Cliquez ici >>> đŸČ il a peur de s engager et me quitte

BonjourĂ  tous, Le titre rĂ©sume Ă  peu prĂšs la situation et j'ai, clairement, besoin d'avis extĂ©rieurs afin de dĂ©mĂȘler la rĂ©alitĂ© de mes espoirs. Je reprends donc depuis le dĂ©but de l'histoire. Moi, 36 ans, lui 41. Je l'ai rencontrĂ© en novembre, Monex a peur de s’engager, voici comment agir ! C’est un nouvelle article spĂ©cial que je vous propose aujourd’hui puisqu’il s’agit du tĂ©moignage de Christian* qui vit une rupture douloureuse car son ex, la femme qu’il aime n’a jamais rĂ©ellement eu les mĂȘmes sentiments que lui et depuis quelques semaines il a du mal Ă  adopter Ilfaut se dire que dans la plupart des cas, un phobique de l'engagement a en rĂ©alitĂ© peur que sa libertĂ© soit bridĂ©e. Donc, il faut agir en consĂ©quence pour Jen’arrivais pas Ă  m’engager. Mon angoisse, c’était de vivre avec lui et qu’au bout de six mois, il me quitte. Je n’aurais pas Ă©tĂ© Ă  la hauteur de l’épreuve. Je faisais comme si 73 ClĂ© N° 3 : Donnez-vous un prix car vous le valez bien. 7.4 ClĂ© N° 4 : Ne lui laissez pas disposer de votre temps comme il l’entend. 7.5 ClĂ© N° 5 : Exprimez sans peur vos impĂ©ratifs. 8 Conseils spĂ©cifiques pour vaincre une Site De Rencontre Ado Gratuit Et Sans Inscription. Bonjour Ă  tous. Le suis avec lui depuis 1 an et quelques, tout se passait bien entre nous, beaucoup de complicitĂ© et de rires, mais pas beaucoup d'affection de sa part. En effet il a eu le coeur totalement brisĂ© il y a 2 ans et ne s'en est jamais remis. J'ai tout essayĂ©, je sais qu'il m'aime mais il ne veut pas se l'avouer, il a peur de ss sentiments et de s'engager avec quelqu'un depuis sa rupture. On a partagĂ© beaucoup de choses ensembles, on est parti 3 mois en Australie... Bref, on avancait doucement mais surement. Mois je suis Ă  crocs de lui, et je sentais ces derniers temps qu'il faisait vraiment des efforts et qu'il commencait Ă  me montrer ses sentiments ex messages tous doux, calins et beaucoup de tendresse... Mais on doit faire un stage de 12 mois Ă  partir de septembre et il va devoir dĂ©mĂ©nager, on ne sait pas oĂč encore. Alors il s'est dit que ca ne servait Ă  rien d'esperer parcequ'on ne pourrait pas continuer Ă  distance. DONC IL M'A QUITTE la semaine derniĂšre. Du coup je sais que c'est Ă  contre coeur qu'il l'a fait et je veux Ă  tout prix le recuperer mais j'imagine que n'importe quel argument de ma part le ferait fuire car il ne voudra pas revenir sur sa dĂ©cision sauf s'il a un dĂ©clic et qu'il se rend compte de mon importance dans sa vie. Depuis la rupture, on se croise sans se regarder, je lui en veux beaucoup mais je ne sais pas comment rĂ©agir et lui a peur de venir me voir, il n'attend que ca, ca se voit Ă  10km mais il n'ose pas. Parfois je le vois meme avec les larmes aux yeux losqu'on sort entre amis on fait parfois des soirĂ©es "ensemble". Si vous pouviez m'Ă©claircir sur le comportement que je dois adopter, ca serait trop gentil. Merci Chachou Certaines personnes fuient tous les projets Ă  deux, donnant Ă  penser Ă  l’autre que ses sentiments ne sont pas partagĂ©s. Comment savoir s’il/elle a une vraie peur ou s’il/elle se moque de vous ? Caroline Kruse, conseillĂšre conjugale et familiale, nous Ă©claire. Pour certaines personnes, aimer et donner toutes les preuves concrĂštes qui vont avec est une vĂ©ritable source d’angoisse. Elles repoussent, voire fuient tous les projets Ă  deux, donnant Ă  penser Ă  l’autre que ses sentiments ne sont pas partagĂ©s. En rĂ©alitĂ©, c’est avant tout d’elles-mĂȘmes qu’elles doutent ! Caroline Cruse, conseillĂšre conjugale et familiale*, nous Ă©claire et propose des pistes pour avancer ensemble. Habiter sous le mĂȘme toit, se marier, avoir un enfant
