d'adultes serviront juste Ă passer le sort de 9 ans de relation donc il a probablement entre 25 et 30 ans, qu'est ce qu'il irait branler a une soirĂ©e Ă©tudiante ?ArrĂȘte d'ĂȘtre con et concentre toi 10 parle justement du fait qu'il est plus facile de rencontrer des personnes en soirĂ©es Ă©tudiantes, et par extension pendant les Ă©tudes, qu'une fois dans la vie d'adulte, avec le boulot et compagnie. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 192046 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191545 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131719 Je suis donc condamnĂ© Ă rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. Ă Ă l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă la pause cafĂ©, que tu parles Ă ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă trente ans comme Ă qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă la tu ne leur parles pas, Ă ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă 10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement sorti 200 comme nombre arbitraire. L'idĂ©e de base, c'est qu'il est plus facile de rencontrer des personnes et donc des femmes, et donc potentiellement LA femme Ă des soirĂ©es Ă©tudiantes, parce que ces soirĂ©es sont plus nombreuses, que t'es entourĂ© de tes potes pour te chauffer et que l'alcool aide Ă dĂ©sinhiber, que dans une soirĂ©e "d'adulte" chiante en atelier cuisine ou cours de salsa oĂč gĂ©nĂ©ralement tu dĂ©barque tout seul. Et si t'es pas avenant et avec un grand sens social de base, ces soirĂ©es d'adultes serviront juste Ă passer le chiante ? Question de perspective. Je vois pas ce qu'il y a de si exaltant Ă ces soirĂ©es Ă trois neurones et cinq grammes, oĂč le but est de faire le plus de conneries possible, de rĂ©duire au maximum son espĂ©rance de vie pour fuir l'idĂ©e que le temps nous soirĂ©es bondĂ©es ne m'attirent pas. J'ai dĂ©jĂ donnĂ©, c'Ă©tait sympa Ă quinze chacun ses Ă©tudiantes ne sont pas du tout le type de femmes que je recherche. Je prĂ©fĂšre des femmes qui ont un peu de vĂ©cu, et qui savent ce qu'elles veulent, et ce qu'elles ne veulent dĂ©jĂ Ă©tĂ© mariĂ©, j'ai dĂ©jĂ vĂ©cu en maison avec mon ex-femme. C'est pas pour me trouver une Ă©tudiante qui vit encore Ă moitiĂ© chez ses que je suis cĂ©libataire, j'ai eu une occasion d'ĂȘtre en relation, et j'ai refusĂ©. La fille Ă©tait trĂšs bien, mais nous n'avions pas les mĂȘmes perspectives relationnelles, alors je n'ai pas voulu engager quelque chose qui aurait pu nous faire mutuellement caser n'est pas une fin en soi. C'est quelque chose de beau quand on construit avec quelqu'un qui nous rend encore plus heureux, encore avoir besoin de ça pour son bonheur, c'est ne jamais avoir appris Ă vivre avec sais que c'est pas Ă©vident, j'apprends ça depuis que je suis cĂ©libataire, et j'y arrive chaque jour un peu Ă©tĂ© en couple de mes dix-sept Ă mes vingt-sept ans. Je suis devenu un adulte en Ă©tant pas du tout envie de me jeter dans n'importe quelle relation. Je dĂ©sire ĂȘtre en paix. Et Ă©ventuellement, si je rencontre quelqu'un qui m'intĂ©resse, je songerai Ă construire avec. Mais il y a d'autres richesses dans la puis bordel, on n'a mĂȘme pas encore trente ans. On n'est plus en 1900, oĂč t'Ă©tais mariĂ© et parent Ă vingt-et-un ans. Les Ă©tudes durent de plus en plus des potes qui ont se sont finalement casĂ©s Ă 30, 33, mĂȘme 40 ans, et qui ont eu un enfant par la qui devra arriver arrivera, vous n'avez aucun contrĂŽle lĂ -dessus. Acceptez-le dĂšs aujourd'hui, et ça ira mieux. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 194118 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191608 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190727 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131719 Je suis donc condamnĂ© Ă rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?Ă l'Ă©gliseC'est bon le topic est clos stop de dĂ©battre les cucks dĂ©cadents, la question de l'op est le topic n'est pas rĂ©solu!!!!!!!!!!Ă l'Ă©glise j'y ai Ă©tĂ©!!!! y a que des grands mĂšresC'est surtout qu'on aspire pas tous Ă une vie chrĂ©tienne. Mais ça, y'a plein de gens ici qui ont du mal Ă le comprendre. Qui sont entĂȘtĂ©s dans leur vision du monde, qui pensent que c'est la seule qui existe. SĂ©lection naturelle, fallait l'engrosser aprĂšs 6 mois de relations T'as jouĂ©, t'as pris ton temps et t'as perdu Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 194506 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 192046 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191545 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131719 Je suis donc condamnĂ© Ă rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. Ă Ă l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă la pause cafĂ©, que tu parles Ă ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă trente ans comme Ă qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă la tu ne leur parles pas, Ă ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă 10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement sorti 200 comme nombre arbitraire. L'idĂ©e de base, c'est qu'il est plus facile de rencontrer des personnes et donc des femmes, et donc potentiellement LA femme Ă des soirĂ©es Ă©tudiantes, parce que ces soirĂ©es sont plus nombreuses, que t'es entourĂ© de tes potes pour te chauffer et que l'alcool aide Ă dĂ©sinhiber, que dans une soirĂ©e "d'adulte" chiante en atelier cuisine ou cours de salsa oĂč gĂ©nĂ©ralement tu dĂ©barque tout seul. Et si t'es pas avenant et avec un grand sens social de base, ces soirĂ©es d'adultes serviront juste Ă passer le chiante ? Question de perspective. Je vois pas ce qu'il y a de si exaltant Ă ces soirĂ©es Ă trois neurones et cinq grammes, oĂč le but est de faire le plus de connerie possible, de rĂ©duire au maximum son espĂ©rance de vie pour fuir l'idĂ©e que le temps nous soirĂ©es bondĂ©es ne m'attirent pas. J'ai dĂ©jĂ donnĂ©, c'Ă©tait sympa Ă quinze chacun ses Ă©tudiantes ne sont pas du tout le type de femmes que je recherche. Je prĂ©fĂšre des femmes qui ont un peu de vĂ©cu, et qui savent ce qu'elles veulent, et ce qu'elles ne veulent dĂ©jĂ Ă©tĂ© mariĂ©, j'ai dĂ©jĂ vĂ©cu en maison avec mon ex-femme. C'est pas pour me trouver une Ă©tudiante qui vit encore Ă moitiĂ© chez ses que je suis cĂ©libataire, j'ai eu une occasion d'ĂȘtre en relation, et j'ai refusĂ©. La fille Ă©tait trĂšs bien, mais nous n'avions pas les mĂȘmes perspectives relationnelles, alors je n'ai pas voulu engager quelque chose qui aurait pu nous faire mutuellement caser n'est pas une fin en soi. C'est quelque chose de beau quand on construit avec quelqu'un qui nous rend encore plus heureux, encore avoir besoin de ça pour son bonheur, c'est ne jamais avoir appris Ă vivre avec sais que c'est pas Ă©vident, j'apprends ça depuis que je suis cĂ©libataire, et j'y arrive chaque jour un peu Ă©tĂ© en couple de mes dix-sept Ă mes vingt-sept ans. Je suis devenu un adulte en Ă©tant pas du tout envie de me jeter dans n'importe quelle relation. Je dĂ©sire ĂȘtre en paix. Et Ă©ventuellement, si je rencontre quelqu'un qui m'intĂ©resse, je songerai Ă construire avec. Mais il y a d'autres richesses dans la puis bordel, on n'a mĂȘme pas encore trente ans. On n'est plus en 1900, oĂč t'Ă©tais mariĂ© et parent Ă vingt-et-un ans. Les Ă©tudes durent de plus en plus des potes qui ont se sont finalement casĂ©s Ă 30, 33, mĂȘme 40 ans, et qui ont eu un enfant par la qui devra arriver arrivera, vous n'avez aucun contrĂŽle lĂ -dessus. Acceptez-le dĂšs aujourd'hui, et ça ira mais heureusement qu'Ă 30 berges t'as pas envie de te caler avec une Ă©tudiante de 18 ans."Je parle justement du fait qu'il est plus facile de rencontrer des personnes en soirĂ©es Ă©tudiantes, et par extension pendant les Ă©tudes, qu'une fois dans la vie d'adulte, avec le boulot et compagnie." Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 194730 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 194506 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 192046 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191545 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 131719 Je suis donc condamnĂ© Ă rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. Ă Ă l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă la pause cafĂ©, que tu parles Ă ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă trente ans comme Ă qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă la tu ne leur parles pas, Ă ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă 10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement sorti 200 comme nombre arbitraire. L'idĂ©e de base, c'est qu'il est plus facile de rencontrer des personnes et donc des femmes, et donc potentiellement LA femme Ă des soirĂ©es Ă©tudiantes, parce que ces soirĂ©es sont plus nombreuses, que t'es entourĂ© de tes potes pour te chauffer et que l'alcool aide Ă dĂ©sinhiber, que dans une soirĂ©e "d'adulte" chiante en atelier cuisine ou cours de salsa oĂč gĂ©nĂ©ralement tu dĂ©barque tout seul. Et si t'es pas avenant et avec un grand sens social de base, ces soirĂ©es d'adultes serviront juste Ă passer le chiante ? Question de perspective. Je vois pas ce qu'il y a de si exaltant Ă ces soirĂ©es Ă trois neurones et cinq grammes, oĂč le but est de faire le plus de connerie possible, de rĂ©duire au maximum son espĂ©rance de vie pour fuir l'idĂ©e que le temps nous soirĂ©es bondĂ©es ne m'attirent pas. J'ai dĂ©jĂ donnĂ©, c'Ă©tait sympa Ă quinze chacun ses Ă©tudiantes ne sont pas du tout le type de femmes que je recherche. Je prĂ©fĂšre des femmes qui ont un peu de vĂ©cu, et qui savent ce qu'elles veulent, et ce qu'elles ne veulent dĂ©jĂ Ă©tĂ© mariĂ©, j'ai dĂ©jĂ vĂ©cu en maison avec mon ex-femme. C'est pas pour me trouver une Ă©tudiante qui vit encore Ă moitiĂ© chez ses que je suis cĂ©libataire, j'ai eu une occasion d'ĂȘtre en relation, et j'ai refusĂ©. La fille Ă©tait trĂšs bien, mais nous n'avions pas les mĂȘmes perspectives relationnelles, alors je n'ai pas voulu engager quelque chose qui aurait pu nous faire mutuellement caser n'est pas une fin en soi. C'est quelque chose de beau quand on construit avec quelqu'un qui nous rend encore plus heureux, encore avoir besoin de ça pour son bonheur, c'est ne jamais avoir appris Ă vivre avec sais que c'est pas Ă©vident, j'apprends ça depuis que je suis cĂ©libataire, et j'y arrive chaque jour un peu Ă©tĂ© en couple de mes dix-sept Ă mes vingt-sept ans. Je suis devenu un adulte en Ă©tant pas du tout envie de me jeter dans n'importe quelle relation. Je dĂ©sire ĂȘtre en paix. Et Ă©ventuellement, si je rencontre quelqu'un qui m'intĂ©resse, je songerai Ă construire avec. Mais il y a d'autres richesses dans la puis bordel, on n'a mĂȘme pas encore trente ans. On n'est plus en 1900, oĂč t'Ă©tais mariĂ© et parent Ă vingt-et-un ans. Les Ă©tudes durent de plus en plus des potes qui ont se sont finalement casĂ©s Ă 30, 33, mĂȘme 40 ans, et qui ont eu un enfant par la qui devra arriver arrivera, vous n'avez aucun contrĂŽle lĂ -dessus. Acceptez-le dĂšs aujourd'hui, et ça ira mais heureusement qu'Ă 30 berges t'as pas envie de te caler avec une Ă©tudiante de 18 ans."Je parle justement du fait qu'il est plus facile de rencontrer des personnes en soirĂ©es Ă©tudiantes, et par extension pendant les Ă©tudes, qu'une fois dans la vie d'adulte, avec le boulot et compagnie."Oui, mais encore une fois...Rencontrer, oui, ça veut pas dire que tu passeras ta vie plus de chance d'enchaĂźner les relations superficielles, surtout dans la tranche Ă©tudiante. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 194608 SĂ©lection naturelle, fallait l'engrosser aprĂšs 6 mois de relations T'as jouĂ©, t'as pris ton temps et t'as perdu Pour Ă©lever ton enfant Ă mi-temps ? Ah bah oui. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 194917 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă 194608 SĂ©lection naturelle, fallait l'engrosser aprĂšs 6 mois de relations T'as jouĂ©, t'as pris ton temps et t'as perdu Pour Ă©lever ton enfant Ă mi-temps ? Ah bah d'etudier en 2022, bon esclave du systĂšme
Xi k . /i 40 fri â MĂMOIRES DU GĂNĂRAL RAPP, AIDE-DE-CAMP DE NAPOLĂON, ECRITS PAU LUI-MEME, BT PUBLIĂS PAR SA O tlĂŻ pJytectt^ Edition originale . a PARIS 1823. Bossajvge, frĂšres. F. Didot, pĂšre et fils. a FRANCFORT sur le Meih. J. D. a T „ AVERTISSEMENT. Ces MĂ©moires n Ă©taient pas dâabord destinĂ©s Ă lâimpression. CâĂ©tait une esquisse, une sĂ©rie dâanecdotes que le gĂ©nĂ©ral Ă©crivait pour lui-mĂȘme. Il cherchait Ă se consoler de nos malheurs; il recueillait ses souvenirs. La reconnaissance acheva un travail entrepris par lâennui. Une foule de braves qui avaient concouru Ă la dĂ©fense de Dantzic demandaient .quâon rendit Ă leur courage la justice dont les Ă©vĂ©nements les avaient privĂ©s. Le gĂ©nĂ©ral rĂ©solut de le faire de la maniĂšre qui lui parut la plus propre Ă les venger de cet oubli. Il refondit ses MĂ©moires, et en fit en quelque sorte le personnel de ceux qui sâĂ©taient le plus distinguĂ©s par leur bravoure. Un Ă©crit avait Ă©tĂ© livrĂ© Ă la librairie comme un don du gĂ©nĂ©ral, auquel on lâattribuait. Le rang de celui qui sâen disait le donataire avait dĂ» en imposer Ă lâĂ©diteur, qui lâimprimait sous le titre de MĂ©moires du gĂ©nĂ©ral Rapp. Cette circonstance nous a dĂ©terminĂ©s Ă publier les vĂ©ritables. Nous les livrons au public tels que le gĂ©nĂ©ral les avait arrĂȘtĂ©s. MĂMOIRES DU GĂNĂRAL RAPP, PREMIER AIDE-DE-CAMP DE NAPOLĂON. CHAPITRE PREMIER. Je nâai pas la prĂ©tention dâĂȘtre un personnage historique mais jâai approchĂ© long-temps dâun homme dont on a indignement travesti le caractĂšre, jâai commandĂ© a des braves dont les services sont mĂ©connus; lâun ma comblĂ© de biens, les autres mâeussent donnĂ© leur vie je ne dois pas lâoublier. Je servais depuis plusieurs annĂ©es ; je donnais obscurĂ©ment quelques coups de sabre, comme cela se pratique quand on est subalterne. Je fus a la lin assez heureux pour ĂȘtre remarquĂ© par le gĂ©nĂ©ral Desaix. Notre avant-garde en dĂ©sordre Ă©tait vivement ramenĂ©e , Jâaccourus avec une centaine de hussards ; nous chargeĂąmes les Autrichiens, et nous rĂ©ussĂźmes a les mettre en fuite. Nous Ă©tions presque tous rouverts de blessures, mais nous 1 2 MĂ©moires en fĂ»mes bien dĂ©dommagĂ©s par les Ă©loges que nous reçûmes. LĂ© gĂ©nĂ©ral daigna mâengager Ă prendre soin de moi, et me fit dĂ©livrer lâattestation la plus flatteuse que jamais soldat ait obtenue. Je note cette circonstance, non parce quâelle me valut lĂ©s Ă©paulettes, mais parce quâelle me concilia lâamitiĂ© de ce grand nomme, et quâelle fut lâorigine de ma fortune. Lâattestation Ă©tait ainsi conçue ArmĂ©e de Rhin et Moselle. âAu quartier gĂ©nĂ©ral Ă Blotsheim, le 3o fructidor, an 3 de la rĂ©publique française, une et indivisible. ,, Je soussignĂ©, gĂ©nĂ©ral de division commandant lâaile droite de ladite armĂ©e, certifie que le citoyen Jean Rapp, lieutenant au dixiĂšme rĂ©giment de chasseurs a cheval, a servi sous mes ordres avec ledit rĂ©giment pendant les deux derniĂšres campagnes ; que dans toutes les occasions il a donnĂ© des preuves dâune intelligence rare, dâun sang-froid Ă©tonnant, et dâune bravoure digne dâadmiration; quâil a Ă©tĂ© blessĂ© trĂšs griĂšvement a trois .reprises diffĂ©rentes, et que notamment le 9 prairial de lâan 2 , a la tĂȘte dâune compagnie de chasseurs, il sâest prĂ©cipitĂ© sur une colonne de hussards ennemis, plus que quintuple, avec un dĂ©vouement si intrĂ©pide, quâil calbuta cette masse redoutable, protĂ©gea la retraite dâune partie de nos troupes, et remporta lâhonneur de la journĂ©e. On ne peut trop regretter que, victime de son ĂŒĂšle, il ait Ă©tĂ© blessĂ© trĂšs dangereusement et de maniĂšre a ne pouvoir plus se servir de son bras. Il est trop 3 du gĂ©nĂ©ral Rapp. digue de la reconnaissance nationale pour ne pas mĂ©riter dâĂȘtre honorablement employĂ© dans une place, si un service plus actif nâest plus en son pouvoir. Jâatteste crue le citoyen Rapp emporte avec lui lâamitiĂ© et lâestime de tous ceux qui le connaissent. â Desaix, â Devenu aide-de-camp du modeste vainqueur dâOffenbourg, je iis auprĂšs de lui les campagnes dâAllemagne et dâEgypte. Jâobtins successivement le grade de chef dâĂ©scadron a SĂ©- diman, oĂč jâeus le bonheur, h La tĂšte de deux cents braves, dâenlever le reste de lâartillerie des Turcs; et de colonel h Samanhout sous les ruines de ThĂšbes^ Je fus griĂšvement blessĂ© dans cette derniĂšre affaire, mais aussi je fus citĂ© bien honorablement dans les relations du gĂ©nĂ©ral en chef. A la mort du brave Desaix, tuĂ© h Marengo au moment oĂč il dĂ©cidait la victoire, le premier consul daigna mâattacher a sa personne. JâhĂ©ritai de sa bienveillance pour le 4 conquĂ©rant de la haute Egypte. Jâeus dĂšs lors quelque consistance ; mes rapports d evinrent plus Ă©tendus. Du zĂšle, de la frauchise, quelque aptitude aux armes, me mĂ©ritĂšrent sa confiance. 11 a souvent dit a ses alentours quâil Ă©tait difficile dâavoir plus de bon sens naturel et de discernement que Rapp. On me rĂ©pĂ©tait ces Ă©loges, et jâavoue que jâen Ă©tais flattĂ© si câest une faiblesse, quâon me la pardonne; chacun aies siennes. Je me serais fait tuer pour lui prouver ma reconnaissance, il le savait aussi repĂ©tait-il frĂ©quem- 1 . 4 MĂ©moires ment a mes amis que jâĂ©tais un frondeur, une mauvaise tĂȘte, mais que jâavais un bon coeur. Il me tutoyait, ainsi que Lannes ; quand il nous appelait vous ou Monsier le gĂ©nĂ©ral, no us Ă©tions inquiets, nous Ă©tions sĂ»rs dâavoir Ă©tĂ© desservis. Il avait la faiblesse dâattacher de lâimportance a une police de caquetage, qui ne lui faisait la plupart du temps que de faux rapports. Cette mĂ©prisable police ! elle a empoisonnĂ© sa vie ; elle lâa souvent aigri contre ses amis, ses proches, contre sa propre Ă©pouse. NapolĂ©on faisait peu de cas de la bravoure; il la regardait comme une qualitĂ© ordinaire, commune a tous les Français lâintrĂ©piditĂ© seule Ă©tait quĂšlque chose a ses yeux; aussi passait-, il tout a un intrĂ©pide. CâĂ©tait son expression quand quelquâun sollicitait une grĂące , soit aux audiences , soit aux revues , il ne manquait jamais de lui demander sâil avait Ă©tĂ© blessĂ©. Il prĂ©tendait que chaque blessure Ă©tait un quartier de noblesse. Il honorait, il rĂ©compensait cette espĂšce dâillustration il savait pourquoi. Cependant il sâaperçut bientĂŽt quelle nâallait pas aux antichambres, et les ouvrit a l'ancienne caste. Cettej prĂ©fĂ©rance nous dĂ©plut il le remarqua, et nous en sut mauvais grĂ©. ,,Je vois ,,bien, me dit-il un jour, que ces nobles que je ,,place dans ma maison vous donnent de lâom- âbrage.â Jâavais pourtant assez bien mĂ©ritĂ© du privilĂšge. Jâavais fait rayer de la liste des Ă©migrĂ©s plusieurs gentilshommes; jâavais procurĂ© des places aux uns, donnĂ© de lâargent, fait des pensions aus autres; quelques uns sâen souviennent, la plupart lâont oubliĂ©. A la bonne heure ; ma caisse est fermĂ©e depuis le retour du roi. V du gĂ©nĂ©rai Rapp. 5 Aussibien nâĂ©tait-ce pas de la reconnaissance ÂŁ que je cherchais. Je voulais soulager lâinfortune; mais je ne voulais pas que les Ă©migres vinssent sâinterposer entre nous et le grand homme que nous avions Ă©levĂ© sur le pavois. Jâavais oubliĂ© cette scĂšne dĂ©sagrĂ©able mais NapolĂ©on nâoubliait pas les choses pĂ©nibles qui lui Ă©chappaient; il avait beau chercher a se montrer sĂ©vĂšre, la nature Ă©tait plus forte, sa bontĂ© l'emportait toujours. Il me lit appeler; il me parla de noblesse, dâĂ©migration, et revenant tout âa coup a la scĂšne quâil mâavait faite, ,,Vous croyez donc que jâai de la prĂ©dilection pour ces gens-la! vous vous trompe*. ,,Je mâen sers; mais vous savez pourquoi car ^ ,,enfin suis-je noble moi, mauvais gentilhomme ,,corse ? â Ni moi, ni lâarmĂ©e, lui rĂ©pliquai-je, ne ,,nous sommes jamais informĂ©s de votre origine. ,,Vos actions nous suffisent.â Je rendis compte i de cette conversation a plusieurs de mes amis, entre autres aux gĂ©nĂ©raux Mouton de Lauriston. La plupart de ces mĂȘmes nobles prĂ©tendent cependant quâils ont cĂ©dĂ© a la violence. Rien nâest plus faux. Je nâen connais que deux qui aient reçu des brevets de chambellans sans les avoir demandĂ©s. Quelques autres ont refusĂ© des offres avantageuses; mais, a ces exceptions prĂšs, tous sollicitaient, priaient, importunaient. CâĂ©tait un concert de zĂšle et $ dâabandon dont on nâa pas dâexemple. Le plus chĂ©tif emploi, les functions les plus humbles, rien ne les rebutait ; on eĂ»t dit que câĂ©tait a la vie et a la mort. Si jamais quelque main infidĂšle se glisse dans les cartons de MM. Tal- leyrand, Montesquiou, SĂ©gur, Duroc, etc., de I 6 MĂ©moires quelles expressions brĂ»lantes elle enrichira le langage du dĂ©vouement ! Ils rivalisent aujourdâhui de haines et dâinvectives. La chose est bien naturelle sâils avaient en effet pour lui la haine profonde quâils tĂ©moignent, il faut convenir que pendant quinze ans quâils furent a ses pieds ils ont dĂ» se faire une Ă©trange violence. Et pourtant toute lâEurope le sait! Ă lâaisance de leurs maniĂšres, a la continuitĂ© de leur sourire, a la souplessĂ© de leurs rĂ©vĂ©rences , on eĂ»t dit quâils y allaient de coeur et que cela leur coĂ»tait bien peu. du gĂ©nĂ©ral Rapp, 7 CHAPITRE IL Beaucoup de gens dĂ©peignent NapolĂ©on connue un homme violent, dur et emportĂ© câest qu ils ne Font jamais approchĂ©. Sans doute , absorbĂ© comme il lâĂ©tait par les affaires, contrariĂ© dans ses vues, entravĂ© dans ses projets, il avait ses impatiences et ses inĂ©galitĂ©s. Cependant il Ă©tait si bon, si gĂ©nĂ©reux, quâil se fĂ»t bientĂŽt calmĂ© mais, loin de lâapaiser, les confidents de ses ennuis ne faisaient quâexciter sa colĂšre. âVotre MajestĂ© a raison, lui disaient - ils un tel a mĂ©ritĂ© dâĂȘtre fusillĂ© ou destituĂ©, renvoyĂ© ou disgracie.*.. Je savais depuis long-temps quâil Ă©tait votre ennemi. II faut des exemples ; ils sont nĂ©cessaires au maintien de la tranquillitĂ©. â Sâagissait-il de lever des contributions sur le pays ennemi, NapolĂ©on demandait, je suppose, vingt millions on lui conseillait dâen exiger dix de plus. Les contributions Ă©taient-elles acquittĂ©es, ,,II faut, lui disait-on, que Yotre MajestĂ© mĂ©nage son trĂ©sor, quelle fasse vivre ses troupes aux dĂ©pens des pays conquis, ou les laisse en subsistance sur le territoire de la confĂ©dĂ©ration. â Etait - il question de lever deux cent mille conscrits, on lui persuadait dâen demander trois cent mille ; de liquider un crĂ©ancier dontle droit Ă©tait incontestable, on lui insinuait des doutes sur la lĂ©gitimitĂ© de la crĂ©ance, on lui faisait rĂ©duire a moitiĂ©, au tiers, souvent a rien, le montant de la rĂ©clamation, 8 MĂ©moires Parlait-il de faire la guerre, on applaudissait Ă cette gĂ©nĂ©reuse rĂ©solution la guerre seule enrichissait la France ; il fallait Ă©tonner le monde, et lâĂ©tonner dâune maniĂšre digne de la grande nation. Voila comment, en provoquant, en encourageant des vues, des entreprises encore incertaines, on lâa prĂ©cipitĂ© dans des guerres continuelles. Voila commenton est parvenu a imprimer a son rĂšgne un air de violence qui n Ă©tait point dans son caractĂšre et dans ses habitudes elles Ă©taient tou t-Ăą-fait dĂ©bonnaires. Jamais homme ne fut plus enclin a lâindulgence, et plus sensible a la voix de lâhumanitĂ©. Je pourrais en citer mille exemples je me borne au suivant. George etses complices avaient, Ă©tĂ© condamnĂ©s. JosĂ©phine intercĂ©da pour MM. Polignac, Murat pour M. de RiviĂšre ils rĂ©ussirent lâun et lâautre. Le jour de lâexĂ©cution, le banquier SchĂ©- rer accourut tout en pleurs a Saint-Clond il demanda a me parler. CâĂ©tait pour que je sollicitasse la grĂące de son beau-frĂšre, M. de Russil- lon, ancien major suisse, qui se trouvait impliquĂ© dans cette affaire. Il Ă©tait accompagnĂ© de quelques uns de ses compatriotes, tous parents du condamnĂ©. Ils savaient bien, me dirent-ils, que le major avait mĂ©ritĂ© la mort; mais il Ă©tait pĂšre de famille, il tenait aux premiĂšres maisons du canton de Berne. Je cĂ©dai, et nâeus pas lieu de mâen repentir. Il Ă©tait sept heures du matin ; NapolĂ©on, dĂ©jĂ levĂ©, Ă©tait dans son cabinet avec Corvisart je me lis annoncer. ,,Sire, lui dis-je , il nây a pas ,,long- temps que Votre MajestĂ© a donnĂ© sa mĂ©- 9 du gĂ©nĂ©ral Rapp. filiation Elle saitquetous nen ont ,,pas Ă©tĂ© Ă©galement satisfaits, les Bernois surtout... Il se prĂ©sente une occasion de leur prouver que vous ĂȘtes grand et gĂ©nĂ©reux un de ,,leurs compatriotes doit ĂȘtre exĂ©cutĂ© aujourd'hui ; il tient a ce quâil y a de mieux dans le pays, ,,et certes la grĂące que vous lui accorderez fera ,,sensation, et vous y attachera beaucoup de ,,monde. â- Quel est cet homme? Comment ,,sâappelle-t-il? â Russillon.â A ce nom, il devint furieux. â ,,I1 est plus dangereux, plus ..coupable que George mĂȘme. â Je sais tout ce ,,que Votre MajestĂ© me fait lâhonneur de me ,,dire; mais les Suisses, mais sa famille, mais âses enfants, vous bĂ©niront. grĂące, ,,non pas pour lui, mais pour tant de braves ^gens qui ont assez gĂ©mi de ses sottises. â ,,Entendez-vous ?â dit-il en se tournant vers Corvisart. En mĂȘme temps, il mâarrache la pĂ©tition, lâapprouve; et me la rendant avec la mĂȘme impĂ©tuositĂ©, ,,Envoyez au plus vite âun courrier pour quâon suspende lâexĂ©cution.â On peut aisĂ©ment se figurer la joie de cette famille, qui me tĂ©moigna sa reconnaissance par la v oie des papiers publics. Russillon fut enfermĂ© avec ses complices, et obtint plus tard sa mise en libertĂ©. Il a fait, depuis le retour du roi, plusieurs voyages a Paris, sans que je lâaie vu. Il a pensĂ© que jâattachais assez peu dâimportance h ce petit service; il a eu raison. 10 MĂ©moires CHAPITRE III. Personne n'Ă©tait plus sensible, personne nâĂ©tait plus constant dans ses affections que NapolĂ©on. Il aimait tendrement sa mĂšre, il adorait son Ă©pouse, il chĂ©rissait ses soeurs , ses frĂšres, tous ses proches. Tous, exceptĂ© samĂšre, lâont abreuvĂ© dâamertumes il nâa cependant cessĂ© de leurprodiguer les biens et les honneurs, Lucien est celui qui sâest le plus opposĂ© a ses vues, qui a plus obstinĂ©ment contrariĂ© ses projets. Un jour, dans une vive discussion quâils eurent, je ne sais a quel sujet, il tira sa montre, la jeta par terre avec violence, en lui adressant ces paroles remarquables ,,Vous vous briserez ,,comme jâai brisĂ© cette montre, et un temps ,,viendra oĂč votre famille et vos amis ne sauront ,,oĂč reposer leur tĂȘte.â Il se maria quelques jours aprĂšs, sans avoir obtenu son agrĂ©ment, ni mĂȘme lui avoir fait part de son dessein. Tout cela ne lâa pas empĂȘchĂ© de lâaccueillir en 1815 a la vĂ©ritĂ©, il se fit presser; Lucien fut obligĂ© dâattendre h lâavantderniĂšre poste , mais il ne tarda pas a ĂȘtre admis. NapolĂ©on ne se bornait pas a ses proches lâamitiĂ©, les services, tout avait part a ses bienfaits. Je puis en parler par expĂ©rience. Je suis revenu dâĂgypte, alors aide-de-camp du brave gĂ©nĂ©ral Desaix, avec deux cents louis d Ă©pargnes; câĂ©tait tout ce que je possĂ©dais. A lâĂ©poque de lâabdication, jâavais quatre cent mille francs de revenus, tant en dotations, quâappointe- 11 du gĂ©nĂ©rai Rapp. ments , gratifications, irais extraordinaires, etc. Jâen ai perdu les cinq sixiĂšmes ; je ne les regrette pas ce qui me reste forme encore un assez beau contraste avec ma fortune primitive. Mais ce que je regrette, câest ce long amas de gloire acquise au prix de tant de sang et de fatigues; elle est a jamais perdue voila de quoi je suis inconsolable. Je ne suis pas le seul quâil ait comblĂ© de biens. Mille autres ont Ă©tĂ© accablĂ©s de faveurs, sans que jamais les torts que plusieurs de nous ont eus envers lui aient pu nous faire perdre sa bienveillance. Quelque forts que fussent ces griefs, il les oubliait toujours, dĂšs quâil Ă©tait convaincu que le coeur nây Ă©tait pour rien. Je pourrais citer cent exemples de son indulgence a ce t Ă©gard je me borne aux suivants. Lorsquâil prit le titre dâempereur, les changements quâil fut obligĂ© de faire dans sa maison, qui jusque-la nâavait Ă©tĂ© que militaire, dĂ©plurent a plusieurs dâentre nous ; nous Ă©tions habituĂ©s a lâintimitĂ© de ce grand homme ; la rĂ©serve que nous imposait la pourpre nous blessait. Les gĂ©nĂ©raux Reynier et Damas Ă©taient alors en disgrĂące jâĂ©tais liĂ© avec lâun et avec lâautre, et je nâavais pas lâhabitude dâabandonner mes amis malheureux. Jâavais tout fait pour dissiper les prĂ©ventions de NapolĂ©on contre ces deux officiers gĂ©nĂ©raux, sans pouvoir y rĂ©ussir. Je revins un jour a la charge au sujet de Reignier; NapolĂ©on impatientĂ© prit de lâhumeur, et me dit sĂšchement quâil ne voulait plus entendre parler de lui. JâĂ©crivis a ce brave gĂ©nĂ©ral que toutes mes dĂ©marches avaient Ă©tĂ© 12 MĂ©moires infructueuses; je lâexhortai a la patience, et jâajoutai quelques phrases dictĂ©es par le dĂ©pit. Jâeus lâimprudence de confier ma lettre a la K 3ste; elle fut ouverte et envoyĂ©e a lâempereur. la lut trois ou quatre fois, se lit apporter de mon Ă©criture pour comparer, et ne pouvait se persuader que je lâeusse Ă©crite. 11 se mit dans une colĂšre affreuse, et mâenvoya de Saint- Cloud un courrier aux Tuileries, oĂč jâĂ©tais logĂ©. Je crus ĂȘtre appelĂ© pour une mission, et partis sur-le-champ. Je trouvai Caulain- court dans le salon de service avec Cafarelli je lui demandai ce quâil y avait de nouveau. 11 connaissait dĂ©jĂ lâaffaire , il en paraissait peinĂ©; mais il ne mâen dit pas un mot. Jâentrai chez NapolĂ©on, qui, ma lettre a la main, sortait du cabinet comme un furieux. Il me regarda avec ces yeux Ă©tincelants qui ont fait trembler tant de monde. ,Connaissez - vous cette Ă©criture ? â ,,Oui, Sire. â Elle est de vous? â Oui, Sire. ââąâVous ĂȘtes le dernier que jâaurais soupçonnĂ©. ,,Pouvez-vous Ă©crire de pareilles horreurs a mes ,,ennemis? vous que jâai toujours si bien traitĂ© 1 ,,vous pour qui jâai tout fait! vous le seul de ,,mes aides-de-camp que jâai logĂ© aus Tuileries !â La porte de son cabinet Ă©tait entrâouverte ; il sâen aperçut, et alla lâouvrir tout-a-fait, afin que 1VI. Menneval, un des secrĂ©taires , entendit la scĂšne quâil me faisait. ,,Allez, me dit-il en ,,me toisant du haut en bas, vous ĂȘtes un in- ,,grat! â Non, sire; lâingratitude nâest jamais ,,entrĂ©e dans mon coeur. â Relisez cette lettre ,,il me la mit devant les yeux, et dĂ©cidez. â ,,8ire, de tous les reproches que vous pouvez ,,me faire, celui-lĂ mâest le plus sensible. du gĂ©nĂ©ral Rapp. i% ,,Puisque jâai perdu votre confiance, je ne ,,puis plus vous servie. â Oui, f.. . .e, vous ,,lâavez perdue.â Je le saluai respectueusement, et mâen allai. JâĂ©tais dĂ©cidĂ© a me retirer en Alsace. Je fis mes prĂ©paratifs de dĂ©part. JosĂ©phine mâenvoya dire de revenir et de faire des excuses Ă NapolĂ©on ; Louis me donna un conseil tout opposĂ©. Jâeusse pu mâen passer, ma rĂ©solution Ă©tait dĂ©jĂ prise. Deux jours se passĂšrent sans que jâeusse reçu de nouvelles de Saint-Cloud. Quelques amis, au nombre desquels Ă©tait le marĂ©chal BessiĂšrĂ©s , vinrent me faire visite. ,,\'ous ave/. ,,eu tort, me dit-il, vous ne pouvez en disconvenir. Le respect, la reconnaissance que âvous devez a lâempereur, vous en imposent ,,le devoir; faites-lui lâaveu de votre faute. 4 Je cĂ©dai. A peine NapolĂ©on eut-il reçu ma lettre, quâil me fit dire de monter a cheval avec lui. 11 rue bouda cependant quelque temps. Enfin, un jour, il me demanda de trĂšs bonne heure a Saint-Cloud. ,,Je ne suis plus fĂąchĂ© contre ,,toi, me dit-il avec bontĂ© tu as fait une lourde ,,sottise; je nây pense plus, tout est oubliĂ©. âMais il faut que tu te maries.â Il me nomma deux jeunes personnes quâil me dit me convenir. Le mariage se fit malheureusement il ne fut pas heureux. Bernadolte Ă©tait en pleine disgrĂące, et le mĂ©ritait. Je le trouvai a PlombiĂšres, oĂč. on lui avait permis dâaller prendre les eaux avec sa femme et son fils, et oĂč j'Ă©tais pour le mĂȘme objet. Jâai toujours aimĂ© son caractĂšre afFable et bon; je le voyais souvent; il me confia ses ennuis, et me pria de mâintĂ©resser auprĂšs de 14 MĂ©moires lâempereur, quâil nâavait jamais , disait-il, cessĂ© dâadmirer, et auprĂšs de qui il avait Ă©tĂ© calomniĂ©. Jâappris, a mon retour, que ses amis, son beau-frĂšre, madame Julie elle-mĂȘme, avaient inutilement intercĂ©dĂ© pour lui. NapolĂ©on ne voulait rien entendre ; il Ă©tait toulours plus irritĂ©. Cependant jâavais promis, il fallait tenir parole. Lâempereur se disposait a se rendre a Villiers, oĂč Murat lui donnait une fĂȘte il Ă©tait de bonne humeur ; je rĂ©solus de profiter de cette ciiâconstance. Je iis part de mon projet au marĂ©chal BessiĂšres, avec lequel je lâaccompagnais il mâen dissuada. 11 mâapprit que madame Julie Ă©tait encore venue le matin mĂȘme a la Malmaison, quâelle Ă©tait repartie tout en pleurs, quâelle nâavait rien pu obtenir. Cette circonstance nâĂ©tait pas propre a mâinspirer de la confiance; je me hasardai nĂ©anmoins. Je dis a NapolĂ©on que jâavais vu Bernadotte a Plom- biĂšrs, quâil Ă©tait triste et foi't alfectĂ© de sa disgrĂące. ,,11 proteste, ajoutai-je, quâil nâa jamais ,,cessĂ© de vous aimer et de vous ĂȘtre dĂ©vouĂ©. ,,â Ne me parle jamais de ce b....e-la; il a ,,mĂ©ritĂ© dâĂȘtre fusillĂ©et il partit au galop. Je trouvai chez Murat Joseph et son Ă©pouse je leur fis part de ma mĂ©saventure. Bernadotte lâapprit, et mâa toujours su grĂ© de ma dĂ©marche. Tous les griefs de NapolĂ©on contre ce prince ne lâempĂȘchĂšrent pas de lui pardonner plus tard; il le combla de biens et dâhonneurs. Le prince royal est a la veille de monter sur le trĂŽne, et fauteur de sa fortune exilĂ© au milieu des mers. du gĂ©nĂ©ral jRapp. 15 CHAPITRE IV. IP j en a qui prĂ©tendent que NapolĂ©on nâa jamais Ă©tĂ© brave. Un homme qui de simple lieutenant dâartillerie est devenu chef' dâune nation comme la nĂŽtre ne peut ĂȘtre dĂ©pourvu dâaucune espĂšce de courage. Au surplus, le 18 brumaire, le 5 nivĂŽse, le complot dâArena, attestent sâil en manquait. Il savait combien il avait dâennemis parmi les jacobins et les chouans cependant presque tous les soirs il sortait a pied; il se promenait dans les rues, se perdait au milieu des groupes, sans ĂȘtre jamais accompagnĂ© de plus de deux personnes. CâĂ©taient ordinairement Lannes, Duroc, Bes- siĂšres, ou quelques uns de ses aides-de-camp, qui le suivaient dans ces courses nocturnes. Ce fait nâĂ©tait ignorĂ© de personne a Paris. On nâa jamais bien connu dans le public lâaffaire de la machine infernale. La police avait prĂ©venu NapolĂ©on quâon cherchait a attenter a sa vie, et lui avait conseillĂ© de ne pas sortir. Madame Bonaparte, mademoiselle Beauharnais, madame Murat, Lannes, BessiĂšres, lâaide-de- camp de service, le lieutenant Lebrun, aujourdâhui duc de Plaisance, Ă©taient au salon; le premier consul travaillait dans son cabinet. On donnait ce jour-la lâOratorio dâHaydn; les dames avaient grande envie de lâentendre, et nous le tĂ©moignĂšrent. On demanda le piquet d escorte; et Lannes se chargea de proposera NapolĂ©on dâĂȘtre de la partie. Ce prince y con- 16 MĂ©moires sentit; et trouvant sa voiture prĂȘte, il prit avec lui BessiĂšres et lâaide-de-camp de service. Je fus chargĂ© dâaccompagner les daines. JosĂ©phine avait reçu de Constantinople un schall magnifique, qu'elle mettait pour la premiĂšre fois. ,,Per- âmettez, lui dis-je, que je vous en fasse lâobser- âvation, votre schall nâest pas mis avec cette grĂące ,,qui vous est habituelle.â Elle me pria, en riant, de le ployer a la maniĂšre des dames Ă©giptiennes. Pendant cette singuliĂšre opĂ©rations, on entendit NapolĂ©on qui sâĂ©loignait. ,,DĂ©pĂȘchez-vous, ma ,,soeur, dit madame Murat impatiente dâarriver âau spectacle; voila Bonaparte qui sâen va.â Nous montĂąmes en voiture celle du premier consul Ă©tait dĂ©jĂ au milieu du Carrousel; nous la suivĂźmes mais nous Ă©tions a peine sur la place, cpie la machine fit explosion. NapolĂ©on nâĂ©chappa que par un singulier bonheur. Saint-RĂ©gent, ou son domestique François, sâĂ©tait placĂ© au milieu de la rue Nicaise. Un grenadier de lâescorte, qui les prit pour de vĂ©ritables porteurs dâeau, leur appliqua plusieurs coups de plat de sabre qui les Ă©loignĂšrent; il dĂ©tourna la charrette, Bonaparte passa, et lâexplosion se fit entre sa voiture et celle de JosĂ©phine. A cette explosion terrible, les dames jetĂšrent les hauts cris; les glaces furent brisĂ©es, etmadeinoiselle Beau- harnais fut lĂ©gĂšrement blessĂ©e a la main. Je descendis et traversai la rue Nicaise au milieu des cadavres et des pans de murs que la dĂ©tonation avait Ă©bi'anlĂ©s. Le consul ni personne de sa suite nâavaient Ă©prouvĂ© dâaccident fĂącheux. Il Ă©tait dans sa logç, calme, paisible, occupĂ© a lorgner les spectateurs ; il avait FouchĂ© a ses cĂŽtĂ©s. ,,JosĂ©phine !â dit-il dĂšs quâil mâaperçut. Elle gasaĂŻĂźf du gĂ©nĂ©ral flapp. 17 Elle entrait a lâinstant mĂȘme, il nâacheva passa question, âCes coquins, ajouta-t-il avec le ,,plus grand sangfroid, ont voulu me taire ,,sauter. Faites-moi apporter un imprimĂ© de ,,lâOratorio de Haydn. â Les spectateurs apprirent bientĂŽt a quel danger il avait, Ă©chappĂ©, et lui prodiguĂšrent les tĂ©moignages du plus vif intĂ©rĂȘt. Voila, je crois, des preuves de courage qui ne sont pas Ă©quivoques ceux qui lâont suivi sur le champ de bataille ne seraient pas embarrassĂ©s dâen citer dâautres. * I 2 18 MĂ©moires CHAPITRE Y. NapolĂ©on, quoi quâen disent ses dĂ©tracteurs, nâĂ©tait ni avantageux ni tenace dans ses opinions. Il provoquait les lumiĂšres ; il recherchait les avis de tous ceux a qui il est permis dâen avoir. Lâenvie de lui plaire dominait quelquefois au conseil quand il sâen apercevait, il ramenait aussitĂŽt la discussion a sa sĂ©vĂ©ritĂ© naturelle. ,,Messieurs disait-il a ses lieutenants, ,,ce nâest pas pour ĂȘtre de mon avis, mais pour ,,avoir le vĂŽtre, que je vous ai appelĂ©s. Expo- ,,sez-moi vos vues je verai si ce que vous pro- ,,posez vaut mieux que ce que je pense.â Pendant que nous Ă©tions a Boulogne, il donna une leçon de cette espĂšce au ministre de la marine. Il lui avait proposĂ© quelques 3 uestions auxquelles M. DecrĂšs rĂ©pondit paies batteries. ,,Monsieur DecrĂšs, lui Ă©crivit ,,NapolĂ©on, je vous prie de mâenvoyer dans la ,,journĂ©e de demain un mĂ©moire sur cette ,,question Dans la situation des choses , si , Jâadmirai Viileneuve reste Ă Cadix, que faut-il , faire? Elevez-vous a la hauteur des .circonstances et de la situation oĂč se trouvent la ,,France et lâAngleterre. Ne mâĂ©crivez plus de .,lettres comme celle que vous mâavez Ă©crite; ,,cela ne signifie rien. Je nâai quâun besoin, ,,celui de rĂ©ussir. 19 du gĂ©nĂ©ral tlapp. ,.Sur ce, je prie Dieu, etc.â La surveille de la bataille dâAusterlitz , une partie de lâarmĂ©e Ă©tait placĂ©e dans une position dĂ©savantageuse , et le gĂ©nĂ©ral qui lâoccupait en exagĂ©rait encore les inconvĂ©nients. Cependant lorsque le conseil fut assemblĂ©, il soutint quâelle Ă©tait tenable, et promettait de la dĂ©fendre. ,,Quâest-ce ci? dit le grand-duc de Berg. ,,Que sont devenues, monsieur le marĂ©chal, âles inquiĂ©tudes que vous manifestiez tout Ă ,,lâheure ? â Pourquoi flatter quand on dĂ©libĂšre ? ,,dit Ă son tour le marĂ©chal Lannes, Nous ,,devons exposer les choses telles quâelles nous ,,paraissent a lâempereur, sauf a lui de faire âce que bon lui semble. -â Câest juste, reprit ,,NapolĂ©on; pour me faire plaisir il ne faut pas ,,quâon me trompe.â Mais autant il recherchait les conseils de ceux qui peuvent en donner, autant il accueillait mal les observations des gens peu capables. Fesch voulut un jour lui en faire au sujet de la guerre dâEspagne. Il nâavait pas dit deux paroles que NapolĂ©on, le conduisant vers lâembrasure dâune fenĂȘtre ,,Voyez-vous cette ,,Ă©toile?â CâĂ©tait en plein midi. â- ,,Non, ,,rĂ©pondit lâarchĂ©vĂȘque. âEh bien, tant que ,,je serai le seul qui lâaperçoive, jâirai mon train ,,et ne souffrirai pas dâobservations.â Au retour de la campagne de Russie, il dĂ©plorait, avec une vive Ă©motion, la mort de tant de braves, moissonnĂ©s, non par le fer des Cosaques, mais par le froid et la faim. Un courtisan voulut placer son mot, et dit dâun ton de pĂ©nitent âNous avons fait une bien grande A/ihnoires 10 âperte ! â Oui, repartit NapolĂ©on, madame ,,Barilli * est morte.â Il mystifiait lâindiscrĂ©tion, mais il ne repoussait ni la plaisanterie ni la franchise. Madame Bacciochi amena un jour aux Tuileries ML dâA..., un de ses parents. Elle se retira aprĂšs lâavoir introduit au salon de service, et le laissa seul avec moi. Cet homme avait, comme beaucoup de ses compatriotes, une mauvaise figure; je me dĂ©fiais de lui. Je prĂ©vins nĂ©anmoins NapolĂ©on, qui le fit entrer. Il avait sans doute des choses importantes a lui communiquer. Un mouvement de tĂšte mâavertit de rentrer au salon. Je feignis de ne mâen ĂȘtre pas aperçu, et restai je craignais pour sa personne. Il vint a moi, et me dit quâils dĂ©siraient ĂȘtre seuls. Je sortis, ruais je laissai la porte entrâouverte. Quand NapolĂ©on eut congĂ©diĂ© M. dâA...., il me demanda pourquoi je voulais absolument rester. â ,,Cous savez, lui rĂ©pondis-je, que je ,,ne suis pas indiscret; mais, je vous lâavoue âfranchement, je nâaime pas vos Corses.â Il raconta lui-mĂȘme cette anecdote, qui dĂ©plut beaucoup a sa famille; quant a lui, il prit trĂšs bien la chose. Je suis persuadĂ© cejrendant quâil eĂ»t mieux aimĂ© ne pas mâentendre ainsi parler de ses compatriotes. Un soir, aprĂšs la bataille deWagram, nous Ă©tions a jouer au vingt-et-un, NapolĂ©on aimait beaucoup ce jeu il sâamusait a y tromper, et riait de ses supercheries. Il avait devant lui CĂ©lĂšbre eantatrice du théùtre Italien. 21 du gĂ©nĂ©ral Ilapp. une grande quantitĂ© dâor, quâil Ă©talait sur la table. â ,,TNâest-ce pas, Rapp, me dit-il, que les âAllemands aiment bien ces petits napolĂ©ons ? M âOui, Sire, bien plus que le grand. â Voi- ,,1'a, rĂ©pliqua-t-il, ce quâon peut ajipeler de la âfranchise germanique.â 22 MĂ©moires CHAPITRE VI. PĂ©tais au camp de Boulogne lorsque la troisiĂšme grerre dâAutriche Ă©clata. INous passĂąmes le Rhin. CoupĂ©e , battue, lâarmĂ©e ennemie alla sâenfermer dans Ulm; elle fut aussitĂŽt sommĂ©e de mettre bas les armes. Le dĂ©tail de cette nĂ©gociation, conduite par M. de SĂ©gur, peint trop bien le dĂ©sordre et lâanxiĂ©tĂ© du malheureux gĂ©nĂ©ral pour ne pas trouver place ici. Voici en quels termes, il en rendit compte. ,,Hier, 24 vendĂ©miaire 16 octobre, lâempereur mâa fait appeler dans son cabinet; il mâa ordonnĂ© dâaller a Ulm, de dĂ©cider Mack a se rendre dans cinq jours, et, sâil en exigeait absolument six, de les lui accorder. Je nâai pas reçu dâautres instructions. La nuit Ă©tait noire ; un ouragan terrible venait de sâĂ©lever, il pleuvait a flots il fallait passer par des chemins de traverse, et Ă©viter des bourbiers oĂč lâhomme, le cheval et la mission pouvaient finir avant terme. Jâai Ă©tĂ© presque jusquâaux portes de la ville sans trouver nos avant-postes ; il nây eu avait plus factionaires * vedettes, grandes-gardes tout sâĂ©tait mis a couvert, les parcs dâartillerie mĂȘme Ă©taient abandonnĂ©s; point de feux, point dâĂ©toiles. Il a fallu errer pendant trois heures pour trouver un gĂ©nĂ©ral. Jâai traversĂ© plusieurs villages et questionnĂ© inutilement ceux qui les remplissaient. âJâai enfin trouvĂ© un trompette dâartillerie Ă moitiĂ© noyĂ© dans la boue sous son caisson ; il du gĂ©nĂ©ral Rapp. 25 Ă©tait raide de froid. Nous nous sommes approchĂ©s des remparts dâUlm. On nous attendait sans doute; car, au premier appel, M. de Latour , officier parlant bien français, s'est prĂ©sentĂ©. Il mâa bandĂ© les y eux, et mâa fait gravir par-dessus les fortifications. Jâobservai a mon conducteur que la nuit Ă©tait si noire quelle rendait le bandeau inutile; mais il nâobjecta lâusage. La course me paraissait longue. Je fis causer mon guide mon but Ă©tait de savoir quelles troupes renfermait la ville. Je lui demandai si nous Ă©tions encore loin de la demeure du gĂ©nĂ©ral Mack et de celle de lâarchiduc. Câest tout prĂšs, me rĂ©pondit mon guide. Jâen conclus que nous tenions dans Ulm tout le reste de lâarmĂ©e autrichienne. La suite de la conversation me confirma dans cette conjecture. Nous arrivĂąmes enfin dans lâauberge oĂč le gĂ©nĂ©ral en chef demeurait. Il mâa paru grand, ĂągĂ©, pĂąle ; lâexpression de sa figure annonce une imagination vive. Ses traits Ă©taient tourmentĂ©s par une anxiĂ©tĂ© quâil cherchaita cacher. AprĂšs avoir Ă©changĂ© quelques compliments, je me nommai; puis, entrant en matiĂšre, je lui dis que je venais de lapartde lâempereur le sommer de se rendre, et rĂ©gler avec lux les conditions de la capitulation. Ces expressions lui parurent insuppoita- bles, et il ne convint pas dâabord de la nĂ©cessitĂ© de les entendre. Jâinsistai, en lui observant quâayant Ă©tĂ© reçu, je devais supposer, ainsi que lâempereur, quâil avait apprĂ©ciĂ© sa position me rĂ©pondit vivement quâelle allait bien changer; que lâarmĂ©e russe sâapprochait pour le secourir, quâelle nous mettrait entre deux feux, et que peut-ĂȘtre ce serait 24 MĂ©moires bientĂŽt a nous Ă t apituler. je lui rĂ©pliquai que, dans sa position, il nâĂ©tait, pas Ă©tonnant quâil ignorĂąt ce qui se passait en Allemagne; quâen consĂ©quence, je devais lui apprendre que le marĂ©chal Bernadotte occupait Ingol- stadt et Munich, et quâil avait ses avant-postes sur lâInn , oĂč les Russes ne sâĂ©taient pas encore montrĂ©s. ,,Que je sois le plus grand., ,,sâĂ©cria le gĂ©nĂ©ral Mack tout en colĂšre, si je âne sais pas, par des rapports certains, que les âRusses sont Ăą Dachau! Croit-on mâabuser âainsi? Me traite-t-on comme un enfant? ]Non, ,,monsieur de SĂ©gur. Si dans huit jours je ne âsuis pas secouru, je consens Ăą rendre ma place, ,,a ce que mes soldats soient prisonniers çle ,,guerre, et leurs officiers prisonniers sur pa- ,,role. Alors on aura eu le temps de me secourir, âjâuurai satisfait U mon devoir mais on me ,,secourra, jâen suis certain! âjâai lâhonneur âde vous rĂ©pĂ©ter, monsieur le gĂ©nĂ©ral, que ânous sommes non seulement, maĂźtres de Ăa- ,,chau, mais de Munich dâailleurs, en supposant vraie votre erreur, si les Russes sont ,,a Dachau, cinq jours leur suffisent pour venir ,,nous attaquer, et Sa MajestĂ© vous les accorde. ,,â !Non, monsieur, reprit le marĂ©chal; je ,,demande huit jours. Je 11e puis entendre a ,,aucune autre proposition; il me faut huit ,,jours, ils sont indispensables Ăą ma responsabilitĂ©. â Ainsi, repris-je, toute la difficultĂ© ,,consiste dans cette diffĂ©rence de cinq a huit ,,jours? Mais je 11e conçois pas- lâimportance ,,que votre excellence y attache, quand Sa ,,MajestĂ© est devant vous, a la tĂšte de plus de ,,cnt mille hommes, et quand les corps du 25 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ,,marĂ©chal Bernadotte et du gĂ©nĂ©ral Marmont âsuffisent pour retarder de ces trois jours la ,,marche des Russes, mĂȘme en les supposant ,,oii ils sont encore bien loin dâĂȘtre. â Ils sont ,,a Dachau, rĂ©pĂ©ta le gĂ©nĂ©ral Mack. â Eh âbien i soit, monsieur le baron, et mĂȘme a ,,Augsbourg; nous en sommes dâautant plus ,,pressĂ©s de terminer avec vousne nous forces ,,donc pas dâemporter Ulm dâassaut; car alors, ,,au lieu de cinq jours dâattente, lâempereur y âserait dans une matinĂ©e. â Ah! monsieur, ârĂ©pliqua le gĂ©nĂ©ral en chef, ne pensez pas ,,que quinze mille hommes se laissent forcer âsi facilement; il vous en coĂ»terait cher! â ,,Quelques centaines dâhommes, lui rĂ©pondisse; et a vous votre armĂ©e et la destruction ,,dâUlm, que lâAllemagne vous reprocherait; ,,enfin tous les malheurs dâun assaut que Sa ,,MajestĂ© veut prĂ©venir par la proposition ,,quâelle mâa chargĂ© de vous faire. â Dites, âsâĂ©cria le marĂ©chal, quâil vous en coĂ»terait ,,dix mille hommes! La rĂ©putation dâUlin est ,,assez connue. â Elle consiste dans les hauteurs âqui lâenvironnent, et nous les occupons. â ,,Allons donc, monsieur, il est impossible que âvois ne connaissiez pas la force dâUlm ! â ,,Sans doute, monsieur le marĂ©chal, et dâautant, mieux que nous voyons dedans. â Eh âbien ! monsieur, dit alors ce malheureux ,,gĂ©nĂ©ral, vous y voyez des hommes prĂȘts a se ,,dĂ©fendre jusquâĂ la derniĂšre extrĂ©mitĂ©, si âvotre empereur ne leur accorde pas huit jours. ,,Je tiendrai long-temps ici. Il y a dans Ulm ,,trois mille chevaux que nous mangerons, ,,plutĂŽt que de nous rendre, avec autant de 26 MĂ©moires ,,plaisir que vous le feriez a notre nlace. â Trois mille chevaux ? rĂ©pliquai-je; ali! mon- ,,sieur le marĂ©chal, la disette que vous devez Ă©prouver est donc dĂ©jĂ bien grande, puisque ,,vous songez a une si triste ressource ?â Le marĂ©chal se dĂ©pĂȘcha de mâassurer quâil axait pour dix jours de vivres ; mais je nâen crus rien. Le jour commençait a poindre ; nous nâavancions pas. Je pouvais accorder six jours; mais le gĂ©nĂ©ral Mack tentait si obstinĂ©ment a ses huit jours, que^je jugeai cette concession dâune jour inutile; je ne la risquai pas. Je me levai, en distant que mes instructions mâordonnaient dâĂȘtre revenu avant le jour, et, en cas de refus, de transmettre, en passant, au marĂ©chal Ney lâordre de commencer lâattaque. Ici le gĂ©nĂ©ral Mack se plaignit de la violence de ce marĂ©chal envers un de ses parlementaires , quâil nâavait pas voulu Ă©couter. Je profitai de cet incident pour bien faire remarquer quâen efFet le caractĂšre du marĂ©chal Ă©tait bouillant, impĂ©tueux, imposible a contenir; quâil commandait le corps le plus nombreux et le plus rapprochĂ© ; quâil attendait avec impatience lâordre de livrer lâassaut, et que câĂ©tait a lui que je devais le transmettre en sortant dâUlm. Le vieux gĂ©nĂ©ral ne sâest point laissĂ© effrayer; il a insistĂ© sur les huit jours, en me pressent dâen porter la proposition a lâempereur. ,,Ce malheureux gĂ©nĂ©ral est prĂȘt a signer la perte de lâAutriche et la sienne; et pourtant dans cette position dĂ©sespĂ©rĂ©e, oĂč tout en lui doit souffrir cruellement, il ne sâabandonne pas encore; son esprit conserve ses facultĂ©s, sa 27 du gĂ©nĂ©ral Ilaj/p. discussion est vive et tenace. Il dĂ©fend la seule chose qui lui reste a dĂ©fendre, le temps. Il cherche a retarder la chute de l'Autriche dont il est cause; il veut lui donner quelque jours de plus pour sây .prĂ©parer; lui perdu, il dispute encore pour elle. EntraĂźnĂ© par son caractĂšre plus politique que militaire, il veut encore jouer au plus fin contre le plus fort; sa tĂȘte sâĂ©gare dans une foule de conjectures. ,,Le 25, vers neuf heures du matin, jâai re- trouvĂ© lâempereur a lâabbaye dâElchingen, oĂč je lui ai rendu compte de cette nĂ©gociation; il en a paru satisfait il mâa fait rappeler, et comme je tardais, il a çnvoyĂ© le marĂ©chal Ber- thier me porter par Ă©crit les propositions nouvelles quâil voulait que je fisse signer au gĂ©nĂ©ral Mack sur-le-champ. Lâempereur accordait au gĂ©nĂ©ral autrichien huit jours , mais a dater du 23, premier jour du blocus; Ce qui les rĂ©duisait en effet aux six jours que jâavais du dâabord proposer, et que je nâavaislpas voulu concĂ©der. ,,Toutefois, en cas dâun refus obstinĂ©, jâĂ©tais^ autorisĂ© a dater ces huit jours du 25, et iâempereur gagnait encore un jour a cette concession. Il tient a entrer promptement dans Ulm, pourâ augmenter la gloire de sa victoire par sa rapiditĂ©, pour arriver a Vienne avant que cette ville soit remise de sa stupeur et que lâannĂ©e russe ait pu se mettre en mesure, et enfin parce que les vivres commencent a nous manquer. âLe major-gĂ©nĂ©ral marĂ©chal Berthier me prĂ©vint quâil sâapprocherait delĂ ville, et que, les conditions rĂ©glĂ©es, il serait bien aise que je lây fisse pĂ©nĂ©trer. 28 MĂ©moires ,,Je suis rentrĂ© dans IJ lin vers micli, toujours avec les mĂȘmes prĂ©cautions ; mais cette lois jâai trouvĂ© le gĂ©nĂ©ral Mack a la porte de la ville; je lui ai remis l'ultimatum de l'empereur. Il est allĂ© le discuter avec plusieurs gĂ©nĂ©rĂ© aux, parmi lesquels je crus remarquer un prince de Lichtenstein , et les gĂ©nĂ©raux KlĂ©nau et Giulay. Un quart dâheure aprĂšs, il revint disputer encore avec moi sur la date. Un malentendu lui persuada quâil obtenait les huit jours entiers a partir du 25. Alors, avec une Ă©motion de joie bien singuliĂšre ,,IVlonsier de SĂ©gur! mon cher ,,monsieur de SĂ©gur! sâĂ©cria-t-il, je comptais ,,sur la gĂ©nĂ©rositĂ© de lâen\pereur je ne me suis ,,pas trompĂ©... Dites au marĂ©chal Berthier que ,,je le respecte... Ditçs a lâempereur que je nâai ,,plus que de lĂ©gĂšres observations a taire; que ,,je signerai tout ce que vous m'apportes... ,,Mais dites a sa majestĂ© que le marĂ©chal ]Ney ,,mâa traitĂ© bien durement... ; que ce nâest pas ,,ainsi [lion traite.... KĂ©pĂ©tea bien a lâempe- ,,reur que je comptais sur sa gĂ©nĂ©rositĂ©...â Puis, avec une eiĂŻusion de cĆur toujours croissante, il ajouta ,,Monsieur de SĂ©gur, je tiens ,,a votre estime...; je tiens beaucoup a lâopinion que vous aurĂ©x de moi. Je veux vous ,,taire voir lâĂ©crit que jâavais signĂ©, car jâĂ©tais ,,dĂ©cidĂ©.â En parlant ainsi, il dĂ©ploya une feuille de papier oĂč je lus ces mots Huit jours ou la mortâ, signĂ© Mack. ,,Je restai frappĂ© dâĂ©tonnement en voyant lâex>ression de bonheur qui brillait sur sa figure; jâĂ©tais et comme consternĂ© de cette puĂ©rile joie pour une si vaine concession. Dans un naufrage si considĂ©rable, a quelle 29 du gĂ©nĂ©ral Rapp. faible branche le malheureux gĂ©nĂ©ral croyait- il donc pouvoir rattacher son honneur, celui de son armĂ©e et le salut de lâau triche ! ĂŒ rue prenait les mains, me les serait, me permettait de sortir dâIJlm les yeux libres; il me laissait introduire le marĂ©chal Berlhier dans cette place sans formalitĂ©s. Enfin il Ă©tait heureux ! Il y eut encore devant le marĂ©chal Berthier une discussion sur les dates. J'expliquai le malentendu on sâen remit a lâempereur. Le gĂ©nĂ©ral Mack mâavait assurĂ© le matin quâil lui restait pour dix jours de vivres ; il en avait si peu , comme au reste jâen avais prĂ©venu sa majestĂ©, quâil demanda devant moi la permission dâen faire entrer dĂšs le jour mĂȘme. ,,Mack, se voyant tournĂ©, sâest imaginĂ© quâen se jetant et restant dans Ulm, il attirerait lâempereur devant ses remparts, lây retiendrait, et favoriserait ainsi la fuite que tenteraient ses autres corps par diffĂ©rentes directions. Il pense sâĂȘtre dĂ©vouĂ© câest ce qui soutient son courage. Lorsque je nĂ©gocie avec lui, il croit notre annĂ©e tout entiĂšre immobile, et comme en arrĂȘt devant Ulm. Il en a fait sortir furtivement lâarchiduc et Werneck. Une autre division avait tentĂ© de sâĂ©vader versMemmingen; une autre encore fuyait vers les montagnes du Tyrol toutes sont ou vont ĂȘtre faites prisonniĂšres. ,,Aujourdâhui 27 le gĂ©nĂ©ral Mack est venu voir lâempereur a Elchingen. Tou tes ses illusions se sont Ă©vanouies. ,,Sa majestĂ© pour le persuader de ne plus le retenir inutilement devant Ulm, lui a fait 50 iMĂ©moires envisager sa position et celle de lâAu triche dans toute son horreur. Il lui a appris nos succĂšs sur tous les points ; que le corps de Werneck , toute son artillerie et huit gĂ©nĂ©raux capitulaient; que lâarchiduc lui-mĂȘme Ă©tait atteint, et quâon nâentendait pas parler des Russes. Tant de coups ont anĂ©anti le gĂ©nĂ©ral en chef; les forces lui ont manquĂ©, il a Ă©tĂ© obligĂ© de sâappuyer contre la muraill e ; il sâest affaissĂ© sous le poids de son malheur. Il est convenu de sa dĂ©tresse, et quâil nâavait plus de vivres dans Ulm; quâau lieu de quinxe mille hommes, il sây trouvait vingt-quatre mille combattants et trois mille blessĂ©s; quâau reste la confusion Ă©tait telle quâa chaque instant on en dĂ©couvrait davantage ; quâil voyait bien quâil nâavait plus dâespoir, et quâil consentait a rendre [Jim clĂ©s le lendemain 28 , a trois heures. ,,En sortant de che;? sa majestĂ©, il nous vit, et je lâentendis dire ,,I1 est cruel dâĂȘtre dĂ©s- ,,honorĂ© dans lâesprit de tant de braves officiers. ,,Jâai pourtant dans ma poche mon opinion dĂ©crite et signĂ©e, par laquelle je me refusais âa ce quâon dissĂ©minĂąt mon armĂ©e; mais je ne âla commandais pas lâarchiduc Jean Ă©tait la.