 Toutes ces dĂ©cisions forment une suite logique, importante pour l’avenir du couple. Pour certaines personnes, elles ne sont pourtant pas si Ă©videntes Ă  prendre. AurĂ©lie, 38 ans, a longtemps expĂ©rimentĂ© cette indĂ©cision. En couple depuis six ans, elle s’est aperçue au fil du temps qu’elle avait affaire Ă  un vĂ©ritable phobique de l’engagement. "C’est trop tĂŽt", "Je ne suis pas prĂȘt", "Tu vas trop vite pour moi", "On n’a pas le mĂȘme rythme de vie"
 il invoquait toutes sortes de prĂ©textes pour ne pas me donner ce Ă  quoi j’aspirais. Au dĂ©but, mĂȘme passer tous les week-ends ensemble ou partir en vacances Ă  deux lui posait problĂšme !, soupire-t-elle. C’était trĂšs difficile Ă  supporter car j’avais une vision plutĂŽt fusionnelle du couple. Pour le garder, j’étais obligĂ©e en permanence de rĂ©flĂ©chir Ă  ne pas le brusquer. Toutes les dĂ©cisions nous engageant Ă  deux devaient ĂȘtre prises par lui. S’il avait l’impression que je lui imposais un choix de couple, il se braquait". S’engager. Envers l’autre, mais aussi envers soi. Le mot fait peur, indĂ©niablement. "Il y a dans cette notion une idĂ©e de contrainte et donc, une connotation nĂ©gative. On se sent liĂ©, voire piĂ©gĂ©, reconnaĂźt Caroline Kruse, conseillĂšre conjugale et familiale. C’est trĂšs ambivalent car on abdique effectivement une partie de sa libertĂ© mais pour mieux gagner par la suite en sĂ©curitĂ©, pourvu que l’on se fasse confiance l’un l’autre". "Je me disais qu’il ne m’aimait pas assez pour avancer avec moi" Alors que craint-on au juste en formulant des projets communs ? "On a peur de perdre l’autonomie conquise depuis qu’on a quittĂ© ses parents. Parfois, cela traduit aussi la peur de ne pas ĂȘtre Ă  la hauteur de la demande de l’autre", poursuit la thĂ©rapeute. Cette peur, qui peut muer en phobie pour certains, s’explique le plus souvent par une blessure d’enfance. "Peut-ĂȘtre a-t-on Ă©tĂ© trop limitĂ©, trop bridĂ© dans sa libertĂ© et on cherche Ă  s’émanciper de ce carcan par la suite. On peut aussi avoir vĂ©cu aux cĂŽtĂ©s de parents qui se dĂ©chiraient et qui n’ont pas permis de construire un modĂšle de couple sĂ©curisant", avance Caroline Kruse. Sans ces repĂšres, il est difficile, adulte, de porter naturellement de la confiance dans la notion d’engagement. La diffĂ©rence d’ñge dans le couple ou de religion peut aussi accentuer cette peur. Les obstacles paraissent si nombreux Ă  surmonter qu’il est plus facile de fuir que de s’y risquer ! Difficile cependant de faire la diffĂ©rence entre une personne qui ne souhaite simplement pas aller plus loin avec nous et un phobique de l’engagement. Dans tous les cas, les raisons invoquĂ©es sont douloureuses Ă  entendre et Ă  accepter, d’autant plus quand elles rĂ©veillent des expĂ©riences passĂ©es de non-engagement ou d’abandon. "C’était frustrant, mais aussi blessant, confie AurĂ©lie. Je me disais qu’il ne m’aimait pas assez pour avancer avec moi. Plus il campait sur ses positions, plus notre relation me paraissait fragile". Vraie peur ou manque de sĂ©rieux faire la diffĂ©rence Pourtant, Caroline Kruse l’affirme la crainte de s’engager ne doit pas ĂȘtre nĂ©cessairement interprĂ©tĂ©e comme une preuve de non-amour, bien au contraire. "Elle trahit souvent un grand manque de confiance en soi, souligne la