â Il se peut quâon nâait obĂ©i a M'ack quâavec rĂ©pugnance. ,,Aujourdâhui 28 , trente-trois mille Autrichiens se sont rendus prisonniers; ils ont dĂ©filĂ© devant lâempereur. Lâinfanterie a jetĂ© les armes sur le revers du fossĂ©; la cavalerie a mis pied a terre, sâest dĂ©sarmĂ©e, et a livrĂ© ses chevaux a nos cavaliers h pied. Ces soldats , en se dĂ©pouillant de leurs armes, criaient, ,,Vive âlâempereur!â Mack Ă©tait la, il rĂ©pondait aux du gĂ©nĂ©ral Rapp. ol officiers qui sâadressaient a lui sans le connaĂźtre âVous voyez devant vous le malheureux Mack !â JâĂ©tais a Elchingen avec les gĂ©nĂ©raux Mouton et Bertrand lorsqu'il vint rendre ses hommages a NapolĂ©on. ,,Je me flatte, Messieurs, nous ,,dit-il en traversant le salon de lâaide-de-camp ,,de service, que vous ne cessez pas de me ,,regarder comme un brave homme, quoique ,,jâaie Ă©tĂ© obligĂ© de capituler avec des forces ,,aussi considĂ©rables. Il Ă©tait difficile de rĂ©sister âaux manoeuvres de votre empereur ; ses combinaisons mâont perdu.â NapolĂ©on, plein de joie dâune aussi bonne affaire, envoya le gĂ©nĂ©ral Bertrand vĂ©rifier les Ă©tats de situation de lâarmĂ©e qui se trouvait dans Ulm. Il vint rendre compte quâil y avait 21,000 hommes ; lâempereur ne pouvait le croire. ,,Vous parlez leur langue, me dit-il, allez voir ,,ce qui en est.â Jâallai, je questionnai les chefs de corps, les gĂ©nĂ©raux, les soldats; et je trouvai, dâaprĂšs ces renseignements, que la K lace renfermait vingt-six mille combattants. apolĂ©on me rĂ©pondit que jâĂ©tais un fou, que cela ne se pouvait pas. Effectivement quand cette armĂ©e dĂ©fila devant nous, elle comptait trente-trois mille hommes, comme le dit M. de SĂ©gur, dix-neuf gĂ©nĂ©raux, une cavalerie et une artillerie superbes. â MĂ©moires CHAPITRE VII Nous nâavions pas pu enfermer tous les Autrichiens dans Ulm. Werneek sâĂ©tait Ă©chappĂ© par Heydenheim, lâarchiduc courait aprĂšs. Tous deux fuyaient Ă tour de route mais le sort avait prononcĂ©; on nâappelle pas de ses dĂ©cisions. NapolĂ©on, prĂ©venu au milieu de la nuit quâils gagnent Albeck, mande aussitĂŽt le grand-duc. ,,IJne division, lui dit-il, est ,,sortie de la place et menace nos derriĂšres. ,,Suivez, prenez, dissipess-la. Que pas un nâĂ©- âchappe. ÂŁ La pluie tombait par torrents, les chemins Ă©taient affreux mais la victoire fait oublier les fatigues ! On allait, on courait, on ne songeait quâa vaincre. Murat joint lâennemi, lâattaque et le culbute. Il le presse, le pousse dans sa fuite; pendant deux lieus il ne lui laisse pas le reprendre haleine. Des niasses occupaient Erbreetingen avec du canon. La nuit Ă©tait close, nos chevaux extĂ©nuĂ©s. Nous finies halte. Le 9 e lĂ©ger arriva sur les dix heures. Nous marchĂąmes en avant. Lâattaque recommença ;j village , artillerie, caissons , tout fut enlevĂ©. Le gĂ©nĂ©ral Odonel cherchait a faire ferme avec son arriĂšre-garde; un marĂ©chal- des-logis lâapperçoit, le blesse et le prend. Il Ă©tait*minuit; la troupe tombait de lassitude. Nous ne poussĂąmes pas plus loin nos succĂšs. Lâennemi fuyait en toute hĂąte sur Nordlin- gen, oĂč nous avions de lâartillerie et des dĂ©r pots. Il Ă©tait important de le prĂ©venir. Murat dĂ©tacha 33 du gĂ©nĂ©ral Rapp. dĂ©tacha des partis qui le harcelaient, l'inquiĂ©taient dans sa marche , le forçaient a prendre position, câest-a-dire Ăą perdre du temps. DâĂčn autre cĂŽtĂ©, le gĂ©nĂ©ral Rivand devait mettre le pont de Donnavert en sĂ»retĂ©, et se porter avec le surplus de ses forces sur la Wiesnitz. Tout passage Ă©tait interceptĂ©. Ces dispositions prises, le prince se mit en mouvement et atteignit l'archiduc, qui se dĂ©ployaitĂąNeresheim. Nous lâabordĂąmes avec cet Ă©lan que donne la victoire ; le choc fut irrĂ©sistible; la cavalerie fuyait, lâinfanterie mettait bas les armes; les piĂšces, les drapeaux, les soldats, se rendaient en masse. Tout Ă©tait dans un dĂ©sordre affreux. Klein, Fauconet, Lanusses, les poussaient, les coupaient dans tous les sens, les chassaient dans toutes les directions. On somma Werneck de se rendre il hĂ©sitait ; un concours de circonstance inouĂŻes le dĂ©cida. Lâofficier chargĂ© dâescorter le parlementaire français cherchait son chef a travers champs. Il rencontra le prince de Hohen- zollern, auquel-il fit part de lâobjet de-sa mission. Celui-ci voulut lâaccompagner, ne doutant pas que le feld-marĂ©chal nâacceptĂąt ils se dirigĂšrent v surNĂŽrdlingen, quâils trouvĂšrent occupĂ© non par ce gĂ©nĂ©ral, mais par les troupes françaises. Dâun autre cĂŽtĂ© le gĂ©nĂ©ral Lasalle sâĂ©tait portĂ© sur Merking, ety avaitenlevĂ© un millier dâhommes; les fuyards vinrent jeter lâĂ©poiivante au quartier- . gĂ©nĂ©ral. Ces rapports Ă©branlĂšrentWerneck, il se montra disposĂ© a traiter ; il retint lâofficier français, et donna en otage le major du rĂ©giment de Kaunitz. Il remit cependant la nĂ©gociation au lendemain ilvoulait tenter les chances de la nuit. DĂšs quâelle fut close, il essaya de se rallier a lâar- 34 MĂ©moires chiduc; mais les troupes françaises interceptaient la route, le gĂ©nĂ©ral Rivaud culbutait Lichtenstein , et coupait le grand parc que nos hussards pressaient en queue. Werneck nâosa passer outi'e; il se crut envekrppĂ© et nĂ©gocia. Le gĂ©nĂ©ral Bel- liard se rendit aux avant-postes nos troupes occupĂšrent les hauteurs, afin dâĂȘtre en mesure contre les supercheries. Mais la nuit approchait; Hohenzollern, t[ui, la veille, avait trouvĂ© la capitulation inĂ©vitable , prolita des tĂ©nĂšbres pour lâĂ©luder, le gĂ©nĂ©ral Meczery suivit son exemple ils sâĂ©chappĂšrent avec la cavalerie et quelques fantassins ; ils faisaient partie du corps qui avait mis bas les armes. On pouvait croire quâils Ă©taient liĂ©s par les actes de leur chef; il nâen Ă©tait rien cependant; ces messieurs le cruiâent du moins, puisquâils rejoignirent les dĂ©bris de lâarchiduc, avec leq uel ils se jetĂšrent sur le territoire de Prusse. Nous les atteignĂźmes a Gunclerhausen; nous les sommĂąmes dâexĂ©cuter la convention. Le prince deSchwartzenberg allĂ©guait des ordres, voulait Ă©claircir des doutes ,Ă©crire, sâexpliquer en un mot gagner du temps. Les Prussiens a leur tour criaient a la neutralitĂ©; ils demandaient que la ville ne fĂ»t pas attaquĂ©e, que la colonne ennemie pĂ»t lâevacuer. Un personnage h rabat vint, sous lâescorte des officiers de l'archiduc, nous menacer de la colĂšre du roi Guillaume. Le gĂ©nĂ©ral Klein nâĂ©tait pas homme a se payer dâune mascarade il envoya au grand-duc ce magistrat a livrĂ©e autrichienne, et fit sonner la charge. Le prince de SchwartzenbĂ©rg accourut tout dĂ©contenancĂ© il ne croyait pas que le gĂ©nĂ©ral fĂ»t si 35 du gĂ©nĂ©ral Happ. proche. Il prĂ©tendit aussi que nous ne devions pas violer le territoire de la Prusse, proposa de le respecter, et de ne pas occuper Gunder- hausen. Klein lui rĂ©pondit de prĂȘcher dâexemple, quâil lâimiterait. On avançait toujours, et cependant Schwartaenberg ne se dĂ©cidait pas. Murat, fatiguĂ© dâĂȘtre pris pour dupe, ordonna de cesser ces discussions et dĂ© marcher. LâarriĂšre-garde ennemie prit alors le galop, et nous cĂ©da la place. Nous la poursuivĂźmes pendant quelques lieues, sans pouvoir lâatteindre. il Ă©tait nuit nous primes position. INous nous remĂźmes en marche a la pointe du jour; mais lâarchiduc avait tellement prĂ©cipitĂ© sa fuite, que ce ne fut quâa Nuremberg que nous atteignĂźmes la queue de ses Ă©quipages. Un piquet dâavant-garde les chargea, et lit mettre bas les armes au bataillon dâescorte. De la, il poussa en avant, et sâengagea dans un chemin boisĂ©, a travers lâartillerie et les bagages , poussant , culbutant quelques centaines de dragons qui cherchaient vainement a se rallier. Le gros des Autrichiens nous attendait dans une position avantageuse. Nos chasseurs furent contraints de plier. Les hussaids, les carabiniers accoururent tout fut culbutĂ©. Lâarchiduc lui- mĂȘme faillit ĂȘtre pris. Ce fut le coup de grĂące du corps qui sâĂ©tait Ă©chappĂ© dâUlm. En cinq jours, sept mille braves parcoururent un espace de quarante-cinq lieues, dĂ©truisirent une annĂ©e de vingt - cinq mille hommes, lui enlevĂšrent sa caisse , ses Ă©quipages, sâemparĂšrent de cent vingt-huit piĂšces de canon, onxe drapeaux, et ĂŒrent douxe a quinxe mille prisonniers. De tout ce quâavait ramenĂ© lâarcliiduc, a peine 36 MĂ©moires restait-il quelques milliers de malheureux dispersĂ©s dans les bois. Cependant le gĂ©nĂ©ral Klein persistait dans ses rĂ©clamations Werneck lui-mĂȘme insistait sur la foi jurĂ©e. Ils exigeaient que les officiels compris dans la capitulation vinssent se constituer prisonniers. Le gĂ©nĂ©ral français adressa ses plaintes h lâarchiduc, ou, en son absence, au gĂ©nĂ©ral commandant lâarmĂ©e autrichienne; mais le dĂ©sordre Ă©tait tel, que le parlementaire fut obligĂ© de courir jusquâau fond de la BohĂȘme pour trouver un officier qui pĂ»t recevoir ses dĂ©pĂȘches. La rĂ©ponse se rit long-temps attendre elle arriva enfin. CâĂ©tait une lettre du gĂ©nĂ©ral Kollowrad, qui lui transmettait la correspondance qui suit An lieutenant-gĂ©nĂ©ral de sa majestĂ© impĂ©riale et royale, comte de Hohenzollern. âMonsieur le lieutenant-gĂ©nĂ©ral, ,, Vous mâavez soumis la lettre du lieutenant- ,,gĂ©nĂ©ral Werneck. Je vous rĂ©pondrai que, ,,selon les lois de la guerre et les droits des ,,nations, je trouve trĂšs illĂ©gales les prĂ©tentions ,,du gĂ©nĂ©ral français, ,,En consĂ©quence, je dĂ©clare que vous et ,,les troupes avec lesquelles vous ĂȘtes rentrĂ© ,,ne pouvez ĂȘtre compris dans la capitulation. âJe vous ordonne donc, ainsi quâa elles, de continuer a servir comme auparavant.â ' SignĂ© , FebdiwapĂźd. Et plus bas , major et aide-de-camp. Egra, le 2,3 octobre ĂźtJoĂŽ, du gĂ©nĂ©ral Rapp. * 37 Au moyen de cette piĂšce la capitulation nâĂ©tiat pas une capitulation. Hohenaollern fuyait sans forfaire a lâhonneur. Il sâĂ©tonnait quâon voulĂ»t lui faire rendre en masse des soldats quâil perdait aussi bien en dĂ©tail. Sa lettre Ă©tait curieuse; la voici AM. le feld-marĂ©chal baron de Wemecb. âMon trĂšs cher camarade , ,,Je ne puis vous cacher ma surprice sur la ,,proposition de me rendre avec la cavalerie ,,qui Ă©tait de votre corps. Lorsque je vous ai ,,quittĂ©, vous aviesi refusĂ© toute capitulation, âen ma prĂ©sence, et pour moi; je pensais au ,,moyen de ramener, coĂ»te qui coĂ»te, la cavalerie a lâarmee, si vous, avec lâinfanterie, ,,ne pouviez vous tirer dâaffaire. Jâai essayĂ©, ,,jâai rĂ©ussi. Je ne conçois pas de quel droit ,,je pourrais ĂȘtre prisonnier de guerre, nâayant ,,pas Ă©tĂ© prĂ©sent a vos arrangements, auxquels âjamais, par ma personne, je nâaurais pu me ,,prĂȘter. Maintenant que depuis hier je suis ,,sĂ©parĂ© de vous, il ne mâappartient plus de ,,remplir vos ordres je les reçois de son altesse royale notre gĂ©nĂ©ral en chef. ,,Jâai lâhonneur dâĂȘtre votre trĂšs humble et ,,trĂšs obĂ©issant serviteur.â SignĂ©, le lieutenant-gĂ©nĂ©ral de Hohekzollebn, conseiller intime. NapolĂ©on Ă©tait content de lui, de lâarmĂ©e, de tout le monde. Il nous tĂ©moigna sa satisfaction par la proclamation qui suit 58 MĂ©moires âSoldats de la grande armĂ©e ! âKn quinze jours nous avons t'ait une cam- ,,pagne. Ce que nous nous proposions de â faire est rempli nous avons chassĂ© de la BaviĂšre les troupes de la maison dâAutriche, ,,et rĂ©tabli notre alliĂ© dans la souverainetĂ© de ,,ses Ă©tats. ,,Cette armĂ©e qui av ec, autant dâostentation ,,que dâimprudence Ă©tait venue se placer sur ânos frontiĂšres est anĂ©antie. ,,Mais quâimporte a lâAngleterre ? Son but âest rempli nous ne sommes plus a Boulogne , et son subside ne sera ni plus ni moins â grand. ,,De cent mille hommes fui composaient âcette armĂ©e, soixante mille sont prisonniers; âils vont remplacer nos conscrits dans les trĂ - âvaux de la campagne. âDeux cents piĂšces de canon, tout le parc, âquatre-vingt~dix drapeaux , tous leurs gĂ©nĂ©raux, sont en notre pouvoir. IJ ne sâest pas âĂ©chappĂ© de cette armĂ©e quinze mille hommes. ,,Soldats! je vous avais annoncĂ© une grande âbataille; mais, grĂąces aux mauvaises combinaisons de lâennemi, jâai pu obtenir les mĂȘmes rĂ©sultats sans courir aucune chance; et, ce ,,qui est sans exemple dans lâhistoire des nations, un si grand rĂ©sultat ne nous affaiblit âpas de plus de quinze cents hommes hors âde combat. ,,Soldats! ce succĂšs est dĂ» a votre confiance ,,sans bornes dans votre empereur, a votre pa- ,,tience Ă supporter les fatigues et les privations âde toute espĂšce, a votre rare intrĂ©piditĂ©. - du gĂ©nĂ©ral Rapp. 39 âMais nous ne nous arrĂȘterons pas l'a. Vous âĂȘtes impatients de commencer une seconde â campagne. ,,Cette armĂ©e russe que lâor de lâAngleterre a ,,transportĂ©e des extrĂ©mitĂ©s de lâunivers, nous ,,allons lui faire Ă©prouverle mĂȘme sort. âA ce combat est ettacbĂ© plus spĂ©cialement ,,lâhonneur de f infanterie française ; câest l'a que ,,va se dĂ©cider, pour la seconde fois, cette ,,question, qui lâa dĂ©jĂ Ă©tĂ© une fois en Suisse ,,et en Hollande, si lâinfanterie française est âla premiĂšre ou la seconde de lâEurope. ,,11 nây a pas la de gĂ©nĂ©raux contre lesquels ,,je puisse avoir de la gloire a acquĂ©rir. Tout ,,mon soin sera dâobtenir la victoire avec le ,,moins dâeffusion de sang possible mes sol- âdats sont mes enfants. â ! 40 MĂ©moires CHAPITRE VIII. Les Autrichiens avaient iini, nous courĂ»mes au-devant des Russes. Kutusof affectait de la rĂ©solution, nous le croyions disposĂ© a combattre, nous nous fĂ©licitions de cette nouvelle occasion de gloire mais toute cette contenance nâĂ©tait quâun simulacre; il abandonna lâInn, la Traun, lâEms; on ne le vit plus. Nous poussĂąmes sur Vienne; nous avancions, nous allions, nous maiâchions a tour dĂ©route jamais mouvement nâavait Ă©tĂ© si rapide. Lâempereur en fut inquiet, il craignait que cette prĂ©cipitation ne compromĂźt nos derriĂšres, que les Russes ne nous prissent parle flanc. ,,Murat, me dit-il court ,,connue un aveugle; il va, comme sâil ne ,,sâagissait que dâentrer a Vienne lâennemi nâa âpersonne en face , il peut disposer de toutes ,,ses forces et Ă©craser Mortier. Avertis Bertliier ,,quâil arrĂȘte les colonnes.â Bertliier vint, le marĂ©chal Soult eut ordre de rĂ©trograder jusquâĂ Mautern; Davoust prit position Ăą lâembrancne- ment des routes de Lilienfeldt et de Neustadt, et Bernadotte Ă Moelck. Ces dispositions ne purent prĂ©venir lâengagement dont NapolĂ©on craignait lâissue. Quatre mille Français furent chargĂ©s par lâarmĂ©e ennemie tout . entiĂšre ; mais lâhabiletĂ©, le courage, la nĂ©cessitĂ© de vaincre, suppléÚrent au nombre les Russes furent culbutĂ©s. A la nouvelle de cette Ă©tonnante victoire, tout se remit en mouvement lâempereur pressa la marche avec encore plus 41 du gĂ©nĂ©ral Rapp. de vivacitĂ© quâil ne lâavait suspendue; il voulait gagner les Autrichiens de vitesse, surprendre le passage du Danube ; tourner, couper leurs alliĂ©s, les battre avant lâarrivĂ©e de nouvelles forces. Il expĂ©diait, hĂątait les ordres hommes et chevaux, tout Ă©tait en mouvement. ,,Le ,,champ est ouvert, Murat peut se livrer a ,, toute son impĂ©tuositĂ©; mais il faut quâil agrandisse le terrain, il faut quâil surprenne le ,,pont.â Et il lui Ă©crivit sur-le-champ ,,La ,,grande affaire, dans le moment actuel, est ,,de passer le Danube, afin de dĂ©loger les ,,Russes de Krems en se jetant sur leurs derriĂšres; lâennemi coupera probablement le ,,pont de Vienne si cependant il y avait possibilitĂ© de lâavoir en entier, il faut tĂącher de ,,sâen emparer. Cette considĂ©ration seule peut ,,forcer lâempereur a entrer dans Vienne; et ,,dans ce cas vous y ferez entrer une partie de ,,'votre cavalerie et les grenadiers seulement. ,,11 faut que vous connaissiez la force des ,,troupes bourgeoises qui sont armĂ©es a Vienne. ,,Lâempereur imagine que vous avez fait placer ,,quelques piĂšces de canon pour intercepter le ,,passage sur le Danube entre Krems et Vienne. ,,11 doit y avoir des partis de cavalerie sur la ,,rive droite du fleuve; vous nâen parlez pas a ,,lâempereur. Sa-majestĂ© trouve nĂ©cessaire de ,,savoir a quoi sâen tenir, afin que sâil avait Ă©tĂ© ,,possible dâintercepter le Danube au-dessous ,,de Vienne, on eĂ»t pu le faire. La division ,,du gĂ©nĂ©ral Suchet restera avec une partie de ,,'votre cavalerie sur la grande route de Vienne âa Burkersdorf, a moins que vous ne soyez ,,maĂźtre du pont sur le Danube, sâil nâa pas 42 MĂ©moires âĂ©tĂ© brĂ»lĂ© ; et dans ce cas, ce tte division sây ,,porterait, afin de pouvoir passer le fleuve ,,avec votre cavalerie et vos grenadiers, et se ,,mettre le plus tĂŽt possible en marche pour ,,tomber sur les communications des Russes. ,,Je pense que lâempereur restera toute la âjournĂ©e a Saint-Polten. >,Sa majestĂ© vous recommande, prince, de ,,lui rendre compte frĂ©quemment. ,,Quand vous serez a Vienne, tĂąchez dâavoir ,,les meilleures cartes qui sây trouvent des âenvirons de Vienne et de la Basse-Autriche. ,,Si M. le gĂ©nĂ©ral comte de Giulay se prĂ©sente , ou toute autre personne, pour parler ,,a lâempereur, envoyez-le en toute hĂąte ici. ,,La garde bourgeoise qui fait le service a ,,Vienne doit avoir tout au plus cinq cents ,,fusils. ,,I1 vous sera façile, une fois a Vienne, ,,dâavoir des nouvelles sur lâarrivĂ©e des autres âcolonnes russes, ainsi que sur le projet des ,,autres , en se cantonnant a h rem s. ,,Vous aurez pour tourner les Russes et ,,pour tomber sur leurs derriĂšres v otre cavalerie, ,,le corps du marĂ©chal Lannes et celui du ,,marĂ©chal Davoust. Ouant aux corps des ,,marĂ©chaux Bernadotte et Soult, ils ne peuvent ,,ĂȘtre disponibles que lorsquâon saura dĂ©finitive- âment le parti quâauront pris les Russes. ,,PassĂ© dix heures du matin vous pourrez âdonc entrer a Vienne ; tĂąchez dây surprendre ,,le pont du Danube, et sâil est rompu avisez ,,a trouver les plus prompts moyens de passage âcâest la seide grande affaire dans ce moment. âSi cependant avant dix heures M. de Giulay 43 du gĂ©nĂ©ral Rapp. âse prĂ©sentait pour apporter des propositions âde nĂ©gociations, et qu'il vous engageĂąt a ,,suspendre votre marche, vous suspendriez ,,votre mouvement sur Vienne, mais vous ne ,,vous occuperiez pas moins de trouver tous âies moyens de passer le Danube a Kloster INeu- ,,bourg ou a tout autre endroit favorable. âLâempereur ordonne cpie depuis Siegharts- âkirchen jusqu'Ă Vienne vous placiez de deux âen deux lieues de France un poste de cavalerie ,,de dix hommes, dont les chevaux serviront âa relayer les officiers que vous enverrez pour ,.rendre compte de ce qui se passera. Les âhommes du mĂȘme poste pourront porter les âdĂ©pĂȘches de Sieghartskirchen a Saint-Polten. âLe marĂ©chal BessiĂšres fera placer des postes ,,de la garde de l'empereur.â 44 MĂ©moires CPIAPITRE IX. INous Ă©tions a Saint-PĂŽlten. NapolĂ©on se promenait a cheval sur la route de Vienne, lorsquâil vit arriver une voiture ouverte oĂč se trouvaient un prĂȘtre et une dame tout en pleurs. Il Ă©tait, comme a son ordinaire, en costume de colonel de chasseurs de la garde. Elle ne le reconnut pas. Il sâinforma de la cause de ses larmes et du lieu oĂč elle dirigeait sa course. âMonsieur, lui dit-elle, jâai Ă©tĂ© pillĂ©e dans âune campagne a deux lieues dâici par des âsoldats qui ont tuĂ© mon jardinier. Je vais ,,demander une sauvegarde a votre empereur, ,,qui a beaucoup connu ma famille, a laquelle âilade grandes obligations. â Votre nom? â ,,De Bunny ; je suis la fdle de M. de Marboeuf, ,,autrefois gouverneur en Corse. â Je suis ,,charmĂ©, madame, rĂ©pliqua NapolĂ©on avec ,,beaucoup dâamabilitĂ©, de trouver une occasion ,,de vous ĂȘtre agrĂ©able. Câest moi qui suis ,,lâempereur.â Elle futtoutinterdite. NepolĂ©on la rassura et lui dit dâaller lâattendre a son quartier-gĂ©nĂ©ral. Il la traita a merveille, bd donna un piquet de chasseurs de sa garde, et la renvoya heureuse et satisfaite. NapolĂ©on avait reçu un rapport, quâil lisait avec satisfaction; jâentrai dans son cabinet. ,,Eh ,,bien! Rapp, sais-tu que nous avions des partis ,, jusquâau fond de laBohĂȘme?âOui, sire.âSais- ,,tu quelle cavalerie a battu les houlans, enlevĂ© ,,des postes, pris des magasins? â Non, sire, 45 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ,,âNos fantassins perchĂ©s sur des chevaux de âtrait ! â Comment cela ?â Il me donna le rapport. Des dĂ©tachements qui avaient pĂ©nĂ©trĂ© en BohĂȘme sâĂ©taient tout a coup trouvĂ©s dans un pays dĂ©couvert ils nâavaient quâune vingtaine de dragons; ils ne voulaient pas rĂ©trograder, ils nâosaient pĂ©nĂ©trer plus avant. Dans cette perplexitĂ©, le chef imagine un expĂ©dient il rĂ©unit les chevaux des bagages, monte ses fantassins, et les lance ainsi Ă©quipĂ©s a travers les Ă©paisses forĂȘts qui avoisinent Egra. Des partis de cavalerie vinrent a le ur rencon tre et furent culbutĂ©s ; nous primes des hommes, des chevaux etdes approvisionnements qui furent livrĂ©s aux flammes. Je rendais le rapport ,,Ehhien, quetesemblede ,,cette nouvelle espĂšce de cavalerie?â Admirable, sire. â Câest que quand on a du sang français dans les veines, on fait toujours entrer la ,,mort dans les rangs ennemis.â Nous marchions a la suite de lâarriĂšre-garde. Il nous eĂ»t Ă©tĂ© facile de lâenlever ; nous nâeĂ»mes garde de le faire nous voulions endormir sa vigilance nous ne la poussions pas, nous rĂ©pandions des bruits de paix. Nous laissions Ă©chapper des troupes, des bagages; mais quelques hommes de plus nâĂ©taient pas une affaire la conservation des ponts Ă©tait dâune bien autre importance. Rompus , il fallait reprendre sous Ćuvre une question dĂ©jĂ rĂ©solue. LâAutriche assemblait de nouvelles forces ; la Prusse levait le masque, et la Russie se prĂ©sentait sur le champ de bataille avec tous les moyens de ces deux puissances. La possession des ponts Ă©tait une victoire, et il nây avait que la surprise qui pĂ»t nous la faire remporter. Nous prĂźmes iMfhnoires 4ti nos mesures en consĂ©quence. Un dĂ©fendit aux troupes Ă©chelonnĂ©es sur la route de faire aucune dĂ©monstration capable de donner lâĂ©veil, on ne permit a personne dâentrer a Vienne. Quand tout fut bien vu, bien examinĂ©, le grand-duc prit possession de cette capitale et chargea Lanusse et Bertrand de faire sans dĂ©lai une reconnaissance sur le fleuve. Ces deux officiers Ă©taient suivis du 10 e hussards. Ils trouvĂšrent aux portes du faubourg un poste de cavalerie autrichienne. On ne se battait plus depuis trois jours; il y avait une espĂšce de suspension dâarmes. Ils abordent le commandant, lient coin ersationavec lui, sâattachent a ses pas, ne lâabandonnent plus. ArrivĂ©s sur les bords du fleuve ; ils sâobstinent encore a le suivre malgrĂ© lui; lâAutrichien sâemporte, lesFrançais demandent a communiquer avec le gĂ©nĂ©ral qui commande les troupes stationnĂ©es sur la rive gauche il y consent, mais il ne souffre pas que nos hussards les accompagnent; le 10 e est obligĂ© de prendre position. Cependant nos troupes arrivaient, conduites par le grand-duc et le marĂ©chal Lamies. Le pont Ă©tait encore intact, mais les conducteurs Ă©taient Ă©tablis, les canonniers tenaientleurs mĂšches le moindre signe qui eĂ»t dĂ©celĂ© le projet de passer de force eĂ»t fait avorter lâentreprise. Il fallait jouer de ruse; la bonhomie des Autrichiens sây prĂȘtait. Les deux marĂ©chaux mirent pied a terre, la colonne fit halte, il nây eut quâun petit dĂ©tachement qui se porta sur le pont et sâv Ă©tablit. Le gĂ©nĂ©ral Belliard sâavança en se 1/ ^ o promenant les mains derriĂšre le dos avec deux officiers dâĂ©tat-major. Lamies le joignit avec 47 du gĂ©nĂ©ral Rapp. dâautres; ils allaient, venaient, causaient,âet arrivĂšrent ainsi jusqu'au milieu des Autrichiens. I/ofFicier du poste ne voulait pas dâabord les recevoir, mais il finit par cĂ©der, et la conversation sâĂ©tablit. On lui rĂ©pĂ©ta les propos quâavait dĂ©jĂ tenus le gĂ©nĂ©ral Bertrand, que les nĂ©gociations avançaient, que la guerre Ă©tait finie, quâon ne se battrait, quâon ne se dĂ©chirerait plus. âPourquoi, lui dit le marĂ©chal, ,, tenez-vous encore vos canons InâaquĂ©s sur ânous? Nâest-ce pas assez de sang, de combats? âVoulez-vous nous attaquer , prolonger des ,,malheurs cpii vous pĂšsent plus quâa nous? ,,Allons , pins de provocations tournez vos piĂš- ,,ces. ,,MoitiĂ© subjuguĂ©, moitiĂ© convaincu, le commandant obĂ©it. 1/artillerie fut dirigĂ©e sur les troupes autrichiennes, et les armes mises en faisceau, Pendant ces pourparlers, lepelo- ton dâavant-garde avançait lentement, mais enfin il avançait, masquant des sapeurs, des canonniers, qui jetaient dans le fleuve les matiĂšres combustibles, rĂ©pandaient de lâeau sur les poudres et coupaient les conducteurs. LâAutrichien, trop peu familieravec notre langue pour sâintĂ©resser beaucoup a la conversation, sâaperçut que la troupe gagnait du terrain, et sâefforçait de faire comprendre que cela ne devait pas ĂȘtre, quâil ne le souffrirait pas. Le marĂ©chal Lamies* le gĂ©nĂ©ral Belliard , tĂąchĂšrent de le rassurer ; ils lui dirent que le froid Ă©tait vif, que nos soldats marquaient le pas, quâils cherchaient h sâĂ©chauffer en se donnant du mouvement. Mais la colonne approchait toujours, elle Ă©tait dĂ©jĂ aux trois quarts du pont ; il perdit patience et commanda le feu. foute la troupe 48 MĂ©moires courut aux armes, les artilleurs apprĂȘtaient leurs piĂšces, la position Ă©tait terrible un peu moins de prĂ©sence dâesprit, le pont Ă©tait en lâair, nos soldats dans les flots, et la campagne compromise. Mais lâAutrichien avait affaire a des hommes qui nâĂ©taient pas faciles a dĂ©concerter. Le marĂ©chal Lannes le saisit dâun cĂŽtĂ©, le gĂ©nĂ©ral Belliard de lâautre; ils ĂŻe secouent, le menacent, crient, empĂȘchent quâon ne lâentende. Arrive sur ces entrefaites le prince dâAuersberg, accompagnĂ© du gĂ©nĂ©ral Bertrand. Un officier court rendre compte au grand-duc de lâĂ©tat des choses; transmet a la troupe, en passant, lâordre dâallonger le pas et dâarriver. Le marĂ©chal sâavance au-devant du prince, se plaint du chef du poste, demande quâil soit remplacĂ©, puni, Ă©loignĂ© dâune arriĂšre-garde oĂč il peut troubler les nĂ©gociations. Auersberg donne dans le piĂšge. Il discute, approuve, contredit, se perd dans une conversation inutile. ]Nos troupes mettent le temps a profit; elles arrivent, dĂ©bouchent, et le pont est emportĂ©. Des reconnaissances sont aussitĂŽt dirigĂ©es dans tous les sens, et le gĂ©nĂ©ral Belliard porte nos colonnes sur la route de Stokerau, oĂč elles prenent position. Auersberg, confus de sa loquacitĂ© intempestive, se rend auprĂšs du grand-duc, qui, aprĂšs un court entretien, lâadresse a NapolĂ©on et passe aussi le fleuve. Le piquet autrichien veillait toujours a la garde du pont. Nous bivouaquions pĂȘle-mĂȘle. Les troupes Ă©taient confondues a Stokerau comme sur les bords du fleuve. NapolĂ©on trouva ce mĂ©lange inutile. Il envoya les houlans a Vienne, oĂč ils furent dĂ©sarmĂ©s. Nous 49 du gĂȘnerai Rapp. Nous arrivĂąmes a Austerlitz* Les Russes avaient des forces supĂ©rieures aux nĂŽtres; ils avaient repliĂ© nos avant-gardes et nous croyaient dĂ©jĂ vaincus* I/action sâengagea ; mais, au lieu de ces succĂšs faciles que leur garde seule devait obtenir, il trouvĂšrent partout une rĂ©sistance opiniĂątre* Il Ă©tait dĂ©jĂ une heure, et la bataille Ă©tait loin de se dĂ©cider pour eux* Ils rĂ©solurent de tenter au centre un dernier effort. La garde impĂ©riale se dĂ©ploya ; infanterie , cavalerie , artillerie, marchĂšrent sur le pont sans que NapolĂ©on aperçût ce mouvement, que lui dĂ©robaient les accidents du terrain. Un feu de mousqueterie se fit bientĂŽt entendre, câĂ©tait une brigade commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Schinner que les Russes enfonçaient. NapolĂ©on mâordonna de prendre les Mamelouks, deux escadrons de chasseurs, un de grenadiers de la garde , et de me porter en avant pour reconnaĂźtre l'Ă©tat des choses. Je partis au galop, et nâĂ©tais pas a une portĂ©e de canon que jâapperçus le dĂ©sastre. La cavalerie Ă©tait au milieu de nos carrĂ©s, et sabrait nos soldats. Un peu en arriĂšre nous discernions les masses a pied et a cheval qui formaient la rĂ©serve. Lâennemi lĂącha prise et accourut a ma rencontre. Quatre piĂšces dâartillerie arrivĂšrent au galop et se mirent en batterie. Je mâavançai en bon ordre; jâavais a ma gauche le brave colonel Morland , et le gĂ©nĂ©ral Dallemagne a ma droite. ,,Voyez- ,,vous, dis-je a ma troupe, nos frĂšres, nos amis âquâon foule aux pieds vengeons-les, ven- ,,geons nos drapeaux.â Nous nous prĂ©cipitĂąmes sur lâartillerie , qui fut enlevĂ©e* La cava- 4 50 MĂ©moires lerie nous attendit de pied ferme et fut culbutĂ©e du mĂȘme choc; elle sâenfuit en dĂ©sordre, passant , ainsi que nous, sur le corps de nos carrĂ©s enfoncĂ©s. Les soldats qui nâĂ©taient pas blessĂ©s se ralliĂšrent. Un escadron de grenadiers a cheval vint me renforcer; je fus a mĂȘme de recevoir les rĂ©serves qui arrivaient au secours de la garde russe. Nous recommençùmes. La charge fut terrible ; lâinfanterie nâosait hassarder son feu; tout Ă©tait pĂȘle-mĂȘle; nous combattions corps Ăą corps. Enfin lâintrĂ©piditĂ© de nos tronpes triomphe de tous les obstacles; les Russes fuient et se dĂ©bandent, Alexandre et lâempereur dâAutriche furent tĂ©moins a la dĂ©faite ; placĂ©s sur une Ă©lĂ©vation a peu de distance du champ de bataille , ils virent cette garde qui devait fixer la victoire taillĂ©e en piĂšces par une poignĂ©e de braves, Les canons , le bagage, le prince Repnin, Ă©taient dans nos mains ; malheureusement nous avions un bon nombre dâhommes hors de combat, le colonel Morland nâĂ©tait plus , et jâavais moi-mĂȘme un coup de pointe dans la tĂȘte. Jâallai rendre compte de cette affaire a lâempereur ; mon sabre a moitiĂ© cassĂ©, ma blessure , le sang dont jâĂ©tais couveiât, un avantage dĂ©cisif remportĂ© avec aussi peu de monde sur lâĂ©lite des troupes ennemies , lui inspirĂšrent lâidĂ©e du tableau qui fut exĂ©cutĂ© par GĂ©rard. Les Russes, comme je lâai dit, se flattaient de nous battre avec leur garde seule. Cette jactance avait blessĂ© NapolĂ©on, il sâen est rappelĂ© long-temps. AprĂšs la bataille dâAusterlitz. NapolĂ©on me nomma gĂ©nĂ©ral de division , et mâenvoya au 51 du gĂ©nĂ©ral Rapp. chĂąteau dâAusterlitz pour soigner ma blessure, qui nâĂ©tait pas dangereuse. Il daigna me faire plusieurs visites , une entre autres le jour de lâentrevue quâil accorda a lâempereur dâAutriche. Il me remit deux lettres que les avant-postes avaient interceptĂ©es ; lâune Ă©tait du prince Charles, lâautre dâun prince Lichtenstein. Elles se trouvĂšrent assez importantes je les fis traduire. Le soir NapolĂ©on vint en prendre lecture a son retour. Il me parla beaucoup de François II, de ses plaintes, de ses regrets; il me dit a ce sujet des choses fort curieuses. Nous partĂźmes pour Schonbrunn. Il y avait k peine quinze jours que nous y Ă©tions lorsque NapolĂ©on me fit demander. ,,Etes-vous ,,en Ă©tat de voyager? â Oui, sire. â En ce ,,cas, allez raconter les dĂ©tails de la bataille ,,dâAusterlitz aMarmont, afin de le faire enrager ,,de nây ĂȘtre pas venu; et voyez lâeffet quâelle âa produit sur les Italiens. Voici vos instructions. âMonsieur le gĂ©nĂ©ral Rapp, âVousvous rendrez a Gratz. Vousy resterez ,,le temps nĂ©cessaire pour faire connaĂźtre au ,,gĂ©nĂ©ral Marmont les dĂ©tails de la bataille ,,dâAusterlitz ; que des nĂ©gociations sont ouver- ,,tes, mais que rien nâest fini quâ donc âse tenir prĂȘt a tout Ă©vĂ©nement et en mesure; ,,et pour prendre connaissance de la situation ,,dans laquelle se trouve le gĂ©nĂ©ral Marmont et âdu nombre d'ennemis quâil a devant lui. Vous ,,lui direz que je dĂ©sire quâil envoie des espions âen Hongrie et quâil mâinstruise de tout ce 5 ,quâil apprendra. Vous poursuivrez votre route ,,jusquâĂ Laybach, oĂč vous verrez le corps du 52 MĂ©moires \ ? ,mai'Ă©chal MassĂ©na , qui forme le huitiĂšme ,,corps de lâarmĂ©e; vous mâen enverrez lâĂ©tat ,,exact. Yous lui ferez connaĂźtre ,nable, aux dĂ©sastres de la troisiĂšme coalition, »,ds en ont ourdi une quatriĂšme ; mais lâalliĂ© sur >,la tactique duquel ils fondaient leur principale »,espĂ©rance nâest dĂ©jĂ plus ses places fortes, ses »,capitales, ses magasins, ses arsenaux, deux %âą MĂ©moires ,,cent quatre-vingts drapeaux, sept cents ,,piĂšces de bataille, cinq grandes places de ,,guerre, sont en notre pouvoir. LâOder, la ,,Wartha, les desertsde laPologne, les mauvais âtemps de la saison, nâont pu vous arrĂȘter un ,,moment; vous avez tout bravĂ©, tout sur- ,,montĂ©; tout a lui a votre approche. Câest en f ,vain que les Russes ont voulu dĂ©fendre la ,,capitale de cette ancienne et illustre Pologne; ,,1âaigle française plane sur la \ istule. Le brave âet infortunĂ© Polonais, en vous voyant, croit ,,revoir les lĂ©gions de Sobieski de retour de âleur mĂ©morable expĂ©dition. âSoldats! nous ne dĂ©poserons pas les armes âque la paix gĂ©nĂ©rale nâait affermi et assurĂ© la âpuissance de nos alliĂ©s, nâait restituĂ© a notre âcommerce sa libertĂ© et ses colonies. INous ,,avons conquis sur lâElbe et lâOder PondichĂ©ry, ,,nos Ă©tablissements des Indes, le cap de Bonne- ,,EspĂ©rance et les colonies espagnoles. Qui ,,donnerait le droit aux Russes de balancer ,,les destins? Qui leur donnex-ait le droit de ,,renverser de si justes desseins? Eux et nous, âne sommes nous plus les soldais dâAusterlitz ?â Les troupes furent rĂ©unies sur la place de Saxe câĂ©tait lâanniversaire du couronnement; les Russes occupaient le faubourg de Prague. Ces circonstances, ces souvenirs, cette perspective de gloire , furent accueillis par de longues acclamations. On ne songea plus quâa vaincre; toutes les prĂ©ventions disparurent. I/enneini couvrait la rive gauche, il avait remorque tous les bĂątiments ; un marĂ©chal-des-logis brava les lances des Cosaques, et rĂ©ussit a sâemparer dâun bateau. Câen fut assez , lâarmĂ©e oppo- du gĂ©nĂ©ral Rapp. 97 opposĂ©e leva son camp pendant la nuit; nous S assĂ mes sans obstacle. Le Bug nous offrit plus e difficultĂ©s ; sa rive gauche est plate, marĂ©cageuse, disposĂ©e pour la dĂ©fense; mais Beningsen ne sut pas profiter de ses avantages. Nous le menaçùmes sur ses ailes, nous remĂźmes a flot les bateaux quâil avait submergĂ©s ; il hĂ©sita* lĂ© fleuve fut franchi. Les Russes revinrent a la charge, ils essayĂšrent dâenlever la tĂȘte du pont que nous avions Ă©levĂ© a Okuniew; mais tout avait Ă©tĂ© prĂ©vu Dovoust Ă©tait en mesure, lâennemi fut culbutĂ© * battu* obligĂ© de repasser le Wkra,ce que câest quâilluminĂ©. â Vous ĂȘtes donc ma- »,lade? â Je ne suis pas malade, je me porte 114 MĂ©moires âbien. â Pourquoi vouliez-vous me tuer? â ,,Parce que vous faites le malheur de mon pays. ââ Vous ai-je fait quelque mal? â Comme a ,,tous les Allemands. â Par qui ĂȘtes-vous en- ,,voyĂ©? qui vous pousse a ce crime? â Personne; câest lâintime conviction quâen vous âtuant je rendrai le plus grand service a mon ,,pays et Ă l'Europe, qui mâa mis les armes h la âmain. â Est-ce la premiĂšre fols que vous me âvoyez ? â Je vous ai vu a Erfurt lors de lâen- ,,trevue. â Nave?.-vous pas eu lâintention de ,,me tuer alors? â Non, je croyais que vous ne ,,feriez plus la guerre a lâAllemagne; jâĂ©tais un âde vos plus grands admirateurs. â Depuis âquand ĂȘtes-vous a Vienne ? âDepuis dix jours. ,,- Pourquoi avez-vous attendu si long-temps ,,pour exĂ©cuter votre projet? â Je suis venu a ,,SchĆnbrunn il y a huit jours avec lâintention âde vous tuer ; mais la parade venait de Unir, jâa- ,,vais remis l'execution de mon dessein a aujourd'hui. â Vous ĂȘtes fou, vous dis-je, ou vous .,ĂȘtes malade.â'Ni lâun ni lâautre. â Quâon fasse ,,venir Corvisart. â Quâest-ce que Corvisart? â ,,Câest un mĂ©dicin, lui rĂ©pondis-je. â Je rfen ai ,,pas besoin.â Nous restĂąmes sans rien dire jusquâĂ lâarrivĂ©e du docteur; St... Ă©tait impassible. Corvisart arriva; NapolĂ©on lui dit de tĂąter le poids du jeune homme, il le fit. âNâest-cepas, ,,monsieur, que je ne suis point malade? â ,,Monsieur se porte bien , rĂ©pondit le docteur ,,en sâadressant Ăą lâempereur. â Je vous lâa- ,,vais bien dit, reprit St... avec une sorte de âsatisfaction.â NapolĂ©on, embarrassĂ© de tant dâassurance, recommença ces questions. 115 du gĂ©nĂ©ral Iiapp. ,,Vous avez une tĂšte exaltĂ©e, Vous ferez la ,,perte de votre famille; Je vous accorderai la âvie, si vous demandez pardon du crime que ,,vous avez voulu commettre, et dont vous de- ,,vez ĂȘtre fĂąchĂ©. â Je ne veux pas de pardon. JâĂ©- âprouve le plus vif regret de nâavoir pu rĂ©ussir. ,,â Diable! il paraĂźt quâun crime nâ ,,pour nous? â Vous tuer nâest pas un crime, âcâest un devoir; â Quel est ce portrait quâon ,,a trouvĂ© sur vous? â Celui dâune jeune personne que jâaime. â Elle sera bien affligĂ©e de âvotre avanture ! âElle sera affligĂ©e de ce que ,,je n ai pas rĂ©ussi ; elle vous abhorre autant âque moi. â Mais enfin si je vous fais grĂące, âmâen saurez-vous grĂ©? â Je ne vous en tuerai ^ ,,pas moins.â NapolĂ©on fut stupĂ©fait. Il donna ordre dâemmener le prisonnier. Il sâentretint quelque temps avec nous, et parla beaucoup dâilluminĂ©s. Le Soir il me lit demander et me dit âSavez-', ous que lâĂ©vĂ©nement dâaujourdâhui est ,,extraordinaire. Il y a dans tout cela des ,.menĂ©es de Berlin et de Weimar.â Je repoussai ces soupçons. ,,Mais les femmes sont capables âde tout. â Ni hommes ni femmes de ces ,,deux cours ne concevront jamais de projet ,,aussi atroce. â Voyez leur affaire de Schill. ,,â Elle nâa rien de commun avec un pareil ,,crime. âVous avez beau dire, monsieur le ,,gĂ©nĂ©ral; on ne mâaime ni a Berlin ni Ăą WĂ©i- ,,mar. â Cela nâest pas douteux maispouvez- ,,vous prĂ©tendre quâon vous aime dans ces >,deux cours? et parce quâon ne vous aime pas, faut-il vous assassiner ?â Il communiqua les mĂȘmes soupçons a. 116 MĂ©moires NapolĂ©on me donna lâordre dâĂ©crire au gĂ©nĂ©ral Lauer dâinterroger St..., afin dâen tirer quelque rĂ©vĂ©lation. Il nâen fit point. Il soutint que câĂ©tait de son propre mouvement et sans aucune suggestion Ă©trangĂšre quâil avait conçu son dessein. âą Le dĂ©part de SchĆnbrunn Ă©tait fixĂ© au 27 octobre. NapolĂ©on se leva a cinq heures du matin et me fit appeler. Nous allĂąmes a pied sur la grande route voir passer la garde impĂ©riale, qui partait pour la France. Nous Ă©tions seuls. NapolĂ©on me parla encore de St.... ,,I1 nây a ,,pas dâexemple quâun jeune homme de cet Ăąge, ,,Allemand , protestant, et bien Ă©levĂ©, ait voulu âą ,;commettre un pareil crime. Sachex comment ,,il est moiât.â du gĂ©nĂ©ral Rapp. 117 CHAPITRE XIX. Une pluie abondante nous lit rentrer. JâĂ©crivis au gĂ©nĂ©ral Lauer de nous donner des dĂ©tails a ce sujet. Il me rĂ©pondit que St... avait Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© a sept heures du matin, 27, sans avoir rien pris depuis le jeudi 24; quâon lui avait offert a manger; quâil, avait retâusĂ©, attendu, disait-il, quâil lui restait encore assez de force pour marcher au supplice. On lui annonça que la paix Ă©tait faite; cette nouvelle le fit tressaillir. Son dernier cri fut Vive la libertĂ©! vive l'Allemagne! mort Ă son tyran! Je remis ce rapport a INapolĂ©on. Il me chargea de garder le couteau, que jâai chez moi. ^NapolĂ©on me dit que les prĂ©liminaires de la paix nâĂ©taient pas encore signĂ©s, mais que les articles en Ă©taient arrĂȘtĂ©s, et quâil la ratifierait a Munich, oĂč nous devions nous arrĂȘter. INous arrivĂąmes a TNymphenbourg la cour de BaviĂšre sây trouvait. Je nâavais pas eu lâhonneur de voir le roi depuis la campagne dâAusterlitz. Il me logea dans son palais. 11 me tĂ©moigna beaucoup de confiance et de bontĂ©. Il me dĂ©peignit la triste situation de ses sujets, et ajouta que si cet Ă©tat de choses ne cessait bientĂŽt, il serait obligĂ© de mettre la clef sous la porte et de sâen aller. Ce furent ses expressions. Je conservai lesouvenir de ce dernier propos. JâĂ©tais bien dĂ©cidĂ© a le rendre, non pour lui nuire, mais- pour prouver Ăą INapolĂ©on que 118 MĂ©moires toutes les indemnitĂ©s quâil accordait a ses alliĂ©s Ă©taient loin de les satisfaire et de compenser s les charges que la guerre leur imposait. La paix fut effectivement ratifiĂ©e. Nous quittĂąmes Nyrnphenbourg, et nous arrivĂąmes a Stuttgard. NapolĂ©on fut reçu avec magnificence et logĂ© au palais, ainsi que toute sa suite. Le roi faisait construire un grand jardin, et employait Ăą ces travaux des hommes condamnĂ©s aux galĂšres. Lâempereur lui demanda ce que. câĂ©tait que ces hommes enchaĂźnĂ©s. Il rĂ©pondit que câĂ©taient, la plupart, des rebelles de ses nouvelles possessions. Nous nous remĂźmes en route le lendemain. Chemin faisant, NapolĂ©on revint sur ses malheureux et me dit ,,Câest un homme bien dur que le roi de Wur- i ,,temberg, mais aussi bien loyal. Câest le ,,souverain de lâEurope qui a le plus dâesprit.â Nous nous arrĂȘtĂąmes une heure-a Rastadt, oĂč les princes de Bade et la princesse StĂ©phanie Ă©taient venus lui faire leur cour. Le grand duc et la grande duchesse lâaccompagnĂšrent jusquâk Strasbourg. Il reçut a son arrivĂ©e dans cette ville des dĂ©pĂȘches qui lâindisposĂšrent de nouveau contre le faubourg Saint-Germain. Nous nous rendĂźmes a Fontainebleau aucun prĂ©paratif nâĂ©tait fait, il nây avait pas mĂȘme de service; mais peu aprĂšs toute la cour arriva, ainsi que la famille de NapolĂ©on. Lâempereur eut de longues confĂ©rences avec ' le ministre de la police; il se plaignait du faubourg Saint-Germain. Ce constraste de souplesse et dâaudace, que sa livrĂ©e dĂ©ployait tour a tour dans ses antichambres et les salpns, Je dĂ©concertait; il ne concevait pas qu'on fĂ»t 119 du gĂ©nĂ©ral Rapp. si bas et si perfide, quâon dĂ©chirĂąt dâune main tandis quâon sollicitait de lâautre. Il paraissait disposĂ© Ăą sĂ©vir ; FouchĂ© lâen dissuada. ,,Câest ,,de tradition, lui dit-il; la Seine coule, le faubourg intrigue, demande, consomme, et âcalomnie ; câest dans lâordre, chacun a ses âattributions.â INapolĂ©on se rendit, il ne se vengeait que des hommes. On lui proposa une entrĂ©e solennelle dans la capitale, il la refusa le vainqueur du monde Ă©tait bien au- dessus de ces triomphes dont sâenivraient les Romains. Le lendemain la cour quitta Fontainebleau. Lâempereur fit le trajet a franc Ă©trier; toute son escoi'te resta en arriĂšre, un chasseur de la garde seul put le suivre; câest ainsi quâil arriva aux Tuileries. INapolĂ©on touchait a lâune des Ă©poques les plus importantes de sa vie. 120 MĂ©moires i CHAPITRE XX. Il Ă©tait question de divorce; on en parlait hautementdans Paris, maison nâĂ©tait pas dâaccord sur le choix de cet homme extraordinaire. On dĂ©signait les princesses de Russie, de Saxe, lâarchiduchesse. Il fut dâabord effectivement question de la premiĂšre. M. de Metternich lâapprit et fit des ouvertures ; elles furent acceptĂ©es. Cependant tous les membres de la famille impĂ©riale Ă©taient opposĂ©s a cette alliance; ils redoutaient lâastuce autrichienne ; ils prĂ©voyaient que cette cour consentirait, se prĂȘterait a tout ce quâil lui demandait jusquâĂ ce que lâoccasion devint favorable ; quâalorselle lĂšverait le masque, et serait la premiĂšre a provoquer sa perte mais le mariage Ă©tait conclu, les reprĂ©sentations furent inutiles. Je fus dĂ©signĂ© pour assister a la cĂ©rĂ©monie ; câĂ©tait une espĂšce de faveur, puisquâune grande partie de la cour Ă©tait confondue dans la foule. Je nâavais cependant pas , je lâavoue , le droit dây prĂ©tendre; je mâĂ©tais permis quelques rĂ©flexions sur le divorce du chef de lâĂ©tat, et elles lui avaient Ă©tĂ© rapportĂ©es. Je plaignais lâimpĂ©ratrice JosĂ©phine, qui avait toujours Ă©tĂ© bonne, simple et sans prĂ©tentions. Elle Ă©tait relĂ©guĂ©e a laMalmaison; jâallais la voir souvent. Elle me confiait ses peines, ses ennuis ; je lâai vue pleurer des heures entiĂšres ; elle parlait de son attachement pour Bonaparte, câest ainsi quelle lâappelait parmi nous; elle regrettait le 121 du gĂ©nĂ©ral tiapp. beau rĂŽle quâelle avait jouĂ© ce regret Ă©tait bien naturel. Le lendemain du mariage non reçûmes lâordre dâaller faire les trois rĂ©vĂ©rences devant le couple impĂ©rial assis sur le trĂŽne. Je ne pus y aller, je fus retenu par une migraine que jâai assez rĂ©guliĂšrement toutes les semaines, jâen prĂ©vins le grand marĂ©chal. NapolĂ©on ne crut pas a mon indisposition ; il sâimagina que je nâavais pas voulu me soumettre a lâĂ©tiquette, et mâen sut mauvais grĂ©. Il me fit donner lâordre de repartir pour Dantzic. Le duc de Feltre me rencontra sur les boulevards et nie communiqua les intentions de lâempereur. Je demandai des instructions NapolĂ©on me rĂ©pondit sĂšchement que je nâavais quâa surveiller la Prusse, a traiter avec Ă©gard les Russes, et a rendre compte de ce qui se passerait dans les ports de la Baltique; que je pouvais me dispenser de passer par Berlin. Je mâarrĂȘtai quelques jours a Strasbourg , a Francfort , et jâarrivai le 10 juin a Dantzic. Je fus trĂšs bien reçu des troupes et des habitants. On se plaignait beaucoup du gĂ©nĂ©ral Gra- howski "les ĂŒantzicois ne lâaimaient pas ; ils avaient tort, câĂ©tait un excellent homme. La garnison ne tarda pas a sâaugmenter; elle reçut des Saxons, des Badois, des Wurtember- geois , des Westphaliens, des Hessois ; câĂ©tait une armĂ©e. Ce surcroit de forces me dĂ©plaisait parce quâil surchargeait labourgeoisie ; car pour moi je nâavais pas a me plaindre. Les sentiments des troupes nâĂ©taientpas Ă©quivoques, et les souverains dont elles dĂ©pendaient daignaient prĂšs 122 MĂ©moires que tous saisir cette occasion pour mâassurer de leur bienveillance; je ne citerai que la lettre du roi de BaviĂšre Munich, le i5 avril i8n. ,,Yous allez avoir mon 14 e rĂ©giment dâinfan- âterie sous vos ordres, mon cher Rapp; je le ,,recommande a vos bontĂ©s et a vos soins. Le âcolonel est un brave homme qui fera son de- âvoir. Le lieutenant-colonel et les deux majors ,,sont bons ; le corps des officiers de mĂȘme, âet les soldats beaux et parfaits. Je les trouve ,,bien heureux , mon cher gĂ©nĂ©ral, dâĂȘtre âsous un chef tel que vous und nochdazu ein âJSlsasser. u ,, Adressez-vous a moi directement toutes les âfois quâil sâagira du bien-ĂȘtre de ma-troupe, â ou que vous trouverez des dĂ©fauts, ou quâelle ,,servira mal; chose qui, jâespĂšre, nâarrivera âpas. Je saisisavec empressement cette occasion, âmoncher Rapp, pour vous rĂ©itĂ©rer lâassurance âde ma constante amitiĂ©. âMaximilibn-Joseph,â On m'envoya des instructions pour fermer le S urt de la place, et surveiller ceiix de la Prusse. avoust vint prendre le commandement de Hambourg je nâĂ©tais pas sous ses ordres ; mais je devais correspondre avec lui et M. de Saint- Marsan. Je ne connaissais pas ce dernier, cependant je lâestimais beaucoup ; sesleĂŒres prouvaient quâil Ă©tait homme de bien, quâil dĂ©sirait 123 du gĂ©nĂ©ral Rapp. voir la bonne harmonie renaĂźtre entre les deux nations. Je le dĂ©sirais aussi, nous Ă©tions parfaitement dâaccord.....mâĂ©crivait souvent de me dĂ©fier de ce diplomate, que câĂ©tait un traĂźtre vendu au roi et a ses ministres. Sans doute quâil en Ă©crivait autant a INapolĂ©on. Heureusement quand ce prince avait une fois son opinion fixĂ©e sur un homme, il faissait peu de cas des rapports quâon lui adressait a moins, comme il le disait, de le prendre la main dans le sac, il ne lui retirait pas sa confiance. Ma position cependant devenait pĂ©niple dâun cĂŽtĂ©, les Danzicois se plaignaient de nourrir des troupes, de supporter des charges, et dâĂštre sans commerce de lâautre, les ministres me pressaient de faire rentrer les contributions, afin de couvrir les dĂ©penses dâune expĂ©dition seçrete et du dĂ©veloppement des fortifications. Les fournisseurs menaçaient de suspendre les livraisons; je ne savais que devenir. Je retirais bien quelque argent des impositions frappĂ©es sur la Prusse ; mais ces sommes Ă©taient insuffisantes. A force cependant de persĂ©vĂ©rance et de reprĂ©sentations, je rĂ©ussis a obtenir les fonds nĂ©cessaires pour acquitter les fournitures, et peu a peu la place fut dĂ©chargĂ©e de ce service. On mâassigna des ressources pour les fortifications , et des valeurs pour les prĂ©paratifs de lâexpĂ©dition secrĂšte , qui nâĂ©tait plus un secret. Les ministres proposĂšrent un jour a INapolĂ©on de faire entretenir la garnison par le gouvernement prussien. On mâĂ©crivit pour avoir mon avis. Je rĂ©pondis que si jamais semblable dĂ©cision mâarrivait, je quitterais sur-le-champ 124 MĂ©moires Dantxic, sans quâaucune considĂ©ration fĂ»t capable de me retenir. Je dois rendre justice au marĂ©chal Davoust, qui fut Ă©galement consultĂ©; il lit voir que cette mesure Ă©tait dangereuse et inexĂ©cutable. Le projet fut abandonnĂ©. Je ne passerai pas sous silence un different bizarre que jâeus a Dantzic. Je donnais a dĂźner. Jâavais entre autres les rĂ©sidents de Prusse et de Russie; je plaçai l'un a ma droite et lâautre a ma gauche. Celui-ci se fonbalisa dâune disposition semblable. Il sâimagina que jâavais voulu molester lui, sa cour, et tout ce quâil y avait de Russes au monde. Il se plaignit; sa plainte fut transmise de Saint-PĂ©tersbourg a M. de Champagny, qui la commu- niquaalNapolĂ©on. Je reçus des reproches jâavais manquĂ© d Ă©gards au rĂ©sident dâune grande nation, jâavais donnĂ© la place dâhonneur a celui de Prusse; jâĂ©tais invitĂ© a rĂ©parer cette faute. Jâavoue que je fus piquĂ©. Je rĂ©pondis au ministre que je ne donnais pas de dĂźners diplomatiques; que les consuls Ă©trangers nâĂ©taient pas accrĂ©ditĂ©s auprĂšs du gouverneur, mais auprĂšs du sĂ©nat; que je pouvais mettre a cĂŽtĂ© de moi a ma table qui bon me semblait; que les plaintes du rĂ©sident Ă©taient ridicules ; que je ne le recevrais plus jâai tenu parole, et cette affaire nâa pas eu plus de suite. Jâai cru devoir rapporter cette anecdote, parce quâelle prouve combien on cherchait encore a cette Ă©poque Ă mĂ©nager la Russie. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 125 CHAPITRE XXL Il ne pouvait arriver rien de plus fĂącheux aux Dantzicois que d'avoir chez eux des douaniers français. Depuis long - temps il Ă©tait question de les y Ă©tablir ; je les repoussais de toutes mes forces. Leur prĂ©sence devait donner le coup de grĂące au peu de commerce que je tolĂ©rais encore malgrĂ© les cris de ĂNapolĂ©on, Elle ne devait pas ĂȘtre moins a charge Ăą tout le littoral de la Baltique, que je ne surveillais pas, je lâavoue franchement, avec la sĂ©vĂ©ritĂ© qui mâĂ©tai t prescrite aussi les dĂ©nonciations pleuvaient-elles contre moi; mais je savais dâoĂč elles partaient, je ne mâen inquiĂ©tais pas. Cependant INapolĂ©on Ă©tait outrĂ© de mon indulgence; il mâen fit des reproches. ,,Laisser ,,faire du commerce aux Prussiens et aux ,,Dantzicois, me mandat-il, câestmetrahir.". Ă©crivait dans le mĂȘme sens et envoyait des espions partout. INapolĂ©on Ă©tait fatiguĂ© de rapports et de dĂ©nonciations. Il chargea Bertrand de me faire connaĂźtre combien il Ă©tait mĂ©content. ,,Lâempereur, mon cher Rapp, , .mâĂ©crivit ce gĂ©nĂ©ral, sait que tu laisses faire ,,ia contrebande en Prusse etkDantzic; je te ,,prĂ©viens quâil est fĂąchĂ© contre toi, etc.â On cria, je laissai crier, et continuai dâuser du pouvoir avec modĂ©ration. La douane fut intsallĂ©e. On sait combien elle Ă©tait sĂ©vĂšre, 126 MĂ©moires dans les pays conquis surtout. La direction de Dantzic singeait l'indĂ©pendance. Elle prĂ©tendait ne recevoir dâordre que du ministre SuCy ; elle citait en preuve celle de Hambourg. Je tranchai la question. Jâenvoyai le directeur a WeichselmĂŒnde six jours de prison firent justice de ses prĂ©tentions. Un tel acte de sĂ©vĂ©ritĂ© Ă©tait alors sans exemple ; il fut regardĂ© comme un crime de lĂšse-majestĂ©. Le ministre sâen plaignit; mais, a sa grande surprise, NapolĂ©on lui rĂ©pliqua que si jâavais puni, câest que jâavais des motifs. âDâailleurs Dantzic est en ,,Ă©tat de siĂšge, et dans ce cas un gouverneur ,,est tout-puissant .â Les douaniers comprirent quâils avaient trop prĂ©sumĂ© de leur crĂ©dit; ils furent plus circonspects, et sâen conduisirent dâautant mieux avec les Dantzicois. Le commerce fut rassurĂ©. Il le fut encore plus quand il me vit relĂącher diverses prises faites par nos corsaires. On dĂ©nonça encore, mais toujours avec aussi peu de succĂšs. Je reçus lâordre de livrer aux flammes les marchandises anglaises cette mesure Ă©tait dĂ©sastreuse ; je lâĂ©ludai, et, malgrĂ© la prĂ©sence des douaniers, Dantzic nâen perdit pas pour plus de trois cents francs, et KĆnigsherg encore moins. Je ne parle pas de ce qui provenait des prises. Le systĂšme continental et les mesures de rigueur quâemployait NapolĂ©on dans le nord de lâAllemagne indisposait de plus en plus. La i mputation Ă©tait exaspĂ©rĂ©e. On me demandait rĂ©quemment des rapports sur sa situation morale je la dĂ©peignais telle quâelle Ă©tait en 127 du gĂ©nĂ©ral Rapp. effet, accablĂ©e, ruinĂ©e, poussĂ©e Ă bout. Je signalai ces sociĂ©tĂ©s secrĂštes oĂč la nation sâinitiait tout entiĂšre, oĂč la haine prĂ©parait la vengeance, oĂč le dĂ©sespoir rassemblait, combinait ses moyens. 'Mais INapolĂ©on trouvait ces associations ridicules. Il connaissait peu les Allemands. Il ne leur supposait ni force ni Ă©nergie ; il les comparait avec leurs pamphlets âa ces petits chiens qui aboient et nâosent pas ,,mordre.â 11 Ă©prouva plus tard de quoi ils Ă©taient capables. On me demandait aussi souvent des rapports sus ce qui se passait en Russie, sur lâarmĂ©e qui sâassemblait a Wilna. On dĂ©sirait connaĂźtre mon opinion sur ce que ferait la nation, sur ce que ferait lâAllemagne, dans le cas oĂč une expĂ©dition au delĂ du NiĂ©men serait malheureuse ou viendrait a Ă©chouer tout-a-fait. Je rĂ©pondis mot pour mot on croira avec peine a une prĂ©diction qui sâest malheureusement si bien vĂ©rifiĂ©e âSi votre majestĂ© Ă©prouvait des revers, elle ,,peut ĂȘtre assurĂ©e que Russes et Allemands, ,,tous se lĂšveraient en masse» pour secouer le j,joug ce serait une croisade , tous vos alliĂ©s »,vous abandonneraient. Le roi de BaviĂšre, sur m lequel vous comptez tant , se joindrait lui- >,mĂȘme a la coalition. Je nâexcepte que le roi >,de Saxe ; peus-ĂȘtre il vous resterait fidĂšle, >,mais ses sujets le forceraient de faire cause ncommune avec vos ennemis." NapolĂ©on, comme on peut le croire, ne fut pas content de ce rapport il lâenvoya au marĂ©chal Davoust afin quâil en prĂźt lecture, et 128 MĂ©moires le chargea de mâĂ©crire quâil Ă©tait bien Ă©tonnĂ© quâun de ses aides-de-camp se fĂ»t permis de lui adresser une lettre de cette espĂšce que mes rapports ressemblaient aux pamphlets d outre- Rhin, que je paraissais lire avec plaisir ; quâau reste , les Allemands ne seraient jamais des Espagnols. Le marĂ©chal fit sa commission ; NapolĂ©on resta long-temps indisposĂ©. LâexpĂ©rience a prouvĂ© si je-voyais juste; je me suis permis dâen faire la remarque a ce prince, comme je le dirai plus tard. Lorsquâil obligea le roi de Prusse a faire conduire a Magdebourg les marchandises prohibĂ©es qui avaient Ă©tĂ© confisquĂ©es Ă KĂŽnigsberg, je lui adressai les observations les plus vives ; je lui reprĂ©sentai combien cette mesure Ă©tait propre a soulever, a exaspĂ©rer la nation. M. de ClĂ©rambaut, qui Ă©tait consul gĂ©nĂ©ral, Ă©crivit dans le mĂȘme sens; nous ne prunes rien obtenir. La guerre avec la Russie Ă©tait a la veille dâĂ©clater; NapolĂ©on songeait au rĂŽle quâil devait donner a la Prusse. Sâallier au roi Guillaume , il conservait ses doutes et ses prĂ©ventions. Le dĂ©trĂŽner, la mesure Ă©tait violente câĂ©tait pourtant ce que lui conseillaient plusieurs personnes que je ne nommerai pas; elles voulaient quâil envahĂźt les Ă©tats de ce prince et sâen emparĂąt. Peut-ĂȘtre Guillaume nâa-t-il i jamais Ă©tĂ© bien au fait du danger quâil avait couru; jâen connaissais toute lâĂ©tendue, et jâen ressentais des peines bien vives ; je plaignais le souverain, je plaignais la nation je dĂ©tournai ce projet de toutes mes forces. 1 Des 129 du gĂ©nĂ©ral liapp. Des instructions avaient Ă©tĂ© dĂ©jĂ expĂ©diĂ©es a..4. Ce gĂ©nĂ©ral sâattendait a marcher incessamment. Quelle fut sa surprise, lorsquâau lieu de lâordre dâenvahir la Prusse il reçut la nouvelle du traitĂ© dâalliance ! elle nie parvint de suite ; jâen Ă©prouvai une vive satisfaction. I ISO MĂ©moires CHAPITRE XXII. La grande armĂ©e Ă©tait dĂ©jĂ sur la Vistule. NapolĂ©on quitta Paris, se rend it dans la capitale de la Saxe, et de la k Dantzic. Il avait Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ© par le roi de Naples , qui avait sollicitĂ© la permission dâaller a Dresde, et nâavait pu lâobtenir. Ce refus lâavait singuliĂšrement cno- quĂ© il me fit part des chagrins et des tribulations que NapolĂ©on lui causait; il le disait du moins. Nous fĂ»mes les premiers que lâempereur reçut; il dĂ©buta avec moi par une question qui Ă©tait assez plaisante. ,,Ouâest-ce que ,,les Dantzicois font de leur argent, de celui ,,quâils gagnent, de celui que je dĂ©pense chez âeux?â Je lui rĂ©pondis que leur situation Ă©tait loin dâĂȘtre prospĂšre; quâils souffraient, quâils Ă©taient aux abois. ,,Cela changera, rĂ©pliqua-t-il; câest une chose convenue, je les âgarde maintenant pour moi.â Il Ă©tait fatiguĂ© nous nous retirĂąmes le roi de Naples et moi. Je fus rappelĂ© un instant aprĂšs ; jâassistai seul a sa toilette il me fit diverses questions sur le service de la place. Quand il fut babillĂ©, son valet-de-chambre sortit. ,,Eh bien, monsieur le gĂ©nĂ©ral Rapp, ,,me dit-il, voila les Prussiens qui sont nos ,,alliĂ©s; les Autrichiens le seront bientĂŽt. â ,,Malheureusement, sire, nous faisons beaucoup de mal comme alliĂ©s; je reçois de tous 131 du gĂ©nĂ©ral Rapp> âcĂŽtĂ©s des plaintes contre nos troupes. -â'Câest ,,un torrent momentanĂ© r je verrai si Alexandre veut vĂ©ritablement la guerre ; je lâĂ©viterai ,,si je le puis." Et changeant tout a coup de conversation ,,Avez-vous remarquĂ© comme ,,Murat a mauvaise mine ? il paraĂźt malade. â* ,,Malade? non, sire, mais il a du chagrin. â âPourquoi du chagrin? Est-ce quâil nâest pas âeontent dâĂȘtre roi? â Il prĂ©tend quâil ne lâest ,,pas. -â Pourquoi faitil des sottises dans son ,,royaume ? Il doit ĂȘtre Français et non pas ,, Napolitain." Le soir, jâeus l'honneur de souper avecNapo- lĂ©on , le roi de Naples et le prince de NeuchĂątel. Avant de se mettre a table, on causa de la guerre ar r ec la Russie; nous Ă©tions dans le salon. Lâempereur aperçut tout a coup un buste en marbre, placĂ© sur la console. ,,Quelle est ,,cette femme ? â Sire, câest la reine de Prusse. Ah! monsieur le gĂ©nĂ©ral Rapp, vous avez ,,le buste de la belle reine chez vous ! Cette ,,femme-la ne mâaimait pas. â Sire, lui rĂ©pondis-je, il est permis dâavoir chez soi le buste dâune jolie femme; elle Ă©tait dâailleurs lâĂ©pouse dâun roi aujourdâhui votre alliĂ©." Le lendemain nous montĂąmes a cheval ; NapolĂ©on visita la place, et paraissait content des travaux, lorsquâil aperçut je ne sais quel objet qui lui dĂ©plut; il sâemporta et me dit, devant un assez grand nombre de personnes, ,,quâil ânâentendait pas que ses gouverneurs tranchassent du souverain, quâil voulait que les rĂšglements fussen t exĂ©cutĂ©s." La contravention Ă©tait rĂ©elle, mais aussi peu importante; elle 132 MĂ©moires ne mĂ©ritait pas tant de bruit. , ,N e vous affectez ,,pas de ces reproches, me dit tout bas le roi de ,,Naples ; lâempereur est contrariĂ©, il a reçu ce ,,matin des lettres qui lâont rnis de mauvaise ,,humeur.â Nous continuĂąmes notre course, et nous rentrĂąmes. NapolĂ©on reçut les gĂ©nĂ©raux et officiers sous mes ordres, ainsi que les autoritĂ©s civiles il adressa a celles-ci diverses questions sur le commerce et les finances; elles dĂ©ploraient leur position ,,Elle changera, leur ,,dit-il je vous garde pour moi, câest une chose ,,convenue il nây a que les grandes familles ,,qui prospĂšrent.â Il aperçut M. de Franzins ainĂ©. âQuantavous, monsieur de Franzins, ,,vous ne vous plaignez pas, vos affames sont ,,en assez bon Ă©tat; vous avez au moins dix âiuillions de fortune. 44 Fe soir, jâeus lâhonneur de souper encore avec NapolĂ©on, le roi de Naples et le prince de NeuchĂątel. NapolĂ©on garda le silence assez iong-temps et prenant tout a coup la parole, Il me demanda combien il y avait de Dantzic a Cadix. - ,,11 y a trop loin, sire. â Ah! je ,,vous comprends, monsieur le gĂ©nĂ©ral nous ,,en serons pourtant bien plus loin dâici Ă quelques mois. â Tant pis. 44 Le roi de Naples, le prince de NeuchĂątel, ne dirent pas un mot. âJe vois bien, messieurs, reprit NapolĂ©on, que ,,vous nâavez plus envie de faire la guerre le ,,roi de Naples ne veut plus sortir de son beau ,,royaume, Berthier voudrait chasser Ă Gros- ,,Bois, et Rapp habiter son superbe hĂŽtel a ,,Paris. â Jâen conviens, sire. Votre majestĂ© ,,ne mâa jamais gĂątĂ©; je connais fort peu les ,,plaisirs de la capitale. 44 135 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Murat et Berthier continuĂšrent a garder le plus profond silence ; ils avaient lâair piquĂ©. AprĂšs diner ils me dirent que jâavais bien fait de parler ainsi a NapolĂ©on. ,,A la bonne heure; âmais vous nâauriez pas dĂ», leur rĂ©pondis-je, âme laisser parler tout seul.â 134 MĂ©moires CHAPITRE XXIII, NapolĂ©on quitta Dantzic et se rendit a KĆ- nigsberg; Murat lâavait accompagnĂ©, le gĂ©nĂ©ral Belliard sây trouvait aussi. Il leur parla beaucoup de lâEspagne et de son frĂšre, dont il nâĂ©tait pas content. Le gĂ©nĂ©ral Pâiahaut revenait dâune mission dont il avait Ă©tĂ© chargĂ© auprĂšs de Schwartzenberg; il rendit compte du dĂ©vouement du prince, et de lâimpatience oĂč il Ă©tait de culbuter les Russes lâempereur nâavait pas trop lâair dây croire ; cependant il se laissa persuader il pensa quâa la longue les protestations peuvent devenir sincĂšres, et les bienfaits inspirer aussi quelque reconnaissance. Il exposa son plan et ses projets ,,Si Alexandre, dit-il, ,,persiste a ne pas exĂ©cuter les conventions que ânous avons faites, sâil ne veut pas accĂ©der aux âderniĂšres propositions que je lui ai soumises, âje passe le NiĂ©men, je bats son armĂ©e et ,,mâempare de la Pologne russe; je la rĂ©unis âau grand duchĂ©, jâen fais un royaume , oĂč je ,,laisserai cinquante mille hommes que le pays ,,entretiendra. Les habitants dĂ©sirent se reconstituer en corps de nation; ils sont belliqueux, ,,ils se formeront, ils auront bientĂŽt des trou- ,,pes nombreuses et aguerries la Pologne man- âque dâarmes, je lui en fournirai; elle bridera âles Russes ; ce sera une barriĂšre contre lâirrup- ,,tion des Cosaques. Mais je suis embarrassĂ© ; je âne sais quel parti prendre a lâĂ©gard de la Ga- âlicie ; lâempereur dâAutriche ou plutĂŽt son con- 155 du gĂ©nĂ©ral Happ. âseil ne peut pas s'en dessaisir jâai offert dâam- ,,ples compensations , elles ont Ă©tĂ© refusĂ©es... ,,Ăźl faut sâen remettre aux Ă©vĂ©nements ; eux ,,seuls nous apprendront ce quâil convient de ,,faire. La Pologne, bien organisĂ©e, peut four- ,,nir cinquante mille hommes de cavalerie ,,quâen dites-vous, monsieur le gĂ©nĂ©ral Bel- ,,liard? â Je le crois, sire, rĂ©pliqua le gĂ©nĂ©- ,,ral si votre majestĂ© la mettait a cheval, lâin- âfanterie de la Yistule ferait une excellente âcavalerie lĂ©gĂšre, quâon pourrait opposer avec ,,succĂšs a cette nuĂ©e de Cosaques dont les Russes ,,se font prĂ©cĂ©der. â Nous verrons cela plus ,,tard. Yous retournez avec Murat, vous quittiez vos Suisses; que pensez-vous des Suisses? Ils iront, sire, ils se battront ils ont beaucoup gagnĂ©; depuis six semaines, ils ne sont âpas connaissables. Jâirai les voir demain. â ,,Allons, bien; rejoignez Murat et voyez avec ,,lui toute la cavalerie.â Les propositions dont parlait lâempereur ne furentpas accueillies les Russes se plaignaient de nos forces, de nos mesures commerciales ; ils exigeaient que nous Ă©vacuassions lâAllemagne. Nous marchĂąmes en avant, nous arrivĂąmes au NiĂ©men cinq ans auparavant il avait Ă©tĂ© tĂ©moin de nos victoires; lâarmĂ©e ne lâaperçut quâavec des cris de joie. NapolĂ©on se rendit aux avant-postes , se dĂ©guisa en chasseur et reconnut les bords du fleuve avec le gĂ©nĂ©ral Axo. Il sâentretint ensuite quelques instants avec le roi de Naples il lui indiqua lâendroit oĂč il convenait de jeter les ponts, et lui donna ordre de concentrer ses troupes, afin que le passage fĂ»t rapidement effectuĂ©. La cavalerie 136 MĂ©moires Ă©tait h cheval, lâinfanterie avait pris les armes; jamais spectacle ne fut plĂŒs magnifique. EblĂ© se mit a lâouvrage ; les pontons furent placĂ©s a minuit a une heure, nous Ă©tions sur la rive droite et le gĂ©nĂ©ral Pajol a Kowsno ; Baga- wouth lâavait Ă©vacuĂ©, nous lâoccupĂąmes sans coup fĂ©rir. Nous continuĂąmes le mouvement; nous marchions sans relĂąche nous nâapercevions que quelques pulks de Cosaques qui se perdaient s a lâhorizon. Nous arrivĂąmes a Wilna; ses immenses magasins Ă©taient en feu nous lâĂ©teignĂźmes ; la plus grande partie des subsistances fut sauvĂ©e. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 137 CHAPITRE XXIV, Cet incendie, cette terre quâavaient tant de fois foulĂ©e les lĂ©gions polonaises, au retour de leurs glorieuses expĂ©ditions , nous remplirent dâune nouvelle ardeur lâarmĂ©e sâabandonnait a la puissance des" souvenirs. INous nous prĂ©cipitĂąmes Ăą la suite de lâennemi; mais la pluie tombait par torrents, le froid Ă©tait devenu sĂ©vĂšre; câĂ©taient les boues, les fondriĂšres de Pul- tusk nous nâavions ni abri ni aliments, Si du moins les Russes eussent osĂ© nous attendre; mais ils gagnaientle BorysthĂšne, ils se jetaient sur la Dvvina , ils fuyaient , dĂ©vastaient ce nâĂ©tait pas une guerre, câĂ©tait une lutte a la course, Ils nâavaient plus ni ensemble ni communications ; nous avions perdu lâespĂ©rance dâune bataille. A force de vitesse, lâarmĂ©e ennemie parvint cependant Ăą se rallier ; elle se rĂ©fugia dans les ouvrages quâelle avait Ă©levĂ©s Ăą Drissa; mais elle se vit bientĂŽt menacĂ©e dans ses retranchements et sa retraite elle nâosa courir cette double chance et sâĂ©loigna. Elle Ă©tait perdue si elle eĂ»t tardĂ© quelques heures; toutes les dispositions Ă©taient faites pour la prendre en flanc et lui intercepter la route un coup de main la sauva. Des coi'ps avancĂ©s ne se gardaient pas avec assez de vigilance ; Witt- genstein les surprit NapolĂ©on crut que les Russes marchaient Ăą nous; il arrĂȘta ses colonnes ce retard les sauva; ils avaient fait leur mouvement quand nous arrivĂąmes Ăą Besxenko- 138 MĂ©moires wnzi. Leroi de Naples les suivit; il les atteignit , les culbuta a Ostrowno, les chargea encore a quelques lieues plus loin % et dispersa toute lâarriĂšre-garde. Au reste, voici son rapport je lâinsĂšre parce quâil peint la maniĂšre de ce prince, qui ne mĂ©ritait pas de mourir ailleurs que sur le champ de bataille. .,Je mis en mouvement le premier corps de -la rĂ©serve de la cavalerie et deux bataillons ,,dâinfanterie lĂ©gĂšre la division DĂ©lions suivit -le mouvement. Nous rencontrĂąmes lâarriĂšre-garde ennemie a environ deux lieues dâOs- ,,trowno ; elle Ă©tait avantageusement placĂ©e -derriĂšre un ravin escarpĂ©; elle avait une nom- -breuse artillerie, son front et ses flancs Ă©taient -couverts par des bois touffus on Ă©changea -quelques coups de canon, on envoya les ba- âtaillons pour arrĂȘter lâinfanterie qui faisait -rĂ©trograder nos hussards. La division Delzons -arriva; le rĂŽle de la cavalerie Ă©tait fini, Le -vice-roi fit ses dispositions, on marcha a lâen- -nemi; on passa le ravin la brigade de cava- -lerie Ă©trangĂšre qui longeait la Dwina protĂ©geait notre gauche et dĂ©bouchait dans la plaine ; -le reste des troupes lĂ©gĂšres marchait sur la -chaussĂ©e Ăą mesure que lâinfanterie ennemie -rĂ©trogradait. Les cuirassiers furent laissĂ©s en -rĂ©serve en arriĂšre du ravin et les canons mis -en batterie. Ma droite Ă©tait protĂ©gĂ©e par des -bois immenses, et Ă©clairĂ©e par de nombreux -partis. Lâennemi fut poussĂ© jusquâĂ la deuxiĂšme -position en arriĂšre du ravin oĂč Ă©tait la rĂ©- -serve; il nous ramena a son tour sur le ravin; âil en fut de nouveau repoussĂ© il nous rarae- -nait pour la seconde fois ; dĂ©jĂ il Ă©tait sur le 139 du general liapp. ,,point dâenlever nos piĂšces, embarrassĂ©es dans ,,un dĂ©filĂ© quâellestraversaientpour allerpren- ,,dre position sur les hauteurs; notre gauche ,,Ă©tait culbutĂ©e , et lâennemi faisait un grand ,,mouvement sur la droite la brigade Ă©trangĂšre allait ĂȘtre dispersĂ©e. Dans cet Ă©tat de ,,choses , il nây avait quâune charge de cavalerie qui pĂ»t rĂ©tablir les affaires; je la tentai. ,,NoĂčs nous portĂąmes sur cette infanterie qui ,,sâavançait audacieusement dans la plaine; les ,,braves Polonais sâĂ©lancĂšrent sur les bataillons ,,russes pas un homme nâĂ©chappa, pas un ne ,,fut fait prisonnier ; tout fut tuĂ©, tout pĂ©rit; ,,le bois mĂȘme ne put dĂ©rober personne autran- ,,chant du sabre. En mĂȘme temps les carrĂ©s ,,sâĂ©branlaient au pas de charge ; le gĂ©nĂ©ral ,,Girardin, qui conduisait les bataillons de ,,gauche, faisait un changement adroite, et ,,se portait par la grande chaussĂ©e sur les derriĂšres de lâennemi ; les troupes qui se trouvaient a droite exĂ©cutaient la mĂȘme manĆuvre. Le gĂ©nĂ©ral PirĂ© les soutenait ; il chargea ,,'a le tĂȘte du huitiĂšme de hussards lâennemi ,,fut culbutĂ©; il ne dut son salut quâaux bois ,,et aux ravins qui retardaient la marche. ,,'foute la division suivait le mouvement; lâin- ,fanterie sâavançait par la chaussĂ©e, la cavalerie dĂ©bouchait par les hauteurs je faisais ,,cauonner les cinq a six rĂ©giments a cheval ,quâelle avait en face. Ce fut dans cette position que me trouva votre majestĂ©; elle me >,fit poursuivre Pennemi, je le poussai jusquâĂ >,une lieue et demie de Witepsk. Voila, sire, i,le rĂ©cit de lâaffaire que nous venons dâavoir âavec les Russes elle leur coĂ»te environ trois 140 MĂ©moires âmille morts et un grand nombre de blessĂ©s ; ânous nâavons presque perdu personne. Ce rĂ©sultat est en grande partie lâouvrage du comte ,,Belliard, quia donnĂ© dans cette journĂ©e de ,,nouvelles preuves de dĂ©vouement et de cou- ,,ragĂȘ. Câest a lui quâon doifcla conservation de ,,rartillerie de la division DĂ©lions.â Tout fatigue a la longue; la lassitude mĂȘme inspire de courage. Barclay lâĂ©prouva deux ou trois fois il eut le dessein de tenter le sort dĂ©sarmĂ©s; mais je ne sais quel pressentiment de dĂ©faite lâagitait a la vue de uos soldats Ă peine il les voyait paraĂźtre quâil prĂ©cipitait sa fuite; ses magasins, ses piĂšces, ses ouvrages, tombaient dans nos mains sans lâĂ©mouvoir. Il nâavait quâun but, quâun objet ; câĂ©tait dâĂ«tre toujours quelques lieues en avance. Bagration imitait cet exemple , mais montrait parfois de la rĂ©solution ; il eut divers engagements avec notre avant-garde. Le marĂ©chal Davoust le poussait vivement ; mais le roi de Vestphalie marchait avec mollesse, Vandame discutait avec ce souverain, les ordres ne sâexĂ©cutaient pas. Cette mĂ©sintelligence sauva le prince russe; il nous gagna de vitesse, atteignit Mo- hilow, fut battu il fut, bien arrivĂ© pis sans ces contestations que NapolĂ©on ne devait pas prĂ©voir. Les Busses, Ă©parpillĂ©s sur les bords du NiĂ©men, se trouvaient rĂ©unis sur ceux duBo- rysthĂšne ils se prĂ©paraient a dĂ©fendre Smo- lensk, et nous a lâemporter. du general Rapp. 141 CHAPITRE XXV. Jâavais quittĂ© Dantzic et traversais la Lithuanie ; ce pays e'tait agreste, c'Ă©taient des bois, des steps, un tableau indĂ©fini de misĂšre et de dĂ©solation. Nous Ă©tions a cette Ă©poque de lâannĂ©e oĂč la nature Ă©tale ses richesses ; cependant la vĂ©gĂ©tation Ă©tait faible, languissante tout, dans ces fatales contrĂ©es, peignait le deuil, tout prĂ©sageait les dĂ©sastres qui devaient nous accabler. La pluie nâarrĂȘtait pas, les routes Ă©taient dĂ©foncĂ©es, impraticables; on se perdait dans la vase, on succombait de lassitude et dâinanition dix mille chevaux gisaient sans vie sur un espace que nous avions parcouru en deux jours; jamais mortalitĂ© aussi effrayante nâavait signalĂ© le dĂ©but dâune campagne. Nos soldats, chancelants sur ces terres argileuses, sâĂ©puisaient en vains efforts ; la plupart ne pouvaient suivre, ils traĂźnaient; les troupes alliĂ©es surtout en avaient un nombre prodigieux sur nos derriĂšres. Il Ă©tait facile de pressentir que lâissue de la guerre serait malheureuse nous avions pour nous la force et le courage, mais la nature prenait parti pour eux ; a la longue nous devions succomber. Quoi quâil en soit, jâarrivai a Wilna; jây trouvai le duc de Bassano, dont les pronostics Ă©taient moins sombres, le gĂ©nĂ©ral Hogendorp, aide-de-camp de NapolĂ©on, que je ne connaissais pas encore; et ce gĂ©nĂ©ral Jo- mini qui, depuis, dĂ©serta nos drapeaux. Les MĂ©moires 142 uns et les autres auguraient mieux que moi de la lutte qui sâĂ©tait engagĂ©e. Elle se prĂ©sentait en eflet sous des auspices spĂ©cieux la Pologne entiĂšre Ă©tait en mouvement ; hommes, femmes, paysans, bourgeois, gentilshommes, tous Ă©taient animĂ©s du plus noble enthousiasme; les troupes sâorganisaient, les administrations se formaient, on assemblait des ressources, et on se disposait a refouler lâoppression par-delĂ le BorysthĂšne. La diĂšte de Varsovie Ă©tait ouverte; cette nation, si long-temps battue par lâorage, croyait enfin toucher au port aucun sacrifice ne lui coĂ»tait. Le discours du prĂ©sident avait excitĂ© des acclamations gĂ©nĂ©rales, partout il avait Ă©tĂ© reçu avec transport. Je fus curieux de le lire ; M. de Bassano me le communiqua ,,I1 pourrait ĂȘtre ,,mieux, me dit-il, mais enfin il est passable.â Lâempereur eĂ»t dĂ©sirĂ© qĂ©âil fĂ»t plus fort de choses et renfermĂąt des phrases moins savantes. CâĂ©tait lâĂ©lan du patriote et non les mouvements compassĂ©s de lâorateur quâil fallait dans une si grave circonstance ; nĂ©anmoins il Ăą produit son effet. ,,Long-temps avait existĂ© dans le centre de ,,lâEurope une nation cĂ©lĂšbre, maĂźtresse dâune âcontrĂ©e Ă©tendue et fĂ©conde, brillante du dou- ,,ble Ă©clat de la guerre et des arts, protĂ©geant ,,depuis des siĂšcles, dâun bras infatigable, les ,,barriĂšres de lâEurope contre les barbares qui ,,frĂ©missaient autour de son enceinte. Un peu- âple nombreux prospĂ©rait sur cette terre. La ,,nature rĂ©pondait avec libĂ©ralitĂ© Ăą ses travaux. ,,Souvent ses rois avaient pris place dans lâhis- âtoire a cĂŽtĂ© de ceux qui ont le plus honorĂ© ,,le rang suprĂȘme. 145 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ,,Mais cette terre câest la Pologne, le peuple ,,câest vous que sont-ils devenus ? comment âsâest opĂ©rĂ© le dĂ©chirement de notre patrie ? ,,comment cette grande famille, qui mĂȘme en âse divisant ne se sĂ©parait pas, qui avait su res- ,,ter unie a travers des siĂšcles de divisions; ,,comment cette puissante famille sâest-elle vue ,,dĂ©membrĂ©e? quels ont Ă©tĂ© ses crimes et ses ,,juges ? de quel droit a-t-elle Ă©tĂ© attaquĂ©e, âenvahie, effacĂ©e de la liste des Ă©tats et des peu- ,,ples ? dâoii lui sont venus des oppresseurs, des ,,fers?... Lâunivers indignĂ© nous rĂ©pondrait., cha- ,,que Ă©tat, chaque peuple nous dirait quâil a ,,cru voir son tombeau sâentĂ©'ouvrir a cĂŽtĂ© de ,,celui de la Polongne, que dans lâaudacieuse profanation des lois sur lesquelles reposent ,,Ă©galement toutes les sociĂ©tĂ©s, dans lâinsultant ,,mĂ©pris quâon en a fait pour nous perdre, le ,,monde a pu se croire livrĂ© au seul empire des âconvenances, et que bientĂŽt, pour lui, il nây ,,aura plus dâautre maĂźtre. LâEurope effrayĂ©e, âmenacĂ©e, indiquerait surtout h notre juste pressentiment cet empire qui, en nous caressant, se prĂ©parait a peser sur elle dâun poids nouveau. Câest la Russie qui est lâauteur de tous nos maux. Depuis un siĂšcle elle sâavance a pas de gĂ©ant vers des peuples qui ignoraient jusquâĂ son nom. âLa Pologne ressentit aussitĂŽt les premiers effets de cet accroissement de la puissance russe. PlacĂ©e au premier rang de son voisi- nage, elle a reçu ses premiers comme ses der- niers coups. Qui pourrait les compter depuis quen 1717 la Russie essaya son influence par 144 MĂ©moires ,,le licenciement de lâarmĂ©e polonaise? Depuis ,,cette Ă©poque quel instant a Ă©tĂ© exempt de son ,,influence ou de ses outrages ? ,,Si cette puissance astucieuse sâunit a la Pologne, câest pour lui imposer, comme en 1764, âcette funeste garantie qui attachait lâintĂ©gritĂ© ,,de nos frontiĂšres a la perpĂ©tuitĂ© de lâanarchie ; âpour faire de cette anarchie le moyen de rem- ,,plir ses desseins ambitieux. Le monde sait ce â[uâils ont Ă©tĂ© depuis cette funeste Ă©poque. ,,Câest depuis elle que, de partage en partage, ,,on a vu la Pologne disparaĂźtre entiĂšrement ,,sans crime comme sans vengeance câest de- ,,puis elle que les Polonais ont entendu, en frĂ©- âmissant , le langage insultant des Repnin, âdes Sivers; câest depuis elle que le soldat russe ,,sâest baignĂ© dans le sang de leurs concitoyens. ,,en prĂ©ludant a ce jour a jamais exĂ©crable, ,,faut-il le rappeler, dans lequel, au milieu âdes hurlements dâun vainqueur farouche, ,,Varsovie entendit les cris de la population âde Prague qui sâĂ©teignait dans le meurtre et ,,1âincendie. Polonais, car il est temps dĂ©faire ,,retentir a vos oreilles ce nom que nous nâau- ,,rions jamais dĂ» perdre, voila les routes odieuses par lesquelles la Russie est parvenue Ă ,,sâapproprier nos plus belles provinces ; voila ,,les titres, les seuls titres quâelle exerce sur ,,nous. La force seule a pu nous enchaĂźner, la ,,force peut aussi briser les fers quâelle seule a ,,forgĂ©s. Ces fers seront brisĂ©s. La Pologne existera donc; que disons-nous? elle existe dĂ©jĂ , âou plutĂŽt elle nâa pas cessĂ© dâexister. Que âfont a ses droits la perfidie, les complots, les vio- 145 du gĂ©nĂ©ral Rapp . â violences sous lesquelles elle a succombĂ©? âOui, nous sommes encore la Pologne , nous âle sommes aux titres que nous tenons de la ânature, de la sociĂ©tĂ©,. de nos ancĂȘtres ; a ces ,,titres sacrĂ©s que reconnaitlâunivers et dont le ,,genre humain a fait sa sauvegarde.â Je fus entraĂźnĂ©. Jâavais tant ,vu les braves lĂ©gions polonaises en Italie, en Egypte et ailleurs ! Ils avaient vĂ©ritablement raison ; ils Ă©taient encore la Pologne. ,,En fait de courtage, ,,dis-je au duc, rien ne me surprendrait de la âpart de cette vaillante nation ; mais jâavoue ,,que je ne la soupçonnais pas de ce talent. â âVous ĂȘtes bon, reprit M. deBassano; ils ont âbien autre chose a faire que des harangues ! â ,,Qui tient donc la plume ? â LâabbĂ©. â Quel âabbĂ© ? Croyez-vous que lâempereur ait de la ,,prĂ©dilection pour les rabats? â Non, mais âenfin, au temps oit nous sommes, ce nâest âpas sans des considĂ©rations puissantes quâon ,,confie une ambassade a un prĂȘtre. â Câest ,,1âarchevĂȘque? â Lui-mĂȘme; nous lâavons en- âvoyĂ© a Varsovie pour enivrer les Polonais de ,,son Ă©loquence. Je ne le crois pas fort habile âen affaires mais il est tout dĂ©vouĂ© a lâempereur; câest le principal. Ses ennemis 1 accusent ,,dâĂȘtre ambitieux, inquiet, sans consistance ,,dans ses afFections, dans ses idĂ©es, de changer blanc, de chanter noir, dâĂȘtre tout ce que ,,les circonstances exigent. Je crois ce portrait âchargĂ©. Je suis mĂȘme persuadĂ© que si les Ă©vĂ©nements compromettaient la gloire de nos ar- âmes, on ne le verrait pas dans les rangs de ,,nos dĂ©tracteurs. â Je le crois bien; il a trop 10 146 MĂ©moires t ,,maltraitĂ© les Cosaques {jour devenir jamais ,,leur patriarche.â La dĂ©putation de la diĂšte Ă©tait encore a Wilna. Je connaissais quelques uns de ceux qui la composaient. Je les vis, ils me parlĂšrent de leurs espĂ©rances , de leurs moyens et de leurs droits. Ces idĂ©es me frappĂšrent ; jâen rendis compte au duc. ,,Vous ĂȘtes admirable ! me dit- ,,il. Quoi! vous ne reconnaissez'pas lâarchevĂȘ- ,,que ? vous ne voyez pas avec quel art il setra- ,,hit? Et ces rĂ©miniscences bibliques, a qui âvoulez-vous quâelles viennent, si ce nâest un ,,prĂȘtre? Au reste, je vais vous passer la piĂšce. â ,,Sire, la diĂšte du grand duchĂ© de Varsovie, ârĂ©unie a lâapproche des puissantes annĂ©es de ,,votre majestĂ©, a reconnu dâabord quâelle avait ,,des droits a rĂ©clamer et des devoirs a remplir ,,dâune voix unanime, elle s'est constituĂ©e en âconfĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale de la Pologne ; elle a âdĂ©clarĂ© le royaume de Pologne rĂ©tabli dans âses droits, et en mĂȘme temps que les actes ,,usurpateurs et arbitraires par lesquels on avait ,,dĂ©truit son existence Ă©taient nuis et de nulle ,, valeur. ,,Sire, votre majestĂ© travaille pour la postĂ©ritĂ© et pour lâhistoire. Si lâEurope ne peut mĂ©- ,,connaĂźtre nos droits, elle peut encore bien ,,moins mĂ©connaĂźtrĂ© nos devoirs. INatiou libre âet indĂ©pendante depuis les temps les plus refoulĂ©s, nous nâavons perdu notre territoire et ânotre indĂ©pendance ni par des traitĂ©s ni par âdes conquĂȘtes, mais par la perfidie et par la ftrabison. La trahison nâa jamais constituĂ© des 14 ? du gĂ©nĂ©ral Rapp. âdroits. Nous avons vu notre dernier roi traĂźnĂ© âa Saint-PĂ©tersbourg, oĂč il a pĂ©ri, et notre inaction dĂ©chirĂ©e en lambeaux par des princes âavee qui nous nâavions point de guerre et qui ,,ne nous ont point conquis. âNos droits paraissent donc Ă©vidents aux âyeux de Dieu et des hommes. Nous, Polonais, ânous avons le droit de rĂ©tablir le trĂŽne des âJagellonsetdes Sobieski, de ressaisir notre indĂ©pendance nationale, de rassembler nos mem- ,,bres divisĂ©s, de nous armer nous-mĂȘmes pour ,,notre pays natal, et de prouver en nous bat- âtant pour lui que nous sommes de dignes descendants de nos ancĂȘtres. â Votre majestĂ© peut-elle nous dĂ©savouer ou ânous blĂąmer, pour avoir fait ce que notre de- ,.voir, comme Polonais, exigeait de nous, et ,,pour avoir repris nos droits V Oui, sire, laPo- ,,logne est proclamĂ©e de ce jour; elle existe par âles lois de lâĂ©quitĂ©, mais elle doit exister parle âfait; le droit et la justice lĂ©gitiment notre rĂ©solution, mais elle doit ĂȘtre soutenue de notre âcĂŽtĂ©. Dieu, nâa-t-il pas assez puni la Pologne âde ses divisions ? veut-il perpĂ©tuer nos maigreurs? et les Polonais, aprĂšs avoir nourri l'a- âmour de leur patrie , devaient-ils descendre ,,au tombeau malheureux et sans espoir ? Non, ,,sire. V ousaVez Ă©tĂ© envoyĂ© par la providence ; ,le pouvoir est remis dans les mains de votre »majestĂ©, et lâexistence du grand duchĂ© est due Ă la puissance de vos armes. ,,Dites, sire Due le royaume de Pologne » existe; et ce dĂ©crĂȘtsera pour le monde Ă©qui- 10 . 148 MĂ©moires ,valent Ă la rĂ©alitĂ©. Nous sommes seize millions de Polonais, parmi lesquels il nây en a 5 ,pas un dont le sang, les bras, la fortune, ne soient dĂ©vouĂ©s a votre majestĂ©. Chaque sacri- iiee nous paraĂźtra lĂ©ger sâil a pour objet le rĂ©tablissement de notre pays natal. De la ,,Dwina, au Dniester, du BorysthĂšne a lâOder, ^un seul mot de votre majestĂ© lui dĂ©vouera ,,tous les bras, tous les efforts, tous les cĆurs. Cette guerre sans exemple que la Russie a osĂ© dĂ©clarer, nonobstant les souvenirs dâAuster- ,,litz, de Pultusk, dâEylau , de Friedland, ,,malgrĂ© les serments reçus a Tilsit, et a Er- âfurth, est, nous nâen doutons pas, un effet âde la providence , qui, touchĂ©e des infortunes de notre nation, a rĂ©solu dây mettre fin. ,,La seconde guerre de Pologne vient seules ,,ment de commencer , et dĂ©jĂ nous apportons nos hommages a votre majestĂ© dans .,1a capitale des Jagellons. DĂ©jĂ les aigles âde votre majestĂ© sont sur la Dwina ; et ,,les armĂ©es de la Russie , sĂ©parĂ©es , divisĂ©es , coupĂ©es , errent incertaines , et ,,cherchent en vain a se rĂ©unir et a se for- âmer, etc.â ,,Câest bien. â Oui, sans doute; mais il âest si charmĂ© du chef-dâĆuvre , quâil croirait manquer a sa gloire sâil ne publiait partout que son gĂ©nie protĂšge la Pologne. Vingt ,,fois par jour je suis obligĂ© de modĂ©rer ces ,,excĂšs dâamour-propre. Ce matin encore je ,,lui ai fait sentir lâinconvenance de ses mouvements de vanitĂ©. â Il ossianise vous ,,rappelez-vous le mot? â Il le peint a merveille. A 11 reste, si sa prose va bien, lâam- 149 du gĂ©nĂ©ral Rapp, âbassade ne va guĂšre. Sans Duroc, qui le couvre de son ombre, je lâaurais dĂ©jĂ renvoyĂ© a âses ouailles. Que diable lâaumĂŽnerie a-t-elle ,,de commun avec les ambassades? CâĂ©tait bien ,,la peine de se donner tant de mouvement pour âne rien faire qui vaille !â , 150 MĂ©moires CHAPITRE XXVI. Je me remis en route câĂ©taient des bois, des steps, tout ce que la nature a de plus sauvage; mais je rencontrais Ă chaque pas des officiers qui allaient en mission; ils me donnaient des nouvelles de mes amis, de lâarmĂ©e jâoubliais les lieux que je parcourais ; je discourais sur les chances probables de la guerre; ils me parlaient de la valeur des troupes, de la prodigieuse activitĂ© de lâempereur. Elle Ă©tait en effet inconcevable les mouvements, lâadministration, les mesures de sriretĂ© et de prĂ©voyance, il embrassait tout, il suffisait a tout. Les instructions donnĂ©es a M. dâHautpoult en sont un exemple. Elles mĂ©ritent dâĂȘtre conservĂ©es. ,,Lâofficier dâordonnance dâHautpoult se ren- ,,dra a Ostrowno, et de la a Beszenkowiczi. Il âverra a Ostrowno si le village est rĂ©habitĂ© et ,,sâil a un commandant de place pour le rĂ©organiser; il verra a Besxenkowiczi si les ponts ,,sont faits, et si on a substituĂ© un pont de ra- ,,deaux au pont de chevalet qui ne rĂ©sisterait ,,pas aux premiĂšres crues de la riviĂšre; il verra ,,si on travaille a la tĂȘte du pont; il verra lâhĂŽ- ,,pital, la manutention, les magasins ; et enfin, »,si le pays commence a se rĂ©organiser. Il nie »,rendra compte des troupes quâil rencontrera, »,soit cavalerie, soit artillerie, soit infanterie, >,soit Ă©quipages militaires. Il verra a Bes3en- .,kowicxi le quatriĂšme rĂ©giment des chasseurs »,de la garde et le bataillon de Hesse-Darmstadt, 151 du gĂ©nĂ©ral Rapp. âauxquels jâai ordonnĂ© de rester l'a en position âjusquâa nouvel ordre il doit y avoir aussi plusieurs piĂšces dâartillerie; il faudra avoir soin ,,que tout cela soit en position, et quâon travaille a la tĂšte du pont, afin de la terminer, âI1 sâinformera si on a des nouvelles des Cosa- ,,ques; et, sâil est nĂ©cessaire, il restera un jour ,,'a Beszenkowiczi, afin de tout voir et de faire âsa dĂ©pĂȘche. Il mâĂ©crira de cet endroit, en ,,ayant soin de remettre sa lettre a la premiĂšre âestafette qui passera a Beszenkowiczi. Il con- ,,tinuera sa route sur Polozk, dâoĂč il mâexpĂ©- ,,diera sa seconde dĂ©pĂȘche ; il verra les fonctionnaires de la ville, lâhĂŽpital et la manutention. Il me fera connaĂźtre combien de prisonniers a faits le duc de Beggio a ces diffĂ©rentes ,,affaires qui viennent dâavoir lieu; combien de âblessĂ©s; tout ce quâil pourra apprendre sur âcette affaire et sur la situation du corps du ,,duc de Reggio. Le duc de Tarente ayant pris âDĂŒnabourg, lâoffiicier dâordonnance dâHaut- âpoult sâinformera si la communication entre âles deux corps sâest opĂ©rĂ©e. Il prendra toutes âles informations qui pourront me faire connaĂźtre la nature des forces opposĂ©es au duc de ,,Reggio; il restera avec ce marĂ©chal, auquel ,,il remettra la lettre ci-jointe, jusquâĂ ce que ,,celui-ci ait attaquĂ© lâennemi, Ă©clairci la rive ^droite et opĂ©rĂ© sa communication avec DĂŒ- nabourg. â u Mais toute cette vigilance ne remĂ©diait pas au mal. Les traĂźnards se multipliaient a vue dâĆil; ĂŒ s encombraient nos derriĂšres. Je rendis 152 MĂ©moires 'fsJ compte a l'empereur, que je rejoignis au bivouac a trois lieues en deçà de Smolensk, du triste tableau que je nâavais cessĂ© dâavoir sous les yeux dans mon voyage. ,,Câest la suite des ,,longues marches; je frapperai un grand coup ,,et tout le monde se ralliera. Vous venez de ,,Wilna que fait Hogendorp? il se berce dans ,,son indolence ? Il nâa pas de femme avec lui?â Je nâen savais rien, je ne puis rien rĂ©pondre. NapolĂ©on reprit; ,,Sâil a sa femme, il faut ,,quâelle rentre en France, ou du moins quâil âia renvoie en Allemagne, sur les derriĂšres. ,,Berthier va lui Ă©crire.â On apporta des papiers quâon venait de traduire les uns Ă©taient les rĂ©cits de ces victoires oĂč quelques poignĂ©es de Cosaques nous avaient tous battus ; les autres des proclamations, des adresses oĂč. lâon nous signalait comme une troupe de missionnaires. ,/Voyez, me dit NapolĂ©on; vous ne vous doutiez ,,pas que nous fussions des apĂŽtres voila pourtant que nous venons damner les Russes. Ces ,,pauvres Cosaques, ils vont devenir idolĂątres. ,,lVIais en voici bien dâune autre! tenez lisez; âcâest du russe tout pur, Le pauvre Platon ! âTout est de mĂȘme force dans ces tristes cli- ,,mats,â Je lus câĂ©tait un long amphigouri dont le patriarche assaisonnait une relique du saint Serge quâil offrait a lâempereur Alexandre. Il le terminait par ce paragraphe ,,La ville de ,,Moscou, la premiĂšre capitale de lâempire, la. ânouvelle'JĂ©rusalem, reçoit son Christ, comme ,,une mĂšre, dans les bras de ses fils zĂ©lĂ©s; et, ,,a travers le brouillard qui sâĂ©lĂšve, prĂ©voyant âla gloire brillante de sa puissance, elle chante ,,dans ses transports Hosanna, bĂ©ni soit celui 153 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ,,qui arrive! Que lâarrogant, l'effrontĂ© Goliath ,,apporte des limites de la France lâeffroi inor- ,,tel aux confins de la Russie ; la pacifique religion, cette fronde du David russe abattra âsoudain la tĂȘte de son sanguinaire orgueil. âCette image de saint Serge, antique dĂ©fenseur âdu bonheur de notre partie, est offerte a votre ,,majestĂ© impĂ©riale." 154 MĂ©moires CHAPITRE XXVII. Lâaffaire de Smolensk eut lieu. On se battit, on se canonna avec violence. Les Russes, pris dâĂ©charp et d'enfilade, furent dĂ©faits. Ils ne purent dĂ©fendre ces murs tant de fois tĂ©moins de leurs victoires et les Ă©vacuĂšrent; mais les S onts, les Ă©difices publics, Ă©taient la proie des animes. Les Ă©glises surtout exhalaient des torrents de feu et de fumĂ©e. Les dĂŽmes, les flĂšches et cette multitude de tourelles qui dominaient lâincendie, ajoutaient encore au tableau et produisaient ces Ă©motions mal dĂ©finies quâon ne trouve que sur le champ de bataille. Nous entrĂąmes dans la place. Elle Ă©tait a moitiĂ© consumĂ©e, dâun aspect sauvage , encombrĂ©e de cadavres et de blessĂ©s quâatteignent dĂ©jĂ les flammes. Le spectacle Ă©tait affreux. Quel cortĂšge que celui de la gloire ! Nous avions besoin de dĂ©tourner nos regards de ces scĂšnes de carnage. Les Russes fuyaient, la cavalerie sâĂ©lança sur leurs traces; elle attei- gnit bientĂŽt lâarriĂšre-garde. Korff voulut tenir, il fut accablĂ©. Barclay accourut avec ses masses, nous reçûmes des renforts; lâaction devint terrible. Ney attaquait en tĂȘte, Junot par le flanc; lâarmĂ©e ennemie Ă©tait coupĂ©e, si le duc se fĂ»t portĂ© en avant. FatiguĂ© de ne pas le voir paraĂźtre, Murat courut a lui ,,Que fais- ,,tu? que nâavances - tu ? â Mes Westphaliens âchancellent. â Je vais leur donner lâĂ©lan.â Le roi de Naples se jette Ăą la tĂȘte de quelques 155 du gĂ©nĂ©ral Rapp. escadrons, charge, culbute tout ce qui sâoppose a son passage. ,,Voila ton bĂąton de marĂ©chal a ,,moitiĂ© gagnĂ©; achĂšve, les Russes sontperdus.â Junot nâacheva pas; soit lassitude, soit dĂ©fiance, le brave des braves sommeilla au bruit du canon; et lâennemi, qui accourait pour maintenir ses derriĂšres, se reporta sur la ligne. La mĂȘlĂ©e devint affreuse ; le brave Gudin perdit la vie, et lâarmĂ©e russe nous Ă©chappa. NapolĂ©on visita les lieux oĂč lâon avait combattu. âCe nâĂ©- ,,tait pas au pont, câest la, câest au village oĂč ,,devait dĂ©boucher le huitiĂšme corps quâĂ©tait ,,la bataille. Que faisait Junot ?â Le roi de Naples chercha k attĂ©nuer sa faute. Les troupes, les obstacles, tous les lieux communs dâusage furent employĂ©s. Berthier , qui avait toujours aimĂ© le duc, sâintĂ©ressa pour lui; Caulincourt en fit autant. Chacun plaida de son mieux en faveur dâun brave h qui on ne pouvait reprocher quâun instant dâoubli. Mais nous avions perdu de trop grands avantages. NapolĂ©on me tit appeler âJunotvientde manquer pour toujours son bĂąton de marĂ©chal. Je vous donne âle commandement du corps westphalien vous ,,parlez leur langue , vous leur donnerez lâex- ,,emple, vous les ferez battre." Je fus flattĂ© de cette marque de confiance et le lui tĂ©moignai; mais Junot Ă©tait couvert de blessures, il sâĂ©tait signalĂ© en Syrie, en Egypte, partout; je priai lâempereur dâoublier un moment dâabsence en faveur de vingt ans de courage et de dĂ©vouement. ,,I1 est cause que lâarmĂ©e ,,russe nâa pas mis bas les armes cette affaire ,,mâempĂȘchera peut-ĂȘtre dâaller a Moscou. Mettez-vous a la tĂȘte des Westphaliens." Le ton 156 MĂ©moires dont il prononça ces derniĂšres paroles Ă©tait dĂ©jĂ bienradouci. Les services de lâancien aide- de-camp attĂ©nuaient lâinaction du huitiĂšme ,,corps. Je repris âVotre majestĂ© vient de me ,,parier de Moscou. LâarmĂ©e ne sâattend pas a âcette expĂ©dition. â Le versĂ©, ilfaut âle boire. Je viens de recevoir de bonnes nouvelles Schwarzenberg est en Wolhinie ; la âPologne sâorganise, jâaurai toute espĂšce de se- âcours.â Je quittai NapolĂ©on pour faire part au prince de NeuchĂątel et au duc de Vicence de la disgrĂące dont Junot Ă©tait menacĂ©. ,,Je souffre, me âdit le prince, de lui voir ĂŽter ses troupes; ,,mais je ne puis disconvenir quâil nâait fait ,,manquer la plus belle opĂ©ration de la cam- âpagne. VoilĂ Ă quoi tiennent les succĂšs de la âguerre , a un oubli, une absence dâun instant ,,vous ne saisissez pas lâoccasion Ă la volĂ©e; elle ,,disparait et ne revient plus. Personne nâa plus ,,de courage, de capacitĂ©. Il joint aux qualitĂ©s âdu militaire les connaissances les plus Ă©tendues; il est intrĂ©pide, spirituel, aimable et ,,bon. Il sâest oubliĂ© pendant une heure; il ,,sâest prĂ©parĂ© bien des ennemis. Au reste, je ,,verrai avec Caulincourt.â Ils agirent si bien lâun et lâautre que Junot conserva son commandement ; jâen fus fort aise, dâabord parce que cela lui Ă©vitait un affront, et quâensuite je ne me souciais guĂšre de ses soldats. Malheureusement la fatigue avait succĂ©dĂ© Ă lâimpĂ©tuositĂ© du jeune Ăąge. Il ne montra pas a la bataille de Moskowa cet Ă©lan, cette Ă©nergie dont il avait tant de fois donnĂ© lâexemple; et lâaffaire de chi gĂ©nĂ©ral Rapp. 157 VerĂ©ia mit ie comble au mĂ©contentement de NapolĂ©on. Nous apprĂźmes, quelques jours aprĂšs, lâirruption de Tormasow. Nous Ă©tions inquiets, nous discourions de ces longues pointes, des dangers auxquels on sâexpose en sâĂ©loignant outre mesure de sa ligne dâopĂ©rations. Sans doute NapolĂ©on nous entendit. Il vint a nous, parla beaucoup de la maniĂšre dont il avait assurĂ© ses derriĂšres, des corps qui formaient nos ailes, et de cette chaĂźne de postes, qui se liaient depuis le NiĂ©men jusquaux lieux oiĂź nous nous trouvions. âTormasow, nous dit-il, a mis âtous les enfants de Varsovie en lâair. Ils le âvoyaient dĂ©jĂ fonctionnant a Prague ; mais le ,,voila renvoyĂ© plus vite quâil nâĂ©tait venu.â Il rentra dans son cabinet, et se mit a dicter avec indiffĂ©rence, mais assez haut pour que nous nâen perdissions pas un mot, des instructions pour lĂ© duc de Bellune. NapolĂ©on au major-gĂ©nĂ©ral. Dorogobuj, le 26 aoĂ»t 1812. ,,Mon cousin, Ă©crivez au duc de Bellune de âse rendre de sa personne a Wilna, afin dây âvoĂŻr le duc de Bassano et dây prendre con- ânaissance des affaires et de lâĂ©tat des choses; ,,que je serai aprĂšsdemain a Wjaezma, câest-a- ,,dire a cinq marches de Moscou; quâil est ,,possible que, dans cet Ă©tat de choses, les ,,communications viennent a ĂȘtre interceptĂ©es; »quâil faut donc que quelquâun prenne alors âle commandement et agisse selon les eircon- âstances ; que jâai ordonnĂ© quâon dirigeĂąt sur >,Minsk le cent-vingt-neuviĂšme rĂ©giment, le 158 MĂ©moires rĂ©giment illyrien, le rĂ©giment westphalien, qui Ă©tait a KĆnigsberg, et les deux rĂ©giments saxons; que jâai eu outre placĂ© entre Minsk et Mohilew la division Dombrowski, forte ,,de douze bataillons et d'une brigade de cava- lerie lĂ©gĂšre ; quâil est important que son corps ,mâapproche de Wilna, et quâil se dirige selon ,,les circonstances, afin dâĂȘtre ahnĂȘme de sou- ,,tenir Smolensk, Witepsk, Mohilew et Minsk; âque la division Dombrowski doit ĂȘtre suffisante pour maintenir les communications de Minsk par Ors/,a jusquâĂ Smolensk, puisquâelle nâa a ,,contenir que la division russe du gĂ©nĂ©ral Heztel qui est a Mozyr, forte de six a huit ,,mille hommes, la plupart recrues et contre laquelle, dâailleurs, le gĂ©nĂ©ral Schwartzen- ,,berg peut opĂ©rer; que les nouveaux renforts que jâenvoie a Minsk pourront aussi subvenir Ă tous les inconvĂ©nients; et dans tous les cas, le mouvement du duc de Bellune sur Minsk et Orsza, et de la sur Smolensk, me paraĂźt propre a maintenir tous les derriĂšres ; que jâai quatre mille hommes de garnison a Witepsk et autant a Smolensk; que le duc de Bellune, prenant ainsi position entre le DniĂ©per et la Dwina, sera en communication facile avec moi, pourra promptement recevoirmes ordres et se trouvera en mesure de protĂ©ger les communications de Minsk et de Witepsk, ainsi que celles de Smolensk sur Moscou; que je suppose que le gĂ©nĂ©ral Gouvion Saint- Cyr a suffisamment des deuxiĂšme et sixiĂšme corps pour tenir en Ă©chec Witgenstein, et nâen avoir rien a craindre; que le duc de Tarente peut se porter sur Riga pour investir la place; 159 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ,,enfin, que jâordonne aux quatre demi-brigades âde marche, formant neuf mille hommes, qui âfaisaient partie de la division Lagrange, de se ,,diriger sur Kowno quâainsi ce ne serait que âdans le cas oĂč le gĂ©nĂ©ral touvion Saint -Cyr ,,serait battu par le gĂ©nĂ©ral Witgenstein et ,,obligĂ© de repasser la Dwina que le duc de ,,Bellune devrait marcher a son secoui's dâabord ; ,,que, ce cas exceptĂ©, il doit suivre sa direc- âtion sur Smolensk. ,,Surce, etc. â SignĂ© NAPOtĂOK.â MĂ©moires lfiO CHAPITRE XXVIII. LâarmĂ©e continuait son mouvement, poussant toujours devant elle les troupes quâelle avait battues a Valontina. On chantait bien des Te Deum en Russie ; on en chante pour tout dans cet heureux pays mais les victoires a la façon de Tolly ne calmaient pas lâanxiĂ©tĂ© de lr. nation; elle sentait que cette maniĂšre de vaincre la refoulerait bientĂŽt en SibĂ©iâie elle rĂ©solut de mettre ses destinĂ©es en dâautres mains, Kutusow puisait aux pieds des images ses inspirations militaires; il jeĂ»nait, priait, flattait les prĂȘtres et la noblesse ; le ciel ne pouvait lui refuser son assistance il fut nommĂ©. Admirables dans les cours, les pasquinades ne suffisent pas sur le champ de bataille ; toutes les momeries religieuses ne tiennent pas devant une bonne disposition il lâĂ©prouva. Le roi de INaples, qui nâavait pour les amulettes que le mĂ©pris dâun soldat, fond sur lui et le taille en piĂšces. Il veut faire ferme a Chevarino ; mais la cavalerie sâĂ©branle, la charge bat; on le culbute, on le jette dans ses retranchements le courage lâemporte sur les saints de la Russie. Ce dĂ©but nâĂ©tait pas de bon augure ; le cielrĂ©pondait froidement au zĂšle des Cosaques. On redoubla de supplications Kutusow dĂ©ploya ses images ; on dĂ©fila devant la vierge de Smolensk , dont nous voulions dĂ©possĂ©der la dĂ©vote nation on fit des priĂšres, des vĆux, du gĂ©nĂ©ral Rapp. 161 des offrandes; et les orateurs des Calmoulvs dĂ©bitĂšrent lâhomĂ©lie qui suit âFrĂšres ! ,,Vous voyez devant vous, dans cette image, âobjet de votre piĂ©tĂ©, un appel adressĂ© au ciel ,,pour quâil sâunisse aux hommes contre le tyran âqui trouble lâunivers. INon contentde dĂ©truire âdes millions de crĂ©atures, images de Dieu, cet âarchi-rebelle a toutes les lois divines et hu- ,,maines pĂ©nĂštre a main armĂ©e dans nos sanc- ,,tuaires, les souille de sang, renverse vos au- âtels, et expose lâarche mĂȘme du Seigneur, consacrĂ©e dans cette sainte image de notre Ă©glise, âaux profanations des accidents, des Ă©lĂ©ments âet des mains sacrilĂšges. 3Ne craignez donc pas âque ce Dieu, dont les autels ont Ă©tĂ© ainsi insultĂ©s par ce vermisseau que sa toute-puissance a tirĂ© de la poussiĂšre, ne soit point avec vous; âne craignez pas quâil refuse dâĂ©tendre son bou- âclier sur vos rangs, et de combattre son enne- âmi avec lâĂ©pĂ©e de saint Michel. ,,Câest dans cette croyance que je veux combattre , vaincre et mourir, certain que mes âyeux mourants verront la victoire. Soldats, remplissez votre devoir; songez au sacrifice de vos citĂ©s en flammes et a vos enfants qui ,,implorent votre protection; songez a votre ,,empereur, votre seigneur, qui vous considĂšre comme le nerf de sa force; et demain, avant que le soleil nâait disparu, vous aurez tracĂ© votre foi et votre fidĂ©litĂ© sur le sol de votre patrie, avec le sang de lâagresseur et de ses guerriers.â 11 162 MĂ©moires LâĂ©pĂ©e de saint Michel est sans doute une Ă©pĂ©e redoutable ; mais des soldats dispos valent encore mieux aussi Kutusow nâĂ©pargnait- il pas les libations; il accroissait dâautant la ferveur des Cosaques. Quant a nous, nous nâavions ni inspirĂ©s, ni prĂ©dicants , ni mĂȘme de subsistances, mais nous portions lâhĂ©ritage dâune longue gloire ; nous allions dĂ©cider qui des Tartares ou de nous devait donner la loi au monde; nous Ă©tions aux confins de lâAsie, plus loin que nâĂ©tait jamais allĂ©e armĂ©e europĂ©enne. Le succĂšs nâĂ©tait pas douteux aussi NapolĂ©on aperçut-il avec la joie la plus vive les proccessions de Kutusow. ,,Bon, me dit-il, âles voila occupĂ©s de pasquinades ; ils nâĂ©chap- ,,pevont plus.â Il fit des reconnaissances, expĂ©dia des ordres de mouvement, et se prĂ©para a la journĂ©e du Lendemain. Le roi de Naples jugeait ces dispositions superflues* il sâĂ©tait emparĂ© de la principale redoute, la gauche de la position Ă©tait dĂ©bordĂ©e; il ne pensait pas que les Busses voulussent accepter la bataille; il croyait quâils , se retireraient pendant la nuit ce nâĂ©tait pas leur projet; ils creusaient, ils remuaient la terre, ils assayaient leur position. Le lendemain nous les aperçûmes qui Ă©taient tous a lâouvrage il Ă©tait onze heures, NapolĂ©on mâenvoya faire une reconnaissance; jâĂ©tais chargĂ© dâapprocher le plus prĂšs possible de la ligne ennemie. Je me dĂ©barrassai de mes plumes blanches, je mis une capote de soldat et examinai tout avec le plus de soin quâil me fut possible je nâĂ©tais suivi que dâun chasseur de la garde. Ians plusieurs endroits je dĂ©passais les vedettes russes le village de Borodino 163 du gĂ©nĂ©ral Rapp. nâĂ©tait sĂ©parĂ© de nos postes que par un ravin Ă©troit et profond ; je mâavançai trop, on me tira deux coups de canon Ă mitraille ; je mâĂ©loignai; je rentrai vers les deux heui'es, et vins rendre compte de tout ce que jâavais vu. NapolĂ©on sâentretenait avec le roi de Naples et le prince de NeuchĂątel Murat avait bien changĂ© dâopinion surpris de voir, a la pointe du jour, la ligne ennemie encore tendue, il avait jugĂ© faction imminente et sây Ă©tait prĂ©parĂ©, Dâautres gĂ©nĂ©raux soutenaient cependant encore que les Russes nâoseraient en courir la chance quant a mois* je prĂ©tendais le contraire; jâobservais quâils avaient beaucoup de monde, une assez bonne position; jâĂ©tais convaincu quâils nous attaqueraient si nous ne les prĂ©venions. NapolĂ©on me fit lâhonneur dâĂȘtre de mon avis, qui Ă©tait aussi celui de Berthier il demanda ses chevaux, et fĂźt en personne la mĂȘme reconnaissance, Il fĂźt reçu comme je lâavais Ă©tĂ©' devant Borodino; la mitraille lâobligea de sâĂ©loigner ce quâil aperçut acheva de le convaincre quâil ne sâĂ©tait pas trompĂ© ; il donna en rentrant des ordres en consĂ©quence. La nuit arriva. JâĂ©tais de service ; je Couchai dans la tente de NapolĂ©on. Lâendroit oĂč il reposait Ă©tait ordinairement sĂ©parĂ© par une cloison en toile de celuj, qui Ă©tait rĂ©servĂ© a iâaide- de*camp de service. Ce prince dormit fort peu. Je lâĂ©veillai plusieurs foi pour lui remettre des rapports dâavant-postes, qui tous lui prouvaient que les Russes sâattendaient a ĂȘtre attaquĂ©s. A trois heures du matin il appela un valet de chambre et se fĂźt apporter du punch ; jâeus lâhonneur dâen prendre avec lui. Il me demanda si il . 164 MĂ©moires j'avais bien dormi ; je lui rĂ©pondis que les nuits Ă©taient dĂ©jĂ fraĂźches, que jâavais souvent Ă©tĂ© rĂ©veillĂ©. 11 me dit ,,lNons aurons affaire aujourd'hui a ce fameux Kutusow. Vous vous ,,rapelea sans doute que câest lui qui comman- ,,dait a Braunau lors de la campagne d Auster- ,,lita. Il est restĂ© trois semaines dans cette place ,,sans sortir une seule fois de sa chambre; il ,,nâest pas seulement montĂ© a cheval pour voir ,,les fortUications. Le gĂ©nĂ©ral Bermigsen, quoi- ,,que aussi vieux, est un gaillard plus vigoureux que lui. Je ne sais pas pourquoi Alex- sandre nâa pas envoyĂ© cet Hanovrien pour reru- ,,placer Barclay. 44 Il prit Un verre de punch, lut quelques rapports et ajouta ,,Kh bien ! Rapp, crois-tu que nous ferons âde bonnes affaires aujourdâhui ? â Il nây a pas ,,de doute, sire ; nous avons Ă©puisĂ© toutes nos ,ressources, nous sommes forcĂ©s de vaincre. 44 NapolĂ©on continua sa lecture et reprit ,,La ,fortune est une franche courtisane ; je lâai sou- ,,vent dit, et je commence a lâĂ©prouver. â Votre ,,majestĂ© se rappelle quâelle mâa fait lâhonneur âde me dire a Smolensk que le vin Ă©tait versĂ©, ,,quâil fallait le boire. Câest maintenant le cas âplus que jamais ; il nâest plus temps de reculer. ,,l/armĂ©e connaĂźt dâailleurs sa position elle âsait quâelle ne trouvera çle subsistances quâĂ ,,Moscou et quelle nâa plus que trente lieues Ă ,,faire. â Cette pauvre armĂ©e, elle est bien ,,rĂ©duite mais ce qui reste est bon ; ma garde ,.est dâailleurs intacte. 44 Il manda le prince Berthier et travailla jusquâĂ cinq heures et demie. Nous montĂąmes a chevĂąl. Les trompettes sonnaient, les tambours battaient; des 165 du gĂ©nĂ©ral Rapp. que les troupes lâaperçurent, ce ne fut quâaccla- mations. ,,Câest l'enthousiasme l'Austerlitz. âFaites lire la proclamation.â âSoldats ! âVoilĂ la bataille que vous avez tant dĂ©sirĂ©e! ,,DĂ©sormais la victoire dĂ©pend de vous; elle ânous est nĂ©cessaire ; elle nous donnera lâabon- ,,dance, de bons quartiers dâhiver et un prompt ,,retour dans la patrie. Conduisez-vous connus âĂ Austerlitz, a Friedland, aWitepsk, a Smo- âlensk, et que la postĂ©ritĂ© la plus reculĂ©e cite ,,votre conduite dans cette journĂ©e; que lâon âdise de vous Il Ă©tait a cette grande bataille âsous les murs de Moscou.â Les acclamations redoublĂšrent, les troupes ne demandaient quâa combattre, lâaction fut bientĂŽt engagĂ©e. 0 166 MĂ©moires CHAPITRE XXIX. Les Italiens et les Polonais tenaient les ailes. NapolĂ©on opĂ©rait sur la gauche des masses ennemies. Du reste, nous nâavions aucun renseignement prĂ©cisj femmes, enfants, vieillards , bestiaux , tout avait disparu ; il ne restait personne qui pĂ»t nous donner la moindre indication. Ney marcha a lâennemi et lâenfonça avec cette vigueur, cette impĂ©tuositĂ© dont il a donnĂ© tant dâexemples. Nous emportĂąmes les trois redoutes qui lâappuyaient. Il accourut avec des troupes fraĂźches le dĂ©sordre se mit dans nos rangs, nous Ă©vacuĂąmes deux de ces ouvrages ; le dernier mĂȘme Ă©tait compromis. Les Russes couronnaient dĂ©jhlaciâĂȘte desfossĂ©s. Le xâoi de Naples voit le danger, vole, met pied a terre, entre, monte sur le parapet; il appelle, anime les soldats. La redoute se garnit, le feu devient terrible, les assaillants nâosent tenter lâassaut. Quelques escadrons paraissent; Murat monte a cheval, charge, culbute les colonnes dispersĂ©es dans la plaine. Nous reprenons les retranchements , nous nous y Ă©tablissons pour ne les plus quitter. Ce trait dâaudace dĂ©cida la journĂ©e. Le gĂ©nĂ©ral Compans venait dâĂȘtre blessĂ©; jâallai prendre le commandement de sa division, Elle faisait partie dn corps dâarmĂ©e du marĂ©chal Bavoust. Elle avait enlevĂ© une des positions retranchĂ©es de lâennemi ; elle avait dĂ©jĂ beaucoup souffert. Je me concertai en arrivant 167 du gĂ©nĂ©ral Ilapp. avec le marĂ©chal Ney, dont je tenais la droite. TNos troupes Ă©taient pĂȘle-mĂȘle; nous les ralliĂąmes , nous nous prĂ©cipitĂąmes sur les Russes, nous leur fĂźmes expier leur succĂšs. La canonnade, la fusillade, nâarrĂȘtaient pas. Infanterie, cavalerie, se chargeaient avec fureur dâune extrĂ©mitĂ© de la ligne a lâautre. Je nâavais pas encore vu de semblable carnage. TNous avions trop appuyĂ© sur la droite; le roi de .Naples restait seul exposĂ© aux ravages des batteries de ScrninskoĂ©. Il nâavait que des troupes Ăą cheval ; un ravin profond le sĂ©parait du village, il nâĂ©tait pas facile de lâemporter il le fallait cependant sous peine dâĂȘtre Ă©crasĂ© par la mitraille. Le gĂ©nĂ©ral Belliard, qui nâaperçoit quâun rideau de cavalerie lĂ©gĂšre, conçoit le dessein de la refouler au loin et de se porter par un a gauche sur la redoute. ,,Cours ,,a Latour-Maubourg, lui rĂ©pond Murat, dis-lui âde prendre une brigade de cuirassiers français et saxons, de passer le ravin, de tout ,,sabrer, dâarriver au galop sur le revers de la ,,redoute et dâenclouer les piĂšces. Sâil ne rĂ©ussit âpas, quâil revienne dans la mĂȘme direction. »Tu disposeras une batterie de quarante piĂšces ,,et une partie de la rĂ©serve pour protĂ©ger la retraite.