thĂ©rapeute. Face Ă  un risque qu’elle considĂšre comme Ă©norme, la personne se replie sur elle-mĂȘme et se dit qu’elle ne va pas ĂȘtre capable d’y arriver. TrĂšs curieusement, cela rejoint la peur de son partenaire qui, craignant de ne pas aimĂ©, attend un signe d’engagement pour ĂȘtre rassurĂ©. Au fond, ces deux craintes, la peur de l’engagement et la peur de l’abandon, sont les deux facettes d’un mĂȘme manque de confiance en soi". À voir aussi Il esquive la conversation et saisit tous les prĂ©textes pour prendre la poudre d’escampette ? Il y a peu de chances que vous ayez la mĂȘme vision d’avenir pour votre couple
 A l’inverse, votre conjoint reconnaĂźt ce problĂšme d’engagement mais continue d’affirmer ses sentiments pour vous ? Alors, vous dĂ©tenez la preuve de son sĂ©rieux et avez des raisons d’espĂ©rer qu’il puisse un jour Ă©voluer. Dans ce cas, essayez d’en parler posĂ©ment ensemble. Questionnez-le pour mieux comprendre ses raisons, sans le juger. Y a-t-il, dans son passĂ©, des expĂ©riences qui l’ont marquĂ© ? Se sent-il mal Ă  l’aise chez vous, marchant dans l’ombre dans un prĂ©cĂ©dent conjoint que vous avez aimĂ© ? Comment envisage-t-il l’avenir de votre relation ? Interrogez-vous Ă©galement sur vos propres motivations pourquoi est-ce si important pour vous de vivre avec lui ou de vous marier ? Quel besoin cela traduit-il chez vous vous avez besoin de preuves d’amour au quotidien, vous avez envie d’entendre des mots doux, vous aimeriez qu’il se livre davantage
 ? Parfois, il est possible de rĂ©soudre ces manques dans la relation sans forcĂ©ment passer par la case "engagement". Trouver des compromis Oubliez les questionnements incessants, voire les ultimatums, synonymes pour lui de harcĂšlement. Toute forme de pression est Ă  bannir sous peine de le faire fuir ! Pour vaincre son blocage, votre conjoint a avant tout besoin d’ĂȘtre rassurĂ©. Sur vos sentiments mais aussi sur sa capacitĂ© Ă  vous apporter ce dont vous avez besoin. "Valorisez ainsi toutes les petites marques d’engagement qu’il peut donner et qui sont une manifestation de ses sentiments, conseille Caroline Kruse. Fleurs, mots doux, cadeaux, tout ceci montre qu’il est bien avec vous identifiez ces preuves d’amour et donnez-leur l’importance qu’elles mĂ©ritent !". Avancez ensemble en douceur, Ă  petits pas. Essayez de trouver des compromis qui puissent vous apaiser aussi, sans l’effrayer. Proposez-lui par exemple de tester la vie Ă  deux seulement une semaine sur deux dans un premier temps. Ou de vivre un temps chez lui, oĂč il se sent mieux, avant de chercher ensemble un appartement neutre qui vous convienne. Il prĂ©fĂšre que ce soit vous qui dĂ©mĂ©nagiez, plutĂŽt que de quitter ses repĂšres gĂ©ographiques ? Peut-ĂȘtre attend-t-il aussi des preuves de votre engagement, avant de pouvoir sauter le pas Ă  son tour. "Le but n’est pas de lui faire changer d’avis Ă  tout prix. Il faut qu’il ait envie, lui aussi, d’aller vers cette Ă©volution de couple. S’il le faisait Ă  contrecƓur, cela poserait forcĂ©ment des problĂšmes pour la suite de la relation", note la spĂ©cialiste. Il est ainsi fondamental de lui accorder du temps pour rĂ©flĂ©chir. Voire de le faire devant un tiers professionnel, si vous ne parvenez pas ensemble Ă  dĂ©gager des solutions. "Faire la dĂ©marche de consulter ensemble un thĂ©rapeute, c’est dĂ©jĂ  une forme d’engagement, relĂšve Caroline Kruse. C’est une action positive qui renforce le couple. Cela montre que la personne a envie de surmonter ses craintes, mĂȘme