â Latour-Maubourg se mit en mouvement, culbuta, dispersa les Russes et sâempara des ouvrages. Friant vint les occuper. Toute la rĂ©serve passa et sâĂ©tablit a la gauche du village. Restait un dernier retranchement qui nous prenait en liane et nous accablait. Elle venait dâen enlever un, elle pensa quâelle pouvait enempov- ter un autre. Caulincourt sâavança, sema au loin lĂȘ dĂ©sordre et la mort. Il se rabattit tout a 168 MĂ©moires coup sur la redoute et sâen rendit maĂźtre. Un soldat cachĂ© dans une embrasure lâĂ©tendit roide mort. Il sâendormit du sommeil des braves; il ne fut pas tĂ©moin de nos dĂ©sastres. Tout fuyait, le feu avait cessĂ©, le carnage faisait halte. Le gĂ©nĂ©ral Belliard alla reconnaĂźtre un bois placĂ© a quelque distance. Il aperçut la route qui convergeait sur nous ; elle Ă©tait couverte de troupes et de convois qui sâĂ©loignaient. Si on lâinterceptait, toute la droite de lâarmĂ©e ennemie Ă©tait prise dans le segment oĂč elle se trouvait. Il vint en prĂ©venir Murat. ,,Cours en rendre compte a lâempereur , lui ,,dit ce prince.â Il y fut, mais NapolĂ©on ne crut pas le moment venu. âJe nây vois pas en- ,,core assez clair sur mon Ă©chiquier. Jâattends ,,des nouvelles de Poniatowski. Retournez, examinez et revenez.â Le gĂ©nĂ©ral retourna en effet, mais il nâĂ©tait plus temps. La garde russe sâavançait; infanterie, cavalerie, tout arrivait pour renouveler l'attaque? Le gĂ©nĂ©ral nâeut que le temps de rassembler quelques piĂšces. De la mitraille, de la mitraille, et toujours de la mitraille, dit-il Ă ux artilleurs. Le feu sâouvrit, lâeffet en fut terrible; en un instant la terre se couvrit de morts ; la colonne Ă©crasĂ©e se dissipa comme une ombre. Elle nâavait pas tirĂ© un coup de fusil. Son artillerie arriva quelques instants aprĂšs ; nous nous en emparĂąmes. La bataille Ă©tait gagnĂ©e, mais le feu Ă©tait toujours terrible. Les balles, les obus, pleuraient Ăą mes cĂŽtĂ©s. Dans lâintervalle dâune heure je fus touchĂ© quatre fois, dâabord de deux coups de feu assez lĂ©gĂšrement, ensuite 169 du gĂ©nĂ©ral Rapp. dâun boulet au bras gauche, qui mâenleva le drap de la manche de mon habit et la chemise jusquâĂ la chair. JâĂ©tais alors a la tĂȘte du soixante- uniĂšine rĂ©giment, que jâavais connu dans la haute Ăgypte. Il comptait encore quelques officiers de cette Ă©poque il Ă©tait assez singulier de se retrouver ici. Je reçus bientĂŽt une quatriĂšme blessure ; un biscaĂŻen me frappa a la hanche gauche et me jeta a bas de mon cheval câĂ©tait la vingt-deuxiĂšme. Je fus obligĂ© de quitter le champ de bataille jâen fis prĂ©venir le marĂ©chal Ney, dont les troupes Ă©taient mĂȘlĂ©es avec les miennes. Le gĂ©nĂ©ral Dessaix, le seul gĂ©nĂ©ral de cette division qui ne fĂ»t pas blessĂ©, me remplaça; un moment aprĂšs il eut le bras cĂźissĂ© Friant fut atteipt plus tard. Je fus pansĂ© par le chirurgien de NapolĂ©on, qui vint lui-mĂȘme me faire visite. ,,Câest donc ,, tou jours ton tour? Comment vont les affaires? â Sire, je crois que vous serez obligĂ© âde faire donner votre garde. â Je mâen garderai bien; je ne veux pas la faire dĂ©molir. ,,Je suis sĂ»r de gagner la bataille sans qu'elle ,,y prenne part.â Elle ne donna pas en effet, a lâexception dâune trentaine de piĂšces qui firent des merveilles. La journĂ©e finit; cinquante mille hommes gisaient sur le champ de bataille. Une foule de gĂ©nĂ©raux Ă©taient tuĂ©s ou blessĂ©s nous en avions une quarantaine hors de combat. Nous avions fait des prisonniers , enlevĂ© quelques piĂšces de canon ; ce rĂ©sultat ne compensait pas les pertes quâil nous coĂ»tait. 170 MĂ©moires CHAPITRE XXX. l/armĂ©e russe se retirait sur sa capitale elle lit encore quelque rĂ©sistance Ăą MojaĂŻsk et gagna Moscou. Nous occupĂąmes cette ville sans coup tĂ©rir. Murat y entra a la suite des Cosaques, sâentretint avec leurs chefs et donna mĂȘme sa montre a lâun dâeux. Ils lui tĂ©moignaient lâadmiration que leur causait son courage, lâabaltement quâentrainent les longues disgrĂąces, lorsque des coups de fusil se lirĂ©nt entendre câĂ©tait quelques centaines de bourgeois qui avaient pris les armes. Ils 'firent eux- mĂȘmes cesser ce feu inutile et continuĂšrent leur retraite. NapolĂ©on fit son entrĂ©e le lendemain. Il sâĂ©tablit au Kremlin avec une partie de sa garde et les personnes de sa maison; mais nous Ă©tions si mal, que je fus obligĂ© de prendre un autre logement. Je mâinstallai a quelque distance dans une maison qui appartenait a un des membres de la famille Nareschkin. JâĂ©tais arrivĂ© a quatre heures du soir. La ville Ă©tait encore intacte la douane seule Ă©tait la proie des flammes , qui la dĂ©voraient dĂ©jĂ avant quâaucun Français ne partit ; mais la nuit vint, ce fut le signal de lâincendie; a gauche, adroite, partout il Ă©clatait. Les Ă©difices publics, les temples, les pro- 171 du gĂ©nĂ©ral Rapp. priĂ©tĂ©s particuliĂšres, tout Ă©tait en feu. La conflagration Ă©tait gĂ©nĂ©rale, rien ne devait Ă©chapper. Le vent soufflait avec violence ; l'embrasement lit des progrĂšs rapides. A minuit le foyer Ă©tait si eflrayant, que mes aides-de-cainp me rĂ©veillĂšrent; ils me soutinrent; je gagnai une fenĂȘtre dâoĂč je contemplai ce spectacle , qui devenait afireux. Lâincendie sâavançait sur nous Ă quatre heures on me prĂ©vint quâil fallait dĂ©loger. Je sortis ; quelques instants aprĂšs la maison fut rĂ©duite en cendres. Je me lis conduire du cĂŽtĂ© du Kremlin; tout y Ă©tait en alarmes. Je rĂ©trogradai et me rendis au quartier des Allemands. On mây avait arrĂȘtĂ© lâhĂŽtel dâun gĂ©nĂ©ral russe; jâespĂ©rais mây remettre de mes blessures ; mais quand jâarrivai, des bouffĂ©es de feu et de fumĂ©e sâen Ă©chappaient dĂ©jĂ . Je nâentrai pas; je retournai encore au Kremlin. Chemin faisant jâaperçus des soldats, des artisans russes qui se rĂ©pandaient dans les maisons et les incendiaient. Nos patrouilles en tuĂšrent quelques uns en ma prĂ©sence et en arrĂȘtĂšrent un assez grand nombre. Je rencontrai le marĂ©chal Mortier. â0Ăč allezvous ? me dit-il. â Le ,,feu me chasse, quelque part que je me loge; ,,je vais dĂ©cidĂ©ment au Kremlin. â Tout y est »en dĂ©sordre, lâincendie gagne partout Ă©loi- 5 ,gnez-vous plutĂŽt. â OĂč se retirer? â A mon »hĂŽtel; mon aide-de-camp vous conduira.â Je le suivis. La maison Ă©tait prĂšs de lâhospice des enfants-trouvĂ©s. Nous y Ă©tions a peine, quâelle Ă©tait dĂ©jĂ embrasĂ©e. Je me dĂ©terminai de nouveau a aller au Kremlin. Je passai la Mos- kowa pour mâĂ©tablir vis-Ă -vis le palais, qui 172 MĂ©moires Ă©tait encore intact. Je rencontrai en route le gĂ©nĂ©ral LariboissiĂšre, accompagnĂ© de son fils, malade; Talhouet se joignit binons ; nous nous logeĂąmes tous dans des maisons placĂ©es sur la riviĂšre. Mon propriĂ©taire Ă©tait un brave chapelier qui apprĂ©cia ma position et ine prodigua tons les soins possibles. JâĂ©tais Ăą peine installĂ© chez cet honnĂȘte artisan, que le feu se manifesta de toutes parts. Je quittai Ă la hĂąte les quais sont Ă©troits; si jâeusse tardĂ©, je nâeusse pu Ă©chapper avec ma voiture. Nous repassĂąmes lâeau et nous vĂźnmes nous Ă©tablir en plein air, derriĂšre les murs du Kremlin ; câĂ©tait lâunique moven de trouver quelque repos. Le vent soufflait avec une violence toujours croissante et alimentait lâincendie. Je me dĂ©plaçai encore une fois, mais ce fut la derniĂšre. Je me retirai prĂšs dâune barriĂšre les maisons Ă©taient isolĂ©es, Ă©parses; le feu ne put les atteindre. Celle que jâoccupai Ă©tait petite, commode, et appartenait a un prince Gallitzin. Jây ai nourri pendant quinze jours au moins cent cinquante habitants rĂ©fugiĂ©s. NapolĂ©on fut a son tour obligĂ© de se retirer devant les flammes. Il quitta le Kremlin et porta son quartier-gĂ©nĂ©ral hors de la ville, dans une maison impĂ©riale, oĂč il sâĂ©tablit. Il nây resta pas long-temps ; il rentra au palais des ezars dĂšs que lâincendie fut tout-Ăą-fait Ă©teint. Il envoyait presque tous les matins le gĂ©nĂ©ral Narbonne savoir de mes nouvelles. Ce gĂ©nĂ©ral, comme beaucoup de monde, Ă©tait fort inquiet. Il me disait souvent que lâempereur avait tort de compter sur la paix, que nous nâĂ©tions pas 173 da gĂ©nĂ©ral Rapp. a meme de dicter des conditions, que les Russes ne sĂ©taient pas rĂ©signĂ©s au sacriiice de leur capitale pour accepter des traitĂ©s dĂ©savantageux. ,,11s nous]amusent pour prendre leur ârevanche et avoir plus beau jeu.â 174 MĂ©moires CHAPITRE XXXI. Moscou Ă©tait dĂ©truit ; lâoccupation de ses dĂ©combres nâĂ©tait ni sĂ»re ni profitable; nous Ă©tions trop Ă©loignĂ©s de nos ailes, nous ne pouvions nous procurer de subsistances, et nous nâavions aucun intĂ©rĂȘt a garder des ruines. Chacun Ă©tait dâavis quâil ne fallait pas sĂ©journer; mais on nâĂ©tait pas dâaccord sur ce quâil convenait de faire. Le roi de Naples proposait de marcher sur Kaluga, dây dĂ©truire les seuls Ă©tablissements que possĂšde la Russie, et de revenir cantonner sur le BoristhĂšne; On ne pouvait pas suivre les Cosaques au bout du monde; la plus longue fuite doit avoir son terme nous Ă©tions prĂȘts a combattre; mais nous ne voulions plus courir. Tel Ă©tait le sens de la proclamation quâil conseillait avant de se mettre en mouvement. Le vice-roi pensait au contraire quâil fallait marcher aux Russes , les battre, pousser sur PĂ©tersbourg , et se diriger ensuite sur Riga on eĂ»t ralliĂ© Macdonald; aprĂšs quoi on se fĂ»t Ă©tabli sur la Dwina. Dâautres prĂ©sentaient dâautres plans tous Ă©taient bons, tous Ă©taient praticables; mais lâempereur avait des donnĂ©es particuliĂšres il voya juste si on nâeiĂźt reçu les inspirations de lâAngleterre. On sâest beaucoup appesanti sur ce sĂ©jour câest une faute puisque les Ă©vĂ©nements lâont condamne; mais ceux qui se rĂ©crient nâavaient ni le secret des affaires ni celui des nĂ©gociations ; ils peuvent , sans trop de modestie, croire que la sa- 175 du gĂ©nĂ©ral Rapp. gacitĂ© de ce grand homme nâĂ©tait pas au-dessous de celle que la nature leur a dĂ©partie. Il sâest trompĂ©; nous en avons senti les consĂ©quences on saura peut-ĂȘtre un jour quelles combinaisons lâont Ă©garĂ©. Quoi quâil en soit, on resta, on nĂ©gocia, on batailla, on ne dĂ©cida rien. LâarmĂ©e de Moldavie faisait son mouvement; elle sâavançait, mais on ne savait encore sur quelle ligne elle allait agir les uns prĂ©tendaient quâelle se rallierait a Kutusow; les autres craignaient quâelle ne se portĂąt sur nos derriĂšres. On Ă©tait dans lâattente de ce qui se prĂ©parait l'empereur nâĂ©tait pas lui-mĂȘme sans inquiĂ©tude; mais il savait, jusquâau dernier homme, ce quâil avait de troupes Ă©chelonnĂ©es depuis le Rhin jusquâĂ Moscou; Il se croyait en mesure; il se borna a Ă©xpĂ©dier des instructions celles quâil adressa au 'duc de Bellune mĂ©ritent d'ĂȘtre citĂ©es; elles prouvent de quelle nature Ă©tait ce sommeil quâon lui reproche. NapolĂ©on au major-gĂ©nĂ©ral. ,,Mon cousin, faites connaĂźtre au duc de âBellune que je ne lui ai pas encore donnĂ© âdâordres pour son mouvement, parce que cela âdĂ©pend du mouvement de lâennemi; que lâar- ^nĂ©e russe de Moldavie, forte de trois divisions ,,ou de vingt mille hommes, infanterie, cavalerie et artillerie comprises , a passĂ© le DniĂ©- ,,per dans les premiers jours de septembre; >,quâelle peut se diriger sur Moscou pour ren- >,forcer lâarmĂ©e que commande le gĂ©nĂ©ral Ku- ,tusow, ou sur la Volhinie pour renforcer celle our savoir ce qui âse passe ; que la division GĂ©rard sera placĂ©e âdu cotĂ© dâOrsza, oĂč elle se trouvera a quatre ,,ou cinq marches de Minsk, Ă trois de Witepsk, quatre ou cinq de Polozk; que lâautre division qui sera entre Orsza et Smolensk pourra ,^lâappuyer rapidement, et quâenfin la troisiĂšme ,,division sera auprĂšs de Smolensk; que, par âce moyen, son corps dâarmĂ©e se reposera et âpourra se nourrir facilement quâil faut le âplacer au haut de la route ; afin de laisser la ,,grande communication pour les troupes qui âarrivent ; que dans cette position, ilseraĂ©ga-^ ,,iement a mĂȘme de se porter sur Minsk et âWilna, si le centre de nos communications âet de nos dĂ©pĂŽts Ă©tait menacĂ©, et si le marĂ©chal Saint-hâyr Ă©tait repoussĂ© de Polozk ; ou âdâexĂ©cuter lâordre quâil recevrait de revenir ,,ii Moscou par la route dâIelnia et de Kaluga, âsi la prise de Moscou et le nouvel Ă©tat de ,,choses avaient dĂ©cidĂ© lâennemi a se renforcer âdâune portion des troupes de Moldavie ; qu ainsi »le duc de Bellune formera la rĂ©serve gĂ©nĂ©rale >,pour se porter, soit au secours du prince de 12 178 MĂ©moires ,,Sch\vartzenberg et couvrir Minsk, soit au se- ,,cours du marĂ©chal Saint-Cyr et couvrir Wil- ,,na, soit enfin a Moscou pour renforcer la ,,grande armĂ©e ; que le gĂ©nĂ©ral Dombrowski, ,,qui a une division de huit mille hommes dâinfanterie et douze cents chevaux polonais, est âsous ses ordres, ce qui portera son corps dâar- ,,mĂ©e a quatre divisions; que la brigade de resserve deWilna, composĂ©e de quatre rĂ©giments ,,westphaliens, de deux bataillons de Hesse- ,,Darmstadt qui, vers la lin de ce mois, arrivent de la PomĂ©ranie suĂ©doise , et de huit ,,piĂšces de canon, sera aussi sous ses ordres; âquâenfin, dans le courant de novembre, deux ,,nouvelles divisions se rĂ©unissent, lâune a Varsovie, câest la trente-deuxiĂšme division , qui ,,sera augmentĂ©e de trois bataillons de Wiirtz- âbourg et restera commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral .,Durutte; lâautre a KĆnigsberg, câest la trente- ,,quatriĂšme division, qui Ă©tait en PomĂ©ranie ,,sous les ordres du gĂ©nĂ©ral Morand, et qui, ,,augmentĂ©e Ă©galement de quelques bataillons, ,,sera sous les ordres du gĂ©nĂ©ral Loison ; ainsi, ,,soit quâil faille marcher au secours du prince âde Schwartzenberg ou au secours du marĂ©chal Saint-Cyr, le duc de Bellune pourra tou- ,,jours rĂ©unir une masse de quarante mille ,,hommes; que comme la correspondance de ,,lâestafette est prompte, je serai toujours a mĂȘme âde donner mes ordres, et que ce ne serait que ,plans le cas oĂč Minsk ou Wilna seraient menacĂ©s tpie le duc de Bellune devrait se mettre ,,en marche de son autoritĂ© pour couvrir ces ,pieux grands dĂ©pĂŽts de lâarmĂ©e; que le duc >,de Bellune, ayant le commandement gĂ©nĂ©ral 179 du g Ă©nĂ©ral Rapp. ,,sur toute la Lithuanie et sur les gouvernements ,,de Smolenks et de Witepsk, doit partout ac~ ,,tiver la marche de l'administration et surtout ,,prendre des mesures efficaces pour que les rĂ©quisitions de blĂ© et de fourage aient lieu; ,,quâil y a des fours a Mohilew, a Orsza, a Ra- âsasna, aDubrowna; quâil doit faire faire beaucoup de biscuit, et se mettre en situation ,,dâavoir trente jours de vivres assurĂ©s pour son ,,corps, sans prendre rien ni sur les transports ,,militaires, ni sur les convois qui viendraient ,,de lâarmĂ©e. Le duc de Bellune aura soin dâa- âvoir aussi une correspondance a Witepsk il ,,est martre dây envoyer des troupes pour soutenir ce point et sây maintenir; il pourra, de ,,sa personne, se porter a Mohilew, a Witepsk, âa Smolensk, pour connaĂźtre le terrain et faire ,,marcher lâadministration. Si, par accident ,,quelconque, la communication avec Moscou âvenait a ĂȘtre interceptĂ©e, il aurait soin dâen- âvoyer de la cavalerie et de lâinfanterie pour âla rouvrir.â INous nâavions plus ni fourrages; hommes et chevaux Ă©taient Ă©galement extĂ©nuĂ©s la retraite devenait indispensable. On sâoccupa des moyens dâĂ©vacuer les blessĂ©s. Je commençais a marcher, jâallai le 13 au chĂąteau ; NapolĂ©on me demanda avec bontĂ© en quel Ă©tat se trouvaient mes blessures, comment jâallais; il me fit voir le portrait du roi de Rome, quâil avait reçu au moment dâengager la bataille de laMoskowa. Il lâavait montrĂ© a la plupart des gĂ©nĂ©raux jâĂ©tais a porter des ordres ; lâaffaire commença ; nous aĂ»mes autre chose a faire. Il voulut me dĂ©dommager ; il chercha le inĂ©- 12 . 180 MĂ©moires ,,daiilon, et mĂ©dit avec une satisfaction que âses yeux ne cachaient pas ,,Mon fils est le ,,plus bel enfant de France.â On apporta, un instant aprĂšs, un mĂ©moire de lâintendant-gĂ©nĂ©ral, qui demandait quarante- cinq jours pour Ă©vacuer les blessĂ©s. âOuarante- ,,ciaq jours! il se trompe. Si on ne faisait rien, ,, partie guĂ©rirait, partie mourrait; il nây aurait ,,que le surplus a Ă©vacuer ; et lâexpĂ©rience ,,prouve que trois mois aprĂšs une bataille, il ,,ne reste que le sixiĂšme des blessĂ©s je veux ,,les faire Ă©vacuer; je ne veux pas quâils restent ,,exposĂ©s aux brutalitĂ©s des Pusses.â Nous apercevions, du salon, les ouvriers qui travaillaient a enlever la croix du grand Iwan. ,,Voyez quelle nuĂ©e de corbeaux voltigent autour de cette ferraille ! Veulent-ils aussi ,,nous empĂȘcher de lâemmener ? Jâenverrai ,,cette croix 'a Paris ; je la ferai placer sur le âdĂŽme des Invalides.â Nous Ă©tions au 18 octobre; le dĂ©part fut fixĂ© au 19. Ma blessure nâĂ©tait pas tout-a-fait fermĂ©e; je montai a cheval pour voir si jâen supporterais le mouvement. du gĂ©nĂ©ral Ra/jp. 1 3 1 âą WIM CHAPITRE XXXII. Le lendemain, je me rendis de bonne heure au Kremlin; a peine arrivais-je au palais , que jNapolĂ©on en sortait pour quittera jamais Moscou; il mâaperçut ,,JâespĂšre que vous ne me ,,suivrez pas a cheval; vous nâĂȘtes pas en Ă©tat âde le faire vous pouvez vous mettre dans âune de mes voitures.â Je le remerciai, et lui rĂ©pondis que je croyais ĂȘtre a mĂȘme de lâaccompagner. Ăous quittĂąmes cette capitale, et nous primes la route de Kaluga; lorsque nous fumes a environ trois lieues, lâempereur sâarrĂȘta pour attendre des nouvelles de Mortier, qui avait ordre de faire sauter le Kremlin, en Ă©vacuant la place, lise promenait dans un champ avec M. Daru ; celui-ci le quitta je fus appelĂ©. âEh bien Rapp, ,,nous allons nous retirer sur les frontiĂšres de ,,1aPologne, par la route deKalouga; je prendrai de bons quartiers dâhiver jâespĂšre quâA- ,,lexandre fera la paix. â Vous avez attendu ,,bien long-temps, sire; les habitants prĂ©disent ,,un hiver rigoureux. â Bah! bah! avec vos ,,habitants! Nous avons aujourdâhui le 19 octo- âbre, voyez comme il fait beau; est-ce que vous ne reconnaissez pas mon Ă©toile? Je ne âpouvais , dâailleurs, partir avant dâavoir mis ..en route tout ce quâil y avait de malades et ..de blessĂ©s; je ne devais pas les abandonner !,a la fureur des Russes. â- Je crois, sire, que ,»vous eussiez mieux fait de les laisser a Mos- 182 MĂ©moires âcou ; les Russes ne leur auraient pas fait de ,,mal; tandis quâils sont exposĂ©s, faute de se- ,,cours, a mourir sur les grandes nâen convenait pas, mais tout ce quâil me disait de rassurant ne le sĂ©duisait pas lui- mĂȘme ; sa figure portait lâempreinte de lâinquiĂ©tude. Arriva enfin un officier quâavait dĂ©pĂȘchĂ© le marĂ©chal câĂ©tait mon aide-de-camp Turkheim, qui nous apprit que Moscou Ă©tait tranquille; que quelques pulks de Cosaques avaient paru dans les faubourgs, mais quâils nâavaient eu garde dâapprocher ni du Kremlin ni des quartiers quâoccupaient encore les troupes françaises. Nous nous remĂźmes en route. Le soir nous arrivĂąmes a Krasno-Pachra. La physionomie du pays ne souriait pas a NapolĂ©on l'aspect hideux , lâair sauvage de ces esclaves rĂ©voltait des yeux accoutumĂ©s a dâautres climats. âJe ,p oudrais ne pas y laisser un homme; je donnerais tous les trĂ©sors de la Russie pour ne ,,pas lui abandonner un blessĂ©. Il faut prendre les chevaux, les fouxâgons, les voitures, ,,tout, pour les transporter. Fais-moi venir un secrĂ©taire.â Le secrĂ©taire vint, câĂ©tait pour Ă©crire a Mortier ce quâil venait de me dire. Il nâest pas inutile de citer la dĂ©pĂȘche ces instructions ne sont pas indignes dâĂȘtre connues ; ceux qui ont tant dĂ©clamĂ© contre son indiffĂ©rence pourront les mĂ©diter. Au major-gĂ©nĂ©ral. ,,Faites connaĂźtre au duc deTrĂ©vise quâaus- âsitĂŽt que son opĂ©ration de Moscou sera finie, tai du gĂ©nĂ©rai liajtp. ,,câest-a-dire le 23, a trois heures du matin, ,,il se mettra eu marche , et arrivera le 24 a âKubinskoĂ©; que, de ce point, au lieu de se ,,rendre a MojaĂŻsk, il ait a se diriger sur Ve- ârĂ©ia, arrivera le 25 il servira ainsi dâin- âtermĂ©diaire entre MojaĂŻsk , oĂč est le duc âdâAbrantĂšs, et Borowsk , oĂč sera lâarmĂ©e. ,,I1 sera convenable quâil envoie des officiers ,,sur FominskoĂ© . pour nous instruire de sa ,,marche; il mĂšnera avec lui lâadjudant-com- ,,mandant Bourmont, les Bavarois et les Espagnols qui sont a la maison Galitain. Tous ,,les Westphaliens de la premiĂšre poste et de la âdeuxiĂšme, et tout ce quâil trouvera de West- ,,jhaliens, ils les rĂ©unira et les dirigera sur ,,MojaĂŻsk; sâils nâĂ©taient pas en nombre suffisant, il ferait protĂ©ger leur passage par de la ,,cavalerie. Le duc de TrĂ©vise instruira le duc âdâAbrantĂšs de tout ce qui sera relatif a lâĂ©va- ,,cuation de Moscou. Il estnĂ©cessaire quâil nous ,,Ă©crive demain 22, non plus par la route de âDessna, mais par celle de .Karapowo et Fo- ,,minskoĂ©; le 23 il nous Ă©crira par la route ,,de MojaĂŻsk son officier quittera la route a Ku- ,,binskoĂ©, pour venir sur FominskoĂ©, le quar- ,,tier-gĂ©nĂ©ral devant ĂȘtre probablement le 23 âa Borowsk ou a FominskoĂ©. Soit que le duc ,,de TrĂ©vise fasse son opĂ©ration demain 22 a ,,trois heures du matin , soit quâil la fasse le23 ,,a la mĂȘme heure, comme je lui ai fait dire ,,depuis, il doit prendre ces mĂȘmes dispositions ; ,,par ce moyen, le duc de TrĂ©vise pourra ĂȘtre ,,considĂ©rĂ© comme lâarriĂšre-garde de lâarmĂ©e. ,,Je ne saurais trop lui recommander de char- »ger sur les voitures de la jeune garde , sur 184 MĂ©moires s ,,celles de la cavalerie a pied, et surtoutes cel- ,,les quâon trouvera, les hommes qui restent ,,encore aux hĂŽpitaux. Les Romains donnaient âdes couronnes civiques a ceux qui sauvaient ,,des citoyens ; le duc en mĂ©ritera autant quâil ,,sauvera de soldats. Il faut quâil les fasse mon- ,,ter sur ses chevaux et sur ceux de tout son ,,monde. Câest ainsi que lâempereur a fait au ,,siĂšge de Saint-Jean-dâAcre. Il doit dâautant ,,plus prendre cette mesure, quâa peine ce con- âvoi aura rejoint lâannĂ©e quâon lui donnera les ,,chevaux et les voitures que la consommation âaura rendus inutiles. Lâempereur espĂšre quâil ,,aura sa satisfaction a tĂ©moigner au duc de âTrĂ©vise pour lui avoir sauvĂ© cinq cents hoin- âmes. Il doit, comme de raison, commencer âpar les officiers, ensuite lĂ©s sous-officiers, et ,,prĂ©fĂ©rer les Français. Il faut quâil assemble âtous les gĂ©nĂ©raux et officiers sous ses ordres, âpour leur faire sentir lâimportance de cette ,,mesure , et combien ils mĂ©riteront de lâem- j,pereur en lui sauvant cinq cents hommes.â Nous nous dirigeĂąmes sur Borusk, nous arrivĂąmes dans cette ville le quatriĂšme jour elle Ă©tait abandonnĂ©e. Cependant Kutusow sâoccupait tranquillement a faire ses proclamations il Ă©tait paisible dans son camp de Ta- ,,rentino; il nâĂ©clairait ni son front ni ses ailes; il ne se doutait pas du mouvement que nous faisions. Il apprit enfin que nous maiâchions sur Kaluga; il leva aussitĂŽt ses cantonnements et parut a Malojaroslawitz en mĂȘme temps que nos colonnes. Lâaction sâengagea nous entendions de Borusk une canonnade lointaine. Je souffrais beaucoup de ma blessure ; mais je 185 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ne voulais pas quitter NapolĂ©on nous montĂąmes a cheval. Nous arrivĂąmes vers le soir a la vue du champ de bataille on se battait encore; mais bientĂŽt le feu cessa. Le prince EugĂšne avait enlevĂ© une position qui eĂ»t dĂ» ĂȘtre dĂ©fendue a outrance nos troupes sâĂ©taient couvertes de gloire. Câest une journĂ©e que lâarmĂ©e dâItalie doit inscrire dans, ses fastes. NapolĂ©on bivouaqua a une demi-lieue delĂ le lendemain nous montĂąmes a cheval a sept heures et demie pour visiter le terrain oĂ» lâon avait combattu; lâempereur Ă©tait placĂ© entre le duc de Vicence, le prince de NeuchĂątel et moi. Nous avions a peine quittĂ© les chaumiĂšres oĂ» nous avions passĂ© la nuit, que nous aperçûmes une nuĂ©e de Cosaques ; ils sortaient dâun bois en avant sur la droite; ils Ă©taient assez bien pelotonnĂ©s ; nous les primes pour de la cavalerie française. Le duc de Vicence fut le premier qui les reconnut. ,,Sire, ce sont les Cosaques. â Cela ,,nâest pas possible,â rĂ©pondit NapolĂ©on. Ils fondaient sur nous en criant a tue-tĂȘte. Je saisis son cheval par la bride; je le tournai moi- mĂȘme. ,,Mais ce sont les nĂŽtres? â Ce sont les âCosaques; hĂątez-vous. â Ce sont bien eux, ,,dit Berthier. â Sans aucun doute, ajouta âMouton.â NapolĂ©on donna quelques ordres et sâĂ©loigna je mâavançai Ăą la tĂȘte de lâescadron de service; nous fumes culbutĂ©s mon cheval reçut un coup de lance de six pouces de profondeur; il se renversa sur moi nous fĂ»mes foulĂ©s aux pieds par ces barbares. Ils aperçurent heureusement a quelque distance un parc dâartillerie; ils y coururent le marĂ©chal BessiĂšres MĂ©moires 186 eut le temps dâarriver avec les grenadiers a cheval de la garde; il les chargea et leur reprit les fourgons et les piĂšces quâils emmenaient. Je me redressai sur mes jambes, on me replaça surmaselle, et jemâacheminai jusquâaubivouac. j Quand ".NapolĂ©on vit mon cheval couvert de sang, il craignit que je nâeusse Ă©tĂ© de nouveau atteint; il me demanda si jâĂ©tais blessĂ© je lui rĂ©pondis que jâen avais Ă©tĂ© quitte pour quel- I ques contusions alors il se prit a rire de notre j aventure, que je ne trouvais cependant pas amusante. Je fus bien dĂ©dommagĂ© par la relation quâil ; publia sur cette affaire ; il me combla dâĂ©loges ! je nâai jamais goĂ»tĂ© de satisfaction comparable j a celle que jâĂ©prouvai en lisant les choses flatteuses quâil disait de moi. ,,Le gĂ©nĂ©ral Rapp, ,,portait le bulletin, a eu un cheval tuĂ© sous lui ,,dans cette charge. LâintrĂ©piditĂ© dont cet officier - gĂ©nĂ©ral a donnĂ© tant de preuves, se âmontre dans toutes les occasions / 4 Je rĂ©pĂšte avec orgueil les Ă©loges de ce grand homme je ne les oublierai jamais. . Nous retournĂąmes sur le champ de bataille NapolĂ©on voulait visiter les lieux qui avaient Ă©tĂ© le théùtre de la gloire du prince EugĂšne. Il trouva la position des Russes excellente ; il sâĂ©tonna quâils se fussent laissĂ© forcer; il reconnut Ă lâaspect des cadavres que les milices Ă©taient confondues avec les troupes de ligne, et que, si elles ne se battaient pas avec intelligence , elles y allaient du moins avec courage. LâarmĂ©e ennemie se retira Ăą quelques lieues sur la route de Kaluga, et prit position. 187 du gĂ©nĂ©ral Jla/t/j. La retraite Ă©tait interceptĂ©e nous nous jetĂąmes Ăą droite sur VerĂ©ia;' nous y arrivĂąmes le lendemain de bonne heure, nous y couchĂąmes câest dans cette ville que NapolĂ©on apprit que le Kremlin Ă©tait sautĂ©. Le gĂ©nĂ©ral Winzinge- rode nâavait pas assez contenu son impatience ;' il sâĂ©tait aventurĂ© dans cette capitale avant que nos troupes lâeussent Ă©vacuĂ©e elles le coupĂšrent; il essaya de leur faire croire quâil venait parlementer ; il Ă©tait nĂ© sur le territoire de la confĂ©dĂ©ration, il ne se souciait pas dâĂȘtre fait prisonnier il le fut cependant, en dĂ©pit du mouchoir blanc quâil agitait. NapolĂ©on le fit venir, et sâemporta avec violence ; il le traita avec mĂ©pris, le flĂ©trit du nom de traĂźtre, et le menaça de lui en faire infliger le supplice; il me dit mĂȘme quâil fallait faire nommer une commission pour instruire le procĂšs de monsieur sur-le-champ il le lit emmener par des gendarmes dâĂ©lite, et donna ordre de le mettre au secret. Wiimngerode chercha plusieurs fois Ăą se disculper; mais NapolĂ©on ne voulut pas lâentendre. On a prĂ©tendu dans lâarmĂ©e russe que Ge gĂ©nĂ©ral avait parlĂ© avec courage, et dit des choses trĂšs fortes a lâempereur cela nâest pas; lâanxiĂ©tĂ© Ă©tait peinte sur sa figure tout en lui exprimait le dĂ©sordre dâesprit oĂč lâavait jetĂ© la colĂšre de NapolĂ©on. Chacun de nous s'efforça de calmer ce prince; le roi de Naples, le duc deYicence surtout, lui firent sentir combien , dans la situation des choses , la violence envers un homme qui cachait son origine sous la qualitĂ© de gĂ©nĂ©ral russe serait fĂącheuse il nây eut pas de conseil de guerre , et l'affaire en resta la. Quant a nous, Winzingerode ne dut 188 MĂ©moires pas se plaindre du traitement que nous lui finies; sa position nous inspirait a tous de lâintĂ©rĂȘt. Son aide-de-camp fut traitĂ© avec beaucoup de bienveillance. NapolĂ©on lui demanda son nom ,,Nareschkin, rĂ©pondit le jeune ofii- âcier. â Nareschkin ! Quand on sâappelle ainsi, âon nâest pas fait pour ĂȘtre lâaide-de-camp dâun ,,transfuge.â Nous fĂ»mes navrĂ©s de ce manque dâĂ©gards; nous cherchĂąmes tous les moyens imaginables de le faire oublier au gĂ©nĂ©ral. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 189 CHAPITRE XXXIIL Nous partĂźmes le lendemain, et nous gagnĂąmes la grande route de Moskou parlVIojaĂŻsk. Le froid, les privations Ă©taient extrĂȘmes; lâheure des dĂ©sastres Ă©tait sonnĂ©e. Nous retrouvĂąmes nos blessĂ©s morts sur la route, et les Russes qui nous attendaient a Viasma. A la vue des ces colonnes, le soldat recueillit un reste dâĂ©nergie, fondit sur elles, et les dĂ©fit. Mais nous Ă©tions harcelĂ©s par des troupes quâexcitaient lâabondance et lâespoir du pillage ; a chaque pas nous Ă©tions obligĂ©s de prendre position, de combattre; nous ralentissions notre marche sur un sol dĂ©vastĂ© quâil eĂ»t fallu franchir a tire-dâaile. La tempĂ©rature, la faim, les Cosaques, tout ce quâil y a de flĂ©aux Ă©tait dĂ©chaĂźnĂ© sur nous. LâarmĂ©e sâaffaissait sous le poids de ses maux ; sa route Ă©tait dessinĂ©e par les cadavres ; ce quâelle souffrait passe lâimagination. Combien jâai rencontrĂ©, dans cette terrible retraite, de gĂ©nĂ©raux malades ou blessĂ©s, que je croyais ne jamais revoir! De ce nombre Ă©tait le gĂ©nĂ©ral Priant, dont les blessures Ă©taient encore ouvertes ; le gĂ©nĂ©ral Duros- nei, qui fit le trajet avec une liĂšvre nerveuse, presque constamment dans le dĂ©lire; et le brave gĂ©nĂ©ral Belliard, atteint dâun coup de feu a la bataille de la Moskowa. Il avait autrefois pĂ©nĂ©trĂ© jusquâen Ethiopie; il avait portĂ© nos couleurs plus loin que nâavait jamais Ă©tĂ© 190 MĂ©moires lâaigle romaine il devait trouver de la diffĂ©rence entre les deux climats. Nous marchĂąmes sur Smolensk; elle devait j ĂȘtre le terme de nos misĂšres; nous devions y \ trouver des subsistances et des vĂȘtements, de ! quoi nous garantir des flĂ©aux qui nous dĂ©vorai- j ent nous nâen Ă©tions plus quâa dix-huit lieues. NapolĂ©on logea dans un de ces blockhouse quâon avait construits pour recevoir des postes de cinquante Ăą soixante hommes, chargĂ©s de pro- ! tĂ©ger la correspondance et les communications. JâĂ©tais de service il y avait dĂ©jĂ quelque temps quâil nâĂ©tait pas venu dâestafettes; il en arriva une, je la remis a lâempereur. Il ouvrit le j paquet avec prĂ©cipitation; un moniteur lui ! tomba sous la main, il le parcourut le pre- ^ mier article qui se prĂ©senta a ses yeux fut lâentreprise de Mallet; il nâavait pas lu Ses dĂ©pĂȘches, il ne savait ce que câĂ©tait. ,,Ouâest-ce ,,que cela! quoi! des complots! des conspirations !â Il ouvrit ses lettres ; elles contenaient le dĂ©tail de la tentative il fut stupĂ©fait. Cette police qui sait tout, qui devine tout, sâĂ©tait laissĂ© prendre au dĂ©pourvu; il nâen pouvait pas revenir. âSavary a la Force ! le ministre de ,.la police arrĂȘtĂ©, conduit, enfermĂ© dans une ,,prison !â Jâallais transmettre quelques ordres. Lâaventure avait dĂ©jĂ transpirĂ©; la surprise, lâĂ©tonnement, Ă©taient peints sur toutes les figures; on faisait des rapprochements qui jusque-la avaient Ă©chappĂ©. LâimprĂ©voyance des suppĂŽts de la police . Ă©tait manifeste; ils ne sont alertes que parce quâon croit a leur vigilance. NapolĂ©on ne sâĂ©tonnait pas que ces misĂ©rables qui peuplent les 191 clu gĂ©nĂ©ral liapp. salons et les tavernes, qui obsti'uent tout, qui sâinsinuent partout, nâeussent pas pĂ©nĂ©trĂ© la traĂźne ; mais il ne concevait pas la faiblesse de Rovigo. ,,Comment ne sâest-il pas fait tuer ,,plutĂŽt que de se laisser arrĂȘter! Doucet, et ,,Hullin ont montrĂ© bien plus de courage.â ISous nous reiniines en route ; nous]lassĂąmes le BorystliĂšne. 1 /empereur Ă©tablit son quartier- gĂ©nĂ©ral dans un chĂąteau dĂ©vastĂ©, h une douzaine de lieues en avant de Smolensk, et a une et demie derriĂšre le fleuve. Les rives en sont fort escarpĂ©es dans cet endroit; elles Ă©taient couvertes de verglas. NapolĂ©on craignait que lâartillerie ne pĂ»t les franchir; il me chargea de joindre Ney, qui commandait lâarriĂšre-garde, et de rester avec lui jusquâa ce que tout fĂ»t en sĂ»retĂ©. Je trouvai le marĂ©chal occupĂ© a donner la chasse aux Cosaques; je lui communiquai les ordres\que jâavais a lui transmettre, et nous nous retirĂąmes a un blockhouse qui devait assurer le passage , et oĂč. le quartier-gĂ©nĂ©ral fut Ă©tabli. Une partie de lâinfanterie passa; lâautre bivouaqua dans un petit bois, sur la rive oĂč. nous Ă©tions. Nous fĂ»mes occupĂ©s toute la nuit a faire passer les piĂšces; la derniĂšre montait la rampe quand lâennemi parut. Il attaqua sur- le-champ avec des masses considĂ©rables ; nous reçûmes ses charges sans nous Ă©branler mais notre but Ă©tait atteint; le combat nâavait plus dâobjet; nous nous Ă©loignĂąmes. Nous abandonnions quelques centaines dâhommes que lâinanition et les blessures avaient mis hors dâĂ©tat de suivre. Les malheureux ! iis se plaignaient, gĂ©missaient, demandaient la mort; câĂ©tait un spectacle dĂ©chirant mais que pouvions-nous 192 MĂ©moires faire? Chacun pliait sous le faix de la vie; on se soutenait a peine ; personne nâavait assez de forces pour les partager. Les Russes nous suivirent ils voulaient passer de vive force. Ne y les reçut avec cette vigueur, cette impĂ©tuositĂ© quâil mettait dans ses attaques; ils furent repoussĂ©s , et le pont devint la proie des flammes, Le feu cessa; nous nous retirĂąmes pendant la nuit. Je rejoignis le surlendemain soir NapolĂ©on a Smolensk. Il savait quâune balle mâavait effleurĂ© la tĂȘte, quâune autre avait abattu mon cheval; il me dit ,,Tu peux ĂȘtre ,,tranquille maintenant; tu ne seras pas tuĂ© âcette campagne. â Je dĂ©sire que votre majestĂ© 1 ,,ne se trompe pas ; mais vous avez souvent ! ,,donnĂ© la mĂȘme assurance au pauvre Lannes, , âqui a pourtant liai par y passer. â Non, non, j ,,tu ne seras pas tuĂ©. â je le crois, mais je ,,pourrais bien ĂȘtre gelĂ©.â Lâempereur se rĂ©pandit alors en Ă©loges sur le marĂ©chal Ney. ,,Ouel âhomme!... quel soldat!... quel vigoureux gaillard !...â Il ne parlait que par exclamations; il ne trouvait pas de mot pour rendre lâadmiration que lui inspirait cet intrĂ©pide marĂ©chal. Le prince de NeuchĂątel entra ; il fut de nouveau question de Mallet et de Savary. NapolĂ©on sâĂ©gayait aux dĂ©pens du duc; sa surprise, son j arrestation, Ă©taient le sujet de mille plaisante- ries, dont le refrain Ă©tait toujours quâil aurait j dĂ» se faire tuer plutĂŽt que de se laisser prendre. CHA- du gĂ©nĂ©ral Rapp. 195 CHAPITRE XXXIY. La retraite avait Ă©tĂ© cruelle. Tout ce que la nature a de flĂ©aux nous lâavions Ă©prouvĂ©; mais chaque jour nous rapprochait de Smo- lensk nous devions trouver dans cette ville le repos et lâabondance. Nous marchions lâespĂ©rance nous soutenait; elle-mĂȘme allait nous abandonner nos malheurs devaient ĂȘtre inouĂŻs comme nos victoires. Le quatriĂšme corps perdit ses piĂšces ; la brigade Augereau fut dĂ©truite, et Witepsk enlevĂ©. Nous nâavions plus ni munitions , ni subsistances ; nous Ă©tions dans une position affreuse il fallut se rĂ©signer. Nous nous remĂźmes en marche. Nous arivĂąmes le lendemain a KrasnoĂŻ. Kutusow, qui se portait sur nous avec toutes ses forces, y avait dĂ©jh une avant-garde ; elle se replia a la vue de nos soldats, et sâĂ©tablit a une lieue plus loin. Elle bivouaquait 'a gauche, sur la lisiĂšre dâune forĂȘt quâelle couvrait de feux. NapolĂ©on me fit appeler, et me dit ,,Nous avons tout prĂšs dâici de â1 infanterie russe câest la premiĂšre fois quâelle ,,montre tant dâaudace. Je vous charge de lâattaquer a la baĂŻonnette vers le milieu de la ,,nuit. Surprenez-la ; faites-lui passer lâenvie ,,dâapprocher si prĂšs de mon quartier-gĂ©nĂ©ral. âJe mets a votre disposition tout ce qui reste >,de la jeune garde,â Jâavais fait mes apprĂȘts; jâattendais prĂšs dâun feu de bivouac polonais que lâheure fĂ»t venue, quand le gĂ©nĂ©ral Narbonne arriva. ,,Remette* vos troupes au duc 194 MĂ©moires âde TrĂ©vise, me dit-il sa majestĂ© ne veut pas ,,vous faire tuer dans cette affaire; elle vous ,,rĂ©serve une autre destination.â Je reçus ce contre-ordre avec plaisir, je ne le cache pas. JâĂ©tais extĂ©nuĂ© de fatigues, de sufĂŻrances et de froid. Je ne tenais pas a marchera lâennemi; du reste, ses Cosaques lui avaient dĂ©jĂ donnĂ© lâĂ©veil, il Ă©tait en mesure, il nous reçut de son mieux. Il fut nĂ©anmoins rompu et rejetĂ© sur ses masses. Celles-ci Ă©taient en position parallĂšlement a la route; elles sâĂ©tendaient pour ainsi dire de Smolensk a KrasnoĂŻ; elles nous { menaient en flanc, elles eussent pu nous acca- ler. Heureusement le prestige durait encore nous Ă©tions protĂ©gĂ©s par le souvenir de nos victoires. Kutusow voyait de loin nos colonnes qui dĂ©filaient sur la route, et nâosait les aborder. Il se dĂ©cidait enfin a courir la fortune; mais un paysan lui rapporta que Napo- lĂ©on Ă©tait a KrasnoĂŻ, que la garde en occupait tous les alentours. Cette nouvelle glaça son courage il rĂ©voqua les ordres quâil avait expĂ©diĂ©s. Nous avions depuis long-temps la mesure de sa capacitĂ©, nous la portions en ligne de compte; câĂ©tait un de nos moyens; il pouvait nĂ©anmoins se raviser, courir aux armes et nous anĂ©antir nous le sentions tous; mais nous nâavions pas de nouvelles dâEugĂšne; Davoust et Ney Ă©taient en arriĂšre; nous ne pouvions les abandonner. La tempĂ©rature devenait dâailleurs chaque jour plus Ăąpre; les Eusses souffraient ; ils avaient sommeillĂ© jusque-lĂ , il» Ă iouvaient sommeiller encore. NapolĂ©on rĂ©sout dâen courir la chance ; il attendit. Tout 195 du gĂ©nĂ©ral JĂźapp. rĂ©ussit comme il lâavait prĂ©vu. Milloradowitz voulut intercepter le quatriĂšme corps; mais il ne put y parvenir cinq mille hommes dâinfanterie , qui nâavaient ni chevaux pour sâĂ©clairer , ni piĂšces pour se dĂ©fendre, repoussĂšrent constamment les flots de soldats qui se prĂ©cipitaient sur eux, firent tĂȘte a toute cette avant- garde, et se dĂ©gagĂšrent. Davoust suivait; lâennemi se flattait de prendre sa revanche sur ce marĂ©chal; mais lâempereur y pourvut. Il se dĂ©ploya a la gauche de KrasnoĂŻ, engagea quelques troupes, et fit ouvrir un feu d'artillerie assez bien nourri. Kutusow, effrayĂ© a la vue de quatorze a quinze mille hommes qui couraient aux armes, rappela ses corps dĂ©tachĂ©s le marĂ©chal passa et vint prendre part a lâaction. Le but Ă©tait atteint ; le feu se ralentit, et la retraite commença. Lâennemi voulut la troubler ; mais le premier de voltigeurs de la garde repoussa toutes ses attaques la cavalerie, lâinfanterie, ni la mitraille, ne purent lâĂ©branler; il pĂ©rit sur place. Cette hĂ©roĂŻque rĂ©sistance atterra les Russes ; ils cessĂšrent la poursuite. DĂšs que nous Ă©tions hors dâun embarras, nous tombions dans un autre nous avions osĂ©, quatorze a quinze mille que nous Ă©tions, nous mettre en ligne devant les cent vingt mille hommes de Kutusow; nous Ă©tions sortis sans Ă©chec dâune position oĂč nous eussions dĂ» tous ĂȘtre enlevĂ©s; mais nos subsistances, nos derriĂšres nâĂ©taient plus a nous Minsfi avait Ă©tĂ© surpris , lâarmĂ©e de Moldavie couvrait la BĂ©rĂ©- sina; Ney Ă©tait encore en arriĂšre jamais notre situation nâavait Ă©tĂ© plus terrible. NapolĂ©on, que cette complication de circonstances mal- 13 . 196 MĂ©moires heureuses Ă©tonnait, expĂ©dia lâordre de reprendre lâoffensive et dâenlever Polotsk le succĂšs lui paraissait facile. ,,Pour peu que le duc de Bel- ,,lune y mette de lâĂ©lan, lâentreprise est immanquable ; la qualitĂ© des troupes quâil commande ,,la garantit. Câest JNey qui mâinquiĂšte; que ,,va-t-il devenir? 41 Ce marĂ©chal Ă©tait en effet dans une position sans exemple ; il fallait toute la valeur, le sang-froid et la persĂ©vĂ©rance de cet intrĂ©pide guerrier pour en sortir; il avait reçu dans la nuit du 16 au 17 la nouvelle du combat dâEugĂšne et du dĂ©part de Davoust ce double Ă©vĂ©nement ne put lâĂ©branler. ,,Tous âles Cosaques de la Russie, dit-il en lâappre- ânant, ne mâempĂȘcheraient pas dâexĂ©cuter nies ,,instructions; je ne romprai pas dâune semelle ,,quelles ne soient remplies.â Il acheva ses dispositions et se mit en marche six mille hommes dâinfanterie, trois cents chevaux et douze piĂšces de canon composaient toutes ses forces ; il Ă©tait harcelĂ© par les troupes lĂ©gĂšres de lâennemi qui voltigeaient sur ses flancs; il marchait serrĂ©, prĂȘt a recevoir tout ce qui se prĂ©senterait. A trois heures, son avantgarde atteignit Katowa, et fit halte a la vue du corps de Milloradowitz. Le temps Ă©tait brumeux; on nâapercevait de part ni dâautre quelles forces on avait en tĂȘte Ney franchit un ravin qui le sĂ©parait des troupes ennemies, enfonce la premiĂšre ligne, culbute la seconde, et eĂ»t renversĂ© lâarmĂ©e entiĂšre si les ravages de lâartillerie ne lâeussent arrĂȘtĂ©. Il fut contraint de sonner la retraite; mais son attaque avait Ă©tĂ© si impĂ©tueuse quâon nâosa le suivre. Il alluma des feux de bivouac , comme sâil eĂ»t eu dessein 197 du gĂ©nĂ©rai Iiap/. de sâarrĂȘter la nuit les Russes lâimitĂšrent. DĂšs quâil eut pris quelque repos, il sâĂ©loigna, rĂ©solu de mettre le BorysthĂšne entre lui et des troupes trop nombreuses pour quâil pĂ»t les forcer; il sâĂ©lança dans lâeau, sur la glace, et gagna la rive opposĂ©e mais de nouveaux pĂ©rils lây attendaient. Les Cosaques couvraient la plaine, ils nous chargeaient, nous mitraillaient avec fureur. Ney, qui ne pouvait rĂ©pondre a cette canonnade meurtriĂšre , prĂ©cipitait sa marche, dispersant, culbutant tout ce qui osait lâattendre. Il gagnait un bois qui nâĂ©tait pas Ă©loignĂ©; il allait iâatteindre , lorsquâune batterie se dĂ©masque et dĂ©sorganise sa colonne. Le soldat chancelle, jette ses armes ; mais le marĂ©chal lui rend bientĂŽt son Ă©nergie ; ses paroles, sa voix, son exemple, enflamment les plus timides on sâĂ©lance; les piĂšces fuient; nous sommes maĂźtres dubois. Mais ce taillis nâavait ni routes ni frayĂ©s; il Ă©tait coupĂ© de tant de ravins, semĂ© de tant dâobstacles, quâon nâen sortit quâavec des peines infinies presque tout le matĂ©riel y resta. Les Cosaques en devinrent plus pressants ; pendant deux jours ils ne cessĂšrent de renouveler leurs attaques mais eux-mĂȘmes avaient Ă©tĂ© obligĂ©s de faire un dĂ©tour, leurs piĂšces Ă©taient en arriĂšre, ils nâavaient pas dâartillerie; quelques voltigeurs en faisaient justice. ISey touchait a Orsza la nuit Ă©tait avancĂ©e ; il marchait en silence, il se flattait dâĂȘtre enfin dĂ©gagĂ© tout a coup il aperçoit des feux de bivouac, il dĂ©couvre le camp dâune armĂ©e nombreuse. 11 ne savait sâil devait se rĂ©jouir ou craindre, s il voyait des Français ou des Russes, 198 MĂ©moires lorsque la fusillade le tire de son anxiĂ©tĂ© les reconnaissances sont accueillies a coups de fusil; les dĂ©tonations, les cris, les tambours, se mĂȘlent, se confondent; on eiit dit que nous allions avoir affaire a toute la Russie. Furieux de voir le danger renaĂźtre au moment oĂč il croit en sortir, le marĂ©chal veut sâouvrir un passage ; il se prĂ©cipite sur ces feux...mais le camp estdĂ©sert; câest une ruse, un stratagĂšme. Platow nous avait apparemment pris pour les siens ; il avait cru nous effrayer avec des ombres. Le duc dĂ©daigna de suivre quelques Cosaques qui avaient servi a cette fantasmagorie; il poursuivit sa route, et atteignit le quatriĂšme corps trois lieues plus loin. \ du gĂ©nĂ©ral lia///. > 199 CHAPITRE XXXV. Pendant que tout ceci se passait, nous avions quittĂ© KrasnoĂŻ. iNapolĂ©on marchait b pied a la tĂšte de sa garde, et parlait souvent de ĂN'ey ; il rappelait ce coup dâĆil si juste et si sĂ»r, ce courage a toute Ă©preuve, enlin tout ce qui le rendait si brillant sur le champ de bataille. ,,11 est perdu. Eu bien ! jâai 300 millions ,,aux Tuileries, je les donnerais pour quâil me âfĂ»t rendu.â Il Ă©tablit son quartier-gĂ©nĂ©ral a Dombrovvna. IN'ous logeĂąmes chez une dame russe qui avait eu le courage de ne pas abandonner sa maison. JâĂ©tais de service ce jour-Ta lâempereur me lit appeler vers une heure du matin ; il Ă©tait trĂšs abattu il Ă©tait difficile quâil ne le fĂ»t pas, tant le tableau Ă©tait affreux. Il me dit ,,i\Ies affaires vont bien mal, ces pau- ,,vres soldats me dĂ©chirent le cĆur; je ne puis ,,cependant y porter remĂšde.â On cria aux armes, des coups de feu se tirent entendre, tout Ă©tait en rumeur. ,,Allez voir ce que câest, me ,,dit INapolĂ©on avec le plus grand sang-froid; je ,,suis sĂ»r que ce sont quelques mauvais Cosaques ,,qui veulent nous empĂȘcher de dormir. â CâĂ©tait eflectivement une fausse alerte. Il nâĂ©tait pas content de certains personnages que je mâabstiens de nommer. âQuels rois de théùtre ! sans ,,Ă©nergie, sans courage, sans force morale ! Ai- ,,je pu me mĂ©prendre a ce point? A quels hom- ,,mes je me suis confiĂ© ! Pauvre INey, avec qui ,,tâavais-je appareillĂ©!â 200 MĂ©moires Nous partĂźmes pour Orsza, nous logeĂąmes chez des jĂ©suites. NapolĂ©on dĂ©sespĂ©rait de revoir lâarriĂšre-garde. Nous nâapercevions plus dâinfanterie russe; il Ă©tait probable qâuelle avait pris position elle ne devait rien laisser Ă©chapper. Le lendemain nous poussĂąmes a deux lieues plus loin; nous fĂźmes halte dans un mauvais hameau. Câest la que lâempereur apprit vers le soir lâarrivĂ©e de Ney, et sa jonction avec le quatriĂšme corps. On peut facilement se faire une idĂ©e de la joie quâil Ă©prouva, et de lâaccueil quâil lit le lendemain au marĂ©chal. Nous arrivĂąmes a Borisow Oudinot avait battu Lambert; les fuyards sâĂ©taient ralliĂ©s Ăą Tchitschacof, et couvraient la rive droite de la BĂ©rĂ©sina. NapolĂ©on devait ĂȘtre inquiet nous nâavions ni Ă©quipages de pont ni subsistances. La grande armĂ©e avançait, Witgenstein approchait, et les troupes de Moldavie nous fermaient le passage; nous Ă©tions cernĂ©s sur tous les points la position Ă©tait affreuse, et nâavait peut-ĂȘtre pas dâexemple. Il ne fallait rien moins que la tĂȘte et le grand caractĂšre de lâempereur pour nous tirer aâun si mauvais pas aucun Français, pas mĂȘme NapolĂ©on, nâeĂ»t dĂ» Ă©chapper. Ce prince sâarrĂȘta un instant Ăą Borisow, donna des ordres pour la fausse attaque qui nous sauva, et sâachemina vers le quartier-gĂ©nĂ©ral dâOudinot, qui Ă©tait a quelques lieues plus loin. Nous couchĂąmes un peu en deçà , dans une campagne qui appartenait Ăą un prince Radziwill; nous passĂąmes la nuit, le gĂ©nĂ©ral Mouton et moi, sur une poignĂ©e de paille; nous pensions a la journĂ©e du lendemain, nos rĂ©flexions nâĂ©taient pas gaies. Nous nous rend- 201 lia gĂ©nĂ©rai tlapp. mes en route a quatre heures ; nous Ă©tions dans une des calĂšches de lâempereur. ]Nous apercevions les feux des Russes, ils couvraient la rive opposĂ©e ; les bois, les marais en Ă©taient remplis ; il y en avait a perte de vue. La riviĂšre Ă©tait profonde, vaseuse, toute couverte de glaçons; câĂ©tait la quâil fallait la franchir, câĂ©tait la quâil fallait passer ou se rendre nous augurions mal du succĂšs. Le gĂ©nĂ©ral sâexpliquait avec franchise; il lâavait souvent fait devant NapolĂ©on, qui le traitait de frondeur, et qui nĂ©anmoins lâaimait beaucoup. Nous arrivĂąmes au quartier-gĂ©nĂ©ral dâOudi- not; le jour commençaitĂąpoindre; lâempereur sâentretint un moment avec ceinarĂ©chal, mangea un morceau et donna des ordres. Ney me prit en particulier, nous sortĂźmes; il me dit en allemand ,,Notre position est inouĂŻe ; si NapolĂ©on se tire dâaffaire aujourdâhui, il faut quâil ,,ait le diable au corps.â Nous Ă©tions fort inquiets, et il y avait de quoi, Le roi de Naples vint a nous, et nâĂ©tait pas moins soucieux. ,,Jâai âproposĂ© a NapolĂ©on, nous dit-il, de sauver sa âpersonne, dĂ©passer la riviĂšre a quelques lieues ,,dâici; jâai des Polonais qui me rĂ©pondraient âde lui, et le conduiraient Ăą Wilna mais il ,,repousse cette idĂ©e, et ne veut pas en entendre parler. Quand a moi, je ne pense pas ,,que nous puissions Ă©chapper.â Nous Ă©tions tous les trois du mĂȘme avis; Murat reprit ,,Nous y passerons tous; il nâest pas question âde se rendre. 14 Tout en causant, nous aperçûmes lâennemi fui filait ; ses masses avaient disparu, les feux Ă©taient Ă©teints; on ne voyait plus que la queue 202 MĂ©moires des colonnes qui se perdait dans les bois, et cinq a six cents Cosaques Ă©pars dans la plaine. Nous examinĂąmes avec la lorgnette , nous nous convainquĂźmes que le camp Ă©tait levĂ©. J'entrai chez NapolĂ©on, pii sâentretenait avec le marĂ©chal Oudinot. âSire, lâennemi a quittĂ© âsaposition. â Cela nâest pas possible/ 1 Le roi de Naples, le marĂ©chal Ney, arrivĂšrent, et confirmĂšrent ce que jâannonçais. Lâempereur sortit de sa baraque , jeta un coup dâĆil sur lâautre cĂŽtĂ© de la riviĂšre. ,.Jâai mis dedans lâa- ,,mirai il ne pouvait prononcer le nom Tchit- ,,scliacof; il me croit sur le point oĂč jâai or- ,,donnĂ© la fausse attaque, il court a Borisow." Ses yeux Ă©tincellent de joie et dâimpatience; il fit presser lâĂ©tablissement des ponts, mettre une vingtaine de piĂšces en batterie. Celles-ci Ă©taient commandĂ©es par un brave officier h j jambe de bois, nommĂ© Brechtel ; un boulet ' la lui emporta pendaut lâaction, et le renversa. ,,Cherche-moi, dit-il Ăą un de ses canonniers, j âune autre jambe dans le fourgon n° 5.â Il se lâajusta, et continua son feu. Lâempereur fit passer a la nage une soixantaine dâhommes, sous la conduite du colonel j Jacqueminot. Ils sâavanturĂšrent mal a propos I a la suite des Cosaques ; un dâentre eux fut pris, questionnĂ©, et fit connaĂźtre aux Russes gur quel point se trouvait NapolĂ©on. Tchitscha- cof rebroussa chemin; mais il nâĂ©tait plus temps NapolĂ©on, sa garde, Ney, Oudinot, et tout ce c[ue ces deux marĂ©chaux conservaient de troupes, avaientpassĂ©. Lâamiral, confus dâavoir pris le change, oublia les marais de Lembhn. Le pont qui court pendant cinq quarts de lieue j 203 du gĂ©nĂ©ral Rapp. sur ce terrain fangeux Ă©tait notre seule issue; sâil lâeĂ»t dĂ©truit, il tenait encore nos destinĂ©es dans ses mains mais Witgenstein ouvrait le feu sur la rive gauche ; il occupait la droite, ses soldats nageaient dans lâabondance ; une poignĂ©e dâhommes , qui succombaient sous le faix de la vie devaient ĂȘtre foulĂ©s aux pieds. Il nĂ©gligea le dĂ©lilĂ© , EugĂšne courut sâen emparer; nous Ă©tions sĂ»rs de nos derriĂšres, nous attendĂźmes Tchitschacof. ĂN'ous nâĂ©tions pas huit mille, haletant de fatigue et de faim; il avait toute lâarmĂ©e de Moldavie lâissue du combat ne lui paraissait pas douteuse. Il sâavance avec lâĂ©lan de la victoire; on se mĂȘle, on se confond, la terre est jonchĂ©e de morts. Ney dirige, anime les charges partout les Russes sont enfoncĂ©s. Ils se rallient, ils appellent de nouvelles forces mais Berkeim arrive ; les cuirassiers se prĂ©cipitent sur ces colonnes, tout est taillĂ© en piĂšces. NapolĂ©on Ă©tait entourĂ© de sa garde , quâil avait mise en bataille a lâentrĂ©e de la forĂȘt; elle Ă©tait encore belle et imposante, deux mille prisonniers dĂ©filaient devant elle ; nous Ă©tions enivrĂ©s dâun si beau rĂ©sultat notre joie fut courte, le rĂ©cit de quelques Russes la calma, Partouneau avait Ă©tĂ© pris , toute sa division avait mis bas les armes un aide-de-camp du marĂ©chal Yictorvint confirmer cette triste nouvelle. NapolĂ©on fut vivement affectĂ© dâun malheur siinattendu. ,,Faut-il aprĂšs avoir Ă©chappĂ© âcomme par miracle, aprĂšs avoir complĂštement ,,battu les Russes, que cette dĂ©fection* vienne ..tout gĂąter !â Ee combat Ă©tait toujours trĂšs vif , sur la 204 MĂ©moires rive gauche; quatre a cinq mille hommes opposaient a lâarmĂ©e ennemie une rĂ©sistance opiniĂątre. ,,Allez voir quel est lâĂ©tat des affaires; âgravissez la rive droite, examinez ce qui se ,,passe sur la gauche , et vous viendrez mâen ,,rendre compte.â Jâallai, je vis des charges dâinfanterie et de cavalerie trĂšs brillantes; celles que conduisait le gĂ©nĂ©ral Fournier surtout Ă©taient remarquables par leur ensemble et leur impĂ©tuositĂ©. Mais la disproportion Ă©tait immense, il fallut cĂ©der; les horreurs du pont commencĂšrent il est inutile de reproduire cette scĂšne de dĂ©solation. Nous quittĂąmes les tristes rit Ăąges de la BĂ©rĂ©- sina, oĂč nous avions acquis tant de gloire, et essuyĂ© tant de malheurs; nous nous dirigeĂąmes sur Wilna. On ne sâentretenait , on ne 1 sâoccupait alors que de lâarrivĂ©e des Autrichiens ; I le moindre soldat ne rĂȘvait que de Schwarzen- i berg. OĂč est-il? que fait-il? pourquoi ne parait-il pas? Je ne me permettrai aucune rĂ©- flexion sur les mouvements de ce prince, alors j notre alliĂ©. Depuis long-temps nous nâavions pas de I nouvelles de France, nous ne savions pas mĂȘme j ce qui se passait dans le grand duchĂ©; nous j lâapprimes Ăą Malotechno. TNapolĂ©on l'eçut dix- ! neuf estafettes a la fois. Câest lĂ , je crois, quâil arrĂȘta le projet de quitter lâarmĂ©e, mais il ne lâexĂ©cuta quâa Smorgoni, Ăą dix-huit lieues en avant de Wilna. Nous y arrivĂąmes. Lâempereur me lit demander vers les deux heures; il ferma soigneusement les portes de la piĂšce quâil occupait, et me dit ,,Eh bien, llapp, ,,je pars cette nuit pour Paris; ma prĂ©sence y 205 du gĂ©nĂ©ral Ptapp. âest nĂ©cessaire pour le bien de la Frauce, et ,.mĂšme pour celui de cette malheureuse ar- âmĂ©e. Jâen donne le commandement au roi ,,de Naples. 1 â Je n'Ă©tais pas prĂ©parĂ© a cette confidence ; car j'avoue franchement que je nâĂ©tais pas dans le secret du voyage. âSire, âluirĂ©pondis-je, votre dĂ©part fera une fĂącheuse âsensation parmi les troupes, elles ne sây attendent pas. â Mon retour est indispensable; âil faut que je surveille lâAutriche , et que je âcontienne la Prusse. â Jâignore ce que fe- âront les Autrichiens; leur souverain est votre fieau-pĂšre; mais pour les Prussiens, vous ne âles retiendrez pas, nos dĂ©sastres sont trop ,,grands; ils en profiteront. 1 ' NapolĂ©on se promenait les mains derriĂšre le dos ; il garda un instant le silence, et reprit âQuand ils me ,,sauront h Paris, quâils me verront a la tĂšte de ,,la nation , et de douze cent mille hommes âque jâorganiserai , ils y regarderont a deux ,,fois avant de me faire la guerre. Duroc, Cau- âlincourt et Mouton partiront avec moi, Lau- âriston ira a Varsovie, et toi tu retourneras ,,aDantzic; tu verras Ney a Wilna, tu tâarrĂȘteras avec lui pendant au moins quatre jours ; âMurat vous joindra, vous tĂącherez de rallier ,,1âarmĂ©e le mieux quâil vous sera possible. Les âmagasins sont pleins, vous trouverez tout en ,,abondance. Vous arrĂȘterez les Russes; tu ferras le coup de sabre avec Ney, sâil est nĂ©cessaire. Il doit avoir actuellement la division âLoyson, qui compte au moins dix-huit mille » hommes de troupes fraĂźches; AVrĂšde lui ara- >,mĂšne aussi dix mille Bavarois; dâautres renforts sont en marche. Vous prendrez des can- 206 MĂ©moires ,,tonnements.â NapolĂ©on partit. Je reçus des ,,ordres du major-gĂ©nĂ©ral, qui me dit dans une lettre ce que lâempereur mâavait, dĂ©jĂ dit de vive voix, il me remit en mĂȘme temps une lettre particuliĂšre de ce prince , oĂč il me rĂ©pĂ©tait âFais tout avec Ney pour rallier lâarmĂ©e Ă âWilna, restex-y quatre jours au moins; tu te ,,rendras ensuite a Dantxic.â Je partis le lendemain le froid Ă©tait si vif que, quand jâarrivai a Wilna , jâavais le nez, une oreille et deux doigts gelĂ©s. Je descendis chez le gĂ©nĂ©ral Hogendorp et me rendis de suite au logement du marĂ©chal Ney ; je lui fis part des ordres de NapolĂ©on et de la conversation que jâavais eue avec ce prince au moment de son dĂ©part. Le marĂ©chal fut bien Ă©tonnĂ© des forces quâil lui supposait , il me i dit ,,Jâai fait tout a lâheure battre la gĂ©nĂ©rale, ,, je nâai pu rĂ©unir cinq cents hommes tout le âmonde est gelĂ©, fatiguĂ©, dĂ©couragĂ©; personne J ,,nâen veut plus. Vous avez lâair souffrant; allez ,,vous reposer, demain nous verrons.â Le lendemain je me rendis chez lui le roi de Na- j pies venait dâarriver avec la garde ; nous eau- ; sĂąmes beaucoup de notre situation. Ney opinait pour la retraite; il la jugeait indispensable. ,,Elle est forcĂ©e; il nây a pas moyen de âtenir un jour de plus.â Il mâavait pas achevĂ©, que le canon se fit entendre les Russes arrivaient en forces; on se battait a une demi-lieue de la. Tout a coup, nous vĂźmes les Bavorais qui rentraient en dĂ©sordre; ils Ă©taient pĂȘle-mĂȘle avec nos traĂźnards la confusion Ă©tait au comble ; ainsi que le disait Ney, il Ă©tait impos- ^ sible de rien faire avec nos troupes. Le roi du gĂ©nĂ©ral Rapp. 207 de Naples vint a nous il se flattait encore dâopposer quelque rĂ©sistance ; mais les rapports quâil reçut des hauteurs de Wilna le dĂ©trompĂšrent. 11 ordonna sur-le-champ le mouvement rĂ©trograde, et se porta sur le NiĂ©men. âJe vous conseille, me dit ce prince, de partir ,,sans dĂ©lai pour Dantzic, ou votre prĂ©sence ,,va devenir nĂ©cessaire. Le plus lĂ©ger retard âpeut vous faire tomber dans les mains des ,,Cosaques ce serait un accident fĂącheux qui ,,ne serait profitable ni Ăą lâarmĂ©e ni a lâem- ?,pereur.â Je suivis ce conseil; je louai deux juifs, qui ma conduisirent jusquâau NiĂ©men. Mes Ă©quipages, qui avaient heureusement Ă©chappĂ© aux dĂ©sastres, Ă©taient dĂ©jĂ partis. Nous arrivĂąmes bientĂŽt Ăą cette funeste hauteur oĂč fut abandonnĂ© ce qui nous restait de matĂ©riel. Il nous fut impossible de la monter nos chevaux sâĂ©puisaient en vains efforts, nous les aidions , nous les excitions ; mais le terrain Ă©tait si glissant, si rapide, pie nous fĂ»mes obligĂ©s de renoncer a lâentreprise. Je dĂ©libĂ©rais avec mon aide-de-camp sur le parti quâil convenait de prendre. Mes IsraĂ©lites me proposĂšrent de suivre un chemin de traverse, qui avait dâailleurs lâavantage dâĂȘtre plus court; ils me dirent que je devais mâen rapporter a eux, quâils rĂ©pondaient de moi. Je les crus; nous partĂźmes, et le lendemain au soir nous Ă©tions au delĂ du NiĂ©men. Je sufErais horriblement; mes doigts, mon nez, mon oreille, commençaient a me donner de lâinquiĂ©tude, lorsquâun barbier polonais mâindiqua un re- mede un peu dĂ©sagrĂ©able, mais qui me rĂ©us- 208 MĂ©moires sit.. Jâarrivai enfin a Dantxic le roi de Na- S âes me suivit a quelques jours de distance; acdonald, que les Prussiens avaient si indignement trahi , venait aprĂšs. âCe nâest que ,,par miracle, me manda-t-il, que moi, mon âĂ©tat-major et la septiĂšme division, nous nâavons ,,pas Ă©tĂ© dĂ©truits nous Ă©tions livrĂ©s , nos jambes nous ont sauvĂ©s.â Il me remit ses troupes , qui furent incorporĂ©es avec celles que jâavais sous mes ordres. Les Russes parurent presque immĂ©diatement. Le gĂ©nĂ©ral Bachelet eut avec eux un engagement des plus vifs. Ils se rĂ©pandirent au tour de la place, et le blocus commença. CU A- du gĂ©nĂ©ral Rapp. 209 CHAPITRE XXXVI. Dantzic semble destinĂ©e a ĂȘtre une place forte baignĂ©e au nord par la Vistule, protĂ©gĂ©e au sud-ouest par une chaĂźne de hauteurs escarpĂ©es, elle est dĂ©fendue dans le reste de son pourtour par une inondation qui sâĂ©tend au moyen de deux riviĂšres qui la traversent, la Radaune et la Mottlau. FrappĂ© des avantages dâune position si belle, INapolĂ©on avait rĂ©solu de la rendre inexpugnable ; il avait fait ouvrir des travaux immenses. Des tĂȘtes de pont, des forts, des camps retranchĂ©s devaient la mettre a lâabri dâinsultes et dominer le cours du fleuve ; mais le temps avait manquĂ© , et la plupart des ouvrages Ă©taient ou imparfaits ou a peine Ă©bauchĂ©s aucun magasin nâĂ©tait a lâĂ©preuve de la bombe ; aucun abri assez solide pour que la garnison pĂ»t y ĂȘtre avec sĂ©curitĂ© ; les casemates Ă©taient inhabitables, les logements en ruines et les parapets dĂ©gradĂ©s. Le froid, toujours plus sĂ©vĂšre, avait solidifiĂ© les eaux; et Dantzic, dont lâassiette est naturellement si heureuse et si forte, nâĂ©tait plus quâune place ouverte sur tous lespoints. La garnison nâĂ©tait pas dans un meilleur Ă©tat; elle se composait d'un confus de soldats de toutes armes et de toutes nations; d y avait des Français, des Allemands , des Polonais , des Africains , des Espagnols , des Hollandais, des Italiens. La plupart, Ă©puisĂ©s, malades , sâĂ©taient jetĂ©s a Dantzick faute de 14 210 MĂ©moires pouvoit continuer leur route iis sâĂ©taient flattĂ©s dây trouver quelque soulagement ; mais, dĂ©pourvu de mĂ©dicaments, de viande, de lĂ©gumes, sans spiritueux, sans fourrages, jâĂ©tais obligĂ© de renvoyer ceux qui nâĂ©taient pas absolument incapables dâĂ©vacuer la place. NĂ©anmoins il mâen resta encore plus de trente-cinq mille , qui ne fournissaient pas au delĂ de huit a dix mille combattants encore Ă©taient- ce presque tous des recrues qui nâavaient ni expĂ©rience ni discipline. Cette circonstance Ă la vĂ©ritĂ© mâinquiĂ©tait peu ; je connaissais nos soldats ; je savais que, pour bien faire, ils nâont besoin que de lâexemple; jâĂ©tais rĂ©solu de ne pas mâĂ©pargner. Tel Ă©tait lâĂ©tat dĂ©plorable oĂč se trouvaient la place et les troupes chargĂ©es de la dĂ©fendre. Il fallait dâabord pourvoir au plus pressĂ©, et nous mettre a lâabri dâinsultes ; la chose nâĂ©tait pas aisĂ©e la neige encombrait les fortifications; elle obstruait tous les chemins couverts, toutes les avenus; le froid Ă©tait extrĂȘme; le thermomĂštre marquait au-delĂ de v ingt degrĂ©s, et la glace avait dĂ©jĂ plusieurs pieds dâĂ©paisseur. NĂ©anmoins il nây avait pas Ă balancer; il fallait se rĂ©soudre Ă ĂȘtre enlevĂ© de vive force, ou se soumettre Ă de nouvelles fatigues presque aussi excessives que celles que nous avions essuyĂ©es. Je me concertai avec deux hommes dont le dĂ©vouement Ă©galait les lumiĂšres câĂ©taient le colonel Richemont et le gĂ©nĂ©ral Campredon, tous deux attachĂ©s au gĂ©nie, dont le dernier avait le coinmendement. Je donnai lâordre dâĂ©lever de nouveaux ouvrages et de dĂ©gager les eaux de la Yistule. Cette entreprise semblait inexe- 211 du gĂ©nĂ©ral liapp. cutable par une saison aussi l'igoureuse ; nĂ©anmoins les troupes sây portĂšrent avec leur zĂšle accoutumĂ©, malgrĂ© le froid qui les accablait, elles ne laissaient Ă©chapper ni plaintes ni murmures. Elles exĂ©cutaient les travaux qui leur Ă©taient prescrits avec un dĂ©vouement, une constance au-dessus de tout Ă©loge. Enlin, aprĂšs des peines inouĂŻes, elles triomphĂšrent de tous les obstacles ; la glace, dĂ©tachĂ©e a coups de hache, et poussĂ©e avec des leviers vers la mer, dont le courant augmentait encore lâimpulsion, laissa avoir au milieu du fleuve un canal de seize a dix-sept mĂštres de large, dans une Ă©tendue de deux lieues et demie. Mais nous Ă©tions destinĂ©s a voir les difficultĂ©s renaĂźtre a mesure quâelles Ă©taient vaincues a peine un succĂšs inespĂ©rĂ© avait-il couronnĂ© nos efforts , que le froid se lit sentir avec plus de violence; en une seide nuit, la \ r istule, les fossĂ©s, furent couverts dâune couche de glace presque aussi Ă©paisse que celle que nous avions rompue. En vain des bateaux circulaient sans relĂąche pour entretenir la fluiditĂ© des eaux; ni ces soins, ni la rapiditĂ© du fleuve, ne purent les prĂ©server il fallut reprendre ces travaux qui nous avaient tant coĂ»tĂ©, et quâun instant avait dĂ©truits. AppliquĂ©s jour et nuit a rompre la glace, nous ne prunes cependant lâempĂȘcher de se tendre une troisiĂšme fois; mais, plus opiniĂątres encore que les Ă©lĂ©ments dĂ©chaĂźnĂ©s contre nous, nos soldats se roidissaient contre les obstacle , et parvinrent enfin Ăą en triompher. Sur tout le reste du front de la place, câĂ©taient mĂȘme zĂšle et mĂȘmes difficultĂ©s ; la terre, gelĂ©e a plusieurs pieds de profondeur, repous- 14 . 212 MĂ©moires sait la bĂȘche et bravait les ofForts du pionnier; rien ne pouvait dĂ©sunir cette masse compacte; la hache mĂȘme rebondissait. Il fallut recourir au feu pour lâamollir; de grands amas de bois, disposĂ©s de distance en distance, et alimentĂ©s long-temps, furent les seuls moyens qui permirent de faire les terrassements, dâĂ©lever les palissades nĂ©cessaires. A force de travail et de persĂ©vĂ©rance, nous exĂźmes encore la satisfaction de voir en Ă©tat de dĂ©fense des ouvrages a peine Ă©bauchĂ©s. Le Holm, Weichselmunde, le camp retranchĂ© de JNeufahrwasser, et cette multitude de forts qui protĂšgent les avenues de Dantzic, furent mis a mĂȘme dâopposer une noble rĂ©sistance ; et si cette ville ne reçut pas le degrĂ© de force dont elle est susceptible , elle fut du moins capable de soutenir un siĂ©gĂ© dont la durĂ©e et les Ă©pisodes ne sont pas ce qui honore le plus les armes Ă©trangĂšres. Ces fatigues Ă©taient au-dessus des forces humaines le bivouac, les privations, un service continuel, les aggravaient encore ; aussi les maladies ne tardĂšrent pas a paraĂźtre. DĂšs les premiers jours de janvier, chaque soleil nous emportait cinquante hommes a la fin du mois suivant, nous en perdions iusquâa cent trente, et nous comptions plus de quinze mille malades. Des troupes, lâĂ©pidĂ©mie Ă©tait passĂ©e aux habitants ; elle faisait parmi eux les plus affreux ravages; ni lâĂąge ni le sexe nâĂ©taient Ă©pargnĂ©s ceux quâassiĂšge la misĂšre, ceux que lâaisance, que le luxe environnent, sont Ă©galement sa proie. Tout succombe, tout pĂ©rit, et le jeune homme qui essaie la vie, et le vieillard qui achĂšve sa carriĂšre le deuil rĂšgne dans toutes 213 du gĂ©nĂ©ral Ilapp. les familles, la consternation est, dans tous les cĆurs. Dantxic, autrefois si animĂ©, plongĂ© maintenant dans un morne silence, nâolĂŻre partout a lâĆil attristĂ© que des pompes, que des chars funĂšbres. Le son des cloches, ces catafalques, ces images de la mort, reproduites sous toutes les formes, aggravaient encore une situation dĂ©jĂ si dĂ©plorable. Lâimagination des troupes commençait a sâĂ©branler; je me hĂątai de couper le mal a sa racine jâinterdis ces funĂ©railles solennelles que la piĂ©tĂ© de ceux qui vivent consacre a ceux qui ne sont plus. Je nâavais pas attendu que lâĂ©pidĂ©mie fĂ»t dans toute sa force pour la combattre. DĂšs quâon en eut premiers symptĂŽmes, jâavais fait ouvrir des hĂŽpitaux, acheter des mĂ©dicaments, des lits et tout ce qui est nĂ©cessaire pour cette partie du service une nourriture saine et abondante eĂ»t Ă©tĂ© bien plus efficace; mais nous Ă©tions si mal approvisionnĂ©s, quâa peine pouvions-nous fournir a une distribution journaliĂšre de deux onces de viande fraĂźche. Un peu de viande salĂ©e, quelques lĂ©gumes secs, composaient tout ce quâil mâĂ©tait permis d'offrir a des hommes Ă©puisĂ©s par de longues privations. Cet Ă©tat de choses Ă©tait cruel; je nây pouvais cependant apporter aucun remĂšde. Jâavais inutilement expĂ©diĂ© un bĂątiment pour Stralsund, afin de tirer de la PomĂ©ranie suĂ©doise, que nous possĂ©dions encore, des vivres et des mĂ©dicaments lâaviso chargĂ© de mes dĂ©pĂȘches, assailli par une violente tempĂȘte, fut rejetĂ© sur la cĂŽte. Nous touchions a lâĂ©quinoxe, la Baltique Ă©tait dĂ©jĂ soulevĂ©e par les orages; 214 MĂ©moires il ne fut pas possible de faire une seconde tentative. 11 ne nous restait de ressources que celles du courage ce nâĂ©tait plus quâa la pointe de lâĂ©pĂ©e que nous pouvions obtenir des subsistances ; mais quel que fĂ»t le dĂ©vouement des troupes, la prudence ne permettait pas de lesyon- duire a lâennemi, consumĂ©es comme elles Ă©taient par les maladies et la misĂšre. Il fallut se rĂ©signer a son Ă©toile, et attendre patiemment que la douce influence de la belle saison vint rĂ©parer leurs forces ce terme ne paraissait pas Ă©loignĂ©; tous les signes qui lâannoncent se manifestaient dĂ©jĂ . La tempĂ©rature sâĂ©tait adoucie, les glaces commençaient a fondre, la dĂ©bĂącle Ă©tait prochaine, et lâon se flattait que lâinondation apporterait enfin quelque relĂąche aux fatigues quâon essuyait; mais ce qui devait soulager nos maux Ă©tait toujours ce qui les portait au comble. La Vistule se dĂ©gagea avec violence depuis 1775, on nâavait pas eu dâexemple dâune telle impĂ©tuositĂ©; la plus belle partie de Dantaic, ses magasins, ses chantiers, devinrent la proie des eaux; la campagne en Ă©tait couverte; elle ne prĂ©sentait, dans une Ă©tendue de plusieurs lieues, que lâaffligeant spectacle dâarbres dĂ©racinĂ©s, de maisons dĂ©truites, dâhommes , dâanimaux sans vie, flottant pĂȘle-mĂȘle au milieu des glaçons, Notre perte semblait inĂ©vitable tous nos ouvrages Ă©taient dĂ©truits ; nos palissades emportĂ©es, nos Ă©cluses rompues, nos forts entrouverts et minĂ©s par les flots, nous laissaient sans dĂ©fense devant un ennemi nombreux. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 215 ' Nous ne communiquions plus avec le Holm, position si importante et dont les fortifications Ă©taient presque anĂ©anties. LâĂźle dâHeubude Ă©tait dans un Ă©tat dĂ©plorable; nos postes du Werder, ceux du Nerhung avaient Ă©tĂ© submergĂ©s. Pour comble de maux, nous Ă©tions menacĂ©s, quand la Vistule reprendrait son cours, de voir tarir lâinondation qui couvre habituellement la place. 216 MĂ©moires / CHAPITRE XXXVII. Mais les alliĂ©s secondĂšrent mal les Ă©lĂ©ments cfui combattaient pour eux. Au lieu de venir Ă nous, ils se consumaient en intrigues misĂ©rables câĂ©tait proclamations sur proclamations ; il y en avait pour la magistrature, pour les habitants , pour les soldats. Les uns Ă©taient excitĂ©s a la rĂ©volte, les autres a la dĂ©sertion; les braves Polonais, les Westphaliens, les Bavarois, Ă©taient tour a tour sollicitĂ©s, pressĂ©s, menacĂ©s. Cette guerre de plume mâinquiĂ©ta peu; je connaissais la loyautĂ© de mes troupes, jâa- . vais en elles la plus entiĂšre confiance. Je leur j en donnai la preuve dĂšs que les proclamations ; nous arrivaient, je les faisais lire h la tĂȘte des rĂ©giments, Cette maniĂšre franche leur plut, ! ils mâen surent grĂ© ; ils nâen conçurent que plus de mĂ©pris pour un ennemi qui se promettait dâavoir meilleur marchĂ© de leur honneur j que de leur courage, et souvent ils mâapportaient eux mĂȘmes, sans les avoir lues, cesbel- i les productions du gĂ©nie russe. f Les assiĂ©geants persistaient a se tenir les bras croisĂ©s dans la place ; je les tirais de temps j a autre de la lĂ©thargie oĂč ils Ă©taient plonges, Ces messieurs nous menaçaient hautement dâun assaut; ils avaient mĂȘme, sur la fin de jap- . vier, commandĂ© un grand nombre dâĂ©chelles dans les villages du Wherder. Je rĂ©solus de leur faire sentir que nous nâen Ă©tions pas en- j core la le 29, je mis quelques forces en mou- 1 217 du gĂ©nĂ©ral Rapp. vement dans la direction de Brantau ; le gĂ©nĂ©ral Granjean dĂ©boucha de Stries avec quatre bataillons, un peloton de cavalerie, et deux piĂšces de campagne il dispersa dans sa tournĂ©e des partis de Baskirs et de Cosaques. Il prĂ©ludait a une action plus sĂ©rieuse. Je savais que des troupes fraiches Ă©taient arrivĂ©es devant la place, quelles sâĂ©taient rĂ©pandues dans le INerbung , et occupaient en forces Bohnsack et Strie je les fis reconnaĂźtre. Le gĂ©nĂ©ral DetrĂ©es fut chargĂ© de cette expĂ©dition. Il culbuta dâabord tout ce qui se prĂ©senta sur son passage ; mais ses tirailleurs sâabandonnĂšrent trop a la poursuite, et faillirent ĂȘtre victimes de leur tĂ©mĂ©ritĂ© une nuĂ©e de Cosaques fondit sur eux, et les eĂ»t taillĂ©s en piĂšces si le colonel Farine ne les eĂ»t dĂ©gagĂ©s. Nous fĂ»mes moins heureux sur un autre point; nos avant-postes avaient ordre de se tenir sous les armes, dâobserver les mouvements de lâennemi, mais de ne pas engager dâaction. Le colonel de Heering, qui commandait a Stolzenberg, ne put se contenir; mal a propos dans la plaine, poussa les CĂŽsaques avec une impĂ©tuositĂ© irrĂ©flĂ©chie ses troupes, surprises dans un dĂ©filĂ©e, ne purent rĂ©sister au choc de la cavalerie, et furent enfoncĂ©es. Cette imprudence nous coĂ»ta deux cents cinquante hommes. Lâennemi sâĂ©chauffa ce petit succĂšs lui avait donnĂ© de la confiance. Vers les trois heures de 1 aprĂšs-midi, ses colonnes se prĂ©sentĂšrent devant Larigfuhr , et parvinrent a sây Ă©tablir. Trente hommes postĂ©s en avant de ce village furent faits prisonniers; ils sâĂ©taient jetĂ©s dans une maison, et avaient opposĂ© une longue rĂ©- 218 MĂ©moires sistance ; la terre Ă©tait jonchĂ©e de morts, mais, ne se voyant point secourus , ils Furent contraints de mettre bas les armes, faute de munitions. Je donnai aussitĂŽt lâordre de reprendre cette position ; le gĂ©nĂ©ral Granjean so mit en marche avec huit bataillons, quatre piĂšces , dâartillerie, et quelques troupes a cheval lâattaque eut un plein succĂšs, les Russes furent culbutĂ©s et mis en fuite. Ils tentĂšrent de revenir a la charge ; mais, toujours rompus, toujours^ Ă©crasĂ©s par notre cavalerie, ils parurent enfin se dĂ©cider a la retraite. Nous ne tardĂąmes pas a suivre leur exemple le champ de bataille Ă©tait presque Ă©vacuĂ©, lorsque les Napolitains, laissĂ©s a Langfuhr, furent tout a coup assaillis par des nuĂ©es de Cosaques que soutenait une infanterie nombreuse. Le gĂ©nĂ©ral Husson, le commandant Sxembeck , accourent en toute hĂąte avec'un bataillon polonais, chargent lâennemi a la baĂŻonnette, et en font une boucherie affreuse. Cet Ă©chec calma la pĂ©tulance des alliĂ©s il ne fut plus question dâĂ©chelles ni dâassaut. De mon cĂŽtĂ©, je les laissai tranquilles je frĂ©tais pas a mĂȘme de leur donner des alertes bien frĂ©quentes; mes troupes Ă©taient extĂ©nuĂ©es sur pied nuit et jour, consumĂ©es par les maladies, transies de froid, mal vĂȘtues, plus mal nourries encore, elles se soutenaient a peine; rien nâĂ©galait leur misĂšre que la rĂ©signation avec laquelle elles la supportaient. Des soldats, dont le nex, les oreilles Ă©taient gelĂ©s, ou le* blessures encore ouvertes, faisaient gaiement le service des avant-postes. Ouand je les voyais dĂ©filer a la parade alFublĂ©s de peaux, la tete 219 du gĂ©nĂ©ral Rapp. enveloppĂ©e dans des linges, ou marchant a lâaide dâun bĂąton, jâĂ©tais touchĂ© jusquâaux larmes. Jâeusse voulu donner quelque relĂąche a des hommes si malheureux, et pourtant si dĂ©vouĂ©s; les Russes ne le souffrirent pas. Ils sâĂ©taient imaginĂ© que leurs proclamations avaient produit tout lâeffet quâils en attendaient, que nous nous battions entre nous, que le peuplĂ© Ă©tait en rĂ©volte. Ils rĂ©solurent de profiter dâaussi belles circonstances, et de nous enlever. Nous Ă©tions au mois de mars. Le 5, dĂšs la pointe du jour, ils fondent comme des essaims sur nies avant-postes ; ils couvrent, ils inondent toute ma ligne , et se rĂ©pandent par torrents dans les villages quelle renferme. Au bruit dâune aussi brusque attaque, je donne les or- dres nĂ©cessaires et je mâachemine vers Lang- fuhravec le gĂ©nĂ©ral de division Granjean. Nous avions a peine fait quelques pas que nous entendĂźmes battre vivement la charge; câĂ©taient les chefs de bataillon Claumont et Blaer qui se prĂ©cipitaient a la baĂŻonnette sur une colonne de trois a quatre mille Russes, et la dispersaient. Nous doublĂąmes de vitesse pour les soutenir; mais le choc avait Ă©tĂ© si impĂ©tueux que nous ne pĂ»mes arriver a temps nous touchions au village , lorsque les acclamations des soldats nous annoncĂšrent la victoire. Jâaccourus pour les fĂ©liciter de ce beau fait dâarmes; car câen Ă©tait un, puisque moins de huit cents hommes avaient fait mordre la poussiĂšre il des masses quadruples dâinfanterie et de cavalerie. Ils avaient mĂȘme failli sâemparer des piĂšces trois voltigeurs napolitains coupaient dĂ©jĂ les traits 220 MĂ©moires des chevaux morts, lorsquâils furent chargĂ©s a leur tour et obligĂ©s de lĂącher prise. La fortune nous Ă©tait moinsâ favorable sur dâautres points; le gĂ©nĂ©ral Franceschi se maintenait avec peine en avant de Alt-Schottland; il cĂ©dait le terrain, mais en le dĂ©fendant pied a pied il suivait ses instructions, il gagnait du temps. Le brave colones Buthler accourait en toute hĂąte Ăą son secours. A peine parvenus aux premiĂšres maisons du village, les Bavarois se jettent avec impĂ©tuositĂ© sur lâennemi, le poussent, le chargent Ăą la baĂŻonnette, et parviennent ale contenir; mais pendant quâils font face dâun cĂŽte, les Busses les menacent de lâautre. AprĂšs trois attaques infructueuses, ils avaient enlin triomphĂ© de la belle rĂ©sistance du chef de bataillon ClĂ©ment , et sâĂ©taient emparĂ©s de Stolzenberg; ils dĂ©bouchaient dĂ©jĂ de ce village * et allaient nous prendre en liane. Ce mouvement eĂ»t Ă©tĂ© dĂ©cisif je me hĂątai de le prĂ©venir; je donnai ordre au sixiĂšme rĂ©giment napolitain dâoccupersur la droite un monticule qui assurait notre position. Le gĂ©nĂ©ral DetrĂ©es conduisit lâattaque et enleva le plateau au pas de charge; lâennemi accourut pour le reprendre, mais il ne put y parvenir. Tout couvert de contusions, ses habits criblĂ©s de balles, le colonel Degennero lui opposa une rĂ©sistance invincible, et le força Ăą la retraite. Cependant le gĂ©nĂ©ral Bachelu, avec quatre bataillons sous ses ordres , gravissait les hauteurs a droite de Schidlitx ; tout a coup il fond sur les alliĂ©s, les attaque Ă revers et les culbute. En vain ils se jettent dans les mai- 221 du gĂ©nĂ©ral Rapp. sons es sây retranchent ; nos voltigeurs, conduits par le lieutenant Bouvenot et le sous-of- iicier Tarride , enfoncent les croisĂ©es, brisent les portes, tuent, prennent ou dispersent tout ce quâils rencontrent , et sâemparent dâune piĂšce dâartillerie un gĂ©nĂ©ral russe animait les siens a la dĂ©fendre ; mais lâimpulsion Ă©tait donnĂ©; trois braves, le sous-lieutenent Yanus, le marĂ©chal-des-logis Autresol, et le fourrir Hatuite, sâĂ©lancent a la course et sâen emparent. 11 Ă©tait trois heures aprĂšs midi, et les alliĂ©s occupaient encore Schottland et Ohra; malgrĂ© tout son courage le chef de bataillon Boulan nâavait pu les dĂ©loger. Je rĂ©solus dâessayer une seconde fois dâune manĆuvre qui mâavait si bien rĂ©ussi, je les tournai. Pendant que je menais une fausse attaque par la tĂšte de Schottland, le gĂ©nĂ©ral Bachelu masquait sa marche et se portait sur Ohra; il Ă©tait suivi de trois bataillons dâinfanterie, de cent cinquante chevaux, et dâune batterie lĂ©gĂšre. iNos troupes bouillaient dâimpatience dĂšs quelles entendirent battre la charge, ce furent des cris de joie; elles sâĂ©lancent sur lâennemi, le rompent et le culbutent. Il se rallie et revient a la charge. Riais la mitraille redouble, la baĂŻonnette porte le dĂ©sordre dans ses rangs. 11 fuit, il sâĂ©chappe par toutes les issues , et nâen trouve aucune qui ne soit interceptĂ©e. La nĂ©cessitĂ© rĂ©veille son courage, il se recueille, dĂ©bouche, fond sur nous. La mĂȘlĂ©e devient terrible il veut se dĂ©rober y la honte, nos soldats veulent consommer la victoire de part et dâautre on se presse, on se pousse avec fureur. Un adjudant-major du 29 e de ligne, Delondres , sâĂ©lance au milieu des 222 MĂ©moires Russes; quelques braves le suivent la mort et la confusion volent sur ses pas; accablĂ© bientĂŽt par le nombre, Ă©puise par de larges blĂ©s- 1 sures, il est obligĂ© de rendre les armes mais ses esprits reviennent, il se remet; lâindigna- i tion lui donne des forces il attaque, amĂšne j son escorte, et vient prendre part a la vie- i toire elle nâĂ©tait plus disputĂ©e. Nos troupes, accourues au bruit de la fusillade, sâĂ©taient formĂ©es en avant dâOhra, et avaient ouvert un feu meurtrier lâennemi en est accablĂ©; il plie, se dĂ©bande, et nâĂ©chappe a la mort quâen invoquant la clĂ©mence du vainqueur. Dans un instant les rues sont jonchĂ©es de morts. Cinq cents hommes mirent bas les armes la plupart Ă©taient de cette armĂ©e de Moldavie que nous avions presque dĂ©truite au pas- sage de la RĂ©rĂ©sina. Lâennemi fuyait sur tous les points. Dans le Nerbung, a Neufahrwasser, partout il avait expiĂ©, par la dĂ©faite les succĂšs que la surprise lui avait donnĂ©s. Le major NougarĂšde nâavait eu quâa paraĂźtre pour disperser des nuĂ©es de Cosaques qui sâescrimaient sans succĂšs contre de faibles postes napolitains que nous avions sur les derriĂšres. Des postes de dragons donnĂšrent la chasse aux Russes qui sâĂ©taient portĂ©s en avant de Saspe, et enlevĂšrent Brasen, Nous occupions de nouveau les positions I tpie nous tenions avant lâattaque malheureusement elles nous coĂ»taient assez cher. Nous avions six cents hommes hors de combat; il est vrai que la plupart se de leurs blessures. De ce nombre Ă©taient le major lloradam, le colonel dâEglofĂŻstein et le gĂ©nĂ©- du gĂ©nĂ©ral Rapp. 225 rai Devilliers, quâon verra si souvent figurer dans ce rĂ©cit. Lâennemi avait Ă©tĂ© bien plus maltraitĂ© deux mille des siens Ă©taient couchĂ©s dans la poussiĂšre; nous avions onze a douze cents prisonniers dans nos mains, et une piĂšce dâartillerie. Cette journĂ©e fut une des plus belles du siĂšge; elle Ă©tait un nouvel exemple de ce que peuvent le courage et la discipline. Sous les murs de Dantzic comme au passage de la BĂ©- rĂ©sina, consumĂ©s par la misĂšre ou les maladies, nous Ă©tions toujours les mĂȘmes; nous paraissions sur le champ de bataille avec le mĂȘme ascendant, la mĂȘme supĂ©rioritĂ©. 224 MĂ©moires CHAPITRE XXXVIII. i Les Russes devaient ĂȘtre satisfaits. Il nâĂ©tait pas probable qu'ils revinssent de sitĂŽta la charge. Cependant la journĂ©e du 5 m'avait convaincu j de la nĂ©cessitĂ© de diverses mesures que je rĂ©pu- j gnais a prendre. Ils nâavaient pĂ©nĂ©trĂ© jusquâaux pieds de Eichofsberg, oĂč le colonel Figuier exerçait une surveillance sĂ©vĂšre, quâa la faveur dâun ancien couvent de capucins ce voisinage Ă©tait trop dangereux, je lis abattre le vieil ! Ă©difice. On retrancha aussi quelques maisons dans diffĂ©rents villages, et surtout a Schottland. Nous ne lâavions repris quâavec beaucoup de peine; la rĂ©sistance avait mĂȘme Ă©tĂ© si opiniĂątre i quâil fut un instant question de lâincendier. Je rejetai ce moyen cruel ; je ne pus pas me rĂ©sou- I dre a ruiner des habitants qui avaient dĂ©jĂ tant j souffert pendant le premier siĂšge. Je trouvai 1 1 lus honorable de chasser les Russes a coup de jaĂŻonnettes, et jây rĂ©ussis; mais je ne voulais pas courir de nouveau cette chance pĂ©rilleuse. CependantlâĂ©pidĂ©inie Ă©taitloin dese calmer. Elle semblait au contraire prendre chaque jour de nouvelles forces. Six mille hommes avaient dĂ©jĂ pĂ©ri, dix-huit mille gisaient sans vie dans les hĂŽpitaux. Le gĂ©nĂ©ral Franceschi, que la mort avait Ă©pargnĂ© sur tant de champs de bataille, venait de succomber. Chaque heure, chaque minute augmentait nos pertes, nous emportait nos plus vaillants soldats. Une nourriture substantielle les eĂ»t sauvĂ©s; mais nos 225 du gĂ©nĂ©ral Rapp. provisions touchaient a leur terme. Nous nâavions plus, pour ainsi dire, ni viande ni bestiaux ; la paille mĂȘme nous manquait pour coucher nos malades. Je rĂ©solus de chercher quelque remĂšde aux maux quâenduraient tant de braves. La tentative Ă©tait pĂ©rilleuse, mais ils mĂ©ritaient bien quâon sâexposĂąt a quelques dangers pour les secourir. Depuis long-temps je projetais une expĂ©dition sur Quadendorf, oĂč. lâon supposait dâabondantes ressources. Je lâavais diffĂ©rĂ©e jusque-la, parce que les troupes dont je disposais me paraissaient insuffisantes; mais la nĂ©cessitĂ© parlait plus haut que toutes ces considĂ©rations je nâhĂ©sitai plus. Le gĂ©nĂ©ral Devilliers couronna les hauteurs de Wonneberg et de Pitx- kendorf, la droite appuyĂ©e a Zigangenberg, et la gauche soutenue par la brigade du gĂ©nĂ©ral Husson. Il ouvrit sans dĂ©lai un feu roulant dâartillerie et de mousqueterie. Pendant que lâennemi ripostait de son mieux a cette vaine fusillade, le gĂ©nĂ©ral Heudelet dĂ©bouchait par la vallĂ©e de Malzklau et enlevait le poste chargĂ© de la dĂ©fendre. Le gĂ©nĂ©ral Ba- chelu marchait en tĂȘte. Douxe cents hommes, six piĂšces de canon conduites par le gĂ©nĂ©ral Gault, sâavançaient en seconde ligne et formaient la rĂ©serve. Cinq cents Russes voulurent nous interdire lâentrĂ©e de Borgfeld. Ils furent foulĂ©s aux pieds. Ce qui Ă©chappa a la baĂŻonnette alla pĂ©rir sous le tranchant du sabre tous reçurent la mort. Lâennemi accourut avec les masses et ne fut pas plus heureux. AccablĂ©, rompu avant dâĂȘtre en dĂ©fense , il ne trouva de salut que dans la fuite. Ses piĂšces MĂ©moires 22t> ne purent se mettre en batterie ; poursuivies sans relĂąche, elles furent contraintes de vider le champ de bataille sans avoir tirĂ© un seul coup. Les polonais Ă©taient irrĂ©sistibles chefs et soldats, tous fondaient sur les Russes avec un abondon, une audace dont on nâa pas dâexemple. Un tambour, le brave Mattuzalik, en terrassa un avec ses baguettes, et le força a se rendre. Pendant que nous les chassons devant nous, le gĂ©nĂ©ral Heudelet menace leurs derriĂšres. DĂšs quâils sâaperçoivent de ce mouvement, ce nâest plus .une fuite, câest un dĂ©sordre, une ! confusion dont il est difficile de se faire une' image. Ils abandonnent leurs blessĂ©s, leurs ! hĂŽpitaux; ils Ă©vacuent en toute bĂąte Schweis- koplf, Saint-Albrecht, et ne sâarrĂȘtent quâau- deßù dePraust, oĂč nos voltigeurs entrent pĂȘle- mĂȘle avec eux. En arrivant a Saint-Albrecht, jâappris que t les Russes tenaient encore sur les digues de la Mottlau. Je fis des dispositions pour empĂȘcher quâils ne fussent secourus pendant fixe nous irions les chercher. Le major Scifler- litz, avec un bataillon du 13 e bav arois, soutenu par une compagnie de Westphaliens et la flottille, fut chargĂ© de cette attaque. Elle eut lieu avec beaucoup dâensemble et dâimpĂ©tuositĂ© trois cents Russes furent couchĂ©s dans lapons- siĂšre avec leur chef, tombĂ© sous les coups du brave Zarlinwski ; le reste fut noyĂ© ou pns. Une centaine sâĂ©chappait Ăą travers lâinondation, lorsquâils furent atteints parle lieutenant I'aber, q T ui les chargea a la tĂȘte de quelques braves, ayuvnt de lâeau jusquâau cou, et les ramena. T n 227 du gĂ©nĂ©ral Rapp. enfant, le jeune Kern, enflammait nos soldats; devance, il les excite, il se jette au plus Ă©pais de la mĂȘlĂ©e. Ses camarades balancent, hĂ©sitent Ă le suivre. Il se retourne avec lâassurance que donne le courage En avant, Bavarois, sâĂ©crie-t-il, et il les enlĂšve. Le jour tombait. Les Russes montrĂšrent des troupes si nombreuses en avant de Quaden- dorf, que je ne jugeai pas a propos de continuer lâattaque. Nous rentrĂąmes aprĂšs avoir causĂ© a lâennemi une perte immense v et lui avoir pris trois cent cinquante hommes. Ce fut presque lâunique rĂ©sultat d'une sortie si brillante. A peine si elle nous valut une centaine de bestiaux. Nous avions Ă©tĂ© prĂ©venus tout ce que renfermaient les villages avait Ă©tĂ© Ă©vacuĂ© sur les derriĂšres. IndĂ©pendamment des subsistances, jâavais un autre objet qui ne me rĂ©ussit pas mieux. Depuis le commencement du blocus jâĂ©tais sans communication avec lâarmĂ©e française; je ne savais ni quelle Ă©tait sa force, ni avec quelle fortune elle combattait. Jâavais tout mis en Ćuvre pour obtenir quelques lumiĂšres a cet Ă©gard; mais la haine Ă©tait si gĂ©nĂ©rale et si profonde quâaucune sĂ©duction nâavait pu la vaincre. J espĂ©rais que les bourgmestres seraient plus dociles, mais ils ne connaissaient que les bruits lâ}â°pagĂ©s par les Russes. Je restai plongĂ© dans 1 ignorance la plus complĂšte sur ce qui se passait autour de moi. AprĂšs tout, quels que fussent les Ă©vĂ©nements, il fallait dĂ©fendre la place, et ladĂ©fen- ^e le plus long-temps possible, câest-a-dire quil fallait vivre le plus long-temps possible 16 . 228 MĂ©moires avec les ressources que nous possĂ©dions encore. Je redoublai dâĂ©conomie, et, comme on gagne presque toujours a mettre ses idĂ©es en coin- I mun je crĂ©ai une commission qui fut exclusivement chargĂ©e des subsistances. Elle Ă©tait sous la prĂ©sidence du comte Heudelet, et ren- i dit les plus grands services. Elle sâappliqua dâune maniĂšre spĂ©ciale a amĂ©liorer la situation des hĂŽpitaux. Elle lit des achats de linge, de mĂ©dicaments, et remplaça le beurre, quâon ne trouvait plus,, par de la gĂ©latine. Le vin, la viande fraĂźche , furent rĂ©servĂ©s aux malades; et, afin quâils nâen manquassent pas, elle saisit, aprĂšs une estimation contradictoire, les j caves et les bestiaux qui se trouvaient dans la ' place. Les troupes ne reçurent plus que du cheval obtenu par la mĂȘme voie. Mais toute la sollicitude de la commission ne put maĂźtriser lâĂ©pidĂ©mie on eĂ»t dit que ce flĂ©au cruel sâirritait des obstacles. Toujours plus violent, plus irrĂ©mĂ©diable, il Ă©clatait avec une nouvelle force dans les lieux quâil avait dĂ©jĂ frappĂ©s , et envahissait ceux qui ne le connaissaient pas encore. Weichselmilnde, INewfahr- wasser, jusjue la h lâabri de ses atteintes , sont maintenant en proie a ses ravages, lies troupes , la population, dâune extrĂ©mitĂ© de nos lignes a lâautre, se dĂ©bat dans les angoisses dâune maladie cruelle. Ceux qui Ă©chappent; ceux qui succombent, sont Ă©galement dignes de pitiĂ©. LivrĂ©s a toutes les convulsions de la dĂ©mence, ils pleurent, ils gĂ©missent, ils * rappellent des combats, des plaisirs qui ne sont dĂ©jĂ plus que des songes. TantĂŽt calmes, tantĂŽt furieux, ils redemandent leuf 229 du gĂ©nĂ©ral Rapp. patrie, leur pĂšre, les amis de leur enfance; ils invoquent, ils repoussent, la destinĂ©e des braves qui ne sont plus, et, tour a tour dĂ©chirĂ©s par des passions contraires, ils exhalent un reste de vie dans les horreurs du dĂ©sespoir. Plus on prodigue les remĂšdes, plus les souffrances sont aiguĂ«s. Le mal sâĂ©tend par les efforts mĂȘmes quâon fait pour le dĂ©truire. Chaque jour de la derniĂšre quinzaine de mars nous emporta au dĂ©fia de deux cents hommes. .LâĂ©pidĂ©mie cessa peu a peu dâĂȘtre aussi meurtriĂšre. Ce ne fut cependant quâa la fin de mai quâon en triompha tout-a-fait. Elle nous avait a cette Ă©poque enlevĂ© cinq mille cinq cents habitants, et douze mille braves. De ce nombre Ă©tait le gĂ©nĂ©rai Cault, excellent officier, soldat plein de courage, il mĂ©ritait un meilleur sort. Les maladies nous faisaient la guerre au profit des Russes; mais eux-mĂȘmes nous inquiĂ©taient peu. LâexpĂ©dition de Borgfeld avait amorti leur courage; ils se retranchaient, ils se fortifiaient, ils nâĂ©taient plus occupĂ©s que de mesures dĂ©fensives. Cependant comme il fallait bien donner quelque signe de vie, ils cherchaient de temps a autre a surprendre mes avant-postes. FatiguĂ© de ces attaques insignifiantes, je voulus leur rendre les insomnies S uâils nous causaient. Ils avaient au-dessus de rentau un signal qui mâen fournissait les moyens. Il ne sâagissait que de lâincendier; jâen confiai le soin a deux efficiers dont lâintelligence et la rĂ©solution mâĂ©taient connues. CâĂ©- taientles chefs de bataillon Zsembeket Potocki. Ils sortent de Langfuhr par une nuit obscure, et marchent long-temps sans ĂȘtre aperçus. Des 230 MĂ©moires coups de fusil leur apprennent enfin quâils sont dĂ©couverts; alors ils fondent sur lâennemi et le renversent. Potocki sâavance sur Brentau, et disperse Ă»ne infanterie nombreuse qui sâoppose a son passage. Une quarantaine dâhoxmnes se jettent dans une espĂšce de blockaus. Un voltigeur les suit et les somme de mettre bas les j armes ; il reçoit la mort. Les Polonais furieux j inondent aussitĂŽt la redoute et exterminent tous les Russes quâelle renferme. Pendant que ces choses se passaient au village, Zsembeck sâemparait du signal dâalarmes. Il le livre aux flammes, et descend aussitĂŽt dans la plaine ; il culbute, il taille en piĂšces I les postes qui se trouvent sur son passage, et pousse jusque sous les murs dâOliwa, oĂč il lance quelques obus. En mĂȘme temps le brave De- villain, marĂ©chal-des-logis au huitiĂšme , balaie , avec une douzaine de hussards, toute cette partie de nos avant-postes. Il charge avec tant de rĂ©solution, quâil Ă©tonne les Cosaques et les enfonce. Le succĂšs lâenhardit; il se rĂ©pand sur la droite, reconnaĂźt, fouille le bois, et ne joint nos troupes quâau moment oĂč elles se retirent. Cependant tous les signaux Ă©taient en feu. LâannĂ©e russe courait aux armes et sâattendait dâun instant a lâautre a se voir attaquĂ©e ; elle passa dans cette attitude le reste de la nuit et I ta journĂ©e du lendemain. Nous lui rendĂźmes en masse les alarmes quâelle nous avait donnĂ©es en dĂ©tail. Lâhorizon politique devenait chaque jour plus sombre. La Prusse arait jetĂ© le masque; elle nous faisait la guerre par insurrection. 231 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Cet Ă©vĂ©nement ne pouvait ĂȘtre cachĂ© aux soh dats; les Russes avaient trop intĂ©rĂȘt de les en instruire. Aussi ne mis-je aucun obstacle a ce quâil fut divulguĂ©. AussitĂŽt les sĂ©ductions recommencĂšrent. On croyait le moral de nos troupes Ă©branlĂ©. La disproportion des moyens dâattaque et de dĂ©fense, lâargent, les promesses, tout Ă©tait mis en oeuvre pour les engager a la dĂ©sertion. On offrait uhe prime a la honte; je pouvais bien en proposer une a la fidĂ©litĂ©. Jâannonçai deux cents francs de gratification pour quiconque livrerait un homme convaincu dâembauchage. Cette mesure eut son efFet. La plupart des Ă©missaires que les assiĂ©geants avaient dans la place me furent signalĂ©s. DâaprĂšs nos lois ils avaient encouru la peine de mort, mais les hommes sont en gĂ©nĂ©ral moins mĂ©chants que malheureux. Presque tous Ă©taient des pĂšres de famille qui avaient cĂ©dĂ© a la nĂ©cessitĂ©. Je les livrai a la risĂ©e de nos soldats, je leur fis raser la tĂȘte, et les renvoyai. Cette mesure les retint che^ eux; jâen fus dĂ©livrĂ© sans recourir aux exĂ©cutions. La garnison paraissait peu inquiĂšte du surcroit dâennemis quâon lui annonçait. Cependant jâĂ©tais bien aise quâelle jugeĂąt par elle- mĂȘme de quoi elle Ă©tait encore capable. Nous touchions aux fĂȘtes de PĂąques. .La tempĂ©rature Ă©tait douce, le ciel sans nuages. Jâindiquai une revue; elle eut lieu a la face de lâarmĂ©e de siĂšge. DĂšs la pointe du jour les habitants, les malades mĂȘme couvraient les hauteurs de Langfuhr ; ils se rĂ©pandent sur les gla- Cls , les avenues, et couronnent tous les revers de la plaine qui sĂ©pare Stries dâOliwa. 232 MĂ©moires Les troupes ne tardent pas a paraĂźtre. Sept mille hommes suivis dâune artillerie nombreuse, tous en tenue magnifique v viennent successivement se ranger en bataille. Ils manĆuvrent, ils dĂ©filent avec une prĂ©cision dont rien nâapproche. Les Russes, Ă©tonnĂ©s de tant dâassurance, nâosent nous troubler formĂ©s eux-mĂȘmes en bataille, ils contemplent nos mouvements sans y mettre aucun obstacle. Cependant lâoccasion Ă©tait belle, aucune arme nâĂ©tait chargĂ©e; jâavais spĂ©cialement dĂ©fendu quâon fit usage de cartouches. La baĂŻonnette seule devait les punir sâils Ă©taient assez tĂ©mĂ©raires pour se permettre la moindre insulte. Cette mesure Ă©tait peut-ĂȘtre un peu audacieuse, mais il fallait exalter le courage du soldat et le convaincre du mĂ©pris que mĂ©ritait la jactance Ă©trangĂšre. du gĂ©nĂ©ral Happ. 233 CHAPITRE XXXIX. AprĂšs avoir paradĂ©, il sâagissait de vivre ; la chose Ă©tait moins aisĂ©e. Lâennemi avait fouillĂ© tous les villages et nây avait laissĂ© ni fouri'ages ni bestiaux ; plus de ressources, a moins de les chercher a une distance de plusieurs lieues. Jâen avais fait lâexpĂ©rience a Borgfeld, aussi je pris mes mesures en consĂ©quence. Je mâĂ©tais procurĂ© des renseignements exacts sur les facilitĂ©s et les obstacles que prĂ©sentait une expĂ©dition dans le Nehrung; je connaissais le nombre , la position des troupes et leur parfaite sĂ©curitĂ©. Je fis mes dispositions. Douze cents hommes dâĂ©lite, trois cent cinquante chevaux, une compagnie dâartillerie lĂ©gĂšre avec huit bouches a feu, conduits par le gĂ©nĂ©ral Bachelu, sâavancĂšrent surHeubude. Lâennemi culbutĂ© cherche vainement a dĂ©fendre Bohnsack. BachelĂŒ" ne lui donne pas le temps de se reconnaĂźtre ; il le pousse , lâenfonce et le rejette en dĂ©sordre jusquâĂ Woldern. Ses principales forces occupaient ce village. PrĂšs de cinq mille hommes lâaccueillent et le soutiennent; mais, toujours emportĂ©es par le mĂȘme Ă©lan , nos troupes arrivent a la course et ne souffrent pas quâil se dĂ©ploie. Elles commencent aussitĂŽt lâattaque une partie se rĂ©pand en tirailleurs sur les dunnes et dans la plaine, lâautre reste en ligne et ouvre un feu meurtrier. Nos piĂšces , notre cavalerie accourent et consomment la dĂ©route. Elle fut si prompte 254 MĂ©moires et si entiĂšre que l'artillerie nâessaya pas de tirer un seul coup ; elle sâĂ©chappa en toute lnite du champ de bataille. Une colonne de Lithuaniens osa faire tĂȘte a lâorage. Le colonel Farine sâĂ©lança sur elle avec ses dragons et la contraignit de mettre bas les armes. La rĂ©- serve Ă©tait encore intacte. Le brave Redon marche a elle, il lâĂ©pie, il saisit lâinstant oĂč elle se retire, la charge et la fait prisonniĂšre ; en mĂȘme temps le capitaine Neumann se met a la piste des fuyards ; il vole de la gauche a la droite, sĂšme partout le dĂ©sordre et ramasse, avec une poignĂ©e de soldats , quelques centaines dâalliĂ©s quâil oblige a se rendre. Cet avantage lui coĂ»ta deux blessures. Le sous-lieute- nant Schneider fut encore plus maltraitĂ© et reçut a lui seul douze coups de lance. Jâavais suivi de ma personne le mouvement du gĂ©nĂ©ral Bachelu; je mâavençai jusquâĂ Wol- dern. Mais les Russes fuyaient dans un tel dĂ©sordre quâil me jjarut inutile dâaller plus loin. Les troupes qui les avaient battus suffisaient pour les poursuivre. DĂšs que jâappris quâelles les avaient poussĂ©s a plus de douze lieues de distance, jâarrĂȘtai leur marche. Files prirent position , et se mirent a enlever les fourrages et les bestiaux qui se trouvaient dans les lieux dont elles sâĂ©taient emparĂ©es. La rĂ©serve que jâavais avec moi Ă©tait devenue inutile, par la promptitude et lâhabiletĂ© avec laquelle le gĂ©qĂ©ral Bachelu avait con- dĂŒit cette expĂ©dition ; je lui fit passer la Vis- tult". Elle dĂ©barqua en avant du fort Lacoste, et se porta siĂŻr la digue que lâennemi occupait encore. En mĂȘme temps les chaloupes 235 du gĂ©nĂ©ral Rapp. canonniĂšres remontaient le fleuve et commençaient lâattaque. Les Russes plient aussitĂŽt et se dĂ©bandent. Nous nous rĂ©pandĂźmes sans obstacle dans toute lâĂ©tendue du Werder. Nous restĂąmes quatre jours dans ces diverses positions. Le gĂ©nĂ©ral Bachelu fouillait sur la rive droite la partie du Nehrung quâil avait envahie, tandis qu'a lâaide de nos canots nous tirions de la rive gauche toutes les ressources quâelle nous offrait. Cinq cents bĂȘtes a cornes , quatre cents tĂȘtes de menu bĂ©tail, douxe cents quintaux de foin, huit cents de paille et deux mille trois cents dĂ©calitres dâavoine, furent le rĂ©sultat de cette expĂ©dition. Lâennemi essaya dâen intercepter les convois; mais le sang-froid , lâhabiletĂ© du lieutenant IloĂ©- kinski et du commissaire des guerres Belisal triomphĂšrent de tous les obstacles. Les agressions des Russes tournĂšrent mĂȘme a notre avantage et nous valurent encore une centaine de bĆufs que lâintrĂ©pide BrĂ©linski leur enleva aprĂšs les avoir dĂ©faits*. LâarmĂ©e de siĂšge ne chercha pas a nous troubler. Immobile dans ses lignes, elle ne paraissait occupĂ©e que des dĂ©monstrations que faisaient nos troupes du cĂŽtĂ© de Langfuhr et du Neuschottland. Son inquiĂ©tude Ă©tait si vive , que le bruit dâune grosse pluie lui donna le change; elle se crut attaquĂ©e, mit le feu a ses signaux de gauche, et jeta iâalarme jusquâĂ Pitxkendorf. Nous avions ravitaillĂ© nos hĂŽpitaux; car pour nous-mĂȘmes, notre situation nâĂ©tait pas changĂ©e. Deux onces de cheval, une onxe de bĆuf salĂ©, voila quelle Ă©tait toujours la ration journaliĂšre. A mesure que je sortais dâun embar- 236 MĂ©moires ras, je tombais dans un autre, Je mâĂ©tais procurĂ© quelques subsistances, mais la caisse Ă©tait Ă©puisĂ©e; elle nâavait pu faire face au montant j des comestibles que nous avions enlevĂ©s. Jâa- ! vais Ă©tĂ© obligĂ© d Ă©mettre des bons payables au dĂ©blocus. Cependant il fallait assurer la solde, couvrir les dĂ©penses de lâartillerie , du gĂ©nie, sans quoi la place tombait dâelle-mĂ©me. A quel expĂ©dient, quel moyen avoir recours dans cette extrĂ©mitĂ©? Il nây en avait quâun. Je rĂ©pugnais a le prendre; mais tout plie devant la nĂ©cessitĂ© je demandai un emprunt de trois millions aux habitants. Les Dantxicois Ă©taient rĂ©voltĂ©s. Ils se plaignaient, ils murmuraient, ils menaçaient de se porter a quelque Ă©meute. Lâennemi devenait plus pressant. La flotte, les troupes de terre, tout prĂ©nait une attitude plus hostile. Ce fut dans ces circonstances quâun baron Servien, condamnĂ© a mort pour embauchage, accusa le sĂ©nateur Fiegelau dâĂȘtre a la tĂȘte dâune conspiration tramĂ©e dans lâintĂ©rĂȘt de la Russie. La rĂ©putation de ce magistrat Ă©tait intacte, mais les charges Ă©taient si dĂ©taillĂ©es, si prĂ©cises, et les consĂ©quences dâune imprudente sĂ©curitĂ© si graves, que jâordonnai son arrestation. Son innocence fut bientĂŽt reconnue jâavais un instant compromis la loyautĂ© de cet homme respectable; câĂ©tait a moi a lui rendre hommage. Je le fis de la maniĂšre qui me parut la plus propre a calmer lâimpression de cette cruelle aventure. Les bourgeois Ă©taient restĂ©s paisibles , et les frĂ©quentes escarmouches qui mâavient paru si suspectes Ă©taient dues au surcroĂźt des troupes qui se succĂ©daient devant la place. Le duc de 237 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Wurtemberg venait dâen prendre le commandement. Plus entreprenant, plus inquiet que le gĂ©nĂ©ral LĂ©vis, il ne laissait pas inspirer mes avant-postes j Ă©chouait-il sur un point, il en assaillait un autre. RepoussĂ© a Langfuhr, mis en fuite a Zigangenberg, il se jette sur Ohra. Aussi mal reçu dans cette position que dans les premiĂšres, il nâen revient pas moins a la charge; il attaque a la fois Stolzenberg, Schidlitz et le poste de la barriĂšre culbutĂ© sur tous ces points , il reparaĂźt de nouveau ; de nouveau, ils est dĂ©fait. Aucun Ă©chec ne le rebute , il tente un dernier effort; il fond avec la nuit sur mes troupes, qui se remettaient de leurs fatigues, et surprend quelques maisons quâil livre aux flammes. Mais a la vue des deux bataillons qui courent aux armes , il se trouble et se disperse. Les patrouilles, les vedettes, Ă©taient continuellement aux prises. Ces combats, oĂč le courage individuel est plus sensible , Ă©taient tout a notre avantage. Les Cosaques nây brillaient ! >as. Trois dâentre eux se rĂ©unissent pour accabler un dragon du 12 e , nommĂ© DrumĂšs; ce brave les attend de pied ferme. RenversĂ© dâun coup de lance, il se relĂšve, se cramponne au fer, tire a lui son adversaire et lâĂ©tend mort sur la place. HĂ©quet, autre dragon du mĂȘme rĂ©giment, fait tĂȘte a quatre de ces barbares. Quoique blessĂ©, il en renverse un, en abat un autre, et met le reste en fuite. Je pourrais citer nulle traits de ce genre. Ces agressions continuelles fatiguaient mes soldats ; je ne devais pas souffrir quâils fussent 238 MĂ©moires insultĂ©s par des Cosaques. Nous primes les armes le gĂ©nĂ©ral Grau jean commandait la droite, le gĂ©nĂ©ral JDevilliers Ă©tait au centre, et la gauche obĂ©issait au comte Heudelet. Lâapparition inopinĂ©e de nos colonnes glaça lâennemi dâeffroi. Ses chevaux paissaient librement dans la plaine; son infanterie Ă©tait paisible dans ses camps. Il ne sâattendait pas il cette ] attaque. Au moment oĂč nous commencions a nous Ă©branler je reçois la nouvelle authentique des immortelles victoires de Lutzen et de Bautzen; je la communique, je lâannonce, je la rĂ©pands. Lajoie, lâivresse , lâenthousiasme, sont au comble; tous les sentiments sâĂ©chappent a la fois ; il tarde de combattre ; on brĂ»le de vaincre. De la gauche a la droite le cri d'en avant retentit partout. Le signal est donnĂ©. AussitĂŽt lâartillerie se dĂ©masque ; on se mĂȘle, on se confond; la terre est jonchĂ©e de morts. ! Le capitaine Preutin foudroie lâennemi et ! lâoblige dâĂ©vacuer Schcenfeld. Lâartillerie a che- val polonaise accourt au galop, se place Ă demi- portĂ©e et renverse tout ce qui se trouve devant elle. Le major Bellancout, le chef de bataillon Duprat, poussent, accablent les fuyards , ils les dispersent a mesure quâils se rallient. Culbute au centre, lâennemi se jette sur la gauche et menace Ohra. Le major Schneider lui oppose une rĂ©sistance opiniĂątre. Cet excellent ofilcier j se dĂ©fend sur un point, attaque sur un autre, et compense par son courage la faiblesse des moyens dont il dispose. Le gĂ©nĂ©ral Bressau, le gĂ©nĂ©ral Husson, volent a son secours. Les Russes Ă©crasĂ©s ne peuvent faire tĂȘte Ăą lâorage; i 239 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ils fuient et ne sâarrĂȘtent que sur les hauteurs en arriĂšre de Wonneberg. BientĂŽt ils se ravisent et fondent sur notre aile droite ; elle les reçoit avec une admirable rĂ©solution. Le colonel dâEnglofĂŻstein, le major Horadam, le lieutenant- colonel Hope, combattent a lâern i lâun de lâautre. Le sergent Vigneux, le sergent Auger, donnent aussi lâexemple du courage. Jâaccours au milieu de cette lutte sanglante; je fais avancer le 10 e polonais avec cinq piĂšces dâartillerie qui Ă©taient en rĂ©serve. La mĂȘlĂ©e sâĂ©chauffe et devient de plus en plus terrible. Les ' Russes cĂšdent enfin etsâĂ©chappent en dĂ©sordre ducamp de Pitzkemlorf. Je ne jugeai pas a propos de les suivre a chaque jour suffit sa peine. Ils avaient environ dix huit cents hommes hors de combat. Je fis cesser le feu. De notre cĂŽtĂ© nous comptions quatre cents morts ou blessĂ©s. Les alliĂ©s vaincus dans deux batailles consĂ©cutives, avaient sollicitĂ© un armistice. La guerre avait Ă©tĂ© reportĂ©e sur lâOder. Nous Ă©tions de nouveau les arbitres de la fortune, hotre gloire Ă©tait dâautant plus pure qu'elle Ă©tait due tout entiĂšre a ce courage impĂ©tueux qui supplĂ©e a lâexpĂ©rience et ne recule devant aucun obstacle. .Des recrues avaient triomphĂ© des forces combinĂ©es delĂ Prusse et de la Russie. Le capitaine Planat nous en apportait la nouvelle au moment oĂč les assiĂ©geants culbutĂ©s cherchaient leur salut dans la fuite. NapolĂ©on avait joint a ses dĂ©pĂȘches des preuves de sa munificence. Il daignait mâaccorder le grand cordon de lâordre de la RĂ©union. 11 mâauto- nsait Ă faire des promotions , a confĂ©rer des 240 MĂ©moires grades, et a dĂ©signer les officiers supĂ©rieurs que je jugeais susceptibles dâavancement. Ses victoiiâes avaient exaltĂ© tous les courages, on jurait de nouveau par son gĂ©nie, on le voyait dĂ©jĂ triomphant sur les bords de la Vistule. Sa dĂ©pĂȘche Ă©tait ainsi conçue âMonsieur le comte Happ , âLe major-gĂ©nĂ©ral vous fait connaĂźtre la ,,situation des affaires. JâespĂšre que la paix âsera conclue dans le courant de lâannĂ©e; mais ,,si mes vĆux Ă©taient déçus , je viendrais vous ,,dĂ©bloquer. Nos armĂ©es nâont jamais Ă©tĂ© plus ânombreuses ni plus belles. Vous verrez par ,,les journaux toutes les mesures que jâai pri- ,,ses, et qui ont rĂ©alisĂ© douze cent mille horn- âmessous les armes et cent mille chevaux. Mes ,relations sont fort amicales avec le Danemark, âoĂč le baron Alquier est toujours mon rni- ânistre. Je nâai pas besoin de vous recommander dâĂȘtre sourd a toutes les insinuations, et âdans tout Ă©vĂ©nement de tenir la place im- âportante que je vous ai confiĂ©e. Faites-moi ,,connaĂźtre par le retour de lâofficier ceux des ,,militaires qui se sont le plus distinguĂ©s. I/a- ,,vancement et les dĂ©corations que vous ju- ,,gerez quâils auront mĂ©ritĂ©s, et que vous de- âmanderez pour eux, vous pouvez les conside- ,,rer comme accordĂ©s et en faire porter les ,,marques jusquâĂ la concurrence de dix croix ,,dâofficiers et de cent croix de chevaliers. Choi- ,,sissez des hommes qui aient rendu des services importants, et envoyez-en la liste par le 241 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ,,retour de lâofficier, afin que le chancelier de âla lĂ©gion dâhonneur soit instruit de ces nominations. Vous pouvez Ă©galement remplacer âdans vos cadres toutes les places vacantes, ,jusquâau grade de capitaine inclusivement. âEnvoyez aussi lâĂ©tat de toutes ces promotions. âSur ce je prie Dieu , etc. âNapojlĂ©on. âNeuraark, le 5 jnin, i8i5.â 16 242 . MĂ©moires CHAPITRE XL. Les souverains avaient rĂ©glĂ© les conditions de lâarmistice. Chaque place devait ĂȘtre ravitaillĂ©e tous les cinq jours , et jouir dâune lieue de territoire au-delĂ de son enceinte; mais le duc de WĂŒrtemberg se chargea dâĂ©luder cet engagement. 