si elle ne se sent pas tout Ă  fait prĂȘte". Et s’il n’est jamais prĂȘt ? Faites la part des choses entre les projets de vie auxquels vous aspirez et la rĂ©alitĂ© de votre relation. Si vous lui proposez de vivre ensemble ou de faire un bĂ©bĂ© au bout de six mois, il y a fort Ă  parier que votre proposition sĂšme un vent de panique. A l’inverse, si cela fait cinq ans que vous ĂȘtes ensemble, votre dĂ©sir est tout Ă  fait lĂ©gitime et mĂ©rite que la question soit officiellement posĂ©e. Si malgrĂ© tout il campe sur ses positions, il ne reste plus qu’à faire le point de votre cĂŽtĂ© sur vos motivations. Jusqu’à quel point l’aimez-vous ? Combien de temps encore vous sentez-vous encore capable de l’attendre ? Que vous apporte-t-il en Ă©change ? Comment vous sentez-vous aujourd’hui dans cette relation ?... Le mieux reste d’en reparler clairement Ă  une date fixĂ©e ensemble dans trois mois, dans six mois
. Vous verrez ainsi, avec le recul, si votre discussion a permis de le faire Ă©voluer ou si, au contraire, son refus obstinĂ© doit vous amener Ă  prendre la dĂ©cision qui s’impose, quand les manques Ă  combler sont trop grands. Diapo Couple les choses Ă  ne jamais dire Ă  une femme ! C’est un nouvelle article spĂ©cial que je vous propose aujourd’hui puisqu’il s’agit du tĂ©moignage de Christian* qui vit une rupture douloureuse car son ex, la femme qu’il aime n’a jamais rĂ©ellement eu les mĂȘmes sentiments que lui et depuis quelques semaines il a du mal Ă  adopter la bonne stratĂ©gie notamment Ă  cause de sa dĂ©pendance affective. Quand on en vient Ă  se dire mon ex a peur de s’engager avec moi » c’est justement que de notre cĂŽtĂ© l’amour est prĂ©sent mais qu’il n’est pas partagĂ©, ou pas avec la mĂȘme intensitĂ©. A partir de lĂ , la frustration se dĂ©veloppe et forcĂ©ment il y a des erreurs qui sont commises et qui ralentissent la reconstruction du couple. Comment faire pour inverser la situation ? Comment rĂ©cupĂ©rer son ex quand il/elle doute de ses sentiments ? Faut-il continuer Ă  lui mettre la pression pour le/la faire revenir u bien garder de la distance ? Vous vous posez tous et toutes ces questions et j’y rĂ©ponds dans cet article, grĂące Ă  ce tĂ©moignage vous allez en savoir plus sur la dĂ©marche Ă  entreprendre et cesser de vous sentir seule. Je suis trop en demande avec mon ex Je vous explique ma situation un peu complexe Mon ex m’a quittĂ© en octobre aprĂšs 6 mois de relation. On s est rencontrĂ© sur internet, elle sortait dune relation trĂšs longue ou elle sest fait quitter alors qu’elle voulait des enfants. Moi j’étais cĂ©libataire depuis pas mal de temps et quand je l’ai rencontrĂ© j’ai de suite voulu me poser avec elle et je me suis battu pour lui donner l’envie de s’engager bien qu’elle ait peur. Elle Ă©tait toujours sur les sites de rencontres mais ne discutait plus, juste par curiositĂ©. Moi entendant et sachant ca j’étais en demande et oppressant
 alors que quand nous pensions Ă  autre chose, nous passions de super moments. Elle m’a avouĂ© lors de la rupture que ses sentiments faisaient le yoyo. On se voyait pourtant tous les jours, allions nous installer ensemble mais elle me montrait tellement de signaux nĂ©gatif internet etc. c’est quelqu’un de trĂšs cĂ©rĂ©brale, qui rĂ©flĂ©chit beaucoup, qui n’aime pas les relations fusionnelles de peur que ce soit acquis, cherchant une Ă©vidence etc que j’étais pas moi-mĂȘme et un coup lĂ©ger un coup chiant. Apres cette 1ere sĂ©paration, Nous nous sommes revu 15 jours aprĂšs mais je suis vite