11 refusait mes Ă©tats de situation , il contestait sur les limites, AprĂšs bien des confĂ©rences nous convĂźnmes dâun arrangement provisoire et nous renvoyĂąmes la question a ceux qui devaient la juger. Ce fut alors de nouvelles difficultĂ©s tantĂŽt ils allĂ©guaient le dĂ©faut de subsistances, tantĂŽt le manque de transports. Les fournitures toujours incomplĂštes Ă©taient constemment arriĂ©rĂ©es, enfin elles furent tout-Ăą-fait suspendues. Le duc Avait besoin dâun prĂ©texte , il le trouva. Il prĂ©tendit que nous avions rompu la trĂȘve, parce que nous avions fait justice de je ne sais quelle bande de pillards qui infestaient nos dei'riĂšres. Sa lettre, qui eĂ»t pu mâĂȘtre transmise en deux heures, fut deux jours h me parvenir. Tant de subterfuges me rĂ©voltĂšrent, .lâallai droit au 1 fait. Je lui rĂ©pondis que je ne voulais plus de tergiversation, quâil fallait se battre ou remplir les conditions stipulĂ©es. Il rĂ©pliqua, parla de la cause des peuples et des rois. Ce langage Ă©tait curieux. Je lui tĂ©moignai combien il mâĂ©tonnait dans la bouche dâun prince dont le souverain avait Ă©tĂ© cinq ans notre allie, et dont le frĂšre combattait encore avec nous. Ce dernier exemple le toucha peu. Il me re- 243 du gĂ©nĂ©ral Rapp. pondit avec humeur ,,quâun gĂ©nĂ©ral en chef ârusse ne se croyait inferieur en aucune ma- ,.niĂšre a un roi de la confĂ©dĂ©ration, puisquâil ,,ne dĂ©pendait que de l'empereur Alexandre ,,de lâĂ©lever a cette dignitĂ© , quâalors il serait ,,roi tout comme un autre; quâil y mettrait cependant une petite condition, câest que ce ne âserait aux dĂ©pens dâaucune puissance, ni de personne.â On courut aux armes. Mais le duc ne voulut pas se charger des consĂ©quences de cette rupture. Il ojflrit de continuer les livraisons. Elles devaient avoir lieu dĂšs le 24; elles ne recommencĂšrent cependant que le 26 et ne furent jamais complĂštes. Des viandes corrompues , des farines si mauvaises quâon nâosait en faire usage quâaprĂšs les avoir Ă©prouvĂ©es, voila les subsistances que nous fournissaient les Russes. Ils nâĂ©taient pas plus fidĂšles sur la quantitĂ©. INous ne reçûmes pas au-delĂ des deux tiers de ce qui nous Ă©tait garanti par la suspension dâarmes. Le prince de NeuchĂątel me mandait quâil fallait tenir jusquâau mois de mai suivant. La chose Ă©tait impossible. Je nâavais ni assez de subsistances ni assez de troupes pour une dĂ©fense aussi prolongĂ©e. Je le lui marquai, ma dĂ©pĂȘche Ă©tait prĂ©cise. Tout ce qui Ă©tait pos- lible nous Ă©tions prĂȘts Ă lâentreprendre; mais la bonne volontĂ© ne supplĂ©e pas aux moyens. Dantzic, le 16 juin i8i5* »M'on prince , Jâai reçu la lettre que votre altesse mâa fait ,,1âhonneur de mâĂ©crire de Neumark le 5 juin. 16. 244 MĂ©moires âM. Planat mâa Ă©galement remis la collection ,,des moniteurs renfermant le dĂ©tail des batailles dĂ©cisives gagnĂ©es par NapolĂ©on sur TartinĂ©e combinĂ©e, jâavais, depuis la veille de ,,lâarrivĂ©e de M. Planat, eu connaissance des ,,brillants succĂšs obtenus par les armĂ©es de âNapolĂ©on. Ces heureuses nouvelles ont pro- ,,duit sur la garnison le meilleur effet, elle a âvu cpie je ne lâavais pas flattĂ©e dâun vain espoir; ,,et la patience et le courage dont elle a fait ,,preuve ont trouvĂ© la rĂ©compense quâelles devaient attendre. ,,L armistice mâa Ă©tĂ© Ă©galement remis, et ,,jâĂ©cris particuliĂšrement sur cet objet a votre âaltesse. ,,Je ne dois pas lui dissimuler cependant t ,que cette suspension dâarmes , dans lâĂ©tat oĂč pĂ©taient les choses, ne soit plus dĂ©favorable ^quâavantageuse a la garnison ; car les rnala- J} ladies occasionnent encore une perte de onze ,,cents hommes par mois, dâoĂč il rĂ©sulte quâau ,,l e aorit nous serons encore affaiblis dâenviron âdix sept cents hommes. âNos vivres en outre se consommeront, et, âsi le duc de Wurtemberg ne montre pas une âmeilleur volontĂ© quâil nâa fait jusquâici, nous âne ferons guĂšre dâĂ©conomie sur ce que nous âaurions pu mettre a part des subsistances quâil ,,doit nous fournir. Mon Ă©tat ne mâinquiĂ©terait âpas jusquâau mois dâoctobre, mais passĂ© cette ,,Ă©poque ma position deviendra pĂ©nible ; car ,,nous manquerons de bras pour dĂ©fendre Thn- ,,mense dĂ©veloppement donnĂ© a nos fortifica- ,,lions, de vivres pour les dĂ©fenseurs, et nous du gĂ©nĂ©ral Rapp. 245 ânâaurons pas plus a espĂ©rer de ressources du dedans que du dehors. ,,LâĂ©tat de composition de la ration depuis âle blocus fera connaĂźtre a votre altesse que ,,jâai apportĂ© dans la distribution des vivres âtoute lâĂ©conomie que commandait notre position , et que jâai employĂ© a cette fin toutes les ressources dont on pouvait tirer parti ,,mais ces ressources sâĂ©puisent , et ce serait ,Vainement quâon compterait sur celles qui âpourraient ĂȘtre la suite de lâexpulsion des ,,habitants; en effet, il ne faut, pour se convaincre de cette triste vĂ©ritĂ©, que se rappeler quâil y a deux ans NapolĂ©on fit requĂ©rir k Danzic six cent mille quintaux de grains, âopĂ©ration qui fut exĂ©cutĂ©e trĂšs rigoureuse- âment. On ne laissa a cette Ă©poque que vingt âtrois mille quintaux pour la subsistance de* âhabitants. Depuis ce moment , ceux-ci ont vĂ©cu avec cette portion et quelques minces ,,quantitĂ©s quâils avaient soustraites aux recherches les plus sĂ©vĂšres. âJâai exposĂ© plus haut a votre altesse la âperte mensuelle que nous occasionnent encore âles maladies. LâĂ©tat de situation des troupes ,,prĂ©sente un effectif de vingt mille cinq cent ,,cinquante huit hommes , ce qui suppose, âdâaprĂšs les donnĂ©es trop certaines que nous avons dĂ©jĂ , que la garnison sera rĂ©duite a la fin de lâarmistice a vingt mille hommes, dont ,,il faut dĂ©duire au moins deux mille aux hospitaux, en supposant mĂȘme que les privations nâaugmentent pas-les maladies. Que serait-ce donc au mois de mai, lorsque la progression de mortalitĂ© que lâĂ©tat actuel des choses sup- 240 ' MĂ©moires ,,pose auraencoiâe moissonnĂ© beaucoup dâhom- ,,mes?... Il rĂ©sulte du calcul quâon peut faire, ,,quâen admettant que les maladies dâhiver ,,nâaugmentent pas beaucoup le nombre des ,,morts et qu'il nây en ait que mille par mois, ,,que la perte serait au 1 er mai de huit mille, ,,sans compter tous ceux qui pĂ©riront dans les ,,affaires ou par suite de blessures, 11 ne resterait donc au 1 er mai quâun effectif de onze ,,mille hommes, sur lesquels il yen aura certainement trois mille aux hĂŽpitaux or combinent dĂ©fendre avec une si faible garnison âdes fortifications aussi Ă©tendues. ,,Jâai dĂ©jĂ donnĂ© des ordres pour la construction dâouvrages destinĂ©s h dĂ©fendre la trouĂ©e ,,de Mottlau, point extrĂȘmement faible lorsque ,,les riviĂšres seront gĂ©lĂ©es. Je fais travailler âdâailleurs a tout ce qui peut assurer mes corn- i ,,munications ; mais, je le rĂ©pĂšte , il faut des ,,dĂ©fenseurs. Votre altesse ne doit pas douter ,,que, si cela devenait nĂ©cessaire, je ne fasse âpour me maintenir dans un point quelconque âde Dantzic tout ce que lâhonneur et mon dĂ©- ,,vouement h lâempereur pourront me suggĂ©rer. ,,LâĂ©tat des magasins prouvera a votre al- ,,tesse que nos ressources sont bien bornĂ©es ,,elle doit penser que je les mĂ©nagerai avec âtout le soin que mâinspire le dĂ©sir de faire ,,une dĂ©fense honorable câest pour parvenir a ,,ce but que jâai fait enti-er dans la commission âdes approvisionnements que la loi a instituĂ©e ,,dans les places en Ă©tat de siĂšge un nombre ,,bien plus considĂ©rable de membres que ceux j ,,quâelle dĂ©termina. Je les ai rĂ©unis sous la prĂ©sidence du gĂšne- 241 du gĂ©nĂ©ral fiapp. âral de division comte HeudeJet, Cette com ârnission est chargĂ©e de me proposer toutes les mesures qui peuvent tendre a lâĂ©conomie et au bien-ĂȘtre du soldat; elle a rendu de grands ,,services, et je suis tachĂ© de ne pas lui avoir ,,donnĂ© plus tĂŽt les attributions quâelle a au r jourdâhui. ,,Lâarticle des finances mĂ©rite une attention bien particuliĂšre de la part de lâempereur et ,.de votre altesse. Tous les fonds qui avaient ,,Ă©tĂ© laissĂ©s a ma disposition ontĂ©tĂ© consommĂ©s, âet jâai Ă©tĂ© obligĂ© dâavoir recours a un emprunt ,,forcĂ©, que jâai imposĂ© a ceux qui Ă©taient susceptibles de donner encore quelque chose. ,,Cet emprunt sâest exĂ©cutĂ© avec les formes les plus rigoureuses envers ceux qui prĂ©tendaient âne pouvoir contribuer a la dĂ©fense commune; âmais, quelques soins quâon se soit donnĂ©s a âcet Ă©gard, et quoiquâon ait alliĂ© toutes les ,.mesures qui pouvaient conduire a des rĂ©sultats prochains , on nâa pu obtenir jusquâici âquâun million sept cent mille francs , et on ,,aura bien de la peine a faire rentrer le x*este. ,,Les dĂ©penses de la solde, des masses quâil âest nĂ©cessaire de payer ; celles des constructions du gĂ©nie, quant a ce qui concerne la main-dâĆuvre car on prendra par rĂ©quisition payable au dĂ©blocus, ainsi quâon lâa fait de- puis deux mois, tous les, matĂ©riaux qui sont dans la place ; celles de lâartillerie, celles des hĂŽpitaux , des diffĂ©rentes branches de servi- ces, des subsistances, câest-a-dire encore tout ce qui est journĂ©es et main-dâĆuvre; les con- structions de la marine, lâhabillement; toutes ces dĂ©penses, dis-je, dont jâai fait faire lâĂ©va- 245 MĂ©moires j ,,luation, se montent a plus de neuf cent mille , âfrancs par mois. ! ,,Une maison de commerce Ă©trangĂšre a of- âfert de faire ici des fonds moyennant que le ,,payeur-gĂ©nĂ©ral lui assure soniâemboursement ,.a Paris. Ce serait un grand point de tranquillitĂ© si je voyais cette affaire rĂ©glĂ©e; mais je ,,prĂ©fĂ©rerais que les fonds me fussent envoyĂ©s, âcar il peut arriver telle circonstance qui arrĂȘterait dĂšs le second mois le paiement convenu. ,,Votre altesse pense bien quâil nây a pas mo- ,,yen de songer a ne pas payer exactement les ,,dĂ©penses ci-dessus indiquĂ©es , surtout avec âune garnison composĂ©e comme celle que je âcommande ; je la supplie donc de solliciter âde sa majestĂ© des mesures qui puissent assu- ,,rer le paiement des sommes qui me sont nĂ©- j âcessaires. ,,Je ne dois pas terminer sans faire observer âa votre altesse que la quantitĂ© de poudres qui ,,existe encore dans nos magasins nâest pas a ,,beaucoup prĂšs en proportion avec celle qui ,,serait nĂ©cessaire pour un siĂšge. ,,Enfin, monseigneur, jâai dil vous faire a âlâavance toutes ces observations, qui roulent ,,sur lâinsuffisance des dĂ©fenseurs, sur celle des ,,moyens de subsistance, sur les fonds nĂ©cessaires a nos dĂ©penses obligĂ©es, enfin sur nos approvisionnements en tous genres , qui ne ,,sont pas a beaucoup prĂšs en raison des besoins a venir. Je supplie donc votre altesse ,,de mettre sous les yeux de l'empereur la position fĂącheuse dans laquelle nous nous trouve- j ,,rons, si sa majestĂ© ne vient pas a notre aide. ,,Ce qui reste de la garnison est dâailleurs ex- 249 du gĂ©nĂ©ral Rapp. âcellent, et lâon peut compter de sa part, au âmoyen de quelques rĂ©compenses bien appliquĂ©es sur un dĂ©vouement sans bornes. Elle ,,1era tout ce que l'empereur peut attendre de ,,sesmeilleurs soldats, et justiiiera la confiance ,,que sa majestĂ© lui a accordĂ©e et la faveur ,,quâelle lui a faite en la replaçant au nombre ,,des corps de sa grande armĂ©e. âJe suis etc. â Signe, Comte Rapp.â Cependant lâarmistice touchait a sa fin. Les troupes, les munitions, lâartillerie de siĂšge, affluaient devant la place. BientĂŽt nous eĂ»mes en prĂ©sence trois cents piĂšces de gros calibre et soixante mille combattants. Cette disproportion Ă©tait immense; mais nous avions vaincu malades, nous pouvions espĂ©rer de vaincre encore. Il ne nous fallait que des subsistances. Les Russes en Ă©taient si convaincus quâils donnaient la chasse aux moindres embarcations qui allaient a la pĂȘche. Leurs canonniĂšres en avaient mĂȘme capturĂ© quelques unes, qui pourtant nâavaient pas dĂ©passĂ© nos limites. JâexpĂ©diai de suite un parlementaire a lâamiral, je lui reprĂ©sentai que la mer devait ĂȘtre libre jusquâĂ Une lieu de la cĂŽte, et que je saurais faire respecter les conditions de lâarmistice si on essayait encore dây porter atteinte. Il promit de s ây conformer et de ne plus inquiĂ©ter nos canots. Il ne les inquiĂ©ta plus en effet ; mais dĂšs le soir mĂȘme il fit enlever nos malheureux pĂȘcheurs, retirĂ©s sans dĂ©fiance dans leurs cabanes. Il craignait lâabondance que quelques livres de 250 MĂ©moires poisson allaient apporter dans la place. Les paysans, les cours dâeaux, nâĂ©taient pas mieux traitĂ©s. On traquait les uns , on dĂ©tournait les autres. Il semblait que tout Ă©tait occupĂ© a nous faire parvenir des subsistances, quâelles nous arrivaient par toutes les issues; jâavais beau rĂ©clamer, on ne manquait jamais de dĂ©faites ni dâexcuses. JâĂ©tais outrĂ© de ce systĂšme de dĂ©ception. Enfin le prince de Wolkonski me dĂ©nonça la reprise des hostilitĂ©s ; je reçus cette i nouvelle avec une vĂ©ritable satisfaction. Nos rapports Ă©taient trop dĂ©sagrĂ©ables pour que je ne dĂ©sirasse pas les voir finir. du general liapfj. 251 CHAPITRE XLI. Lâennemi Ă©tait plein de confiance; il combattait, il intriguait, il se flattait dâemporter la place ou de la rĂ©duire en cendres; mais toutes ses tentatives Ă©chouĂšrent devant la vigilance et lâintrĂ©piditĂ© de mes soldats. Ses fusĂ©es incendiaires vinrent se perdre sur les remparts; ses attaques furent repoussĂ©es, et ses Ă©missaires dĂ©couverts. Plusieurs de ces misĂ©rables sâĂ©taient dĂ©jĂ introduits dans nos magasins, et se disposaient a les incendier. Jâeusse peut-ĂȘtre dĂ» en faire un exemple; mais je craignis que cet exemple ne fĂ»t dangereux, je craignis quâil 11e donnĂąt lâidĂ©e du crime a ceux qui ne lâavaient pas, et quâil ne rĂ©pandit lâalarme parmi les troupes. Je feignis de croire quâils avaient voulu dĂ©tourner quelques comestibles, et les renvoyai; mais je publiai contre le vol des ordonnances si sĂ©vĂšres que je tins la malveillance Ă lâĂ©cart. AprĂšs txâois jours dâhumiliations et de fatigues les assiĂ©geants rĂ©ussirent enfin Ăą sâemparer du bois dâOlira. ChassĂ©s presque aussitĂŽt, ils reparaissent avec de nouvelles forces , et replient le poste. Le bataillon de service prend une seconde fois les armes, et vole a son secours. Le major Legros attaque le bois, deux compagnies de grenadiers se portent au village ; les troupes se joignent, elles se pressent, se poussent, se culbutent; la mĂȘlĂ©e dĂ©vint affreuse. Le capitaine Capgran saisit aux cheveux un offi- 252 MĂ©moires cier prussien; tandis quâil le terrasse, lui-mĂȘme est sur le point de perdre la vie; un soldat lâatteint dĂ©jĂ de sa baĂŻonnette le lieutenant Sabatier dĂ©tourne le coup, serre le Cosaque, et lui passe son sabre au travers du corps; mais 1 au moment oĂč il sauve sou chef, il l'eçoit a la gorge une blessure qui le force de quitter le champ de bataille. bois ; dans le village, ! partout les Russes sont accablĂ©s ; le capitaine Duchez en abat quatre; le commandant Char- ton, les lieutenants Devrine et Blanchard, les moissonnent a pleines mains ; une foule de braves se rĂ©pandent au milieu dâeux, et accroissent le dĂ©sordre. Francou , dont la v aleur fut quelque temps aprĂšs si fameuse, Martin, Couture, Rochette, Schiltz, Lepont, Bennot, Sou- I dĂ©, Paris, Belochio, tous sous-officiers de troupes lĂ©gĂšres , le carabinier Richida, le tambour Breignier, percent jusquâau centre de leurs colonnes et les livrent au fer de nos soldats. Des troupes fraĂźches prennent la place de celles qui sont dĂ©faites, et sâĂ©tablissent dans le bois ; nos braves sâĂ©lancent sur les pas du lieutenant Joly Delatour, les abordent et les culbutent. Lâennemi nĂ©anmoins ne pert pas courage ; il se reforme , et se prĂ©sente une troisiĂšme fois mais, toujours vaincu, toujours taillĂ© en piĂšces, il cesse enfin ses attaques. DĂšs le lendemain il se jette sur Stries, Hei- ligenbrunn , et sâempare de Langfuhr. fN° s avant-postes se replient sur deux blokhaus, situĂ©s a droite et a gauche du village. Les j Russes les suivent et se disposent a donnei lâassaut; mais les Polonais tirent si bien et si 253 du gĂ©nĂ©ral Jlapp. juste qu'ils les forcent a la retraite. Ils reviennent en forces, il couvrent, ils inondent les gorges du Jesch Kenthal ; ils menacent Heiligenbrunn, ils dĂ©bouchent par Stries; toute ma ligne est en feu. Ces manĆuvres ne laissaient aucun doute sur leurs intentions il Ă©tait palpable quâils avaient des vues sĂ©rieuses sur Langfuhr; je rĂ©solus de les prĂ©venir et de marcher a leur rencontre. Je rassemblai mes troupes, la gauche au village, le centre dans les ravins de Zigangenberg, et la droite sâĂ©tendant jusquâĂ ĂŒlira. Vingt-quatre piĂšces de canon, conduites par le gĂ©nĂ©ral Lepin, se placent a Ă©gales distances des deux ailes; elles ouvrent aussitĂŽt le feu les redoutes de lâennemi, ses masses, son camp de Pitzkendorf, tout est sillonnĂ© par nos boulets ; nous dĂ©montons deux de ses piĂšces. Les Polonais , les Bavarois , les Westphaliens, et deux ceut cinquante chevaux commandĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Farine, dĂ©bouchent en mĂȘme temps. Le brave Steinbeck, dĂ©jĂ aux prises avec les Russes, les chassait deDiwelkau; dĂšs que nos soldats aperçoivent cette dĂ©route, ils sâĂ©chaufFent, ils sâaniment, ils fondent sur les redoutes de Pitzkendorf. Les alliĂ©s, refoulĂ©s dans leurs ouvrages, essaient en vain de se dĂ©fendre; le jeune Centurione a la tĂȘte de ses hussaVds franchit tous les obstacles, et tombe percĂ© de coups. A la vue de cet excellent officier moissonnĂ© dans un Ăąge aussi tendre, la soif de la vengeance allume tous les courages infanterie, cavalerie, se jettent pĂȘle-mĂȘle sur les redoutes. Le trompette Bernadin, le chasseur Olire, le marĂ©chai-des-logis Boucher, sâĂ©lancent au milieu des Russes; le lieutenant Ti» 254 MĂ©moires rion, accueilli par un coup de feu, va droit Ă l'officier qui les commande, et le fait prisonnier. DĂšs lors ce nâest plus un combat, câest une boucherie, câest un carnage; tout pĂ©rit sous la baĂŻonnette, on ne doit la vie quâa la clĂ©mence du vainqueur. Tandis que nos soldats sâabandonnent au feu de leur courage, une nuĂ©e de Cosaques fond sur eux et menace de les tailler en piĂšces; mais le gĂ©nĂ©ral Cavaignac sâĂ©branle si a propos avec la rĂ©serve de cavalerie , les troupes chargent avec tant dâabandon, lâadjudant-commandant de Erens , les chefs dâescadron Bel et Zeluski, les capitaines Gibert, Fayaux, Vallier, Pateski et Bagatho, dĂ©ploient tant dâintelligence et de conduite , que lâennemi culbutĂ© se disperse dans le plus at- freux dĂ©sordre. La canonnade sâĂ©chauffait de plus en plus. Les Russes occupaient toujours le johannisberg, le plateau en avant de Pitzendorf, et assaillaient Langfuhr avec violence. Je dĂ©tachai contre eux un bataillon de la Vistule, soutenu par les Napolitains que commandait le gĂ©nĂ©ral DĂ©trĂ©es , ayant sous ses ordres le gĂ©nĂ©ral PĂ©pĂ©, que les Ă©vĂ©nements survenus dans sa patrie ont depuis rendu si fameux. Le brave Szembeck commença l'attaque; elle eut lieu avec beaucoup dâensemble et dâimpĂ©tuositĂ©. Les Russes culbutĂ©s a coups de baĂŻonnettes, renversĂ©s par des charges meurtriĂšres, cherchent leur salut dans la fuite. Les Polonais les pressent avec plus dâaudace le tambour Hhade en saisit un par sa giberne, lâarrache des rangs et le dĂ©sarme. Le capitaine Fate- zinsky oublie quâil est blessĂ© ; il sâĂ©lance dans du gĂ©ne'ral Rapp. 255 une maison qu'ils occupent, tue leur chef et en fait trente prisonniers. Les Napolitains ne sont pas moins impĂ©tueux ; ils se pressent a la suite des fuyards, les poussent et les fusillent. Le gĂ©nĂ©ral PĂ©pĂ©, le colonel Lebon, les commandants Balatlner, Sourdet, les capitaines Chivandier et Cian- culli, dirigent, excitent leur courage, donnent a la fois le prĂ©cepte et lâemple. Sur le flanc opposĂ© de la montagne, la mĂȘlĂ©e n'Ă©tait ni moins opiniĂątre ni moins sanglante. Au signal convenu, le colonel Ka- minsky avait marchĂ© sur les Russes et les avait dĂ©busquĂ©s; il les chassait devant lui , lapour- suite Ă©tait ardente. Des renforts surviennent, lâennemi veut faire tĂȘte Ăą lâorage ; mais les Polonais le pressent avec impĂ©tuositĂ© Roseizens- ky,Drabixclwsky, Doks, Zaremba, Zygnowiez, que suivent des ,hommes dĂ©vouĂ©s, fondent sur lui, et le taillent en piĂšces. Nous Ă©tions martres du Johannisberg. Le temps Ă©tait affreux, et lâennemi fuyait au loin. Je fis sonner la retraite ; elle sâexĂ©cuta dans lâordre le plus parfait. A six heures tout Ă©tait tranquille. Mais les Russes ne tardent pasĂą reparaĂźtre. Ils attaquent Ăą la fois le belvĂ©- der, les hauteurs dâHeiligenbrunn , et engagent une fusillade des plus vives ; nĂ©anmoins ils ne peuvent obtenir le plus lĂ©ger avantage. Le colonelKaininsky et le commandant Steinbeck dĂ©ploient un courage, une habiletĂ© qui les dĂ©concertent. Ils se retirent, mais en mĂȘme temps deux bataillons soutenus par une cavalerie nombreuse se portent sur le village de Stries, Kaininsky accourt pour le dĂ©fendre. 256 MĂ©moires AussitĂŽt les Russes reviennent a la chai'ge; ils escaladent les hauteurs, ils assaillent le belvĂ©- der, poussent, pressent leurs attaques. Toutes leurs tentatives Ă©chouent contre les excellentes dispositions du major Deskur, et la bravoure des chefs de bataillon Johman et Ro- biesky. Ce nâĂ©tait pas la premiĂšre diversion quâils tentaient. DĂ©jĂ ils avaient repliĂ© nos avant postes depuis Schidlitz jusquâĂ Ohra attaquĂ© de front et en flanc, le major Schneider ne se soutenait dans ce faubourg quâa force de courage. Tout a coup il aperçoit une colonne > nombreuse qui sâengage imprudemment dans la granda rue il la charge, il la mitraille, il lâanĂ©antit. Le gĂ©nĂ©ral Husson survient avec la rĂ©serve. Nous reprenons lâoffensive ; en un instant le bois, le village , sont enlevĂ©s, et les Russes mis dans le plus affreux dĂ©sordre; Le chef de bataillon Boulanger en dĂ©sarme huit; un sergent blessĂ© dâun coup de feu, le brave Vestel, trois; le sous - officier Cornu dĂ©livre un des nĂŽtres, et fait mettre bas les armes Ă lâescorte qui le conduisait. JâĂ©tais de nouveau maĂźtre du Johannisberg et de Langfuhr, mais ce succĂšs ne pouvait ĂȘtre durable ; les Russes , revenant continuel- j lement a la charge avec des troupes fraiches, devaient finir par lâemporter, Dâailleurs ces deux positions Ă©taient si Ă©loignĂ©es quâelles ne pouvaient ni me nuire, ni mâĂȘtre bien utiles. Je donnai en consĂ©quence lâordre de les Ă©vacuer, si les alliĂ©s se prĂ©sentaient en force. Mais lâaudace avait fait place a la rĂ©serve. Il* craignent de sâĂ©loigner des hauteurs ; ils n o- sent 257 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ! sent piâendre possession dâun village abandonnĂ©. Impatients nĂ©anmoins de sâen rendre maĂźtres, ils engagent une action gĂ©nĂ©rale pour sâemparer dâun poste que jâavais rĂ©solu de ne pas dĂ©fendre. Les troupes prennent les armes; la flotte les soutient. Toute ma ligne est attaquĂ©e quatre-vingts canonniĂšres tonnent de concert, foudroient Neufahrwasser. Schel- mulle, Neu-Schottland, Ohra, Zigangendorf, deviennent la proie des flammes. Lâennemi se rĂ©pand comme un torrent dans la plaine; il renverse, incendie tout ce qui sâoppose a son jiassage. Jâaccours au milieu de cet affreux dĂ©sordre. Mais dĂ©jĂ les Russes deviennent moins impĂ©tueux; ils Ă©chouent devant une poignĂ©e de braves que commande le major Pojeck, et laissent les avenues de Kabrun jonchĂ©es de morts. Je les fais suivre le bouillant Gibert accourt avec ses chasseurs; le capitaine Maisonneuve se joint a lui; ils poussent, ils Ă©branlent cette multitude en dĂ©sordre et la jettent dans Schelrnulle. Elle se rallie aux troupes pii occupent le village et soutient, sans se rompre, les dĂ©charges meurtriĂšres du capitaine Ostrowsky; mais tournĂ©e presque aussitĂŽt par le capitaine Marnier , un des plus braves officiers de lâarmĂ©e fançaise, elle fuit, ' elle se dĂ©bande , elle cherche un refuge jusque sous les dĂ©combres des bĂątiments quelle a livi rĂ©s aux flammes. La mĂ©lĂ©e nâĂ©tait pas moins vive Ăą Langfuhr assaillis par douze mille Russes , nos postes ! luttent, se dĂ©battent au milieu de ces Ă©paisses colonnes. Le sergent Szhatkowsky eut besoin de toute sa bravoure pour Ă©chapper aux Cosa- 258 MĂ©moires ques. OccupĂ© a une construction en avant du village,-il avait Ă©tĂ©, lui treiziĂšme, enveloppĂ© par ces tioupes irrĂ©guliĂšres; il rallie aussitĂŽt ses travailleurs, fait face dâun cĂŽtĂ©, attacpie de lâautre; il marche, il combat toujours, et se dĂ©gage enfin sans perdre un homme. Les Russes humiliĂ©s se portent au village. Deux maisons que jâavais mises a mĂȘme de rĂ©sister a un coup de main en dĂ©fendaient lâentrĂ©e ils les tournent, ils les pressent, ils les escaladent; mais une fusillade meurtriĂšre les renverse et les force a sâĂ©loigner. Pour surcroit de maux, les Napolitains paraissent et les attaquenL. Le colonel Lebon, le colonel DĂ©gennero, pressent, rompent la cavalerie, et pĂ©nĂštrent dans Langfuhr. Elle revient a la charge plus nombreuse et plus liĂšre; elle profite des obstacles , saisit l a-propos , et sâĂ©lance sur nos bataillons Ă©pars dans Jes rues. Une mĂ©lĂ©e sanglante a lieu le brave Pal iaxxi tombe percĂ© de dix coups de lance; les capitaines Nicolaii, Angeli, DĂ©gennero, sont couverts de blessures et forcĂ©s dâĂ©vacuer le champ de bataille. En vain lâintrĂ©pide Grimaldi, en vain les lieutenants Amato, Legendre, Hubert, Pouxa, GĂŽmez, et Zanelti, veulent faire tĂšte a lâorage; le nombre lâĂ©mporte nous sommes forcĂ©s a la retraite.... Quelques braves, engagĂ©s trop avant, ne peuvent suivre et sont coupĂ©s loin de se laisser abattre, ils sâexaltent a la v ue du danger et se rallient autour de lâadjudant-major Odiardi. Ils avancent, ils tournent, ils rĂ©trogradent et gagnent enfin les maisons crĂ©nelĂ©es. DĂ©jĂ elles Ă©taient assaillies pour la deuxiĂšme fois les alliĂ©s, furieux, se 259 du gĂ©nĂ©ral Rapp. jettent sur les palissades; ils les arrachent, et semblent devoir triompher de tous ces obstacles mais couchĂ©s dans la poussiĂšre a mesure quâils se dĂ©couvrent; ils dĂ©sespĂšrent bientĂŽt du succĂšs ne pouvant les emporter, ils les livrent aux flammes. Nos braves ne sont point Ă©branlĂ©s les uns continuent la fusillade, les autres Ă©teĂ»rnent le feu; et lâennemi nâest pas plus avancĂ©. Une fumĂ©e Ă©paisse nous dĂ©robait les deux maisons; jâignorais si nos troupes les occupaient encore, ou si les alliĂ©s sâen Ă©taient rendus maĂźtres. Des rapports lâannonçaient je rĂ©solus nĂ©anmoins de faire une tentative; mais les balles parties des maisons tombaient a flots sur nous ; je conclus quâelles Ă©taient perdues. Une circonstance rendait la chose vraisemblable la fusillade avait cessĂ© et lâincendie Ă©tait flagrant. Je rĂ©pugnais cependant a croire quelles eussent Ă©tĂ© rendues. Je les fis de nouveau reconnaĂźtre les alentours de ces deux postes Ă©taient jonchĂ©s de cadavres vĂȘtus de capotes blanches; abusĂ©s par la couleur du costume, les officiers que jâavais expĂ©diĂ©s se persuadĂšrent que les Bavarois avaient pĂ©ri tous lâassuraient, tous en Ă©taient convaincus. La perte dâaussi braves gens Ă©tais pĂ©nible, et mĂ©ritait bien de ne pas ĂȘtre admise sur des apparences. Je chaiâgeai un de mes aides-de- camp, le capitaine Marnier, de savoir au juste ce quâil en Ă©tait cette mission ne pouvait pas lui dĂ©plaire; il avait, a la bataille dâUclĂšs, somme une division espagnole de mettre bas les armes, et lâavait amenĂ©e les lances des Cosaques ne devaient pas lâarrĂȘter. 17 . MĂ©moires 260 A la pointe du jour, il sort de Kabrun avec huit hommes qui demandent a le suivre; il se porte a la course vers la maison de droite. AussitĂŽt les barriĂšres sâouvrentle poste se joint a lui, et tait sa retraite malgrĂ© les llus- ses qui accourent pour lâenlever. Restait celui de gauche; mais le plus difficile Ă©tait fait. Jâavais la certiĂŒade quâil existait encore; je donnai des ormes pour fuâil fĂ»t secouru, [jn bataillon sâavance a peine lâeurent-ils aperçu que ces admirables soldats placent leurs blessĂ©s au milieu dâeux, et fondent sur les alliĂ©s. Plusieurs sont atteints le brave Dalvvick reçoit une balle qui lui fracasse lâĂ©paule gauche; mais il nâen continue pas moins de combattre avec courage. La mĂȘlĂ©e devient de plus en plus sanglante. Les Bavarois , quâĂ©chauffe le noble dessein de sauver leurs compatriotes et quâenflamme encore lâexemple de deux officiers intrĂ©pides, lâadjudant- major Seiferlitx et le lieutenant Mue!;, se prĂ©cipitent sur lâennemi, le rompent et-dĂ©- gagent enfin cette poignĂ©e dâhommes dĂ©vouĂ©s. Ils firent une espĂšce dâentrĂ©e triomphale chacun voulait les voir, voulait les fĂ©liciter; on r'entretenait de leur constance, on vantait leur sĂ©signation. Seuls, abandonnĂ©s a eux-mĂȘmes, sans vivres , sans munitions, consumĂ©s par la soif, suffoquĂ©s par lâincendie , ils avaient brave les menaces, repoussĂ© les sommations et rejete avec dĂ©dain les insinuations de lâennemi. CâĂ©tait surtout le capitaine Fahrenbeck quâon accablait dâĂ©loges; on admirait son sangfroid, ou exaltait son courage ; sa fermetĂ©, sa prudence, Ă©taient le sujet de toutes les conversations, le 26'1 du gĂ©nĂ©ral Rapj>. texte de tous les entretiens. 11 Ă©tait naturel que je tĂ©moignasse h ces braves combien jâĂ©tais satisfait je mis a lâordre du jour les pĂ©rils quâils avaient affrontĂ©s, les dangers quâils avaient courus, et jâĂ©tablis les blessĂ©s dans mon hĂŽtel, Chaque jour je les visitais ; chaque jour je mâinformais de leur situation et mâassurais que leurs besoins Ă©taient satisfaits. Un ofiicier qui avait toute ma confiance, M. Romeru, Ă©tait en outre chargĂ© de leur prodiguer les soins, les consolations que je ne pouvais leur donner moi-mĂȘme. DĂšs que lâennemi fut maĂźtre de Langfuhr, il mit ta main a lâĆuvre c'Ă©taient ouvrages sur ouvrages; il ne discontinuait pas. Son dessein Ă©tait de me resserrer de plus en plus et de me contraindre a mâenfermer dans la place ce projet Ă©tait admirable; il ne sâagissait que de lâexĂ©cuter ; la chose Ă©tait moins facile. Jâavais couvert le front dâOlhva et celui du Hagelsberg par un camp retranchĂ© formidable ; neuf ouvrages le composaient la lunette dâistrie occupait le point culminant des hauteurs qui dominent le fort et la gorge dâHagelsberg ; elle Ă©tait flanquĂ©e par les batteries Kirgener et Caulin- court. On choisit ensuite, parmi les mamelons qui se trouvaient entre ces ouvrages et lâallĂ©e de 1 jangfuhr, ceux qui Ă©taient le plus avantageusement situĂ©s, eton les fortifia. Voici quelle Ă©tait la disposition de ces redoutes en partant delĂ droite de Caulincourt, la redoute Ko- meuf, la batterie Grabowshy, la redoute De- ro y, la batterie Mont brun. Enfin, pour complĂ©ter cette ligne de fortifications et la prolonger jusqu'fi la Vistule, on Ă©tablit encore deux 262 MĂ©moires batteries; lâune, dite de Fitzer, au travers de lâallĂ©e de Langfuhr lâautre, connue sous le nom de Gudin, Ă©tait un peu plus Ă©loignĂ©e elle sâappuyait a une inondation artificielle qui sâĂ©tendait jusquâĂ la digue de gauche de la vis- tule, et formait la droite de toute la ligne, qui renfermait encore deux batteries placĂ©es de lâautre cĂŽtĂ© du fleuve. Tous ces ouvrages Ă©taient palissadĂ©s, munis de logements et de magasins a poudre. Je fis en outre construire deux camps de baraques lâun de quatre cents hommes, vers lâextrĂȘme gauche, derriĂšre Kir- gener; et lâautre, pour cent cinquante, derriĂšre Montbrun, La partie de cette ligne qui sâĂ©tend de Montbrun jusquâĂ Gudin fut liĂ©e par une espĂšce de chemin couvert; celle qui se prolonge sur la gauche Ă©tait suffisamment ga- j rantie par les difficultĂ©s du terrain ; je pensai j dâailleurs quâil fallait se mĂ©nager la facultĂ© de prendre l'offensive dans une portion de ces ouvrages. i Ohra fut Ă©galement mis en Ă©tat de dĂ©fense. Une masse de maisons qui communiquaient entre elles et dont les portes, les croisĂ©es, avaient Ă©tĂ© fermĂ©es avec soin ; des parapets, des palissades , qui nâavaient dâissue miâune langue de terre comprise entre deux flaques dâeau assez profondes, formaient un retrancne- ment avancĂ© connu sous le nom de premiĂšre coupure d'Ohra; la deuxiĂšme, situĂ©e a deux cents toises en arriĂšre, Ă©tait composĂ©e des memes Ă©lĂ©ments, et sâappuyait a un grand couvent de jĂ©suites qui avait Ă©tĂ© crĂ©nelĂ©. Les hauteurs et les gorges qui pendent vers le faubourg furent fortifiĂ©es ; les redoutes dont elles 263 du general liapp. furent revĂȘtues mirent lâennemi hors dâĂ©tat de nous tourner, et devinrent bientĂŽt fameuses sous le nom de batteries et dâavancĂ©es Frioul. Pendant que nous exĂ©cutions ces travaux, lâennemi venait frĂ©quemment sâexercer contre nos avant-postes Schidlitz, Ohra, Stolxenherg, Ă©taient tour a tour lâobjet de ses attaques. RepoussĂ© sur tous les points, il tente une surprise sur Heubude ; mais il se jouait a plus fin que lui le commandant CarrĂ©, vieux militaire plein de vigilance et de ruses, aperçoit ses colonnes, rĂ©ussit a les mettre aux prises, et se retire sans perte dâune position critique. Tout honteux de cette mystification cruelle, les Russes se flattent de prendre leur revanche a Kabrun. Ils lâentourent , ils lâescaladent; mais, accueillis par une fusillade meurtriĂšre que dirige le capitaine Nazxewski , ils sâĂ©loignent et laissent les fossĂ©s remplis de morts. Ils se portent de nouveau sur Scliidlitz mis en fuite une premiĂšre fois , ils reviennent a la charge avec une vigueur , une impĂ©tuositĂ© nouvelle; mais lâadjudant-major Boutin, les capitaines KlĂ©ber et Feuiliade exaltent si bien nos soldats, quâils se jettent sur les alliĂ©s et les enfoncent. La flotte nâĂ©tait pas non plus oisive le 4, dĂšs la pointe du jour, elle rĂ©parait en ligne; elle avait Ă©chouĂ© la surveille dans deux attaques consĂ©cutives, et dĂ©pensĂ© en pure perte plus de sept mille coups de canon. La honte, la soif de la vengeance, tout lâexcitait a combattre ce fut l'explosion dâun volcan. Les frĂ©gates et les canonniĂšres tonnent a la fois, et nous couvrent dâun dĂ©luge de projectiles; mais,'loin 264 MĂ©moires desâeffrayer, nos batteries redoublent de calme et de justesse. Officiers et soldats , tous sâĂ©lĂšvent au-dessus du danger et ne songent quâa la victoire. Un canonnier chargĂ© de IâĂ©couvil- lon a le bras emportĂ© ; le capitaine Pomerenski sâen empare et fait le service. Le sergent Viard sert une piĂšce qui tire a boulets rouges , et { jointe comme au polygone; le lieutenant Mi- ewski ajuste, surveille les siennes, coule une canonniĂšre, en endommage dâautres, et les force dâĂ©vacuer le champ de bataille. Le capitaine LeppigĂ© , le sergent-major Zackowski, le sergent Radzmiski, le caporal Multarowski, donnent les exemples les plus admirables de sang-froid et dâintelligence. Le capitaine Hen- rlon, le lieutenant Hagueny, le capitaine de frĂ©gate Rousseau, les marins Despeistre, Coste, les caporaux Davis, Dubois, sâattachent aux I jiĂšces, et ne cessent de combattre que lorsque ennemi a pris la fuite. La flotte, convaincue de lâinutilitĂ© de ses efforts, gagne le large avec la satisfaction dâavoir tirĂ© neuf mille coups de canon pour nous tuer deux hommes elle nous avait aussi dĂ©montĂ© deux piĂšces ; mais elle avait perdu deux canonniĂšres ; neuf autres Ă©taient fortement endommagĂ©es. et ses frĂ©gates criblĂ©es dâobus et de boulets. Nous eĂ»mes bientĂŽt un ennemi plus redoutable a combattre. Tout a coup la Vistule sâenfle; elle franchit, elle rompt les digues et sâĂ©chappe avec impĂ©tuositĂ©. La place , l es fortifications, deviennent la proie des flots. Les ponts sont emportĂ©s, les Ă©cluses anĂ©anties, et les chaussĂ©es entr'ouvertes les eaux, dĂ©sormais sans obstacles , sâengouffrent dans les 265 du gĂ©nĂ©ral Puxpp. fossĂ©s et sapent les bastions. Celui de BĆren, celui de Braun-Ross, Ă©taient en ruines, et il Ă©tait a craindre quâon ne pĂ»t maintenir Binon- dation lorsque la Vistule rentrerait dans son lit mais le gĂ©nie ne sâoublia pas dans cette circonstance dĂ©sastreuse; a force dâhabiletĂ© et de constance, il parvint a rĂ©tablir les brĂšches, et, quand le fleuve sâabaissa , lâinondation, alimentĂ©e par les branches qui sillonnent le Werder, RĂ©prouva quâune variation de niveau presque insensible. CâĂ©tait maintenant le tour des Russes ils avaient profitĂ© des embarras que, nous causait la crue des eaux ; ils avaient Ă©levĂ© 1 batteries sur batteries, et le 15 novembre ils en dĂ©masquĂšrent une vingtaine , armĂ©es de piĂšces du plus gros calibre. La flotte vint aussi sâessayer devant nos forts. Des masses dâinfanterie Ă©taient prĂȘtes a donner lâassaut dĂšs que les palissades seraient dĂ©truites. Lâaction sâengage ; trois bombardes, quarante canonniĂšres, vomissent le fer et la flamme sur Pseufalirwasser. Loin de les abattre, le danger enflamme nos soldats ; ils jurent de vaincre, ils jurent de punir les agresseurs. Les troupes de ligne sâattachent aux piĂšces; lâartillerie les pointe comme a la manĆuvre ; elle endommage, elle dĂ©mĂąte une foule de canonniĂšres. Tout a coup une explosion terrible se fait entendre un boulet a pĂ©nĂ©trĂ© dans la saintebarbe, et le sloop a disparu. La mĂȘme dĂ©tonation se rĂ©pĂšte. On se fĂ©licitĂ©, on sâĂ©ncourage ; on brĂ»le dâimiter les braves qui tirent avec cette admirable justesse. Trois embarcations deviennent presque en mĂȘme temps la proie des flots, et la premiĂšre ligne 266 MĂ©moires se retire toute couverte de dĂ©bris. La deuxiĂšme prend sa place sans ĂȘtre plus heureuse ; et les divisions se succĂšdent ainsi de trois heures sans que le feu se ralentisse. Enfin, rebutĂ©e des obstacles que lui opposaient le courage de nos soldats, les excellentes dispositions du colonel Rousselot, et la vigilance du major François , elle se retire et va rĂ©parer ses avaries. Douze heures de combat, vingt mille coups de canon, avaient abouti a nous tuer ou blesser une demi-douzaine dâhommes, et a nous endommager trois affĂ»ts. Ce fut la derniĂšre tentative. Quelques mois plus tĂŽt elle eĂ»t Ă©tĂ© infaillible ; mais a la guerre il faut saisir la- propos. Les troupes obtinrent plus de succĂšs. Elles attaquĂšrent nos postes en avant dâOhra, et s'emparĂšrent de celui de lâEtoile sur les hauteurs a droite du Aâillage. Le major Legros ne leur laisse pas le temps de sây Ă©tablir; quatre compagnies dâĂ©lite , sous la conduite des capitaines Valard et Aubry, sây portent sans, dĂ©lai. Elles surprennent, elles taillent les Russes en piĂšces. En vain ils reparaissent avec des troupes fraĂźches ; culbutĂ©s, mis en fuite, ils se dispersent, sans nĂ©anmoins perdre courage. Ils tentent un nouvel effort; mais, accueillis par une fusillade meurtriĂšre ils se dĂ©bandent et tombent sous le feu de deux compagnies placĂ©es dans la village de Stadgebieth, qui les anĂ©antissent. la gĂ©nĂ©ral Rapp. 267 CHAPITRE XLII. La saison devenait chaque jour plus Ăąpre. Les pluies ne discontinuaient pas et entretenaient un brouillard fĂ©tide, quâun soleil sans chaleur pouvait Ăą peine dissiper. Mais , ce qui Ă©tait bien plus grave, la disette allait toujours croissant. Les chevaux, les chiens , les chats, Ă©taient mangĂ©s ; nous avions Ă©puisĂ© toutes nos ressources, le sel mĂȘme nous manquait. Il est vrai que lâindustrie y supplĂ©a. Quelques soldats imaginĂšrent de faire bouillir des dĂ©bris de vieilles planches, qui avaient autrefois servi dans un magasin; lâexpĂ©rience rĂ©ussit. Nous exploitĂąmes cette mine de nouvelle espĂšce, et les hĂŽpitaux furent approvisionnĂ©s. La population Ă©tait rĂ©duite aux abois elle ne vivait plus que de son et de drĂšche , encore nâen avait- elle pas de quoi se satisfaire. Dans cet Ă©tat de dĂ©tresse, je pensai que les philanthropes alliĂ©s ne repousseraient pas des compatriotes, et jâexpulsai les dĂ©tenus et les mendiants, tous ceux, en un mot, qui nâavaient pas de subsistances. Mais les Prussiens furent inexorables; et sans les habitants de Saint-Alhrecht, ils les eussent fait pĂ©rir dâinanition. Dâautres se dirigĂšrent du du cĂŽte quâoccupaient les Russes, et ne furent pas mieux accueillis. Sans abri, sans aliments dâaucune espĂšce , ils eussent expirĂ© sous les yeux de ces libĂ©rateurs de lâhumanitĂ©, si je nâeusse pris pitiĂ© de leur misĂšre. Je leur distribuai quelques secours et les renvoyai chex 268 MĂ©moires. eux. Plusieurs demandĂšrent a ĂȘtre employĂ©s aux. fortifications, et recevaient la moitiĂ© ou le quart dâun pain de munition pour salaire. Cependant lâennemi avait perfectionnĂ© ses ouvrages. De temps a autre il essayait ses batteries, et semblait prĂ©luder a une action plus sĂ©rieuse. Le 10, en effet, toutes sont en feu dĂšs la ebute du jour. La ville, le Holm, e camp retranchĂ© de Neufahrwasser, sont inondĂ©s de bombes, dâobus, de boulets rouges. Lâincendie Ă©clate et dĂ©vore le couvent des Dominicains. lies prisonniers russes soignĂ©s dans cet Ă©difice allaient pĂ©rir ; nos soldats accourent et les arrachent a la mort. Toujours plus ardentes, les flammes tourbillonnaient sur les maisons voisines et menaçaient de les rĂ©duire en cendres. En mĂȘme temps, les alliĂ©s se prĂ©sentaient en force devant nos postes dâOhra et les repliaient jusquâĂ Stadtgebieth. Jâaccours avec le comte Heudelet. Lâennemi culbutĂ© a la baĂŻonnette essaie vainement de revenir a la charge; le gĂ©nĂ©ral Husson, le major Legros, repoussent toutes ses attaques. Une mĂ©prise augmenta ses pertes. Deux de ses colonnes se prennent pour ennemies, et en viennent aux mains. Elles se reconnaissent aux cris des blessĂ©s; mais plus de trois cents hommes Ă©taient dĂ©jĂ couchĂ©s dans la poussiĂšre. De notre cĂŽtĂ©, nous en avions une centaine hors de combat. DĂšs le lendemain il reparut devant les maisons situĂ©es au-dela de Stadtgebieth. Repousse deux fois, il y mit le feu. Quoique chargĂ© de deux blessures, le capitaine Basset hĂ©sitait encore a les Ă©vacuer; mais le progrĂšs des flammes ne tarda pas a lây contraindre il se retira en 269 du gĂ©nĂ©ral liapp. combattant toujours. MaĂźtres du village, les alliĂ©s se prĂ©cipitent tout d une haleine sur le plateau de lâEtoile , et sâen emparent. Les postes qui restaient sur le rampant de la montagne Ă©tant dĂ©sormais trop faibles, je les rappelai. Lâennemi occupait enfin la position; mais il la payait assez cher pour une simple levĂ©e de terre. Plus il cheminait du cĂŽtĂ© de Langfuhr, plus sa position devenait fĂącheuse ; pris en flanc et. a revers, foudroyĂ© par les batteries du Holm, il ne put bientĂŽt plus dĂ©boucher des. redoutes quâil avait Ă©levĂ©es a Kabrun. Confus de sâĂ«tre mĂ©pris sur le vĂ©ritable point dâattaque, il porte, il concentre ses forces sur les hauteurs dâOhra. Il tente tous les moyens de sâen rendre maĂźtre ; je nâen nĂ©glige aucun de les dĂ©fendre. JâamĂ©liore, je multiplie mes ouvrages. Je mets a contribution toutes les lumiĂšres. Des officiere supĂ©rieurs de chaque arme, prĂ©sidĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Grandjean, avisent aux mesures quâexige la sĂ»retĂ© de la place. Ils mettent nos vivres, nos munitions a lâabri des ravages de lâincendie. Ils divisent les approvisionnements, organisent le service des pompes, et font construire des moulins, afin que si les bombes venaient a dĂ©truire ceux quâon possĂ©dait encore, on fĂ»t a mĂȘme de les supplĂ©er. Cependant le feu des alliĂ©s allait toujours croissant. Les incendies succĂ©daient aux incendies et menaçaient de tout rĂ©duire en cendres. Tout a coup les batteries se taisent, la fusillade est suspendue. A ce silence inopinĂ©, les habitants reprennent courage ; ils courent, ils volent au secours des quartiers embrasĂ©s. Malheureux ! iis disputent aux 270 MĂ©moires flammes quelques pans dâĂ©difices, et la place touche a sa ruine!... Lâennemi nâavait cessĂ© le feu que pour le rendre plus terrible. DĂšs que ses dispositions sont faites, il lâouvre avec violence. Les batteries de lâĂtoile, celles du Johannisberg, de Ka- ! bran, de Scliellmulle, de Langfuhr, tirent a coups redoublĂ©s et nous accablent de bombes, de fusĂ©es et de boulets rouges. Les incendies Ă©clatent; les Ă©difices tombent; sâĂ©croulent. Dantxic ne prĂ©sente plus que lâimage dâun volcan dont les Ă©ruptions sâĂ©chappent, sâĂ©teignent, se reproduisent sur tous les points. Les deux rives de laMoltlau, le Butter-Mark, le Prog- genfull, le Speiclier-Insel, tout est consumĂ©. Lu vain les troupes accourent au secours; une grĂȘle continue de projectiles triomphe de leurs efforts, et une perte de plusieurs millions vient aggraver encore les malheurs dâune population dĂ©solĂ©e. JNos forts, nos villages nâĂ©taient pas dans j un meilleur Ă©tat; Ohra surtout nâĂ©tait plus quâun amas de cendres. Cinq batteries le foudroyaient sans relĂąche; des nuĂ©es de tirailleurs , abritĂ©s par les accidents du terrain, nous accablaient de balles , et entravaient le j jeu de nos piĂšces. La premiĂšre coupure, prĂšs- j que anĂ©antie par le feu et les boulets , rĂ©sistais toujours. Le major Schneider la dĂ©fendait avec une valeur, une sagacitĂ© qui promettaient encore une longue rĂ©sistance ; mais elle Ă©tait sur le point d'ĂȘtre prise par la tranchĂ©e; je la fis Ă©vacuer. Je cĂ©dai Ă©galement la tĂȘte de Schidliti?. Lâennemi avait essaje quelques jours auparavant de sien rendre maĂźtre. 271 du gĂ©nĂ©ral Happ. Trois compagnies sâĂ©taient prĂ©sentĂ©es devant nos postes; chargĂ©es avec vigueur par le capitaine Leclerc et le lieutenant Kowalzky, elles furent mises en dĂ©route, et cherchĂšrent leur salut dans la fuite. Cette leçon ne fut pas perdue; les alliĂ©s revinrent avec des forces plus considĂ©rables, et sây Ă©tablirent. Un accident plus grave nous survint bientĂŽt aprĂšs. Une bombe Ă©clata dans un magasin de bois et lâincendia. La poudre nâest pas plus prompte en un instant tout est embrasĂ©. Les flammes, dĂ©veloppĂ©es par un vent impĂ©tueux , se communiquent de proche en proche, et prĂ©sentent une masse de feu quâaucun effort ne peut dompter. Triste spectateur dâun dĂ©sastre aussi cruel, jâespĂ©rais au moins prĂ©server les bĂ ti- timents Ă©loignĂ©s. Mon attente fut encore déçue, et nous eĂ»mes la douleur de voir consumer sous nos yeux la plus grande partie de nos subsistances. Officiers et soldats, tous Ă©taient plongĂ©s dans un morne silence, tous contemplaient avec stupeur cette scĂšne de dĂ©solation , quand tout a coup une fusillade terrible se fait entendre. Lâennemi attaquait lâavancĂ©e Frioul et sâen emparait. Le capitaine Chambure vole au secours. Ce brave commandait une troupe dâĂ©lite appelĂ©e la compagnie franche ou les enfants perdus ; il sâĂ©lance dans la redoute et taille les llusses en piĂšces. Aucun nâĂ©chappe; ceux qui Ă©vitent la baĂŻonnette tombent sous le feu des chefs de bataillon Clamon et Dybowski. Le lieutenant Conrad fit preuve, dans cette occasion, dâune rare constance. I/Ă©paule fracassĂ©e par une balle, d se jette au plus Ă©pais de la mĂȘlĂ©e. Chain- 272 MĂ©moires bure le dĂ©gage âVous ĂȘtes blessĂ©, lui dit-il, ,,votre place nâes t plus ici ; aile? annoncer au ,,gĂ©nĂ©ral que nous sommes dans la redoute. ââą âCapitaine, rĂ©pond lâintrĂ©pide lieutenant, jâai i âencore mon bras droit, vous nâavez que le ,,gauche !â et il continue de combattre. Battu a la gauche, lâennemi se jette sur la 1 droite et nous replie jusque sur nos forts. Je ne jugeai pas a propos de reprendre lâattaque par une nuit obscure , jâattendis au lendemain. Deux colonnes commandĂ©es par les gĂ©nĂ©raux Breissan et Devilliers se portent a la fois sur j Stolzenberg et Schidlitz les Russes les occu- i paient en force ; mais nos troupes combattent avec tant dâabandon, le major Deskur, les chefs de bataillon Poniatowski, Crikicowski et CarrĂ©, les capitaines PahrenbĂ©ck, Perrin, ICa- lisa etRonsin, les guident avec tant dâhabiletĂ© et de bravoure, que les alliĂ©s, rompus, laissent le champ de bataille jonchĂ© de morts. Malheureusement le succĂšs nous coĂ»tait cher le gĂ©nĂ©ral Breissan, si recommandable par ses talents et son courage , Ă©tait dangereusement blessĂ©. On lui prodigua vainement tous les secours imaginables, il expira aprĂšs un mois de souffrances aiguĂ«s. IN os troupes Ă©taient victorieuses ; mais quel i spectacle les attendait dans la place ! des ruines, des dĂ©combres, voila ce qui restait de nos magasins. Un seul avait Ă©chappĂ©. Sa conservation, due au colonel Cottin et au sous-chef dâĂ©tat- major Marquessac , nâavait Ă©tĂ© assurĂ©e qua force de zĂšle et de constance. Le chef dâescadron Turckheirn , qui avait dĂ©jĂ donnĂ© tant de preuves de dĂ©vouement, et le lieutenantFleury, Ă©taient 273 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Ă©taient aussi parvenus a sauver quatre mille quintaux de grains ; tout le reste Ă©tait flagrant, tout le reste avait pĂ©ri. Nous ne conservions pas pour deux mois de subsistances, que les flammes toujours plus actives et un bombardement continuel menaçaient encore. Les Russes cheminaient lentement, mais ils cheminaient toujours. Ils sâĂ©taient emparĂ©s de divers postes et sâĂ©taient portĂ©? en masse sur Stolaenberg. Trop faibles pour opposer une rĂ©sistance efficace, nos soldats lâavaient Ă©vacuĂ©. Le gĂ©nĂ©ral Husson rassemble quelques troupes et fait battiâe la charge. Elle eut lieu avec une rare impĂ©tuositĂ©. Le capitaine Milsent, lâadjudant-major Rivel, sâĂ©lancent a la tĂȘte des pl»3 braves, joignent lâennemi et le culbutent. Le capitaine Chambure lui prĂ©parait une leçon plus sĂ©vĂšre. Il sâembarque par une nuit obscure, trompe la vigilance de la flotte et descend vis-a-vis Rohnsack. Il surprend le village, incendie les habitations , les magasins, tue, Ă©gorge les hommes, les chevaux, et regagne ses chakmpes. Elles nâĂ©taientplus sur le rivage. Les trompettes sonnaient, la gĂ©nĂ©rale se faisait entendre la mort paraissait inĂ©vitable. NĂ©anmoins il ne perd pas courage; il calme ses soldats, se jette a travers les retranchements ennemis, et arrive sain et sauf au moment oĂč. on le croyait perdu. Il se remet bientĂŽt en route et marche sur BrĆsen ; il tombe a lâim- proviste sur les troupes qui lâoccupent, les renverse, et ne se retire quâaprĂšs avoir brĂ»lĂ© leur camp. A peine rentrĂ©, il court a une expĂ©dition plus pĂ©rilleuse. Il pĂ©nĂštre dans la tranchĂ©e de lâennemi, culbute, chasse ses pos- 18 274 MĂ©moires tes, et vient s'abriter derriĂšre nos batteries. Le lieutenant Jaimebon, griĂšvement blessĂ© en commençant lâattaque , combattit comme sâil nâeĂ»t pas Ă©tĂ© brisĂ© par la douleur ; elle Ă©tait si aiguĂ« que la crainte de dĂ©courager les soldats fut seule capable dâĂ©toutTer ses plaintes. Il mourut cinq jours aprĂšs honneur a sa mĂ©moire La compagnie franche devenait chaque jour plus audacieuse. Les tranchĂ©es, les palissades Ă©taient des obstacles illusoires; elle pĂ©nĂ©trait partout. Au milieu dâune nuit Ă©paisse , elle se glisse darbre en arbre le long de lâallĂ©e de Langfuhr, et sâapproche sans que les dusses lâaperçoivent. Elle saute aussitĂŽt dans leurs ouvrages , tue les uns , chasse les autres et les suit jusque dans Itabrun. Le brave Surimont, lâintrĂ©pide Rozay, Payen , Dezeau , Gonipet et Francou, se prĂ©cipitent dans la redoute et lâemportent. Une centaine dâhommes furent 1 > assĂ©s au fil de lâĂ©pĂ©e, les autres ne durent eur salut quâa la fuite. Nous faisions a lâennemi une guerre de surprise et dâaudace; il nous en faisait une de ruses et de proclamations. Ses batteries nâarrĂȘtaient pas, et nos magasins Ă©taient dĂ©truits. Nos troupes, extĂ©nuĂ©es, harassĂ©es de corvĂ©es et dâinsomnies , nâavaient pour rĂ©parer leurs forces quâun peu de pain et une. once de viande de cheval, si toutefois on peut appeler ainsi les dĂ©bris dâanimaux qui, rebutĂ©s parla cavalerie, rebutĂ©s par les charrois, tournaient la meule jusquâĂ ce que, devenus incapables de se soutenir, ils Ă©taient traĂźnĂ©s a la boucherie, Câest H des hommes si las de combattre et de souffrir J que les Russes promettaient le repos et lâabon- ; 275 du gĂ©nĂ©ral Rapp . dance. Tous les genres de sĂ©duction Ă©taient employĂ©s lâor, lâargent, les menaces, la colĂšre du prince, la voix de la patrie, Ă©taient offerts et invoquĂ©s. Le duc se joignait a ses Ă©missaires; il Ă©crivait, priait, protestait, circonvenait les chefs et les soldats. La dĂ©sertion se mit dans les troupes Ă©trangĂšres, et bientĂŽt elles refusĂšrent tout service. Les Bavarois, les Polonais eux-mĂ©mes, trop convaincus de nos malheurs, craignaient, de faire de leurs armes un usage sacrilĂšge et se tenaient dans lâinaction. INous Ă©tions rĂ©duits aux seules forces nationales, câest-a-dire a moins de six nulle hommes; et nous avions plus de deux lieues dâĂ©tendue a dĂ©fendre. Je rĂ©solus de faire connaĂźtre a lâempereur la situation fĂącheuse oĂč nous Ă©tions. La chose n'Ă©tait pas aisĂ©e; 1 Allemagne entiĂšre Ă©tait en insurrection; la mer Ă©tait couverte de croisiĂšres ennemies. Mais aucun pĂ©ril, aucun obstacle nâĂ©tonnait le capitaine Marnier; il part pour cette expĂ©dition aventureuse, capture un bĂątiment, convoie avec la flotte anglaise et lui Ă©chappe. Le duc de Wurtemberg semblait avoir le projet de tout sĂ©duire. Je ne fus pas moi-mĂȘme Ăą lâabri de ses tentatives. Il exaltait ses ressources, dĂ©prĂ©ciaitles miennes, parlait de la France, de la SibĂ©rie, et me proposait de rendre la place. Ces lnenaces, ces oppositions sâadressaient mal; je le lui tĂ©moignai , et il nâen fut plus question. Des moyens plus convenables turent mis en Ćuvre; les feux furent doublĂ©s, et le bombardement, toujours plus terrible, ne discontinuait ni le jour ni la nuit. La ville, le Bischfberg , les redoutes Frioul , Ă©taient 276 MĂ©moires Ă©crasĂ©s. Soutenus par un feu dâartillerie si formidable, les Husses imaginent de nous enlever. Ils sâavancent munis dĂ©bĂąchĂ©s, dâĂ©chei- les, et fondent sur la batterie Gudin. Le capitaine Ra;unishy la commandait; il les accueille 4/ ' par des dĂ©charges a mitraille, et les renverse. Ils se remettent nĂ©anmoins, et tentent lâescalade; mais, accablĂ©s par une fusillade meurtriĂšre, ils ^e 'dispersent a la vue du major Deskur et laissent armes et Ă©chelles dans les 1 mains des braves capitaines- Zbievviski et Pro- pocki. Ils essaient, avec aussi peu de succĂšs, de se rendre maĂźtres de la batterie Fitaer, dans lâallĂ©e de Langfuhr. Le colonel Plessmann, le capitaine Renouard et lâadjudant Stoiling leur opposent une rĂ©sistence quâils ne peuvent vain- 1 cre trois fois ils reviennent a la charge, trois fois ils sont dĂ©faits. Cependant les redoutes Frioul Ă©taient dans un Ă©tat dĂ©plorable sans parapets, sans fougasses, accablĂ©es par les obus et la mitraille, elles ne prĂ©sentaient plus aucun moyen de dĂ©fense ; je les fis Ă©vacuer. La plus grande partie des fortifications Ă©tait encore intacte; mais nos vivres touchaient a leur terme. Le temps des glaces Ă©tait arrivĂ©. Il aurait fallu vingt mille hommes pour m'opposer aux progrĂšs du siĂšge, garder les forts, lâinondation, et maintenir libre le cours des eaux. La lutte Ă©tait trop inĂ©gale ; câeĂ»t Ă©tĂ© verser le sang pour le seul plaisir de le verser. Je crus trouver un moyen qui conciliait , mes devoirs et lâhumanitĂ©, je calculai le nom- bre de jours que devait fournir ce qui nous restait de subsistances ; je proposai de suspen- 277 du gĂ©nĂ©ral Rapp. dre les hostilitĂ©s et de remettre la place a cette Ă©poque, si le cours des choses n'en disposait autrement. Le conseil adopta cet avis a lâunanimitĂ©. Les nĂ©gociations sâouvrirent , le feu cessa. Le gĂ©nĂ©ral Heudelet et le colonel Ri- chemont se rendirent au camp, et arrĂȘtĂšrent une capitulation oĂč la facultĂ© de rentrer en France nous Ă©tait spĂ©cialement garantie. Une partie de ces conventions Ă©tait dĂ©jĂ exĂ©cutĂ©e; les prisonniers russes avaient Ă©tĂ© rendus, les forts livrĂ©s , lorsque jâappris que lâempereur Alexandre refusait sa ratification. Le duc de Wurtemberg mofĂŻfait de remettre les choses dans leur premier Ă©tat. CâĂ©tait une dĂ©rision. Mais pie faire? nous nâavions plus de vivres. Il fallut se rĂ©signer. Il rĂ©gla les choses comme il lâentendit, et nous primes le chemin de la Russie. TouchĂ©s de nos malheurs , les auxiliaires eussent voulu les partager. Les Polonais bri- saientleurs armes; les Bavarois juraient de ne jamais les tourner contre nous. Mais le devoir fait taire les affections. Il fallut se sĂ©parer. Le gĂ©nĂ©ral prince de Radsiwil et le colonel Butt- ler, si distinguĂ©s lâun et lâautre par leur caractĂšre et par leurs actions, les reconduisirent dans leur patrie, Ainsi finit, aprĂšs un an de combats, une dĂ©fense pĂ©nible, oĂč nous eĂ»mes a lutter contre tous les flĂ©aux, tous les obstacles, et qui nâest pas une des moindres preuves de ce que peuvent le courage et le patriotisme des soldats français. 278 MĂ©moires CHAPITRE XLIII. Nous fĂ»mes conduits a Kiow. Nous y apprĂźmes les prodiges de cette poignĂ©e de braves qui nâavaient pas dĂ©sespĂ©rĂ© du salut de la patrie. Ils avaient triomphĂ© a Montmirail, 'a Sezanne , a Champaubert, partout oĂč l'ennemi avait osĂ© les attendre. LâEurope entiĂšre fuyait devant eux, la coalition Ă©tait dissoute.... Lâobstination dâun soldat nous arracha les fruits de la 'victoire. Il fallut combattre, vaincre j encore; mais les munitions manquaient, les corps nâarrivaient pas, les gĂ©nĂ©raux haranguaient la trouve pour lui faire recevoir des capitulations. Tout fut perdu notre gloire, ' nos conquĂȘtes sâĂ©vanouirent comme une ombre ; les signes mĂȘme en furent rĂ©pudiĂ©s. Le but de la coalition Ă©tait atteint. Notre 1 captivitĂ© nâĂ©tait plus profitable ; nous fĂ»mes rendus a lalibertĂ©. Nous revĂźnmes en France quel spectacle elle prĂ©sentait! LâĂ©migration avait envahi lâarmĂ©e, les antichambres; elle pliait sous les insignes du commandement et les dĂ©corations. La premiĂšre personne que je rencontrai aux Tuileries fut un chef de bataillon que jâavais autrefois secouru et protĂšge il Ă©tait devenu lieutenant-gĂ©nĂ©ral; il ne me reconnut plus. Un autre que jâavais eu longtemps a Dantzic, nâavait pas mieux conserve > sa mĂ©moire. Je lâavais accueilli a la recommandation du duc de Cadore; jâavais essaye ses fades adulations il me traitait de monseig- 279 tin gĂ©nĂ©ral Rapp. neur, dâexcellence; il mâeut volontiers appelĂ© lâĂ©ternel. Plus je lui tĂ©moignais combien ces sottises me dĂ©plaisaient, plus il renchĂ©rissait; il imagina mĂȘme dâassister a mon lever, line tint pas a lui [ue je ne me crusse un souverain. Ses malversations me dĂ©livrĂšrent de cet obstinĂ© flatteur; elles devinrent si criantes que le gou\ ernement fut prĂšs de sĂ©vir. Je sauvai au gentilhomme la honte dâune condamnation; mais je le fis Ă©loigner il alla exercer son industrie a. Il eut bientĂŽt connaissance de nos revers , s'effraya , prit la poste , et nâarrĂ«ta pas quâil ne fĂ»t en-deça du Rhin la peur le servit mieux que nâeĂ»t fait le courage. Il avait des Ă©paulettes a gros grains , et quatre ou cinq dĂ©corations câĂ©tait assex bien dĂ©buter dans la carriĂšre; on ne va pas si vite sur le champ de bataille. Il sâĂ©loigna dĂšs quâil mâa- E erçut apparemment que son costume lâem» arrassait. Jâen rencontrai un troisiĂšme , que ma prĂ©sence ne mit pas a lâaise. AttachĂ© autrefois a JosĂ©phine, il avait fait preuve dâune prĂ©voyance vĂ©ritablement exquise afin dâĂȘtre en mesure contre les cas imprĂ©vus qui pouvaient survenir dans les promenades et les voyages , il sâĂ©tait muni dâun vase de vermeil, quâil portait constamment sur lui. Quand la circonstance lâexigeait, il le tirait de sa poche, le prĂ©sentait, le reprenait, le vidait, lâessuyait, et le serrait avec soin. CâĂ©tait avoir lâinstinct de la domesticitĂ©. Mais tous ces preux si ardents a la caisse, aux dĂ©corations, aux commandements, donnĂšrent bientĂŽt la mesure de leur courage. NapolĂ©on parut, ils sâĂ©clipsĂšrent. Ils avaient MĂ©moires assiĂ©gĂ© Louis XVIII dispensateur des grĂąces; ils nâeurent pas une amorce a brĂ»ler pour Louis XVIII malheureux. Nous essayĂąmes quelques dispositions; mais le peuple, les soldats Savaient jamais Ă©tĂ© complices des humiliations de la France; ils refusĂšrent de combattre les couleurs quâils adoraient, et lâempereur reprittranquillement les rĂȘnes de lâĂ©tat. Les gĂ©nĂ©raux Bertrand et Lemarrois mâĂ©crivirent de me rendre aux Tuileries. Je revins Ăą Paris. Une nouvelle invitation mâattendait Ă mon hĂŽtel; le grand marĂ©chal mâannonçait que sa majestĂ© dĂ©sirait me voir. Je ne voulus pas me faire attendre ; jâallai tel que je me trouvais, bien sĂ»r que NapolĂ©on saurait faire la part du devoir et celle des affections. Je fus introduit sur-le-champ. ,,NapolĂ©on. Vous voila, monsieur le gĂ©nĂ©- âral Rapp ; vous vous ĂȘtes bien fait dĂ©sirer ? 99 D oh venez-vous? ,,Rapp, DâRcouen, oĂč jâai laissĂ© mes trouves a la disposition du ministre de la guerre. ,,NapolĂ©on. Vouliez-vous rĂ©ellement vous ,,battre contre moi? âRapp. Oui, sire. ,,NapolĂ©on. Diable! âRapp. La rĂ©solution Ă©tait obligĂ©e. ,,NapolĂ©on. {D'un ion animĂ©. F....e, je ,,savais bien que vous Ă©tiez devantmoi. Si lâon âse fĂ»t battu, jâaurais Ă©tĂ© vous chercher sur le ,,champ de bataille. Je vous aurais fait voir la â tĂȘte de MĂ©duse auriez-vous osĂ© tirer sur moi? ,,Rapp. Sans doute; mon devoir.... âNapolĂon. Câest trop fort. Mais les soldats j,ne vous auraient pas obĂ©i; ils mâavaient cou- 281 du gĂ©nĂ©ral Rapp. âservĂ©plus dâafFection. Si dâailleurs vous aviez âtirĂ© un seul coup, vos paysans dâAlsace vous âauraient lapidĂ©. ,,Rapp. \ ous conviendrez, sire, que la position Ă©tait pĂ©nible vous abdiquez, vous partez , vous nous engagez h servir le roi ; vous ,,revenez... Toute la puissance des souvenirs âne peut nous faire illusion. ,, NapolĂ©on. Comment cela? Que voulez- âvous dire? Croyez-vous que je sois revenu ,,sans alliance, sans accord?... Dâailleurs mon âsystĂšme est changĂ© plus de guerre, plus de ,,conquĂȘtes; je veux rĂ©gner en paix, et faire âle bonheur de mes sujets. ,,Rapp. Tous le dites mais vos antichambres sont dĂ©jĂ pleines de ces complaisants qui âont toujours flattĂ© votre penchant pour les ,,armes. â]\ t apolĂon. Bah! bah! lâexpĂ©rience... Al- âliez-vous souvent aux Tuileries ? ,,Rapp. Quelquefois, sire. â1NapolĂ©on. Comment vous traitaient ces âgens-la ? ,,Rafp. Je nâai pas a mâen plaindre. ,,NapolĂ©on. Le roi parait vous avoir bien ,,reçua votre retour de Russie? ,,Rafp. Parfaitement, sire. ,,NapolĂ©on. Sans doute. CajolĂ© dâabord, mis ,,ensuite a la porte. Voila ce qui vous attendait âtous; car enfin vous nâĂ©tiez pas leurs hommes, ,,vous ne pouviez leur convenir il faut dâautres »titres, dâautres droits pour leur plaire. ,,Rapp. Le roi a dĂ©barrassĂ© la France des ,,alliĂ©s. ,,Napoleon. Câest bien; mais a quel prix! 282 MĂ©moires âEt ses engagements, les a-t-il tenus? Pourquoi nâa-t-il pas fait pendre Ferrand pour son ^discours sur les biens nationaux? Câest cela; t , câest lâinsolence des nobles et des prĂȘtres qui ,,mâa fait quitter lâile dâElbe. Jâaurais pu arriver ,,avec trois millions de paysans qui accouraient ,,pour se plaindre et m'offrir leurs services. âMais jâĂ©tais sur de ne pas trouver de rĂ©sistance devant Paris. Les Bourbons sont bien âheureux que je sois revenu sans moi ils ,,auraient fini par une rĂ©volution Ă©pouvantable. ,,Avez-vous vu le pamphlet de ChĂąteau- ,,briand, qui ne mâaccorde pas mĂȘme du courage ,,sur le champ de bataille? Ne mâavez-vous âpas vu quelquefois au feu? Suis-je un lĂąche? ,,Rapp. Jâai partagĂ© lâindignation quâont ressentie tous les honnĂȘtes gens, dâune accusation aussi injuste quâelle est ignoble. â Voyiez-vous quelquefois le duc ,,dâOrlĂ©ans ? âRapp. Je ne lâai vu quâune fois. âNapoeĂon. Câest celui-lĂ qui a de lâesprit ,,de la conduite et du tact! Les autres sont ,,mal entourĂ©s, mal conseillĂ©s. Ils ne mâaiment ,,pasi. Ils vont ĂȘtre plus furieux que jamais âil y a de quoi. Je suis arrivĂ© sans coup ,,fĂ©rir. Câest maintenant quâils vont crier Ă ,,lâambitieux câest lĂ lâĂ©ternel reproche; ils ,,ne savent dire autre chose. ,,Rapp. Ils ne sont pas les seuls qui vous âaccusent dâambition. ,,NapolĂ©on. Comment... suis-je ambitieux, ,,moi ? Est-on gros comme moi quand on a âde lâambition? Il se frappait avec les deux ,,mains sur le ventre. du gĂ©nĂ©ral iĂźapp. ,,Rapp. Votre majestĂ© plaisante. âNapolĂon. INon jâai voulu que la France âfĂąt ce [uâelle doit ĂȘtre; mais je nâai jamais âĂ©tĂ© ambitieux. Dâailleurs de quoi sâavisent ,,ces gens-la? Il leur convient bien de faire âde lâimportance avec la nation et avec lâar- ,mĂ©e. Est-ce leur courage qui les rend si ,,avantageux ? âRapp. Ils en ont quelquefois montrĂ©, k ,,lâarmĂ©e de CoudĂ© par exemple. ,,NapolĂ©on. Quel est cet ordre que je vous 4 ,aperçois ? ,,Rapp. La LĂ©gion-dâHonneur. ,,NapolĂ©on. Diable! Ils ont eu au moins ,,1âesprit dâen faire une belle dĂ©coration. Et ces âdeux croix-la ? Il les touchait. ,,Rapp. Saint-Louis et le Lis. Il sourit. âNapolĂon. Concevez-vous cette b.... de âBerthier, qui nâa pas voulu rester. Il reviendra; je lui pardonne tout, a une condition ,,cependant câest quâil mettra son habit de garde ,,du corps pour paraĂźtre devant moi. Mais tout âcela est fini. Allons, monsieur le gĂ©nĂ©ral Rapp, âil faut encore une fois servir la France, et nous ânous retirerons dâoii nous sommes. ,,Rapp. Convenez, sire puisque vous avez ,,eu quelquefois la bontĂ© de me permettre de ,,vous parler avec franchise, convenez que vous ,,avez eu tort de ne pas faire la paix a Dresde âtout Ă©tait rĂ©parĂ© si vous lâeussiez conclue. Vous ,,rappelez-vous mes rapports sur lâesprit de lâAl- ,,lemagne? vous les traitiez de pamphlets; vous ,,me faisiez des reproches. âNapolĂon. Je ne pouvais pas faire la paix ,,a Dresde; les alliĂ©s nâĂ©taient pas sincĂšres. Si 284 MĂ©moires ,,dâailleurs chacun eĂ»t fait son devoir au renou- ,,Tellement des hostilitĂ©s, jâĂ©tais encore le mai- âtre du inonde. Jâavais dĂ©jĂ pris de mou cĂŽtĂ© ,,trente-deux mille Autrichiens. âRapp. Il nây a quâun instant que votre âmajestĂ© nâavait pas dâambition, et voici quâil âest encore question de la souverainetĂ© du âmonde. ,,ĂNapoleon . Eh! mais, oui. Dâailleurs, Mar- ,,mont, les sĂ©nateurs... Mon plan Ă©tait combinĂ© âde maniĂšre a ne pas laisser Ă©chapper un seul âalliĂ©. âRapp. Tous ces malheurs sont la consĂ©- ,,quence des revers de Leiptzic vous les eussiez prĂ©venus en acceptant la paix a Dresde. âNapolĂon. Vous ignorez ce quâeĂ»t Ă©tĂ© une ,,paix semblable.â Et sâanimant tout a coup, â Aurais-tu peur, me dit-il avec vivacitĂ©, au- ,,rais-tu peur de recommencer la guerre, toi âqui as Ă©tĂ© quinze ans mon aide-de-camp? âLors de ton retour dâEgypte, a la mort de IJe- âsaix, tu nâĂ©tais quâun soldat, jâai fait de toi âun homme; aujourdâhui tu peux prĂ©tendre âa tout. ,,Rapp. Je nâai jamais laissĂ© passer une occasion de vous en tĂ©moigner ma reconnaissance; ,,et si je vis encore, ce nâest pas ma faute. â] Je nâoublierai jamais ta con- âduite a la retraite de Moscou. Ney et toi, ,,vous ĂȘtes du petit nombre de ceux qui ont ,,lâĂąme fortement trempĂ©e. Dâailleurs a ton ,,siĂšge de Dantzic , tu as fait plus que lâim- ,, possible. â NapolĂ©on me sauta au cou, me serra avec vĂ©hĂ©mence contre lui pendant au moins deux du gĂ©nĂ©ral Rapp. 283 minutes. Il mâembrassa plusieurs fois, et me dit en me tirant la moustache ,,Allons, un brave d'Ăgypte , dâAusterlitx, âne peut mâabandonner. Tu prendras le com- âmandement de lâannĂ©e du Rhin , pendant ,,que je traiterai avec les Prussiens et les Rus- ,,ses. JâespĂšre que dâici a un mois tu recevras ma femme et mon fils a Strasbourg. Je âveux que dĂšs ce soir tu fasses ton service ,,dâaide-de-camp auprĂšs de moi. Ecris au comte âMaison de venir mâembrasser câest un brave âhomme; je veux le voir.' 4 NapolĂ©on raconta une partie de cette conversation Ă quelques personnes de ses alentours. Il leur dit que je lui avais parlĂ© avec trop de libertĂ©, quâil mâavait tirĂ© les oreilles. La fortune lui souriait. Les courtisans accouraient en foule ; câĂ©tait un abandon, un dĂ©vouement! ils bouillaient de xĂšle. Ces protestations nâeurent pourtant pas tout lâeffet quâils sâen Ă©taient promis. Beaucoup furent repoussĂ©s un sourtout, qui sâobstinait a faire accepter ses services, fut durement Ă©cartĂ©. ComblĂ© de faveurs , dâor et de dignitĂ©s , il avait accablĂ© dâoutrages son bienfaiteur malheureux; il fut conspuĂ©, traitĂ© de misĂ©rable. Ces messieurs se targuent aujourdâhui dâune fidĂ©litĂ© a toute Ă©preuve. Ils accusent lâindulgence du roi dans les salons du faubourg Saint- Germain. Ils voudraient voir conduire a lâĂ©chafaud tous ceux qui ont Ă©tĂ© employĂ©s dans les cent jours. Le hasard les a servis, les apparences sont pour eux; a la bonne heure tuais les gĂ©nĂ©raux , les ministres de NapolĂ©- °, les officiers attachĂ©s a sa personne , sa- 286 MĂ©moires vent ce quâils doivent penser de ces stoĂŻciens dâantichambre. TĂŽt ou tard le gouvernement royale sera Ă©clairĂ© il y a de quoi supplĂ©er au livre rouge. NapolĂ©on me fit demander le 29 mars, et mâannonça quâil fallait partir pour lâarmĂ©e du lihin. Il me donna le grand aigle de la LĂ©- gion-d Honneur, quâil m avait destinĂ© aprĂšs le siĂšge de Dantzic. Il me dit quâa\ ant quinze jours mes troupes seraient portĂ©es a quarante mille hommes ij en avais quinze mille au commencement des hostilitĂ©s; je lui observai que câĂ©tait bien peu en comparaison de celles que nous allions avoir sur les bras, que le congrĂšs sa dĂ©claration Ă©tait dĂ©jĂ connue nous menaçait dâun dĂ©luge de soldats. âLa dĂ©claration h âlaquelle vous faites allusion est fausse, rĂ©pli- ,,qua-t-d Ă vec humeur; elle est fabriquĂ©e 'a âPa ris. Au reste, allez. Lecourbe commandera ,,en Franche-ComtĂ©, Suchet dans les Alpes. ,,Clausel sur la Gironde. Nous avons bien des chances. GĂ©rard va a Metz; il vient de me >,tourmenter pour que je lui donne ce Bour- ,,mont, je lui ai accordĂ© a regret; je nâai ja- ,,mais aimĂ© cette figure-la. I ,,Les propositions que jâai faites aux souverains ont Ă©tĂ© froidement accueillies. Cependant tout espoir dâarrangement nâest pas de- âtruit. 11 est possible que lâĂ©nergie avec la- ,,quelle se prononce lâopinion les ramĂšne a ,,des sentiments de paix. Je vais encore faire ,,une tentative. Voici la lettre que je leur ,,Ă©cris du gĂ©nĂ©ral Rapp. 287 âMonsieur mon frĂšre , âVous aurez appris dans le cours du mois âdernier mon retour sur les cĂŽtes de France, âmon entrĂ©e a Paris, et le dĂ©part de la famille âdes Bourbons. La vĂ©ritable uatur de ces Ă©vĂ©- ,,nements do;t maintenant ĂȘtre connue de votre âmajestĂ©. Ils sont lâouvrage d'une irrĂ©sistible ,puissance, l'ouvrage de la volontĂ© âdâune grande nation qui connaĂźt ses devoirs âet ses droits. La dynastie que la tbrce avait ,,rendue au peuple français nâĂ©tait plus faite ,,pour lui les Bourbons nâont voulu sâassocier âni a ses sentiments ni a ses mĆurs; la France âa dĂ» se sĂ©parer dâeux. Sa voix appelait un libĂ©rateur. Lâattente qui mâa\ ait dĂ©cidĂ© au plus ,,grand des sacrilices avait Ă©tĂ© trompĂ©e, je suis âvenu; et du point oĂč jâai touchĂ© le rivage, ,,lâamour de mes peuples mâa portĂ© jusquâau âsein de ma capitale. Le premier besoin de âmon cĆur est de payer tant d affection par le ,,maintien dâune honorable tranquillitĂ©. Le rĂ©tablissement du trĂŽne impĂ©rial Ă©tait nĂ©cessaire au bonheur des Français ma plus douce âpensĂ©e est de le rendre en mĂȘme temps utile âĂ raffermissement du repos de l'Europe. Assez ,,de gloire a illustrĂ© tour a tour les drapeaux âdes diverses nations; les vicissitudes du sort âont assez fait succĂ©der de grands revers a de grands succĂšs. Une plus belle arĂšne est ouverte aujourdâhui aux souverains, et je suis le premier a y descendre. AprĂšs avoir prĂ©sentĂ© au monde le spectacle de grands combats, il sera plus doux de ne connaĂźtre dĂ©sor- mais dâautre rivalitĂ© que celle des avantage* 288 MĂ©moires ,,ile la paix, dâautre lutte que la lutte sainte de ,,la fĂ©licitĂ© des peuples. La France se plaĂźt a ,,proclamer avec franchise ce noble but de tous ,,ses vĆux. Jalouse de son indĂ©pendance, le ,,principe invariable de sa politique sera le ,,respect le plus» absolu pour lâindĂ©pendance ,,des autres nations. Si tels sont, comme jâen ,,ai lâheureuse confiance , les sentiments personnels de votre majestĂ©, le calme gĂ©nĂ©ral ,,est assurĂ© pour long-temps, et la justice, assise aux confins des divers Ă©tats, suffira seule ,,pour en garder les frontiĂšres. ,,Je suis avec empressement, etc.â Mais toutes ouvertures furent inutiles. Il Ă©tait hors des proportions humaines, il assurait la suprĂ©matie de la France câĂ©taient la des griefs que rien ne pouvait balancer; jâen Ă©tais convaincu. Sa perte Ă©tait rĂ©solue. Je partis pour lâAlsace ; lâattitude hostile des cours Ă©trangĂšres y avait excitĂ© une indignation gĂ©nĂ©rale toutes les Ăąmes gĂ©nĂ©reuses, tous ceux qui abhorrent le joug de lâĂ©tranger, se disposaient a repousser cette ligue de rois qui, sous prĂ©texte de combattre un homme , ne cherchaient quâa sâenrichir de nos dĂ©pouilles. Les habitants, de concert et par un mouvement spontanĂ©, sâĂ©taient portĂ©s sur les hauteurs qui dominent les dĂ©filĂ©s, les routes ou passages, et travaillaient Ă y construire des retranchements; les femmes , les enfants mettaient la main a lâĆuvre. On sâĂ©gayait, on sâanimait lâun lâautre en chantant des refrains patriotiques. Il J avait entre tous les citoyens rivalitĂ© de gĂšle et de dĂ©vouement les uns Ă©levaient des redoutes, les autres coulaient des balles , remontaient 289 du gĂ©nĂ©ral Rapp. de vieux fusils, confectionnaient des cartouches. Enfin tous les bras Ă©taient en mouvement; chacun voulait travailler a la dĂ©fense commune. Une scĂšne touchante et digne des temps antiques eut lieuaMuhlhausen lorsque jây arrivai. On donnait un bal, les personnes les plus distinguĂ©es de la ville Ă©taient rĂ©unies; lâassemblĂ©e Ă©tait brillante et nombreuse. Vers la fin de la soirĂ©e on parla de la guerre, de lâinvasion du territoire; chacun communiquait son avis, chacun faisait part de ses espĂ©rances et de ses craintes. Les dames discutaient entre elles, et sâentretenaient des dangers de la patrie. Tout a coup une des plus jeunes propose a ses compagnes de jurer quâelles nâĂ©pouseront que des Français qui aient dĂ©fendu les frontiĂšres. Des cris de joie, des battements de mains accueillent cette proposition. De toutes les parties de la salle on se dirige vers cet essaim de beautĂ©s ; on les environne, on se presse autour dâelles. Je me joignis a la foule , jâapplaudis a la motion gĂ©nĂ©reuse qui avait Ă©tĂ© faite, et jâeus lâhonneur de recevoir le serment que chacune des jeunes patriotes vint prĂȘter entre mes mains. Ce trait rappelle les mariages des Samnites, mais il a peut-ĂȘtre quelque chose de plus admirable encore ce qui Ă©tait une institution chez ces peuples fut parmi nous lâefFet dâune rĂ©solution spontanĂ©e; chez eux le patriotisme Ă©tait dans la loi, chez nous il Ă©tait dans le cĆur des jeunes filles. 19 290 MĂ©moires CHAPITRE XLIV. Tout ce xĂšle cependant ne remplissait pas mes cadres ; le temps courait et les recrues nâarrivaient pas. Les alliĂ©s se concentraient sur la rive gauche, ils pouvaient franchir le fleuve dâun instant a lâautre; ma position devenait critique. Je fis passer mes Ă©tats de situation a lâempereur. 11 ne put cacher sa surprise. âSi ,,peu de monde !... LâAlsace, dont le patriotisme ,,est si ardent!... INâimporte... la victoire enfan- ,,tera les bataillons. Tout nâest pas dĂ©sespĂ©rĂ©/ ,,la guerre a ses chances ; nous en sortirons.â Il mâavait ordonnĂ© quatre jours auparavant de ne pas laisser un seul homme de troupes de ligne .dans les places fortes, dâextraire des dĂ©pĂŽts tout ce qui Ă©tait en Ă©tat de servir, dâinonder, de mettre en Ă©tat les lignes de Weis- sembourg, et dâassurer avec soin mes communications avec Bitche. JâĂ©tais occupĂ© de ces mesures; mais il ne trouvait pas que jâallasse assex vite, il mâĂ©crivit âMonsieur le gĂ©nĂ©ral Rapp, ,,Jâai reçu votre lettre du 12 mai. Je vois, ,,par lâĂ©tat que vous y avex joint, que le 18 e de ,,ligne, qui a deux bataillons a votre armĂ©e, ,.forts de douxe cents hommes, peut vous four- ,,nir un troisiĂšme bataillon de six cents horn- âmes; faites-le partir sur-le-champ de Strasbourg pour venir vous rejoindre. Le 32 e ne 291 dn gĂ©nĂ©ral Rapp. âpeut donner que deux cents hommes de rendort a vos bataillons de guerre, ce qui les ,,portera a douze cents hommes. Le 39 e peut âvous fournir son troisiĂšme bataillon, faites-le âpartir. Le 53 e peut Ă©galement vous fournir ,,son troisiĂšme bataillon. LeĂŽ8 e peutvousfour- ânir deux cents hommes pour complĂ©ter ses âdeux premiers bataillons. Le e peut complĂ©ter ses deux premiers bataillons a douze ,,cents hommes; le 104 e de mĂȘme. Le 7 e lĂ©ger âpeut vous fournir son troisiĂšme bataillon ; de âmĂȘme le 10 e lĂ©ger. Vous pouvez donc avec âun peu dâactivitĂ© renforcer votre infanterie de âquatre mille hommes. Je suis surpris quâil ânây ait pas eu plus dâengagements volontaires ,,dans lâAlsace pour ces rĂ©giments. Le 39 e de ,,ligne se recrute dans le Haut-Rhin ; ce dĂ©partement doit avoir fourni au moins deux mille âvieux soldats, qui, rĂ©partis entre le 39 e , 32 e ,,et '18 e , devaient porter les troisiĂšmes bataillions et mĂȘme les quatriĂšmes au complet. Le â!0 e lĂ©ger, qui se recrute dans la Haute-SaĂŽne, ,,doitrecevoir beaucoup de monde. Le57 e , qui âse recrute dans le Doubs, doit en recevoir .Ă©galement beaucoup. Le 7 e lĂ©ger, le 58 e , et ,,le 104 e , qui se recrutent dans le Bas-Rhin, .devraient ĂȘtre au complet. Faites-moi couinai tre pourquoi tous les hommes que vous âavez a vos dĂ©pĂŽts ne sont pas sur-le-champ âhabillĂ©s, et nâaugmentent pas vos cadres. ,Faites-moi connaĂźtre aussi ce qui est annoncĂ© ces rĂ©giments des diffĂ©rents dĂ©partements. ,,EspĂ©rez-vous quâau 1 er juin vos troisiĂšmes bataillons soient complĂ©tĂ©s, et que chaque rĂ©- âgiment soit a dix-huit cents hommes; ce qui 19 . 292 MĂ©moires ,,ferait sept mille hommes pour chacune de âvos divisions? Ătes-vous content des gĂ©nĂ©raux de division et de brigade que vous avez ? ,,Quelle sera la situation du 2 e de chasseurs, âilu 7 e , et du 19 e de dragons, qui ont tous ,,leur dĂ©pĂŽt dans votre division, au 1 er juin? ,,Ces trois rĂ©giments avaient a leur dĂ©pĂŽt ,,quatre cents hommes et trois cents chevaux ,,ils doivent en avoir reçu depuis. Au I er juin, ,,avec des mesures actives, cette division doit âĂȘtre de quinze cenls chevaux. La troisiĂšme âdivision a Ă©galement tous ses dĂ©pĂŽts dans âvotre arrondissement elle a douze cents ,,hommes a son dĂ©pĂŽt; elle devra donc vous ,,fournir deux mille chevaux. â Paris, le i4 mai Je rĂ©pondis sur-le-champ aux questions quâil mâadressait; je lui exposai lâĂ©tat dĂ©plora ble dans lequel la troupe Ă©tait tombĂ©e les armes, la monture, lâhabillement, il fallait tout remettre a neuf. Je ne pouvais pas avoir au-delĂ de vingt-deux mille hommes disponibles au 1 er juin. Le tableau nâĂ©tait pas brillant; mais lâempereur faisait un si admirable emploi de ses ressources, quâon ne devait jamais dĂ©sespĂ©rer. Il mit de nouveaux fonds Ă ma disposition ; il stimulait mon zĂšle, mâengageait Ă ne rien nĂ©gliger pour accroĂźtre mes forces et a reconnaĂźtre tous les dĂ©iilĂ©s. Sa dĂ©pĂȘche mĂ©rite d ĂȘtre connue. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 293 âMonsieur le comte Rapp, âJe reçois votre lettre du 18 mai. J'ai accordĂ© treize millions pour lâhabillement dans ,,la distribution de mai. Des ordonnances pour ,,des sommes considĂ©rables ont Ă©tĂ© envoyĂ©es a -chaque corps de votre armĂ©e assurez-vous ,,quâelles soient soldĂ©es. Je ne puis pas mâac- -coutumer a lâidĂ©e que vous ne puissiez avoir -de disponible au 1 er juin que vingt-deux mille ,,deux cents hommes, quand la force des dĂ©pĂŽts -est de quatre mille hommes. Appelez a vous ,,le troisiĂšme bataillon du 18 e , le troisiĂšme du â59 e , le troisiĂšme du 57 e , le troisiĂšme du 7 e ,,lĂ©ger, le quatriĂšme du 10 e lĂ©ger; ce qui âvous formera un rĂ©giment a quatre bataillons, ,,quatre a trois bataillons, et quatre a deux âbataillons, ou vingt-quatre bataillons. Poussez ,,1âhabillement ; lâargent est en expĂ©dition, et âne manquera pas. La situation que vous ,,mâavez envoyĂ©e de votre cavalerie nâest pas ,,bien faite. Comment le ti e de cuirassiers nâa-1- ,,il que ses troisiĂšme et quatriĂšme escadrons ,,au dĂ©pĂŽt? Quâest donc devenu son cinquiĂšme ,,escadron? MĂȘme observation pour le 19 e de ,,dragons. Vous avez mille sept cent quatre-vingt-sept hommes, et seulement quatre cent -vingt-sept chevaux; mais vous ne me faites -pas connaĂźtre combien dâhommes il y a en -dĂ©tachement pour prendre les chevaux des -gendarmes, combien il y en a en remonte au -dĂ©pĂŽt de Versailles, combien le rĂ©giment -doit recevoir de chevaux par suite des marchĂ©s -quâil a passĂ©s, combien les dĂ©partements -doivent en fournir. Si vous y mettez lâactivitĂ© 294 MĂ©moires ^convenable, vous devez sur ces dix-sept cents âhommes en avoir bientĂŽt quinze a seize cents ,,montĂ©s, qui, joints a ceux qui composent ,,aujourdâhui les escadrons, porteront votre âcavalerie a prĂšs de quatre mille hommes. Vous ,,voyez cela trop lĂ©gĂšrement; levez les obstacles par vous-mĂȘme; voyez les dĂ©pĂŽts, et âaugmentez votre armĂ©e. Montez un espionnage ,,pour savoir ce qui se passe au-dela du Rhin, âet principalement a Mayence, aThionville; ,,et connaissez bien tous les dĂ©bouchĂ©s des âVosges. âNapoi,Ă©ok. u âParis, 1 20 mai i8iĂą.â du gĂ©nĂ©ral /la//. 295 CHAPITRE XLV. Jâallai occuper les lignes de la Lauter. Vingt- trois ans auparavant nous les avions dĂ©fendues ; mais alors elles Ă©taient en bon Ă©tat, la rive gauche du fleuve Ă©tait gardĂ©e ; nous avions quatre-vingt mille combattants, un corps de rĂ©serve, et l'armĂ©e du Haut-Rhin nous soutenait. Rien de tout cela nâexistait plus. Les lignes nâoffraient que des ruines les digues et les Ă©cluses qui en faissaient la principale force Ă©taient presque entiĂšrement dĂ©truites, et les places qui les appuyaient nâĂ©taient ni armĂ©es ni mĂȘme Ă lâabri dâun coup de main. Nous comptions a peine quinze mille hommes dâinfanterie rĂ©partis en trois divisions, aux ordres des gĂ©nĂ©raux Rottembourg, Albert et Grand- jean. Deux mille chevaux commandĂ©s par le comte Merlin composaient toute notre cavalerie. De Weissenbourg jusquâĂ Huningue dâune part, et jusquâĂ la Belgique de lâautre, la frontiĂšre Ă©tait complĂštement dĂ©garnie. Dans cet Ă©tat de choses, Germersheim devenait une position importante ; dĂ©fendue par une garnison considĂ©rable et vingt - quatre bouches Ă feu, elle ne pouvait ĂȘtre emportĂ©e que de vive force. Je ne dĂ©sespĂ©rai pas du succĂšs , et je fis, dĂšs que la nouvelle des hostilitĂ©s me fut parvenue, une reconnaissance gĂ©nĂ©rale, dans laquelle je mâemparai dâHann , dâAnweiller, et de tous les villages de la Queich. Le chef dâescadron 296 MĂ©moires Tui'ckheim enleva au galop celui de Gottenstein et les postes bavarois qui lâoccupaient. Le 21 au milieu de la nuit, toutes les dispo- 1 sitions Ă©taient faites, et dĂ©jĂ les colonnes dâattaque se mettaient en marche, lorsquâon annonça le dĂ©sastre de Waterloo. Elles furent aussitĂŽt rappelĂ©es. Je sentais bien que lâen- i nemi ne tarderait pas a franchir le fleuve; je me hĂątai de prendre les mesures administratives que les circonstances exigeaient, et de mettre en Ă©tat de dĂ©fense les places qui Ă©taient sous mon commandement. Je jetai un bataillon de ligne dans Landau, oĂč je fis entrer les caisses du pays. Mais dĂ©jĂ , comme je lâavais prĂ©vu, les troupes de la coalition avaient passĂ© le Rhin a Oppenheim et a Germersheim, et sâĂ©taient partout rĂ©pandues ; nos soldats furent * obligĂ©s dâen venir aux mains pour arriver Ă . leur destination. Nous nous retirĂąmes derriĂšre la Lauter; et le bruit de lâinvasion du Haut- Rhin par la grande armĂ©e sous la conduite de Schwartzenberg mâĂ©tant parvenu au mĂȘme instant, je fis partir en poste deux bataillons pour renforcer les garnisons de Neuf-Brisach et de Schelestadt. Les Russes, les Autrichiens, les Bavarois, les Wurtembergeois, les Badois, et une foule dâautres nations, rĂ©unis aumombre de plus de soixante mille hommes, sous les ordres du prince royal aujourdâhui roi de Wurtemberg, dĂ©bordĂšrent aussitĂŽt le faible corps que jâavais sous mes ordres. Jâavais dâabord eu le dessein de dĂ©fendre lâAlsace pied Ăą pied, en me repliant vers les Vosges, la Meurthe, la Moselle et la Marne 297 du gĂ©nĂ©ral Rapp. mais jâappris que lâarmĂ©e de la Moselle, qui mâappuyait par sa gauche , sâĂ©tait dirigĂ©e vers le nord; que des colonnes ennemies occupaient dĂ©jĂ Sarrebruck et inondaient la Lorraine-ce mouvement'nâĂ©tait donc plus possible. Dâun autre cĂŽtĂ©, une dĂ©cision prĂ©cipitĂ©, dans les circonstances aussi imprĂ©vues, pouvait avoir les plus graves consĂ©quences. Je temporisai, dans lâespĂ©rance de recev oir des ordres pour rĂ©gler mes mouvements. Mais, depuis la dĂ©pĂȘche qui me donna connaissance de nos revers, je nâen reçus aucune jusquâĂ la rentrĂ©e de Louis XVIII dans la capitale. Dans la soirĂ©e du 24, la cavalerie wurtem- bergeoise attaqua mes avant-postes ; les 7 e chasseurs et 11 e drogons prirent les armes, fondirent sur les assaillants, et les taillĂšrent en piĂšces. Le lendemain, lâarmĂ©e continua son mouvement de concentration. Je mâĂ©tablis en avant de la forĂȘt de Haguenau, la droite a Sel ta, le centre a Surbourg, et la gauche a cheval sur la route de Bitche, que lâennemi avait dĂ©jĂ investie. Cette position nâĂ©tait que provisoire elle Ă©tait trop Ă©tendue ; je ne lâavais prise que pour ne pas me porter tout Ă coup en arriĂšre de la ville , et laisser pĂ©nĂ©trer les alliĂ©s entre cette place et Saverne , que le lieutenant-gĂ©nĂ©ral Desbureaux occupait avec un bataillon de ligne, des partisans et quelques lanciers. Le gĂ©nĂ©ral Rottembourg Ă©tait chargĂ© de surveiller le Rhin en arriĂšre et sur la droite. Je nâavais pu lui laisser quâune brigade, que jâavais portĂ©e Ă Selta; encore fus-je obligĂ© de 298 MĂ©moires retirer le 40 Ăš au moment oĂč les Autrichiens paraissaient. Il ne lui resta que lĂ© 39 e , dont le deuxiĂšme bataillon formait les avant-postes et la reserve. Le 1 er , une compagnie de sapeurs et huit piĂšces de canon composaient le corps de bataille pour une ligne de plus dâune demi-lieu dâĂ©tendue. La positin, sans ĂȘtre mauvaise par elle-mĂȘme, nâavait rien de rassurant. La petite ville de Seltx, appuyĂ©e au Rhin, est situĂ©e sur les deux rives de la Seltxbach. Cette riviĂšre est assex bien encaissĂ©e sur une Ă©tendue dâenviron deux cents toises ; mais plus loin elle est partout guĂ©able, et les bois qui la bordent en favorisent encore le passage. Dâun autre cĂŽte, je craignais un dĂ©barquement, que lâennemi pouvait facilement effectuer en arriĂšre de la droite, et auquel je nâeusse pu mâopposer que faiblement, attendu que toute lâattention devait se porter sur le front, qui, comme je lâai dit, sâĂ©tendait fort loin. Dans cette alternative, le gĂ©nĂ©ral Rottem- bourg se dĂ©cida a ne faire observer le Rhin que par des patrouilles, et envoya une compagnie pour garder les guĂ©s , depuis le moulin de Seltz .jusquâĂ INideradern. Il plaça son artillerie sur une petite Ă©minence de la rive droite, a gauche de la ville, et ce qui lui restait de soldats se porta en avant pour soutenir le deuxiĂšme bataillon, qui occupait les avant-postes et le bois. A onxe heures, lâennemi ayant rĂ©uni ses masses , commença l'attaque par un feu de mousqueterie bien nourri, quâil appuya avec huit piĂšces de canon. La rĂ©sistance des nĂŽtres fut opiniĂątre, et pendant long-temps il ne put 299 du gĂ©nĂ©rai liapp. la vaincre; mais a la lin cette petite avant-garde fut contrainte de se replier dans le bois. Elle sây maintint avec un courage hĂ©roĂŻque, et rĂ©sista long-temps aux elforts de huit a neuf mille hommes , que soutenait une artillerie nombreuse. Enlin, aprĂšs quelques heures de la plus belle rĂ©sistance, cette poignĂ©e de braves se retira dans le plus grand ordre,.et vint se rĂ©unir au premier bataillon. Enhardi par ce succĂšs, lâennemi lit descendre ses masses. Il dĂ©boucha par la grande route, se dirigea sur Seltz, dont il croyait sâemparer sans diflicultĂ©. Nous le laissĂąmes arriver sous le feu de nos batteries ; dĂšs quâelles purent jouer, une dĂ©charge Ă©pouvantable porta la mort dans ses rangs. RassurĂ© par le nombre, il continua nĂ©anmoins dâavancer, et le combat se rĂ©tablit avec plus de vigueur quâauparavant. Mais, toujours contenus par la valeur de nos soldats, et foudroyĂ©s par lâartillerie française, les Autrichiens Unirent par cĂ©der, et se retirĂšrent en dĂ©sordre dans le bois. Leurs mouvements dĂšs lors devinrent incertains, et ils hĂ©sitĂšrent longtemps sur ce quâils avaient a faire. Nos piĂšces' continuaient de porter la mort au milieu de leurs colonnes. Lâattaque nâĂ©tait pas plus pĂ©rilleuse que lâinaction ; ils marchĂšrent en avant, et parvinrent a sâemparer de la partie de la ville situĂ©e sur la rive gauche. Niais ce triomphe leur corita cher. Quelques obus lancĂ©s sur les maisons dont il Ă©taient maĂźtres les contraignirent a les quitter, et a regagner prĂ©cipitamment leur premier asile; nos batteries redoublĂšrent leur feu, et firent essuyer aux fuyards une perte immense. 300 MĂ©moires Cette attaque ne fut pas la seule dans laquelle ils Ă©chouĂšrent. DĂšs le commencement de lâaction, ils sâĂ©taient avancĂ©s, par la grande route de Weissembourg a Haguenau, sur Surbourg, quâoccupait un bataillon du 18 e , commandĂ© par le colonel Yoyrol. Ce village fut vaillamment dĂ©fendu pendant plus de deux heures lâennemi ne put y pĂ©nĂ©trer; mais il dĂ©ploya enfin des forces si considĂ©rables , que, dans la crainte de voir tourner la position, le gĂ©nĂ©ral Albert la fit Ă©vacuer. Nos soldats se. repliĂšrent derriĂšre la SaarĂ©, oĂč ils se rĂ©unirent au reste du rĂ©giment. Assaillis en cet endroit par lâĂ©lite de lâarmĂ©e autrichienne, ils restĂšrent inĂ©branlable. LassĂ©s de tant dâattaques infructueuses , convaincus quâils ne parviendraient pas a forcer des hommes qui paraissaient dĂ©cidĂ©s a mourir h leur poste, ni a sâemparer des avenues de la forĂȘt , alliĂ©s se dĂ©cidĂšrent enfin a la retraite. Nous avions trois cents hommes tuĂ©s ou blessĂ©s les Autrichiens, de leur propre aveu, en avaient perdu deux mille et avaient eu deux piĂšces de canon dĂ©montĂ©es. Nos troupes avaient a peine pris quelques heures de repos, lorsque je fus obligĂ© de les remettre en marche. LâarmĂ©e alliĂ©e du Haut- Rhin sâavançait sur Strasbourg; cette nouvelle mâĂ©tait parvenue pendant lâaction. Je nâavais pas un instant a perdre. Je me dirigeai sans dĂ©lai sur cette place, et lâĂ©vĂ©nement a fait voir si cette mesure Ă©tait juste. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 301 CHAPITRE XLVI. Ce fut pendant cette retraite que les soldats apprirent le dĂ©sastre de Waterloo et lâabdication de lâempereur, que, jusquâĂ ce moment, je leur avais soigneusement cachĂ©s. Ces Ă©vĂ©nements produisirent un dĂ©couragement universel, et la dĂ©sertion se mit bientĂŽt parmi eux. Les moins emportĂ©s roulaient dans leurs tĂȘtes des projets funestes. ExcitĂ©s par la malveillance, les uns voulaient se rendre dans leurs foyers , les autres proposaient de se jeter en partisans dans les Vosges. Je fus aussitĂŽt informĂ© de ces dispositions. Jâenvisageai de suite les terribles consĂ©quences quâelles pouvaient avoir. Je publiai un ordre du jour; il rĂ©ussit, les esprits se calmĂšrent; mais l inquiĂ©tude ne tarda pas a se rĂ©veiller. ArrivĂ© a Haguenau, le *** rĂ©giment, autrefois si fameux, annonça hautement le dessein de quitter lâarmĂ©e et de se rendre avec son artillerie dans les montagnes. DĂ©jalespiĂšces Ă©taient attelĂ©es et un bataillon avait pris les armes. Je fus averti; jâaccourus, je pris a la main lâaigle de ces rebelles; et me plaçant au milieu dâeux, âSoldats, leur dis-je, jâapprends quâil est question,- parmi vous, de nous abandonner. Dans ,,une heure nous allons nous battre; voulex- âvous que les Autrichiens pensent que vous âavez fui le champ dâhonneur? Que les braves >, jurent de ne quitter ni leurs aigles ni leurgĂ©- i,nĂ©ral en chef. Je permets aux lĂąches de sâeu MĂ©moires âą'02 ,,aller.â A ces mots , tons sâĂ©crient ,,Vive ,,Rapp ! vive notre gĂ©nĂ©ral !â Tous font le serment de mourir sous leurs drapeaux, et le calme est rĂ©tabli. Nous nous mimes aussitĂŽt en marche , et nous nous portĂąmes sur la Souffel , a deux lieues en avant de Strasbourg. La quinziĂšme division avait sa droite a la riviĂšre dâill, son centre a Hoenheim, sa gauche a Souffelvveyers- heim, et sâĂ©tendait jusquâĂ la route deBrumpt la seiziĂšme occupait Lampertheim , Mundols- heim , les trois villages de Hausbergen , et appuyait sa gauche a la route de Saverne ; enfin la dix-septiĂšme Ă©tait en colonnes sur celle de Molsheim, avec deux rĂ©giments de cavalerie ; deux autres Ă©taient placĂ©s en arriĂšre de la quinziĂšme division a Bischheim. Telle Ă©tait la position de nos troupes le 28 au matin, lorsque lâennemi se jeta avec impĂ©tuositĂ© sur le village de Lampertheim , occupĂ© par un bataillon du 10 e , sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Beurmann. Ce bataillon seul soutint long-temps les efforts de huit mille hommes dâinfanterie et le feu continu de six piĂšces de canon. NĂ©anmoins, comme le nombre des assaillants augmentait sans cesse, il se retira derriĂšre la riviĂšre, et vint, conformĂ©ment a ses ordres, sâĂ©tablira Mundolsheim. Des colonnes ennemies, fortes de quarante a cinquante mille hommes, sâavancĂšrent aussitĂŽt par les routes de Brumpt et de Bisclnveil- ler. Toutes ces dispositions , et les masses de cavalerie qui couvraient la premiĂšre de ces routes, annonçaient le projet de sĂ©parer les divisions des gĂ©nĂ©raux Rottembourg et Albert, 303 du gĂ©nĂ©ral Rapp. afin dâaccabler celle-ci. Je ne me mĂ©pris pas sur les le dessein des alliĂ©s mais je ne pouvais rĂ©unir mes troupes , dĂ©ployĂ©s dans une plaine immense et dĂ©jĂ engagĂ©es sur toute la ligne. 11 ne me restait quâun parti; je le pris sur-le-champ heureusement câĂ©tait le plus funeste pour lâennemi. Je serre en colonnes le 10 e rĂ©giment, au milieu du feu; je fais avancer le ĂŽ2 e , et je lâĂ©chelonne aprĂšs lâavoir formĂ© en carrĂ©. Le reste de la di\ ision Albert reste en rĂ©serve h la hauteur de Hiderhausbergen. Tout en dĂ©fendant le terrain pied a pied, le gĂ©nĂ©ral Rottembourg fit un changement de front, lâaile gauche en arriĂšre, et vint couvrir les villages de Hoenheim, Bischeim et Schit- tigheim, en menaçant le flanc des troupes I qui sâengageaient entre ces deux divisions. CâĂ©taient ses instructions. Le 103 e fut placĂ© sur la route de Brumpt, et le 3j e sortit de SoufFelweyersheim pour lâappuyer; mais a peine Ă©tait- il en marche que les alliĂ©s attaquent le village. Jâenvoie aussitĂŽtune compagnie pour dĂ©fendre cette importante position. Nos soldats sây portent a la course, mais lâennemi sâen empare ar mit qu'ils puissent arriver. Le capitaine Chauvin soutient avec une rare bravoure le feu dâune nuĂ©e de tirailleurs, et donne au gĂ©nĂ©ral Fririon le temps dâaccourir. Celui-ci laisse un bataillon et quatre piĂšces de canon pour couvrir la route, et 1 sâavance au pas de charge avec le reste de ses forces. Le gĂ©nĂ©ral Gudin seconde ce mouvement, et manĆuvre sur celle de Bischweiller les Autrichiens cĂšdent et se retirent ; mais les renforts quâils reçoivent a chaque instant ne 304 MĂ©moires laissent a nos troupes aucun espoir de se maintenir. Dâun autre cĂŽtĂ©, les assaillants avaient dĂ©bordĂ© le 10 e , et le moment Ă©tait venu dâexĂ©cuter le mouvement que jâavais prescrit. En consĂ©quence, la seizsime division replia son aile gauche perpendiculairement en arriĂšre, et en conservant la tĂȘte de Hoenheim, dâoĂč notre artillerie foudroyait lâennemi en flanc et a revers. En mĂȘme temps, le brave gĂ©nĂ©ral Beurmann , attaquĂ© de toutes parts et dĂ©jĂ enveloppĂ© , sortait de Mundolsheim a la tĂȘte du 10 e , et faisait retraite en bon ordre sur la division. Les Autrichiens, de leur cĂŽtĂ©, se portaient sur la route de Brumpt avec des masses Ă©normes de cavalerie et dâinfanterie, soutenues pay une artillerie formidable. Ils sâengagĂšrent entre les deux divisions , et arrivĂšrent sans obstacle sur quatre bouches a feu qui nâavaient cessĂ© de mitrailler leurs colonnes. Elles furent enlevĂ©es mais lâennemi prĂȘta le flanc aux troupes du gĂ©nĂ©ral Rottembourg, et a deux rĂ©giments de cavalexâie qui se trouvaient sur son front, Je profitai de cette circonstance , je me mis a la tĂȘte du 11 e de dragons et du 7 e de chasseurs a cheval. Je me prĂ©cipitai en avant, je renversai la premiĂšre ligne, pĂ©nĂ©trai dans la seconde, culbutai tout ce qui opposa de la rĂ©sistance. INous fĂźmes une boucherie affreuse de la cavalerie autrichienne et wurtembergeoise. > En mĂȘme temps le 32 e de ligne arrive au pas l de charge, en colonnes serrĂ©es, et lâempĂȘche de se rallier. Elle se renverse sur sa propre infanterie et la met en fuite. De son cĂŽtĂ© le gĂ©nĂ©ral Rottembourg porte sa 305 du gĂ©nĂ©ral Rapp. sa droite en avant, et fond sur l'ennemi, qui dĂ©file en dĂ©sordre devant ses colonnes, le feu le plus meurtrier dâartillerie et de mousquete- rie, en un instant le champ de bataille est couvert de morts, et lâimmense armĂ©e du prince de Wurtemberg mise en dĂ©route. Elle fut telle que des bagages qui se trouvaient a deux lieues en arriĂšre furent culbutĂ©s, pillĂ©s, et que le prince lui-mĂȘme perdit ses Ă©quipages. Le dĂ©sordre sâĂ©tendit jusquâĂ Haguenau, et aurait Ă©tĂ© plus loin, si 50,030 Russes, arrivĂ©s de Weis- sembourg, nâeussent par leur prĂ©sence lâassurĂ© les fuyards. La nuit qui survint, et le danger quâil y aurait eu a sâaventurer devant des forces aussi supĂ©rieures , nous empĂȘchĂšrent de profiter de nos avantages. Nous ne pĂ»mes reprendre notre artillerie; l'ennemi sâĂ©tait hĂątĂ© de la faire passer sur ses derriĂšres. Elle lui coĂ»tait assez cher pour quâil tint a la conserver. Il avait quinze cents Ăą deux mille morts et un nombre de blessĂ©s encore plus considĂ©rable. De notre cĂŽtĂ©, nous eĂ»mes environ sept cents hommes hors de combat. De ce nombre Ă©taient les deux capitaines dâartillerie lĂ©gĂšre Favier et Dandlau, blessĂ©s lâun et lâautre en dĂ©fendant leurs piĂšces, et le colonel Montagnier, qui rendit de si grands services en cette occasion. Le gĂ©nĂ©ral ennemi se vengea de sa dĂ©faite par des dĂ©gĂąts. Il incendia, le lendemain de la bataille, le village de SoufFelweyersheim, sous prĂ©texte que les paysans avaient tirĂ© sur ses troupes. Le fait nâest pas vrai, et le nom, du prince de Wurtemberg reste a jamais souillĂ© 306 MĂ©moires dâune action qui a plongĂ© une foule de familles dans la misĂšre. Soit que la vigueur avec laquelle nous avions repoussĂ© toutes ses attaques lâeĂ»t dĂ©goĂ»tĂ© dâen faire de nouvelles , soit tout autre motif, il resta quelques jours sans rien entreprendre. Je profitai de ce repos pour approvisionner Strasbourg et me fortifier dans mes positions. Jâeus le temps aussi de donner a tous les commandants de place qui Ă©taient sous mes ordres les instructions les plus prĂ©cises. Cependant lâarmĂ©e alliĂ©e augmentait sans cesse, de nouveaux corps venaient la grossir tous les jours bientĂŽt soixante-dix mille hommes se dĂ©ployĂšrent devant nous, et vinrent nous presser de toutes parts. Les parlementaires se succĂ©daient lâun a lâautre, et sans avoir aucun but marquĂ©. Je fis proposer au gĂ©nĂ©ral ennemi une suspension dâarmes, pendant laquelle je pourrais envoyer un officier a Paris, et recevoir des ordres du gouvernement. Le prince de Wurtemberg refusa, sans renoncer nĂ©anmoins au systĂšme de communication quâil avait adoptĂ©. Ce fut a peu prĂšs a cette Ă©poque quâil fit venir devant lui le pasteur de Wendenheim, homme respectable et excellent patriote. âCon- ânaissez-vous , lui dit-il, le gĂ©nĂ©ral Rajip ? â ,,Oui, monseigneur. â Vous chargeriez-vous ,,dâune mission auprĂšs de lui ? â AssurĂ©ment, ,,si elle nâavait rien de contraire aux intĂ©rĂȘts ,,de mon pays. -â Eh bien, allez lui dire que ,,sâil veut me livrer Strasbourg pour le roi de ,,France, il verra pleuvoir sur lui les biens et ,,les honneurs. â Monseigneur, le gĂ©nĂ©ral Rapp 307 du gĂ©nĂ©ral Rapp. âest Alsacien, et par consĂ©quent bon Français; âjamais il ne consentira a dĂ©shonorer sa carriĂšre âmilitaire. En consĂ©quence, je prie votre al- ,,tesse de charger un autre que moi de ce mesusage.â A ces mots, le vĂ©nĂ©rable pasteur sâincline et disparaĂźt, laissant le prince Ă©tonnĂ© et confondu dâavoir proposĂ© inutilement une bassesse. NĂ©anmoins son altesse ne se rebuta pas. Le 3 juillet, elle mâenvoya le gĂ©nĂ©ral Vacquant, en qualitĂ© de parlementaire, pour me demander, au nom du roi de France, la remise de la place de Strasbourg. Afin dâinspirer plus de confiance, lâofficier autrichien portait un Ă©norme ruban blanc et la dĂ©coration du lis. Je lui demandai sâil venait de la part du roi, il rĂ©pondit que non. ,,Eh bien, lui dis-je, je ne rendrai ,,la place que lorsque mes soldats auront mangĂ© .âdes cuisses autrichiennes, comme ceux que ,,jâavais a Dantzic en ont mangĂ© de russes.â ImportunĂ© des communications insignifiantes que me faisait passer chaque jour le commandant des alliĂ©s, je cherchai a pĂ©nĂ©trer ses motifs. Dans cette vue, une reconnaissance gĂ©nĂ©rale fut exĂ©cutĂ©e le 6' sur les positions autrichiennes. Nos soldats enlevĂšrent quelques postes de cavalerie, en taillĂšrent dâautres en piĂšces, et rentrĂšrent au camp aprĂšs avoir fait prendre les armes a toute lâarmĂ©e ennemie. Une forte canonnade sâĂ©tant fait entendre deux jours aprĂšs du cĂŽtĂ© de Phalsbourg, je rĂ©solus de faire une seconde pointe, tant pour mâassurer au juste des forces que jâavais devant moi, que pour empĂȘcher le prince de Wurtemberg de dĂ©tacher des troupes contre cette 20 . 308 MĂ©moires. place. La division Albert et la cavalerie marchĂšrent contre le camp retranchĂ© que les Autrichiens avaient assis , depuis la forte position d'Oberhausbergen jusquâĂ Hiderhausbergen. Lâattaque commença Ă trois heures du matin, elle fut impĂ©tueuse et couronnĂ©e du plus grand succĂšs. La cavalerie ennemie fut culbutĂ©e et mise en fuite par la brigade du gĂ©nĂ©ral Grou- vel ; les principaux villages furent pris a la " baĂŻonnette, et les retranchements emportĂ©s. Plusiurs officiers furent faits prisonniers dans leurs lits, dâautres au moment oĂč ils couraient aux armes. Des gĂ©nĂ©raux sâĂ©chappĂšrent en chemise, et ne durent leur salut quâaux tĂ©nĂšbres qui les protĂ©geaient. Le 10 e dâinfanterie lĂ©gĂšre, commandĂ© par le brave Colonel CrettĂ©, dĂ©ploya dans cette affaire la mĂȘme valeur quâa la bataille du 28. Le 18 e sous les ordres du colonel Yoyrol, lâun des officiers les plus intrĂ©pides de lâannĂ©e française, se renditrnaitre du village de Mittelhaus- bergen , oĂč il se maintint long-temps contre des forces supĂ©rieures et des attaques non interrompues sur tous les points. Le signal de la retraite ayant Ă©tĂ© donnĂ©, le gĂ©nĂ©ral Albert fit Ă©chelonner le 57 e vers lâattaque de droite, et le 32 e vers celle de gauche. ĂNous nous repliĂąmes dans le plus grand ordre. I/ennemi voulut nous troubler, il fondit sur nos troupes. Le 57 e le reçut sans sâĂ©branler, et fit une dĂ©charge a bout portant qui dĂ©sorganisa ses colonnes; deux fois la cavalerie alliĂ©e revint a la charge, deux fois elle fut repoussĂ©e avec perte. Le gĂ©nĂ©ral Laroche, qui la conduisait, fut atteint et tomba sous les pieds des 309 du gĂ©nĂ©ral Rapp. chevaux; il eĂ»t pĂ©ri si les Français ne fussent venus k son secours. ,,Amis, sâĂ©crie-t-il, jâai ,,servi autrefois dans vos rangs, sauvez-moi.â Il fut aussitĂŽt relevĂ© et rendu aux siens. Un gros de cuirassiers faillit surprendre le 18 e dans son mouvement rĂ©trograde ; mais le chef de lâĂ©tat-major-gĂ©nĂ©ral, le colonel Schneider, lui ayant habilement opposĂ© un bataillon quâil avait sous la main , rompit son choc et sauva le rĂ©giment dâune dĂ©faite inĂ©vitable. Les alliĂ©s, convaincus quâils ne parviendraient pas a nous entamer, nous laissĂšrent paisiblement continuer notre marche. Nos troupes rentrĂšrent au camp aprĂšs avoir acquis la certitude de lâimmense supĂ©rioritĂ© des forces quâelles avaient a combattre. De part et dâautre on prit des cantonnements. Une convention militaire fut conclue peu de jours aprĂšs, et les hostilitĂ©s cessĂšrent dans toute lâAlsace. 310 MĂ©moires CHAPITRE XLVII. LâoisivetĂ© engendra bientĂŽt la sĂ©dition. Dâautres armĂ©es, dâautres corps, que nâĂ©garait aucune combinaison politique, avaient foulĂ© aux pieds la discipline militaire. Est-il Ă©trange quâau milieu de reifervescence gĂ©nĂ©rale mes soldats se soient un instant oubliĂ©s? Cet Ă©pisode est pĂ©nible. Je ne dois ni lâĂ©crire ni le taire. Je puis bien supporter le blĂąme quâont encouru Joubert, MassĂ©na, et tant dâautres gĂ©nĂ©raux que je nâai pas la prĂ©tention dâĂ©galer. Voici en quels termes un anonyme a rendu compte de cet acte dâindiscipline. Il nâa pas voulu tout dire, mais il sâagit de moi je dois imiter sa rĂ©serve. Je souscris du reste au jugement quâil a portĂ©. ,,Les Autrichiens, dĂ©sespĂ©rant de se rendre maĂźtres de Strasbourg par la force des armes, cherchĂšrent a se mĂ©nager des intelligences dans cette ville. Ils y rĂ©ussirent dâautant mieux quâils employĂšrent avec sagacitĂ© les deux moyens qui agissent le plus puissamment sur le cĆur de lâhomme, lâor et la frayeur. Ils sĂ©duisirent les uns par lâappĂąt des richesses, ils en subjuguĂšrent dâautres en leur faisant craindre les vengeances du gouvernement. Lorsquâils se furent de la sorte assurĂ©s de tous ceux quâils jugĂšrent susceptibles dâĂȘtre Ă©garĂ©s , ils se hĂątĂšrent dâexĂ©cuter leurs perfides desseins. ,,BĂšs lâouverture de la campagne, nos sol- 311 du general Ilapp. dats se trouvaient dans une Ă©tat dâirritation bien propre a seconder les vues secrĂštes de l'ennemi ils connaissaient l'afFreuse journĂ©e de Waterloo, ils en savaient tous les dĂ©tails; mais ils avaient trojĂŻ de confiance dans lâhabiletĂ© de,cette homme fameux avec lequel ils avaient cinq fois triomphĂ© de lâEurope entiĂšre, ils lâavaient vu trop souvent ressaisir par des inspirations soudaines la victoire qui lui Ă©chappait, pour croire que son gĂ©nie militaire lâeut tout a coup abandonnĂ© ; ils songeaient perpĂ©tuellement a ce dĂ©sastre, et ils ne pouvaient y songer sans frĂ©mir. PersuadĂ©s quâils Ă©taient que nos troupes Ă©taient toujours les mĂȘmes, et quâelles avaient affaire aux mĂȘmes ennemis, une telle dĂ©faite leur parraissait inconcevable. INâen connaissant pas les vĂ©ritables causes, ils, accusaient les traĂźtres de tous nos malheurs des traĂźtres avaient livrĂ© nos plans, des traĂźtres avaient commandĂ© de fausses manĆuvres, des traĂźtres avaient criĂ© sauve qui peut ; il y en avait parmi les gĂ©nĂ©raux, parmi les officiers, parmi 1 les soldats qui sait mĂȘme sâil nâen existait que dans lâannĂ©e du nord? qui sait si le corps dont ils faisaient partie, si leur rĂ©giment, si leur compagnie, nâen Ă©taient pas infectĂ©s? Pouvaient-ils compter sur leur chefs, sur leurs camarades ? Tou t le monde Ă©tait suspect, il fallait se dĂ©fier de tout le monde. ,,Tels Ă©taient les discours qui Ă©chappaient a la colĂšre, que la malveillance accueillait, amplifiait, envenimait, et que chaque soldat finit par rĂ©pĂ©ter et par croire. BientĂŽt on expliqua tout par cette idĂ©e. AccoutumĂ© a tenir la campagne , on sâĂ©tait vu avec douleur contraint de 312 MĂ©moires se retirer devant un ennemi, quâon mĂ©prisait. Il eĂ»t Ă©tĂ© natuiâel dâattribuer ses progrĂšs a son immense supĂ©rioritĂ© numĂ©rique on aima mieux les expliquer autrement ; les chefs Ă©taient dâintelligence avec les Autrichiens. Plusieurs circonstances aussi fatales quâinĂ©vitables vinrent donner a cette opinion une sorte de vraisemblance aux yeux des soldats pi'Ă©venus. Ce fut dâabord lâordre que reçut le comte Rapp de licencier lâarmĂ©e, et de renvoyer chaque homme isolĂ©ment, sans argent et sans armes. Ce fut ensuite une injonction qui lui fut faite par le gouvernement de livrer Ă des commissaires russes dix mille fusils tirĂ©s de lâarsenal de Strasbourg. Ces deux dĂ©pĂȘches lâobligĂšrent dâentrer en correspondance avec les alliĂ©s. Les frĂ©quents Ă©changes de couriers qui eurent lieu a cette occasion produisirent un mauvais effet sur les esprits. Le mystĂšre dont le gĂ©nĂ©ral fut obligĂ© de sâenvelopper pour cacher aux troupes le transport des armes Ă feu augmenta lâirritation ; les malveillants la poi'tĂšrent a son comble. Ils disaient hautement que Le comte Rapp Ă©tait vendu, quâil avait reçu plusieurs millions des Autrichiens pour les introduire dans la place, et que sâil renvoyait les soldats individuellement et dĂ©sarmĂ©s, câĂ©tait dâaprĂšs une convention faite et pour les livrer a lâennemi. ,,DĂšs quâune fois ces germes de fermentation eurent Ă©tĂ© jetĂ©s dans les diffĂ©rents corps, il se dĂ©veloppĂšrent dâeux-mĂȘmes; les instigateurs nâeurent plus quâa en observer les progrĂšs, a combiner les incidents propres a augmenter les troubles, et a rendre inĂ©vitable la catastrophe quâils prĂ©paraient. 