redevenu oppressant, cherchant toujours des explications et des excuses je parle et communique beaucoup et elle trĂšs peu, et pourtant elle est psy mais a une carapace.. Nous nous sommes quittĂ©s de nouveau mi-dĂ©cembre, en me disant qu’elle n’avait plus de sentiments et qu’elle voulait couper les ponts, que ça ne marchera jamais. Elle m’a Ă©crit pour me souhaiter un joyeux noĂ«l et une bonne annĂ©e alors que j’étais en SR. AprĂšs lui avoir envoyĂ© un mail anodin j’ai senti qu’elle Ă©tait heureuse davoir de mes nouvelles, me posant plein de questions sur ce qui s’était passĂ© pendant mes 3 semaines, me disant que malgrĂ© tout ça elle pensait beaucoup Ă  nous etc. Au dĂ©but de l’annĂ©e je lui ai proposĂ© de se revoir et elle Ă©tait je pense toute contente ! Apres avoir interrompu la soirĂ©e au bout de 4 h alors qu’elle voulait aller danser et passer la nuit avec moi elle a Ă©tĂ© frustrĂ© et a de suite vu que je l’avais fait exprĂšs ! Nous nous sommes revu rĂ©guliĂšrement, mais elle se mettait une grande pression pour que ses sentiments reviennent. Un coup elle allait bien un coup elle allait mal. Quand je lui ai proposĂ© un weekend tous les 2, un coup elle disait oui un coup non
 C’est clair, mon ex a peur de s’engager pendant cette pĂ©riode oĂč on s’est revus alors qu’on Ă©tait Ă  nouveau sur les sites de rencontre, j’ai eu du mal Ă  gĂ©rer ca et lui ai reprochĂ© qu’elle prĂ©fĂ©rait rencontrer quelqu’un de nouveau plutĂŽt que de passer un moment avec moi et d’essayer. Un soir alors qu’elle avait un rencard, je lui ai dit que si on se voyait pas aprĂšs et qu’on ne passait pas la soirĂ©e ensemble, on se reverrait plus car je serai vexĂ© et je n’aurai aucune valeur Ă  ses yeux et on s est vu alors que son rdv sĂ©tait soit disant ni mal ni bien passĂ© et on a passĂ© une super soirĂ©e complice mais dĂšs le lendemain elle cogitait de nouveau. » Cette histoire vous est peut ĂȘtre familiĂšre car elle ressemble Ă  la vĂŽtre, mais aussi Ă  des milliers de personnes qui souhaite se remettre en couple avec une ex. TrĂšs rapidement, il y a eu cette diffĂ©rence entre celui qui veut quelque chose de sĂ©rieux trop rapidement et celle qui sort d’une relation difficile qui a besoin de temps et d’espace et tout de suite ressent une pression incroyable malgrĂ© le fait qu’elle soit attirĂ©e. Le fait de se voir tous les jours et de vouloir s’installer ensemble en pensant que cela arrangera les choses n’est pas Ă  faire. Quand il y a un problĂšme dans le couple il faut d’abord le rĂ©gler plutĂŽt que de faire des projets trop important comme se marier, avoir un enfant ou emmĂ©nager ensemble en espĂ©rant que cela fasse cesser les conflits. Le fait de se mettre en demande est nĂ©gatif car il n’y a aucun changement qui peut pousser l’ex Ă  revenir et surtout ne prend pas le temps de rĂ©flĂ©chir Ă  la problĂ©matique de fond, ce besoin affectif et ce manque de confiance en soi. Christian a bien cernĂ© le fait qu’il Ă©tait trop oppressant » pourtant il n’a rien fait pour y remĂ©dier. Je sais que vous, qui ĂȘtes dans cette situation, vous connaissez surement la cause des doutes de votre ex mais il ne faut pas s’arrĂȘter lĂ  et mettre des actions en place pour y remĂ©dier convenablement. Lorsqu’on se dit mon ex a peur de s’engager avec moi, c’est qu’il existe un blocage et il faut le comprendre pour le lever au lieu de vouloir faire des projets ou pire encore poser des ultimatums. Mon ex a du mal Ă  s’engager et je suis trop oppressant » Par la suite j’étais encore en demande et elle l’a vu
 elle a dĂ©cidĂ© de rompre 4 semaines aprĂšs alors qu’on venait de passer le weekend ensemble , qu’elle Ă©tait passĂ© a autre chose , qu’elle n’essayait plus que ça marche et qu’elle voulait faire de nouvelles rencontres internet pour savoir si qui Ă©tait le bon moi ou un autre , qu’on sĂ©tait revus peut ĂȘtre par solitude et que si elle avait rencontrĂ© quelqu’un entre temps elle ne l’aurait peut-ĂȘtre pas fait . Et paradoxalement, quand nous sommes ensemble, quand elle se laisse aller au bout d’un verre ou 2 et moi aussi, nous passons de super moments, je le vois trĂšs bien dans ses yeux, elle est Ă  nouveau attentionnĂ©e et heureuse
elle m’embrasse, me tient par la main, me parle beaucoup sur quelques doutes comme si il y avait de l’amour, la quelques part en dessous de ses craintes DerniĂšrement, aprĂšs notre derniĂšre soirĂ©e alors qu’à la base on devait juste se voir pour s’expliquer, on a fini par manger ensemble, rigoler et boire on a fini chez elle, elle sest blotti contre moi disant qu’elle aimerait que je sois une petite souris pour ĂȘtre toujours prĂšs d elle ! Le lendemain elle me disait vouloir arrĂȘter elle en a pas dormi de la nuit. On s est alors pas revu ça fait une semaine. Mon ex ne veut pas s’engager et je ne sais pas quoi faire ! Je pense qu’elle sait que je suis en demande, elle pense que je suis acquis. J’aimerai tellement lui montrer que qu’on passe de super moments et les sentiments peuvent revenir ! Ses actes surtout quand elle est pompette contredisent ses paroles, je pense quand je vois son comportement qu’elle est perdu mais ses paroles quand elle cogite sont fermes On s est quittĂ© mardi matin, mercredi je lui ai proposĂ© par mail qu’on ne coupe pas les ponts , qu’on compte l’un pour l’autre et que ce serait dommage mais que je ne m’emballais plus et que je serai ravi de repasser un moment sans prise de tĂȘte avec elle. elle m’a rĂ©pondu le lendemain par sms qu’elle n’avait pas su quoi rĂ©pondre, qu’elle Ă©tait Ă©tonnĂ© que je propose ça avec ce qu’elle m’avait dit , qu’elle ne savait pas si c’était bon mais qu’elle plus ou moins d’accord. Du coup, dois-je encore appliquer un SR ? Mais de combien de temps sachant que celui de dĂ©cembre a durĂ© 3 semaines ? Ou juste trĂšs espacer mes messages, prendre mes distances et lui faire vivre que des bons moments en gardant une distance sans l’embrasser ni recoucher avec elle ? Je suis perdu, je ne sais pas si je dois m’effacer ou juste prendre des distances, sachant qu’elle fait des rencontres internet et qu’elle est en recherche de certitudes pour savoir qui est le bon » Quand un ou une ex veut faire de nouvelles rencontres, mĂȘme si ce n’est pas simple Ă  accepter c’est tout simplement parce qu’on ne lui offre pas son meilleur visage, on est juste devant lui/elle et pourtant il/elle prĂ©fĂšre rechercher ailleurs. Il faut se remettre en question et surtout changer son attitude pour ne pas ĂȘtre constamment en train de courir derriĂšre son ex. Il est Ă©vident que la distance est nĂ©cessaire mais elle ne suffit pas car ce n’est pas un silence radio qui a Ă©tĂ© fait mais simplement une coupure de contact. Un SR comme je l’explique dans cet article nĂ©cessite une reconstruction personnelle et pas simplement attendre qu’il/elle change d’avis et c’est exactement ce qu’il faut faire dans cette situation. Le fait qu’il y ait eu plusieurs ruptures montre bien que le problĂšme n’est pas rĂ©solu car il faut sortir de cette dĂ©pendance affective et devenir beaucoup