315 du gĂ©nĂ©ral Rctpp. âQuoique le gĂ©nĂ©ral Rapp fĂ»t bien loin de soupçonner une telle trame, il avait pris, en quelque sorte, toutes les mesures quâil pouvait prendre pour la dĂ©jouer. AussitĂŽt que la dĂ©pĂȘche ministĂ©rielle rĂ©lative au licenciement lui fut parvenuĂš , il avait expĂ©diĂ© en toute hĂąte a Paris un de ses aides-de-camp, le chef dâescadron Marnier. Cet officier vit plusieurs fois les ministres, il leur reprĂ©senta a quelle violence lâarmĂ©e allait se porter si la solde entiĂšre nâĂ©tait pas payĂ©e; mais il ne put obtenir, malgrĂ© les instances les plus vives , quâune traite de quatre cent mille francs sur la caisse de service. Son retour avec cette faible somme vint dĂ©truire toutes les espĂ©rances. Le gĂ©nĂ©ral en chef, qui voyait les esprits sâaigrir de plus en plus, ne nĂ©gligea rien pour conjurer lâorage. Le manque de fonds Ă©tait ce qui indisposait le plus pour faire disparaĂźtre cette cause de mĂ©contentemĂȘnt, il essaya dâouvrir un emprunt dans Strasbourg. Les habitants lui ayant demandĂ© une hypothĂšque, il fit solliciter, auprĂšs du ministre des finances, lâautorisation dâengager les tabacs qui se trouvaient dans la ville le ministre sây refusa. NĂ©anmoins, par lâentremise du gĂ©nĂ©ral SemelĂ©, qui commandait la place, on obtint des autoritĂ©s civiles une somme de cent soixante mille francs. De si faibles moyens ne pouvaient satisfaire les soldats, que de faux bruits animaient sans cesse, et lâinsurrection ne tarda pas a Ă©clater. Elle fut soudaine, elle fut gĂ©nĂ©rale, et prĂ©senta un caractĂšre tout-a-fait particulier. Jâen retracerai tous les dĂ©tails, parce quâils serviront a faire mieux connaĂźtre lâesprit du soldat français. 314 MĂ©moires ,,Le 2 septembre, vers les huit heures du matin, environ soixante officiers subalternes de diffĂ©rents rĂ©giments sâassemblĂšrent dans un des bastions de la place. Ils arrĂȘtĂšrent un projet dâobĂ©issance aux ordres qui licenciaient lâarmĂ©e, mais a des conditions dont ils rĂ©solurent de ne point se dĂ©partir. Cette dĂ©claration commençait ainsi âAu nom de lâarmĂ©e du Rhin, les officiers, âsous-officiers et soldats nâobĂ©iront aux ordres ,,donnĂ©s pour le licenciement quâaux conditions suivantes âArt. 1 er . Les officiers, sous-officiers et sol- ,,dats ne quitteront lâarmĂ©e quâaprĂšs avoir Ă©tĂ© âsoldĂ©s de tout ce qui leur est dĂ». ,, Art. 2. Ils partiront tous le mĂȘme jour, emportant armes, bagages, et cinquante cartou- âches chacun, etc., etc.â ,,DĂšs que cette piĂšce eut Ă©tĂ© libellĂ©e, ils se rendirent chez le gĂ©nĂ©ral en chef pour lui en donner communication. Celui-ci, alors malade, Ă©tait dans le bain. EtonnĂ© de cette visite inattendue, il donne ordre de laisser approcher. Cinq officiers sâapprochent aussitĂŽt de la baignoire; ils font lâexposĂ© du sujet de leur mission , et dĂ©clarent que lâarmĂ©e ne subira le licenciement quâautant que ces conditions auront Ă©tĂ© remplies. A qe mot de conditions, le gĂ©nĂ©ral furieux sâĂ©lance du bain, et arrachant le papier des mains de lâorateur ,,Quoi! messieurs , vous voulez mâimposer des conditions ! vous refusez dâobĂ©ir ! des conditions a ,,moi !...â ,, ton de voix, le regard du comte Rapp, peut-ĂȘtre lâattitude dans laquelle il se prĂ©sen- 315 du gĂ©nĂ©ral Rapp. tait; imposĂšrent a la dĂ©putation. Elle se retira confuse, et chacun des officiers alla rendre comte a son rĂ©giment du mauvais accueil quâils avaient reçu. ,,Les sous - officiers, assemblĂ©s au nombre dâenviron cinq cents , attendaient pour agir la rĂ©ponse du gĂ©nĂ©ral. Ils sentirent bien, quand ils en eurent connaissance, quâun tel homme nâĂ©tait pas facile a intimider, et quâen faisant une dĂ©marche, ils ne seraient pas plus heureux que leurs chefs. Mais leur parti Ă©tait pris; ils vinrent se ranger en bataillĂ© dans la cour du palais, et demandĂšrent qu'on les introduisit auprĂšs du gĂ©nĂ©ral en chef. Un aide- de-camp descent pour connaĂźtre les motifs qui les amĂšnent, ils refusent dâentrer en explication avec lui. ,,Quel est le chef de la â troupe? demande cet officier. Aucun... ,,tous,â rĂ©pondent-ils en masse. Il appelle au centre les plus anciens de chaque rĂ©giment; il leur adresse quelques reprĂ©sentations sur lâacte dâindiscipline dont ils se rendent coupables. Mille voix confuses l'interrompent aussitĂŽt âDe lâargent! de lâaiâgent!.... Nous ,,voulons ĂȘtre payĂ©s de tout ce qui nous est ,,dĂ»; nous saurons nous faire payer. â ,,Le chef dâĂ©tat-major colonel Schneider, dont ils avaient tant de fois admirĂ© la rĂ©solution au milieu des dangers, arrive sur ces entrefaites, et essaie avec aussi peu de SuccĂšs de les calmer ,,De lâargent, rĂ©pĂštent-ils encore, de lâargent 1â FatiguĂ©s de pousser des cris, de faire des menaces inutiles, et nâayant pu arriver jusquâau gĂ©nĂ©ral en chef, ils se dispersent enfin, aprĂšs sâĂȘtre assignĂ© un ren- 316 MĂ©moires > dez-vous. La plupart se portent sur la place dâarmes, oĂč ils procĂšdent aussitĂŽt a lâĂ©lection des nouveaux chefs quâils avaient rĂ©solu de se donner. Lâun dâeux, nommĂ© Dalouzi, sergent au 7 e lĂ©ger, connu par sa capacitĂ©, son audace, et surtout par un habil soldatesque qui lui Ă©tait propre, rĂ©unit tous les suffrages ,,Vous voulez ĂȘtre pavĂ©s, dit-il a ses eamara- âdes, et câest pour cela que vous ĂȘtes ici. â ,,ui, rĂ©pondit-on dâune commune voix. â âEhbien! si vous promettez de mâobĂ©ir, de, âvous abstenir de tout dĂ©sordre, de faire re- ,,specter les propriĂ©tĂ©s, de protĂ©ger les personnes, je jure sur ma tĂȘte que vous le serrez avant vingt-quatre heures.â Ce discours fut accueilli avec des cris de joie, et le sergent fut nommĂ© gĂ©nĂ©ral. 11 choisit aussitĂŽt pour son chef dâĂ©tat-major le tambour-major du 58 e ; un second sous-officier fut chargĂ© des fonctions de gouverneur de la place; un troisiĂšme, du commandement de la premiĂšre division; un autre de la seconde, et ainsi de suite. Les rĂ©giments eurent des colonels; les bataillons, les escadrons, des chefs; et les compagnies, des capitaines; enfin on complĂ©ta un Ă©tat-major. âLes autres sous-officiers Ă©taient retourné» aux casernes, oĂč les soldats attendaient avec impatience le rĂ©sultat de la dĂ©marche qui venait dâĂȘtre faite. lia gĂ©nĂ©rale est aussitĂŽt battue, et tous les corps, infanterie, cavalerie, artillerie, sont dirigĂ©s en ordre et a la course sur la place dâarmes. Lâorganisation Ă©tait a peine terminĂ©e, lorsquâils y arrivĂšrent. Ame sure quâils paraissaient, les nouveaux chef» du gĂ©nĂ©ral Rapp. 31 ? allaient en prendre le commandement, et les dirigeaient sur les points quâils avaient ordre dâoccuper. ,,Cependant le general Rapp, Ă©tonnĂ© de voir Ă©clater une insurrection si grave , sâĂ©tait habillĂ© a la hĂąte, dans lâespĂ©rance de connaĂźtre/ les motifs de ces mouvements sĂ©ditieux, et de * parvenir Ăą les calmer. Mais les diverses opĂ©rations dont nous venons de rendre comte avaient Ă©tĂ© conduites avec une telle cĂ©lĂ©ritĂ©, quâau moment oĂč il sortait accompagnĂ© de son chef dâĂ©tat-major et de quelques officiers, les colonnes, suivies dâune populace nombreuse, dĂ©bouchaient dĂ©jĂ par toutes les rues qui aboutissent, a la place du palais. DĂšs qu elles aperçoivent le gĂ©nĂ©ral, les troupes se mettent prĂ©cipitamment en bataille, et croisent la baĂŻonnette pour lâempĂȘcher de passer. AussitĂŽt des cris forcenĂ©s se font entendre des derniers rangs. ,.Tii'ez.... il a vendu TartinĂ©e.... Tirez donc." Des misĂ©rables, rĂ©pandus dans les groupes, excitaient du geste et de la voix a massacrer ce vaillant homme. La fureur se rĂ©pand de proche en proche , et bientĂŽt la confusion est a son comble; les soldats Ă©garĂ©s apprĂȘtent leurs armes; les rangs se doublent; huit piĂšces de canon arrivent au galop, et sont incontinent chargĂ©es a mitraille. âChaque fois que le gĂ©nĂ©ral Rapp adresse la parole a ceux qui le menacent, les vocifĂ©rations recommencent et les cris provocateurs se font entendre avec une nouvelle rage. Mis en joue a plusieurs reprises, les piĂšces de canon sont constamment dirigĂ©es sur lui, et les pointeurs suivent tous ses mouvements 318 MĂ©moires ,,Rangez-vous ! sâĂ©criaient-ils , que nous tirions ,,dessus.â Un obusier sâattache avec tant de persĂ©vĂ©rance au groupe dont le gĂ©nĂ©ral est environnĂ©, quâil sâen aperçoit. 11 court au canonnier qui tient la mĂšche ,,Eh bien! ,,que prĂ©tends-tu faire, misĂ©rable? lui dit-il; âveux-tu me tuer ? Mets le feu, me voici a ,,lâembouchure. â Ah! mon gĂ©nĂ©ral! sâĂ©crie ,,le soldat en laissant Ă©chapper son boute-feu, âjâai Ă©tĂ© au siĂšge de Dantzic avec vous , je v ous ,,donnerais ma vie... Mais les camarades venaient ĂȘtre payĂ©s, je suis obligĂ© de faire commue eux." Et il reprend sa mĂšche. âAccablĂ© de questions vides de sens, dâinterpellations sans objet, Ă©tourdi des clameurs de la multitude, dont les flots grossissaient sans cesse, le gĂ©nĂ©ral se dĂ©cida enfln a rentrer au palais. ,,Les troupes lây suivirent, et les diffĂ©rentes avenues en furent occupĂ©es par huit piĂšces de canon, mille hommes dâinfanterie et un escadron de cavalerie. Cette garde se nomma la garde extĂ©rieure du palais. Un bataillon de grenadiers vint sâĂ©tablir dans la cour, et prit la dĂ©nomination de garde intĂ©rieure. PrĂšs de soixante factionaires furent placĂ©s deux a deux a toutes les portes et sur lâescalier qui conduisait a l'appartement du comte Rapp ; il y en eut mĂȘme, pendant quelques instants, jusquâĂ celle de sa chambre a coucher. On sâempara ensuite du tĂ©lĂ©graphe et de la monnaie. Pour tĂ©moigner en mĂȘme temps quâon nâavait aucun mauvais dessein, un dĂ©tachement fut envoyĂ© a lâhĂŽtel du gĂ©nĂ©ral autrichien Volkman, qui se trouvait dans 319 du gĂ©nĂ©ral Rapp. la place, et fat mis a sa disposition. Les ponts furent levĂ©s , et lâon ne communiqua plus avec les dehors sans une permission signĂ©e du nouveau commandant. Le tambour-major du 58 e se rendit avec un trompette au quartier- gĂ©nĂ©ral des alliĂ©s, et leur signilia que sâils respectaient la trĂȘve, la garnison ne se porterait a aucun acte dâhostilitĂ© ; mais que sâils essayaient de profiter de la mĂ©sintelligence qui rĂ©gnait entre le chef et les soldats, elle saurait opposer une noble rĂ©sistance. ,,Cependant Dalouzi avait Ă©tabli son Ă©tat- major sur la place dâarmes, et créé deux commissions , lâune des vivres, composĂ©e de fourriers , et lâautre des finances, formĂ©e de sergents -majors; elles se constituĂšrent en permanence , dĂ©libĂ©rĂšrent sur les mesures les plus propres a maintenir la tranquillitĂ© publique, i et a mettre la ville a lâabri de toute surprise. Les postes de la citadelle et ceux de lâintĂ©- ! rieur furent doublĂ©s ; on plaça mĂȘme des gar- I des a quelques vieilles poternes qui jusque- lĂ avaient Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©es; on renforça la ligne j extĂ©rieure , les troupes bivouaquĂšrent sur les places et dans les rues; enfin on nâoublia au- ! cune des prĂ©cautions que peut suggĂ©rer lapru- ! dence la plus soupçonneuse. Afin de prĂ©venir les excĂšs auxquels la malveillance pouvait exciter les soldats, il fut dĂ©fendu, sous peine de mort, dâentrer dans aucun des lieux oĂč lâon vendait de lâeau-de-vie, du vin ou de la biĂšre. I-a mĂȘme peine fut portĂ©e contre tous ceux qui se rendraient coupables de pillage, de dĂ©sordre dâinsubordination. Enfin, pour assurer mieux encore la tranquillitĂ© publique, il fut 320 MĂ©moires rĂ©solu que lâarmĂ©e serait instruite de six heures en six heures de sa situation. ,,Ces dispositions prises, le receveur-gĂ©nĂ©ral et lâinspecteur aux revues furent mandĂ©s. Celui-ci lit un Ă©tat approximatif des sommes nĂ©cessaires pour mettre la solde au courant, lâautre prĂ©senta le montant de son avoir en caisse; aprĂšs quoi, Dalouzi convoqua le conseil municipal, auquel il exposa les motifs qui avaient dĂ©terminĂ© la garnison a prendre les armes, et pria le maire dâaviser aux moyens de faire des fonds pour acquitter lâarriĂ©rĂ©. ,,I1 envoya ensuite au comte Rapp une dĂ©putation composĂ©e du nouveau gouverneur et de cinq ou six gĂ©nĂ©raux-sergents. âEh bien! ,,que me voulez-vous encore? leur dit ce gĂ©nĂ©ral avec lâaccent de lâindignation et dumĂ©- ,,pris. Vous ĂȘtes indignes de porter lâuniforme ,,français...Jâai cru que vous Ă©tiez des gens ,,dâhonneur, je me suis trompĂ©.... Vous vous ,,laissez sĂ©duire par des piisĂ©rables.... Que ,,prĂ©tendez-vous faire?.... Pourquoi ces gar-, ,,des qui environnent le palais?... Pourquoi âeette artillerie dirigĂ©e contre moi?... Je suis ,,donc bien redoutable?... Croit-on que je ,,veuille mâĂ©vader?... Et pour quelle raison ,,mâĂ©vaderais-je ?... Je ne crains rien... Je âne vous crains pas... Mais au fait que me ,,voulez-vous ? encore une fois que me vouliez-vous ?... â Lâagitation du comte Rapp, en prononçant ces mots, contrastait vivement avec lâair sombre de la dĂ©putation. Ces sous- officiers, confus de retenir captif un chef quâils aimaient, et dont la valeur , la loyautĂ© leur Ă©taient si connus , gardaient un profond silence. 321 du gĂ©nĂ©ral Rapp. lence. Ils Ă©taint sur le point de se retirer 1 , lorsqu'un dâentre eux prenant la parole âMon ,,gĂ©nĂ©ral, dit-il, nous avons appris que les ,,autres corps dâarmĂ©e ont Ă©tĂ© payĂ©s, nos sol- ,,dats veulent Ă©galement lâĂȘtre ; ils sont en ârĂ©voite, mais ils nous obĂ©issent. INous ne ,,demandons que ce qui nous est dĂ», le faible dĂ©dommagement de tant de sang et de blessures; nous ne demandons que ce qui nous âest indispensable pour faire notre route et ,,nous retirer dans nos foyers. Les troupes ne ,,rentreront dans lâordre, câest une chose fer- âmement arrĂȘtĂ©e, que lorsque la solde sera ,,alignĂ©e pour tout le monde. â Il nây a pas âassez dâargent en caisse, repartit le gĂ©nĂ©ral. ,,Jâai eu lâintention de vous faire payer, mĂȘme âde vos masses; jâai envoyĂ© un aide-de-camp âa Paris, il a vu les ministres, mais on nâa pu âlui donner que quatre cent mille francs. Câest ,,cette somme, ainsi que celle qui existe dĂ©jĂ ,,dans la caisse du payeur, que je ferai rĂ©par- ,,tir entre les divers rĂ©giments. â LâarmĂ©e âveut ĂȘtre payĂ©e, mon gĂ©nĂ©ral. â Je vous ai âdit ce que jâavais a vous dire ; retiiâez-vous, ,,et rentrer au plus tĂŽt dans lâordre...Si lâen- ânemi a malheureusement connaissance de ce ,,qui se passe ici, que deviendrez-vous ?âOn âa tout prĂ©vu, mon gĂ©nĂ©ral un rĂ©giment de âcavalerie et douze piĂšces de canon sont partis ,,pour renforcer la division qui est au camp. ,,1L vous est facile de nous faire payer et vous ,,avez tout Ă craindre de la part des soldats, si ,,dâici a vingt-quatre heures ils ne sont pas satisfaits.â Que mâimporte Ă moi, ce que vous âet vos soldats pouvez faire! Je vous rĂ©pĂšte 21 322 MĂ©moires ,,que vous nâaurez que les fonds qui vous sont ,,destinĂ©s. Quelque chose qui puisse arriver, ,,nâespĂ©rez pas me contraindre a faire ce que ,,j non devoir me dĂ©fend. â GĂ©nĂ©ial, les sol- âdats peuvent vous conduire a la citadelle, âils peuvent mĂȘme vous fusiller; nous rĂ©pondions dâeux maintenant, mais si vous ne nous ,,faites pas payer... â Je nâai plus rien a vous ,,dire, sortez de chez moi... Si vous me fusilliez, eh bien, je prĂ©fĂšre la mort a la honte... âVous ĂȘtes des ennemis de lâordre...; vous ĂȘtes âdes instruments de la malveillance et dâune âconspiration que vous ne connaissez pas... ,,1/ennemi est peut-ĂȘtre dâaccord... Je vous ,,rends responsables de tout ce qui peut arriver... ,,Vous mâavez entendu, sortez!... Je rougis de ,,converser avec des rebelles.â ,,Ges mots de conspirations furent sur eux une impression trĂšs-vive; ils se turent quelque temps, ils se remirent nĂ©anmoins , et lâun dâeux rĂ©pondit de bataille trouvĂšrent-ils toujours dans le gĂ©nĂ©ral un protecteur dĂ©vouĂ©. Sa bourse, son crĂ©dit, leur Ă©taient ouverts. Jamais il ne rebuta lâinfortune. Ceux mĂȘmes qui nâavaient auprĂšs de lui aucun des droits que donne le drapeau participaient a ses bienfaits. Il suffisait quâils fussent dans le besoin. Le malheur Ă©tait quelque chose de sacrĂ© a ses yeux. Lâinaction dans laquelle il Ă©tait tout a coup tombĂ©, aprĂšs une vie dâalarmes et de fatigues, avait achevĂ© lâouvrage des blessures dont il 533 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Ă©tait couvert. Sa santĂ© sâĂ©tait Ă©vanouie; bientĂŽt il toucha au terme que lui avait assignĂ© la nature. Il envisagea la mort sans Ă©motion, se fit placer de maniĂšre a faire front a lâĂ©tranger, quâil nâavait jamais regardĂ© quâen face, et rendit lâĂąme en faisant des vĆux pour sa famille et pour la France. PIECES JUSTIFICATIVES ! Lettre du gĂ©nĂ©ral Rapp au duc de TV'Ăčrtemberg. Du 14 juin. M. le colonel Richemont mâa communiquĂ© la lettre dont votre altesse royale lâa honorĂ© le... de ce mois. Jâai vu avec peine que les propositions trĂšs conciliantes faites, en mon nom, par M. Richemont, n'ont point Ă©tĂ© admises et que des discussions se sont entamĂ©es sur des points qui me semblaient ne devoir donner lieu Ă aucun dĂ©bat. En gĂ©nĂ©ral, je dois faire observer Ă votre altesse royale que lâarmistice nâa pas Ă©tĂ© demandĂ© par lâempereur NapolĂ©on, ce qui suppose que tous les articles doivent ĂȘtre entendus Ă lâavantage de lâarmĂ©e française; mais puisque lâon mĂ©connaĂźt les intentions du traitĂ©, je ne vois dâautre moyen pour remplir le but de votre altesse loyale et le mien, que de lui proposer de laisser, quant aux limites, les choses dans lâĂ©tat oĂč elles sont, et dâinformer les commissaires nommĂ©s par lâarticle 9 et 12 de lâarmistice, des difficultĂ©s qui se sont Ă©levĂ©es ici sur lâexemption de l'article 6. Je prie donc votre altesse de nommer, conjointement avec moi, deux officiers qui seront chargĂ©s de se rendre auprĂšs de ces commissaires, et qui rap- 336 MĂ©moires porteront bientĂŽt la solution cj[ue nous devons attendre. Je consens pareillement Ă ce que lâarticle relatif aux subsistances ne soit rĂ©glĂ© que provisoirement, câest-Ă -dire que si votre altesse royale ne voulait pas prendre sur elle de faire livrer trente mille rations de vivres Ă compter du jour de lâarmistice, ainsi quâelles me sont nĂ©cessaires dâaprĂšs lâĂ©tat de la garnison, le colonel Richemont pourra rĂ©gler avec MM. les commissaires russes, les quantitĂ©s qui devront nous ĂȘtre fournies, Ă valoir sur ce qui sera dĂ©finitivement rĂ©glĂ© par les commissaires de lâarmistice, auxquels on en rĂ©fĂ©rera comme pour lâarticle des limites. Lâofficier qui a apportĂ© l'armistice aurait pu se charger de faire connaĂźtre au quartier-gĂ©nĂ©ral impĂ©rial les discussions qui se sont Ă©levĂ©es, si ses instructions ne lâobligeaient Ă retarder son dĂ©part jusquâaprĂšs la premiĂšre distribution qui doit ĂȘtre faite Ă la garnison par les soins du gĂ©nĂ©ral commandant le blocus. Jâaurais beaucoup dĂ©sirĂ© quâon sâentendĂźt pour lâexĂ©cution du traitĂ©, car jâai lieu de craindre que lâon ne tire du retard de cet officier des inductions fĂącheuses sur la bonne intelligence que lâarmistice suppose entre nous, ce dont, jâaurais Ă©tĂ© dâautant plus contrariĂ© quâil me semble que votre altesse aurait pu accĂ©der aux propositions du colonel Richemont; ce que jâaurais trĂšs - certainement fait en sa place, sans pour cela craindre aucun reproche de mon souverain- âą SignĂ©, Comte R ait. HĂ- du gĂ©nĂ©ral Rapp. RĂ©ponse. 357 Sulmin, le 1 5 juin i8i3. Jâai reçu la lettre que votre excellence mâa fait lâhonneur de mâĂ©crire en date du 14 juin, et je dois lui avouer avec franchise que je 11e puis trop mâexpliquer les motifs des mĂ©sentendus qui existent relativement Ă lâexĂ©cutioji littĂ©rale des articles de la trĂȘve. Ce traitĂ© ayant dĂ©terminĂ© des bases fixes pour Ă©viter tout sujet de contestation, il me semble quâil serait infiniment plus simple et plus naturel de s'y tenir entiĂšrement. J'avoue Ă votre excellence que câest avec une vĂ©ritable peine que je consens Ă mâen Ă©carter dâaprĂšs sa proposition. Il me semble que, par cet arrangement quâelle dĂ©sire, nous outre - passons dâune certaine maniĂšre tous deux nos pouvoirs, et quâil vaudrait beaucoup mieux de rĂ©gler entre nous le rayon de neutralitĂ© dâaprĂšs le sens littĂ©ral de lâarmistice. Cependant, pour Ă©viter toutes discussions ultĂ©rieures, je consens, dâaprĂšs sa proposition, de laisser les choses sur le pied actuel ; jâordonnerai mĂȘme aux chefs de mes avant-postes de sâentendre avec les vĂŽtres pour faire quelques arrangements qui pourront lui ĂȘtre agrĂ©ables relativement Ă mes vedettes et Ă mes piquets, pour empĂȘcher toute collision entre nos troupes lĂ©gĂšres. Pour ce qui concerne lâarticle des subsistances, la commission rassemblĂ©e Ă cet effet a dĂ©jĂ commencĂ© ses sĂ©ances, et jâespĂšre que M. le colonel Richeinont sera bientĂŽt en Ă©tat de pouvoir lui annoncer que cet article a Ă©tĂ© dĂ©finitivement rĂ©glĂ©. 22 MĂ©moires Quant Ă ce qui regarde J es deux officiers que voire excellence voudrait envoyer auprĂšs des commissaires destinĂ©s Ă rĂ©gler dĂ©finitivement toutes les difficultĂ©s pii paraissent naĂźtre relativement aux stipulations de la .trĂȘve, je dois vous observer, monsieur le comte, ipie je nâai point le pouvoir de leur accorder les passeports nĂ©cessaires lâarticle des subsistances qui sera rĂ©glĂ© incessamment permettra, dans peu de jours, a M. le capitaine Planat de se charger de cette commission. Veuillez vous persuader au reste, mon gĂ©nĂ©ral, quâaccoutumĂ©, depuis vingt-cinq ans de service, Ă remplir avec une parfaite exactitude les ordres de mon souverain, jâaurais agi d'une maniĂšre bien diffĂ©rente si jâavais consenti aux propositions qui mâont Ă©tĂ© faites par M. le colonel Riehemont, et qui sâĂ©cartaient si essentiellement des articles dâune trĂȘve dont les expressions simples et naturelles ne laissent aucune latitude Ă la moindre discussion. Votre excellence me trouvera au reste toujours prĂȘt Ă faire tout ce qui pourra lui ĂȘtre agrĂ©able et qui sâac cordera avec mes devoirs. Je saisirai de mĂȘme avec empressement toutes les occasions oĂč je pourrai la convaincre que rien nâĂ©gale la trĂšs-haute considĂ©ration avec laquelle j'ai lâhonneur dâĂȘtre, etc. SignĂ©, Alexandre , duc de Wurtemberg. 339 du gĂ©nĂ©ral flapp. Lettre du duc de f'Furtemberg Ă son excellence le comte Rapp. De mon quartier-gĂ©nĂ©ral, le 12 juillet i8i3, ArrivĂ©e le 14, quoique le duc ne fĂ»t quâĂ 2 lieues dt Dantzic. GĂ©nĂ©ral, Un courrier, qui vient de m'arriver du quartier- gĂ©nĂ©ral , mâapporte lâordre de suspendre les fournitures qui ont Ă©tĂ© faites jusquâici Ă la garnison de Dantzic. Le corps de volontaires qui se trouvait sous les ordres du major prussien Lutzow ayant Ă©tĂ© attaquĂ©, pendant la durĂ©e de la trĂȘve, sans le moindre motif, on mâannonce que câest la raison qui a causĂ© cette dĂ©termination , qui doit avoir son cours jusqu'au moment oĂč cette affaire sera rĂ©glĂ©e dĂ©finitivement. En communiquant les ordres que jâai reçus Ă votre excellence, je la prĂ©viens en mĂȘme temps que cette affaire, qui sera probablement bientĂŽt rĂ©glĂ©e, ne change cependant point les autres articles de la trĂȘve, qui doit subsister dans toute sa teneur. Jâai lâhonneur, etc. SignĂ©, Alexandre, duc de Wurtemberg, gĂ©nĂ©ral de cavalerie. 22 . Ăź40 MĂ©moires RĂ©ponse. Dantzic, le 14 juillet i8i3. Monsieur le duc, Depuis les arrangements convenusâentre nous par suite de l'armistice, fai vu avec beaucoup de peine que votre altesse royale ne les remplissait pas avec lâexactitude quâexigent de pareilles conventions. jâai aperçu, dans le retard de toutes les livraisons, une guerre sourde qui dĂ©truisait par le fait lâesprit de l'annistice. MalgrĂ© mes continuelles rĂ©clamations, on a laissĂ© arriĂ©rer une grande partie des fournitures; vous nâavez pas mĂȘme acquittĂ© le courant, et c'est dans cet Ă©tat de choses que je reçois, aujourdâhui 14, la lettre de votre altesse, en date du 13 juillet, qui me prĂ©vient quelle a ordre de suspendre les fournitures. Cette cessation a effectivement lieu depuis quatre jours, câest-Ă -dire depuis le 10; et comme notre correspondance peut nous parvenir en deux heures, je ne cacherai point Ă votre altesse avec quels sentiments je dois apprĂ©cier la diffĂ©rence de la date et de lâarrivĂ©e de votre dĂ©pĂȘche. Les conditions d un armistice, monsieur le duc lient Ă©galement les deux parties ; et dĂšs que lâune , dâentre elles se permet dâen annuler une des clauses I principales et des plus essentielles, lâarmistice est des 1 lors rompu, et elle se met en Ă©tat de guerre contre lâautre et câest ainsi que je considĂšre, dĂšs Ă prĂ©sent, la dĂ©claration que vous me faites ; et quoique votre altesse mâannonce que les autres articles de la treve subsisteront. elle sentira que je ne puis recevoir de 541 du general Rapp. pareilles modifications que par les ordres de mon souverain. 11 ne me reste donc plus quâĂ la prier de me faire savoir si les six jours qui doivent prĂ©cĂ©der la reprise des hostilitĂ©s courront du 13 Ă une heure du matin, ou du i4 Ă midi. Je dois lui dĂ©clarer, au surplus, que je la rends responsable de la rupture d'un armistice conclu entre nos souverains, et que je ne puis entendre Ă aucune explication Ă©vasive quaprĂšs la rĂ©ception de tous les vivres qui me sont dĂ»s. SignĂ©, comte Rapp. Lettre du duc deJVurlcrnberg au g Ă©nĂ©ral comte Rapp. De mon quartier-gĂ©nĂ©ral, le i 5 juillet 181Ă. Je viens de recevoir la lettre que vous m'avez Ă©crite, et je ne puis dissimuler Ă votre excellence que jâai Ă©tĂ© plus que surpris de son contenu. 11 serait absolument inutile de rĂ©pĂ©ter encore a votre excellence ce que MM. les gĂ©nĂ©raux Borozdin et Jelebtzow nâont pas manquĂ© de lui observer a plusieurs reprises, câest-Ă -dire que les retards momentanĂ©s quâa Ă©prouvĂ©s la garnison de Dantzic dans son ravitaillement nâont Ă©tĂ© occasionĂ©s que parce que 1 arrangement proposĂ© et damandĂ© par votre excellence , de faire acheter des vivres par ses propres commissaires, a Ă©tĂ© changĂ© subitement, ce qui nâa pas 342 MĂ©moires manquĂ© de produire les plus grands embarras, les commissaires prussiens sâĂ©tant excusĂ©s sur le dĂ©nu- ment total des provinces limitrophes de Dantzic, qui sont dĂ©jĂ chargĂ©es depuis si long-temps de lâapprovisionnement de mes troupes. Si, comme je lâavais dĂ©jĂ demandĂ© plusieurs fois, il y avait eu ici, Ă mon quartier - gĂ©nĂ©ral, conformĂ©ment aux stipulations de la treve, un commissaire français en permanence, il aurait pu se convaincre lui-mĂȘme de lâembarras extrĂȘme qu ont eu les commissaires prussiens pour se procurer les charrois et les vivres nĂ©cessaires pour le ravitaillement de la place de Dantzic, et pour lâentretien de mes propres troupes, de maniĂšre que ce nâest point lâarmĂ©e formant le blocus qui a mis des entraves au ravitaillement de la place de Dantzic. Au reste, ce nâest quâĂ mon souverain, lâauguste empereur Alexandre, auquel je dois rendre compte de mes actions. Je viens maintenant Ă un article beaucoup plus important, puisquâil peut avoir des suites trĂšs-consĂ©quentes ; car il paraĂźt, dâaprĂšs la lettre de votre excellence , quelle est dĂ©cidĂ©e Ă recommencer les hostilitĂ©s de son chef, tandis que les places de Stettin et de Custrin sont aussi privĂ©es momentanĂ©ment, comme Dantzic, des fournitures stipulĂ©es dans l'armistice. J'espĂšre au reste quâelle fera de mĂ»res rĂ©flexions sur ce quelle entreprendra; et câest moi qui la rends responsable de toutes les dĂ©marches quelle fera, et qui pourraient empĂȘcher les puissances belligĂ©rantes de se rapprocher. Je lui envoie ci-joint la copie exacte de la lettre que jâai reçue de M. le commandant en chef de toutes 543 du gĂ©nĂ©ral Rapp. les armĂ©es, Barclay de Tully ; elle verra que bien loin qu'il soit question de recommencer les hostilitĂ©s, cela m'est* expressĂ©ment interdit. Si, malgrĂ© toutes mes observations, monsieur le gĂ©nĂ©ral , dont au reste jâai pris acte devant mes gĂ©nĂ©raux, commandants de corps, vous ne jugiez pas Ă propos dâattendre patiemment que lâaffaire de la lĂ©gion de Lutzow, qui a causĂ© la suspension momentanĂ©e du ravitaillement de Dantzic, dont les arrĂ©rages au reste ne sont que suspendus, et des autres forteresses, soit rĂ©glĂ©e Ă lâamiable , et que vous mâattaquiez, je vous prouverai que mes braves Russes ne craignent les menaces de personne, et quâils sont au reste prĂȘts Ă verser leur sang pour la cause de tous les souverains et de tous les peuples. SignĂ©, Alexandhe , duc de Wurtemberg. RĂ©ponse. Dantzic, le 16 juillet i8t5. J'ai reçu la lettre que votre altesse royale ma fait 1 honneur de mâĂ©crire, le i5 de ce mois. Je ne reviendrai pas sur les diverses observations quelle me fait sur la non-exĂ©cution des conditions de lâarmistice, relativement aux vivres ; elles ont Ă©tĂ© constamment reproduites et toujours victorieusement refutĂ©es, et ne prĂ©sentent rien de nouveau. Le gĂ©nĂ©ral Heudelet, que jâai envoyĂ© Ă la confĂ©rence demandĂ©e par M. le 344 MĂ©moires gĂ©nĂ©ral Borodzin , a fait connaĂźtre de ma part les seuls moyens d'arrangement provisoire qui pouvaient encore i avoir lieu entre nous. Dans une lettre du i4i jâai priĂ© votre altesse royale de me fixer Ă quelle Ă©poque devaient commencer les six jours entre la rupture et la reprise des hostilitĂ©s; je nâai pas eu de rĂ©ponse positive. Je dois donc la prĂ©venir que la lettre de votre altesse royale du 12 ne m'Ă©tant parvenue que le 14 Ă midi, et ne pouvant considĂ©rer son refus positif et officiel de continuer les fournitures que comme une rupture de lâarmistice, les hostilitĂ©s recommenceront le 20 ; je dois cette dĂ©termination Ă lâempereur et Ă lâhonneur de mon corps d'armĂ©e. Six coups de canon tirĂ©s des divers forts de Dantzic, Ă midi, ne laisseront aucun doute .Ă ce ; sujet. Je prie votre altesse royale de ne pas considĂ©rer comifie une menace lâobligation oĂč je me suis trouvĂ© J dâinterprĂ©ter la violation dâun des articles du traitĂ© ! comme une, dĂ©claration formelle qui annulle l'armistice ; je connais les braves troupes russes, que jâai souvent combattues, et je sais quelles sont dignes d'ĂȘtre opposĂ©es aux nĂŽtres. , Ma lettre serait finie, monseigneur, si je nâĂ©tais dans lâobligation de faire remarquer Ă votre altesse royale, relativement Ă quelques expressions de sa lettre du i5, que je ne dois Ă©galement compte quĂ mon souverain de mes dĂ©terminations; que, quant Ă j ce que votre altesse appelle la cause de tous les souverains et de tous les peuples, ces phrases sont bien extraordinaires dans la lettre dâun prince qui sait mieux que personne que lâempereur Alexandre, son j souverain, a Ă©tĂ© engagĂ© pendant cinq ans dans noire J 545 du general Rapp, alliance contre le despotisme dâune puissance maritime qui voudrait avoir tout le continent pour tributaire, et que son auguste frĂšre, le roi de Wurtemberg. a Ă©tĂ© depuis long-temps lâun des plus fermes soutiens de cette mĂȘme cause. SignĂ© , Comte Rapp. Lettre du duc de Wurtemberg au gĂ©nĂ©ral Rapp. De mon quartier-gĂ©nĂ©ral, le 17 juillet i8t3. Monsieur le gĂ©nĂ©ral, Je nâaurais plus rien Ă ajouter Ă la lettre que jâai Ă©crite Ă votre excellence en date du i 5 juillet, si la guerre formelle quelle nie dĂ©clare connue de puissance Ă puissance ne mâobligeait de faire encore quelques remarques essentielles, avant le commencement des hostilitĂ©s quâelle va entrepiâendre. Je lui observerai donc, quoiquâil me soit absolument impossible dâaccepter officiellement la dĂ©claration quelle va recommencer les hostilitĂ©s, et en vous rendant encore une fois responsable, mon gĂ©nĂ©ral, de toutes les suites que produira cet Ă©vĂ©nement, que si, malgrĂ© mes observations, vous persistiez cependant dans une dĂ©termination qui, Ă ce que je crois, 11e sera pas mĂȘme approuvĂ©e par lâempereur NapolĂ©on, que le terme de la rupture que vous fixez au 20 juillet Ă midi est contraire aux articles 2 et 3 de lâarmistice, puisquâaprĂšs le 20 juillet, le terme de lâexpiration de 34 b' MĂ©moires la trĂȘve, les hostilitĂ©s ne 'pourront cependant recommencer, d'aprĂšs lâarticle 9, que six jours aprĂšs le 20 juillet, ce qui nous mĂšnerait donc au 26 de ce mois; et il serait vraiment extraordinaire que nous fussions les deux seuls chefs de corps sur le théùtre de la guerre qui recommençassent les hostilitĂ©s. Je suis convaincu quâavec un peu de patience nous aurons bientĂŽt la nouvelle que les affaires des cabinets prennent une autre tournure. Quel serait, alors le regret de votre excellence si, par une trop grande prĂ©cipitation, il pourrait de nouveau naĂźtre des embarras entre les cours, dont la mienne, au reste, nâa aucun reproche Ă se faire',! puisquâil Ă©tait bien naturel quelle usĂąt momentanĂ©ment de reprĂ©sailles aprĂšs avoir appris la destruction du corps de Lutzow au milieu de lâarmistice, les homme 11e pouvant point renaĂźtre, au lieu quâil sera trĂšs-possible de fournir Ă la garnison de Dantzic les ravitaillements arriĂ©rĂ©s. Je linis ma lettre, mon gĂ©nĂ©ral, forcĂ© de vous faire quelques observations sur les derniĂšres phrases de la vĂŽtre, qui mâont paru extrĂȘmement Ă©tranges. LâEurope entiĂšre, et jâose dire la France mĂȘme, connaĂźt parfaitement les raisons qui ont causĂ© la rupture de la paix signĂ©e Ă Tilsit. Elle connaĂźt de mĂȘme aussi le ton dictatorial dont sâest servi lâambassadeur comte Lauriston au sein de la capitale de Pierre - le - Grand. Lâauguste empereur Alexandre a dĂ» appeler, Ă cette audace extrĂȘme, Ă son glaive; il a dĂ» sâentourer de ses preux, ouvrir les Ă©glises saintes, et se confier au peuple gĂ©nĂ©reux et fidĂšle qui lui a prouvĂ© ce que peut une nation heureuse dans ses guĂ©rets, mais qui 11âa pas balancĂ© un instant de sâarmer pour la dĂ©fense de son honneur et de son souverain. 347 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Pour ce qui concerne mon frĂšre, le roi de Wurtemberg, que votre excellence appelle un des plus fermes soutiens de la cause quâelle dĂ©fend, je puis assurer voti'e excellence quâun gĂ©nĂ©ral en chef russe ne se croit point infĂ©rieur en aucune maniĂšre a un roi de la confĂ©dĂ©ration, puisquâil ne dĂ©pend que de lâempereur Alexandre de mâĂ©lever Ă cette dignitĂ©, sâil le juge Ă propos, et alors je serai roi comme un autre jây mettrai cependant une petite condition, câest que ce ne soit point aux dĂ©pens dâaucune puissance, ni de personne. SignĂ©, Alexandre, duc de Wurtemberg. 348 MĂ©moires capitulation. DE LA PLACE DE DANTZIG. Capitulation de la place de Dantzic, sous conditions spĂ©ciales, conclue entre leurs excellences, M. le lieutenant - gĂ©nĂ©ral Borozdin ; M. le gĂ©nĂ©ral- major Welljaminoff, en fonction de chef de lâĂ©tat- major; et MM. les colonels du gĂ©nie Manfredi et Pullet; chargĂ©s de pleins pouvoirs de son altesse royale monseigneur le duc de Wurtemberg, commandant en chef les troupes formant le siĂšge de Dantzic, dâune part Et leurs excellences M. le comte Heudelet, gĂ©nĂ©ral de division ; M. le gĂ©nĂ©ral de brigade dâHĂ©ri- court, chef de lâĂ©tat-major; et M. le colonel Riche- mont; Ă©galement chargĂ©s de pleins pouvoirs de son excellence le comte llapp, aide-de-champ de lâempereur, commandant en chef dâi dixiĂšme corps dâarmĂ©e, gouverneur-gĂ©nĂ©ral, dâautre part ARTICLE PREMIER. Les troupes formant la garnison de Dantzic, des forts et redoutes y appartenants, sortiront de la ville avec armes et bagages, le ir janvier j8i 4, Ă dix heures du matin par la porte dâOliwa, et poseront les armes devant la batterie Gottes-Engel, si Ă cette Ă©poque la garnison de Dantzic nâest point dĂ©bloquĂ©e par un corps dâarmĂ©e Ă©quivalent Ă j la force de lâarmee assiĂ©geante, ou si un traitĂ© conclu entre les puis- 349 du general JĂźapp. sauces belligĂ©rantes nâa pas fixĂ© Ă cette Ă©poque le sort de la ville de Dantzic. MM. les officiers conserveront leurs Ă©pĂ©es, en Ă©gard Ă la vigoureuse dĂ©fense et Ă la conduite distinguĂ©e de la garnison. Le peloton de la garde impĂ©riale, et un bataillon de six cents hommes, conserveront leurs armes, et ils prendront avec eux deux piĂšces de six, ainsi que les chariots de munition y appartenants. Vingt - cinq cavaliers conserveront de mĂȘme leurs chevaux et leurs armes. ARTICLE II. Les forts de Weiehselmunde, le Ilolm, et les ouvrages intermĂ©diaires, ainsi que les clefs de la porte extĂ©rieure dOliwa, seront remis Ă l'armĂ©e combinĂ©e dans la matinĂ©e du 34 dĂ©cembre i8i3, ARTICLE III. Dâabord aprĂšs la signature de la prĂ©sente capitulation , le fort Lacoste, celui de Neufahrwasser avec ses dĂ©pendances, et la rive gauche de la Vistule jusquâĂ la hauteur de la redoute Gudin, et Ă partir de ce dernier ouvrage la ligne des re outes qui se trouvent sur le Zigangenberg , ainsi que la Mowenhrugschantz , seront remis dans leur Ă©tat actuel, sans aucune dĂ©tĂ©rioration, entre les mains de lâarmĂ©e assiĂ©geante; le pont qui rĂ©unit prĂ©sentement la tĂȘte du pont de Fahrwasser avec le fort de Weiehselmunde, sera reculĂ© et placĂ© Ă 1 embouchure de la Vistule, entre Neufahrwasser et la Movvenlmigschantz. MĂ©moires ARTICLE IV. 3fS0 La garnison de Dantzic sera prisonniĂšre de guerre et sera conduite en France. Monsieur le gouverneur comte Rapp, s'engage formellement Ă ce que ni les officiers ni les soldats ne servent, jusqu'Ă leur parfait Ă©change, contre aucune des puissances qui se trouvent en guerre contre la Fiâance. Il sera dressĂ© un contrĂŽle exact des noms de tous messieurs les gĂ©nĂ©raux, offi- ciers, ainsi que des sous-officiers et soldats, composant la garnison de Dantzic, sans exception quelconque. Cette liste sera double; chacun de messieurs les gĂ©nĂ©raux et officiers signera la promesse et donnera sa parole dâhonneur de ne point servir ni contre la Russie ni contre ses alliĂ©s, jusquâĂ leur parfait Ă©change. On fera de mĂȘme un contrĂŽle exact de tous les soldats qui se trouvent sous les armes, et un autre de ceux qui sont ou blessĂ©s ou malades. ARTICLE V. Monsieur le gouverneur, comte Rapp, sâengage de faire accĂ©lĂ©rer autant que possible lâĂ©change des individus formant la garnison de Dantzic, giâade pour grade, contre un nombre Ă©gal de prisonniers appartenants aux puissances coalisĂ©es. Mais si, contre toute attente, cet Ă©change ne pouvait avoir lieu Ă dĂ©faut du nombre nĂ©cessaire de prisonniers russes, autrichiens, prussiens, ou autres, appartenants aux cours alliĂ©es contre la France, ou si lesditcs cours y mettaient quelque obstacle, alors au bout dâun an et dâun jour, Ă dater du icr jan vier mil huit cent quatorze , nouveau style, les individus formant la garnison de Dantzic, seront dĂ©chargĂ©s de lâobligation formelle contractĂ©e 351 du gĂ©nĂ©ral Rapp. dans lâarticle IV de la prĂ©sente capitulation, et pourront ĂȘtre employĂ©s de nouveau par leur gouvernement. ARTICLE VI. Les troupes polonaises et autres appartenantes Ă la garnison auront une pleine et entiĂšre libertĂ© de suivre le sort de lâarmĂ©e française, et dans ce cas seront traitĂ©es delĂ mĂȘme maniĂšre, exceptĂ© celles de ces troupes dont les souverains seraient alliĂ©s avec les puissances coalisĂ©es contre sa majestĂ© lâempereur NapolĂ©on , lesquelles seront acheminĂ©es sur les Ă©tats ou les armĂ©es de leurs souverains, suivant les ordres quâelles en recevront, et quâelles enverront chercher par des officiers ou courriers aussitĂŽt aprĂšs du prĂ©sent. Messieurs les officiers polonais et autres donneront chacun leur parole dâhonneur par Ă©crit, de ne pas servir contre les puissances alliĂ©es, jusquâĂ leur parfait Ă©change, conformĂ©ment Ă lâexplication donnĂ©e par lâarticle V. ARTICLE VII. Tous les prisonniers, de quelque nation quâils soient, qui appartiennent aux puissances en guerre contre la France, et qui se trouvent prĂ©sentement Ă Dantzic, seront remis en libertĂ© et sans Ă©change, et envoyĂ©s aux avant-postes russes par la porte Peters-Hagen, le matin du 13 dĂ©cembre i8i3. ARTICLE VIII. Les malades et les blessĂ©s appartenants Ă la garnison seront traites de la mĂȘme maniĂšre et avec les mĂȘmes soins que ceux des puissances alliĂ©es 5 ils seront en- . S'inmoireti 3r>2 voyĂ©s en France aprĂšs leur parfait rĂ©tablissement, sous les mĂȘmes conditions que le reste des troupes formant la garnis on de Dantzic. Un commissaire des guerres et des officiers de santĂ© seront laissĂ©s auprĂšs de ces malades pour les soigneV et rĂ©clamer leur Ă©vacuation. ARTICLE IX. Dâabord quâun certain nombre dâindividus appartenants aux troupes des puissances coalisĂ©es aura Ă©tĂ© Ă©changĂ© contre un nombre Ă©gal dâindividus appartenants Ă la garnison de Dantzic, alors ces derniers peuvent se regarder comms libres de leur engagement prĂ©cĂ©dent, contractĂ© formellement dans lâarticle IV de la prĂ©sente capitulation. ARTICLE X. Les troupes de la garnison de Dantzic, Ă lâexception de celles qui, aux termes de lâarticle VI, recevront lĂšs ordres de leurs souverains, marcheront par journĂ©es dâĂ©tape en quatre colonnes , et Ă deux jours de distance lâune de lâautre, et dâaprĂšs la marche-route ci-jointe, et seront escortĂ©es jusquâaux avant-postes de lâarmĂ©e française. Les fournitures pour la garnison de Dantzic se feront en marche, conformĂ©ment Ă l'etat ci-joint. La premiĂšre colonne se mettra en marche le i janvier 1814 ; la seconde le et ainsi de suite. ARTICLE XI. Tous les Français non combattants, et qui ne sont point au service militaire, pourront suivre, s ils le veulent, les troupes de la garnison; mais ils ne peuvent point prĂ©tendre aux rations fixĂ©es pour les nu- r litan-es du gĂ©nĂ©ral Rapp. 353 litaires ; ils pourront disposer-au reste des propriĂ©tĂ©s qui seront reconnues leur appartenir.. ARTICLE XII. Le i 3 dĂ©cembre i8i3, il sera remis au commissaire . nommĂ© par lâarmĂ©e assiĂ©geante, tous les canons, mortiers, etc., etc., armes, munitions de guerre, plans, dessins, devis, les caisses militaires, tous les magasins de quelque nature quâils soient, les pontons, .tous les objets appartenants aux corps du gĂ©nie, Ă la marine, Ă lâartillerie, au train, voitures, etc., etc., sans aucune exception quelconque ; et il en sera lâait un double inventaire qui sera remis au chef dâĂ©tat-major dĂ© lâarmĂ©e combinĂ©e. ARTICLE XIII. MM. les gĂ©nĂ©raux, officiers dâĂ©tat-major et autres, conserveront leurs bagages et leurs chevaux fixĂ©s par le rĂ©glĂ©mentâ français, et recevront le fourrage en consĂ©quence pendant la marche. ARTICLE XIV. Tous les dĂ©tails relatifs aux transports Ă accorder, soit pour les malades et blessĂ©s, ou pour les corps et officiers, seront rĂ©glĂ©s par les chefs des deux Ă©tats- majors respectifs. ARTICLE XV. f âą Il demeure rĂ©servĂ© au sĂ©nat de Dantzic de faire valoir auprĂšs de sa maje- tĂ© lâempereur NapolĂ©on tous 2b 354 MĂ©moires ses droits Ă la liquidation des dettes qui peuvent exister de part et dâautre.; et son excellence le gouverneur- gĂ©nĂ©ral sâoblige Ă faire donner Ă ceux envers qui ces dettes ont Ă©tĂ© contractĂ©es des reconnaissances qui servent Ă certifier leurs CrĂ©ances ; mais sous aucun prĂ©texte, il ne pourra ĂȘtre retenu des otages pour ces crĂ©ances. ARTICLE XVI. Les hostilitĂ©s de tout genre cesseront de part et dâautre Ă dater de la signature du prĂ©sent traitĂ©.. ARTICLE XVII- Tout article qui pourrait prĂ©senter des doutes sera toujours interprĂ©tĂ© eu faveur de la garnison. ARTICLE XVIII. On fera quatre copies exactes de la prĂ©sente capitulation, dont deux en langue russe et deux en langue française, pour ĂȘtre remises en double aux deux gĂ©nĂ©raux en chef. ARTICLE XIX. i âą AprĂšs la signature de ces piĂšces officielles, il au gouverneur gĂ©nĂ©ral, comte Rapp, d'envoyer un courrier Ă son gouvernement ; il sera accompagnĂ© jusquâaux avant-postes français par un. officier russe. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 355 Fait et convenu Ă Langfuhr, cejourd'hui 2^ novembre i8x3. ^ - * SignĂ©, lĂ© gĂ©nĂ©ral de division comte HstroBLET, le gĂ©nĂ©ral dâHĂRicouRT, le colonel Richbmont, le lieutenant-gĂ©nĂ©ral et chevalier Borozdin, le gĂ©nĂ©ral-major Wkll- jaminoff, en fonction de chef dâĂ©tat-major, le colonel du gĂ©nie Manfredi , le colonel du gĂ©nie PullĂȘt. Vu et approuvĂ©, Le Comte Rapp. 356 MĂ©moires * ' Lettre du duc de Wurtemberg au gĂ©nĂ©ral Rapp. De mon quartier-gĂ©nĂ©ral de Pelouken, le 23 dĂ©cembre i8i'3, Ă n heures du soir. GĂ©nĂ©ral, ^ Je suis obligĂ© de tous faire pari que j e viens de recevoir un courrier de sa majestĂ© impĂ©riale qui mâapprend que la capitulation conclue' entre votre excellence et moi a Ă©tĂ© approuvĂ©e par lâempereur, hormis ce qui concerne le retour de la garnison en France. Quoiquâil ne 4 mâappartienne pas dâexaminer si oh a pris en considĂ©ration particuliĂšre que la garai-, son de Dantzic ne soit forcĂ©e, Ă lâinstar de celle de Thorn et dâautiâes places, Ă reprendre service ayant son parfait Ă©change, et aprĂšs qu elle aura repassĂ© le Rhin, je suiscependant. obligĂ© de faire part Ă votre excellence de la volontĂ© prĂ©cise de sa majestĂ©, Ă©tant cependant persuadĂ© quâaucun de MM. les gĂ©nĂ©raux ni officiers faisant partie de la brave garnison de Ifantzic ne se permettrait;, dans aucun cas, de manquer Ă ses engagements, ce dont je serais volontiers le garant. Sa majestĂ© mâa aussi formellement autorise Ă vous dĂ©clarer, mon gĂ©nĂ©ral, que la garnison ne sera point envoyĂ©e dans les provinces Ă©loignĂ©es de la Russie, si votre excellence me remet la place sans dĂ©tĂ©rioration ultĂ©rieure, aux termes de la capitulation. Elle pourra choisir pour son sĂ©jour particulier, celui, de MM. les gĂ©nĂ©raux et officiers, entre les villes de Rçyal Plesliow, Zaliega et Orel, pour y demeurer jusqu'Ă ce que la garnison soit Ă©changĂ©e. Dâailleurs il sâentend de soi-mĂȘme que MM. les gĂ©nĂ©raux et offi- du gĂ©nĂ©ral Rapp. 357 cierS, dâaprĂšs la capitulation, consĂšrvenont tous les avantages qui leur ont Ă©tĂ© assurĂ©s. Pour ce qui concerne les troupes polonaisĂšs qui se trouvent encore Ă Dantzic, la volontĂ© de sa majestĂ© est quelles soient renvoyĂ©es tranquillement dans Jours foyers., Ă leur sortie de la place, de mĂȘme que les troupes allemandes. Je dois croire, mon gĂ©nĂ©ral, que votre excellence nâhĂ©sitera sĂ»rement pas de consentir Ă ces arrangements, puisquâil est Ă . croire que la guerre ne pourra pas durer un an, et alors chacun retournera d'abord chez soi; et je suis dâautant plus persuadĂ© que votre excellence prendra cette dĂ©termination que, dans le cas contraire, je ' ne pourrai lui Ă©pargner, ainsi quâĂ sa garnison, toutes les rigueurs inĂ©vitables quâentraĂźnerait une rĂ©sistance parfaitement inutile, qui aurait pour suite infaillible de voir transporter sa garnison dans les provinces lĂ©s plus Ă©loignĂ©es de lâempire russe, sans quâelle puisse jouir alors des moindres avantages qui lui seront parfaitement garantis maintenant, ainsi que toutes les commoditĂ©s nĂ©cessaires pour- la route et stipulĂ©es dans la capitulation. Si votre excellence, contre toute attente, prenait cependant cette dĂ©termination .aussi inattendue que prĂ©judiciable aux intĂ©rĂȘts de la garnison, je lui remettrai alors aprĂšs-demain samedi, Ă midi, tous .les ouvrages qui ont Ă©tĂ© cĂ©dĂ©s Ă lâarmĂ©e assiĂ©geante, exceptĂ© le fort de Neufahrwasser, puisque la volontĂ© suprĂȘme de sa majestĂ© est qĂče votre excellence fasse sortir prĂ©alablement toutes les troupes allemandes qui se trouvent .Ă Dantzic avec armes et bagages, la confĂ©dĂ©ration du Rhin nâexistant. plus, tous les 358 MĂ©moires Ă©tats qui Ă©tant devenus nos alliĂ©s ; et dans ce cas Neufahrwasser lui sera remis de mĂȘme de suite et sans la moindre difficultĂ©. Jâenverrai aussi Ă Dantzic par la porte dâOliwa tous les Ă©cloppĂ©s, dĂ©s quâils seront de retour, et alors les hostilitĂ©s re- commenceraient, le lendemain de leur remise, Ă neuf heures du matin. SignĂ©, le duc de Wurtemberg. P. S. Je prie votre excellence de vouloir bien me faire parvenir sa rĂ©ponse demain matin. Si M. le gĂ©nĂ©ral Heu- delet, ou un autre de MM. les gĂ©nĂ©raux, Ă©tait envoyĂ© Ă mon quartier-gĂ©nĂ©ral, cela faciliterait infiniment la conclusion -dâune affaire qui pourrait se terminer Ă sa satisfaction. J r ai Ă©crit sur ceci Ă sa majestĂ© par un courrier. RĂ©ponse. Monseigneur, Jâai fait une capitulation avec Votre altesse royale ; aujourdâhui elle mâannonce que, sans, y avoir Ă©gard, lâempereur Alexandre ordonne que la garnison de- Dantzic soit envoyĂ©e en Russie comme prisonniĂšre de guerre;, au lieu de rentrer en France. Le 10 e corps dâarmĂ©e laisse Ă lâEurope, Ă lâhistoire, et Ă la postĂ©ritĂ©, Ă juger une aussi Ă©trange infraction des traitĂ©s, contre laquelle je proteste formellement. Par suite de ces principes sacrĂ©s, jâai lâhonneur dâannoncer Ă votre altesse royale que, mâen tenant 359 du gĂ©nĂ©ral Rapp. strictement au texte dâune capitulation que je ne dois pas regarder comme anĂ©antie parce quâelle est -violĂ©e, je lâexĂ©cuterai ponctuellement, et que je suis prĂȘt Ă remettre aujourdâhui mĂȘme aux troupes . de votre altesse-des' forts Weichselmunde, NapolĂ©on, et le Holm, ainsi que tous les magasins, et Ă sortir de la place avec ma garnison le i er janvier prochain, A. cette Ă©poque, la force et lâabus du pouvoir pourront nous entraĂźner en Russie, en SibĂ©rie, partout oĂč lâon voudra. Nous sourons souffrir, mourir mĂȘme, sâil le faut, victimes de notre confiance dans un traitĂ© solennel. Lâempereur NapolĂ©on et la France sont assez puissants pour nous venger tĂŽt ou tard. Dans cet Ă©tat de choses, monseigneur, il ne me reste aucun arrangement Ă faire avec votre altesse royale, mâen rĂ©fĂ©rant entiĂšrement Ă la capitulation, du 29 novembre, quâon peut, je le rĂ©pĂšte, enfreindre, mais non anĂ©antir. SignĂ©, Comte RaĂź-f. DantĂŻic, le 23 dĂ©cembre i8i3. 560 . MĂ©moires- Lettre du comte Rapp ait duc de Wurtemberg. Dantzic, le Ăźo dĂ©cembre i8i3. Monseigneur, Mon aide-de-camp m'a remis hier soir la lettre que votre altesse mâa fait lâhonneur de mâĂ©crire. DâaprĂšs le renvoi quâelle mâa fait de ma lettre, je crois mâapercevoir quelle me suppose de l'aigreur. Votre altesse ne me rend pas justice voilĂ 23 ans que. je fais la guerre ; je suis habituĂ© Ă la bonne comme Ă la mauvaise fortune. Votre altesse mâa lâait lâhonneur de me dire quâil Ă©tait tout naturel que lâempereur Alexandre pĂ»t ratifier on non la capitulation ou. votre altesse Ă©tait munie de pleins pouvoirs ou ne lâĂ©tait pas; ma conduite dans ce cas eĂ»t Ă©tĂ© toute diffĂ©rente. Le marĂ©chal Ilalkreuth, aprĂšs une dĂ©fense trĂšs- courte, a obtenu une capitulation, fort honorable. Je me rappelle mĂȘme que lâempereur NapolĂ©on, qui nâĂ©tait quâĂ vingt lieues de la place, en Ă©tait mĂ©content; mais'il ne voulut pas faire Ă©prouver de dĂ©sagrĂ©ment Ă son gĂ©nĂ©ral en chef, en annulant la capitulation, et le marĂ©chal Ilalkreuth sortit de Dantzic sans la moindre humiliation. Il est impossible de mettre plus de dĂ©licatesse et de loyautĂ© que nous lâavons fait, le marĂ©chal Lefebvre et moi. Le marĂ©chal Ilalkreuth vit encore, et .il en a conservĂ© le souvenir. Il y a des du gĂ©nĂ©ral Rapp. -" S 1 officiers prussiens au quartier-gĂ©nĂ©ral de votre altesse qui pourront aussi en rendre tĂ©moignage. Votre altesse me fait lâhonneur de me dire que sa majestĂ© ordonne que toutes les choses soient remises sur le mĂȘme pied oĂč elles Ă©taient avant, si je veux recommencer les hostilitĂ©s. Votre altesse sait parfaitement que les avantages Ă©taient alors de notre cĂŽtĂ©, puisquâelle nous a fait constamment des off res quelle prĂ©tendait ĂȘtre favorables, et que maintenant câest tout le contraire cela nâa pas besoin de preuves. Câest dâailleurs vous, monseigneur, qui m'avez toujours proposĂ© dâentrer en arrangement pour faire cesser lâeffusion de sang, en nous offrant comme condition fondamentale notre rentrĂ©e en France. La correspondance de votre altesse avec moi en fait foi. Votre altesse sait bien dans quelle situation nous nous trouvons, et quâil est de toute impossibilitĂ©, sous tous les rapports, de prolonger notre dĂ©fense ; ainsi le choix quelle me laisse devient parfaitement illusoire. Je prie votre altesse de faire occuper aujourdâhui Weichselmunde, le Ilolm, et ouvrages intermĂ©diaires. Je nây ai laissĂ© que de petits dĂ©tachements pour empĂȘcher les dĂ©gradations. Je dĂ©sire aussi que votre altesse envoie des commissaires pour recevoir les inventaires de nos magasins de toute espĂšce ; jây tiens beaucoup, pour quâil n'y ait pas de rĂ©clamation, et quâon ne puisse pas nous reprocher dâavoir rien dĂ©tĂ©riorĂ©, non pas dans la crainte dâaller en Russie avec moins de commoditĂ©s, comme votre altesse le rĂ©pĂšte dans sa lettre, mais par le dĂ©sir de remplir religieusement tous mes engagements. 362 MĂ©moires Jâai lâhonneur de dĂ©clarer de nouveau Ă votre altesse que la garnison de Dantzic sortira le 1 er janvier, dans la matinĂ©e, en exĂ©cution de lâarticle Ăźerde la capitulation du 29 novembre, Ă laquelle je mâen tiens entiĂšrement, ' et a laquelle il est tout-Ă -fait inutile dâajouter aucun autre arrangement. Les circonstances, aprĂšs notre sortie, nous mettront absolument Ă la disposition de votre altesse. Jâai lâhonneur, etc. SignĂ© , Comte IIait. Au MĂȘme. 26 dĂ©cembre 8i5. Monseigneur, Le gĂ©nĂ©ral Manfredi mâa remis la lettre de votre altesse royale, dâhier, c 5 de ce mois. Ayant eu dĂ©jĂ ' lâhonneur de traiter avec elle les premiers articles de cette lettre, ce dernier est le seul qui me semble exiger une rĂ©ponse. Votre altesse royale me dĂ©clare quelle 11e peut consentir Ă me laisser sortir de Dantzic, a moins dâun arrangement prĂ©alable. De mon cĂŽte, ne croyant pas pouvoir revenir sur la capitulation du 29 novembre, approuvĂ©e par votre altesse royale et par moi, jai lâhonneur de lui dĂ©clarer quâau 3 i dĂ©cembre, nâayant plus de moyens de prolonger ma dĂ©fense, jĂ© me mets Ă sa disposition, ainsi que les troupes sous mes ordres. 363 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Cet arrangement, monseigneur, est bien simple; câest Ă -votre altesse royale Ă rĂ©gler le sort de la garnison. Je me contente de recommander Ă sa gĂ©nĂ©rositĂ© les soldats, surtout ceux qui par leurs infirmitĂ©s et leurs blessures rĂ©clament plus particuliĂšrement ma sollicitude. Je lui recommande Ă©galement les non-combattants, les femmes, les enfants, et les Français qui habitent Dantzie. ~ SignĂ© , Comte IIapf. V FIN. E r r ata. Page 5 ligne 26 lisez franchise >3 5 33 21 33 et Lauriston JJ 0 33 Ă 1 33 fonctions >5 12 33 25 33 aux 33 *4 33 6 33 toujours » 14 33 20 33 biĂšres 55 18 33 12 33 verrai 35 18 33 22 33 amiral 33 *9 33 3 33 Quâest ce-ci >3 '9 33 24 33 Voyez-vous, lui dit il 33 21 33 5 33 NapolĂ©ons 33 22 33 3 33 guerre 33 23 33 8 33 mâobjecta. 33 26 33 12 33 un 33 28 33 33 33 j etais comme 33 29 33 4 33 serrait 33 02 33 J 7 33 li eues 33 02 33 18 33 le temps de reprendre. 33 53 33 4 33 Rivaud 33 33 33 5 33 Donauwert 33 l? 33 2 33 nâĂ©tait 33 33 7 33 attachĂ© 33 53 33 17 33 la 33 55 33 23 33 torts 33 5 7 33 l 7 33 gentils-hommes 33 57 33 23 33 la fortune 33 58 33 35 33 Champagne âŠ3 % 33 24 33 mâĂ©veillerait 33 60 33 26 33 eu lieu 33 63 33 18 33 lâappuye 33 64 33 2 » 33 dĂ©route 33 66 33 l 8 33 accueillies 67 fi 9 6 9 70 7 1 76 78 79 9 3 95 » xolf. 1 11 127 102 142 V 14 22 15 i5 21 20 24 8 o 11 7 5i 22 2 9 21 18 Ă la baĂŻonnette Wittemberg n'en a de lâempereur carçp de sa majestĂ© traĂźtresse de sa confiance versa ĂȘ u'elies avousfc camp, influents restĂ© bien peut-ĂȘtre long-temps qu'il fĂ»t 'ffM/ mm -, .S*' » , 'âą**>*[ tek
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