plus inaccessible, plus sĂ©duisant et moins oppressant avec son ex. Etant donnĂ© que la relation a Ă©tĂ© courte et surtout ponctuĂ©e de multiples sĂ©parations, mais aussi de mĂ©sententes il faut se concentrer sur la resĂ©duction et pas sur une reconquĂȘte car on risque de toujours lui proposer la mĂȘme histoire. L’objectif est donc de montrer plus de recul et de prendre de la hauteur. Le coach quand mon ex craint de s’engager Vladimir Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131943 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131910 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131719 Je suis donc condamnĂ© Ă  rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?Prends un peu plus femme de 25 ans te conviendra trĂšs OU la rencontrer?Des clubs ou des endroits oĂč t'es amenĂ© DE FORCE Ă  prendre la parole avec des pistes, au hasard - Cours de théùtre- CafĂ©s Philos- Association / ASBL de ton choixSinon, la bonne vieille mĂ©thode Aller en soirĂ©e ...IdĂ©alement en appartement grĂące Ă  des potes que tu connaisBon courage kheyou. A part si t’es un 8-9/10 l’op c’est over pour toi tu pourra au mieux viser de la grosse magalax 150 kg 2/10 ou une mĂšre cĂ©libataire avec ses kirikou fais avec une chance ou un jean kevin N'importe quoi l' rencontrĂ© ma femme et maintenant mĂšre de mes deux enfants Ă  32 ans, aprĂšs avoir quittĂ© une ma femme est intelligente et Ă©quilibrĂ©e. Elle Ă©tait juste disponible ces femmes ne le sont jamais bien longtemps, je l'admets Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  132108 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131910 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131719 Je suis donc condamnĂ© Ă  rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?Prends un peu plus femme de 25 ans te conviendra trĂšs dirait qu'on parle de voitures 200 000 km5Ăšme mainAirbags frontaux remplacĂ© Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131719 Je suis donc condamnĂ© Ă  rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă  l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. À Ă  l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă  construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă  la pause cafĂ©, que tu parles Ă  ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă  trente ans comme Ă  qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă  la tu ne leur parles pas, Ă  ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă  une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă  titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă  des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă  ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă  une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă  l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă  frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă  l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă  d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, banco. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191148 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190812 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190434 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190134 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190029 hahaha t'as perdu mectu seras une deuxiĂšme option jusqu'Ă  la fin de ta vie Vous ĂȘtes matrixĂ©s par les rĂ©seaux sociaux et vos biais, c'est y a 100 ans faire sa vie avec une meuf du village voisinaujourd'hui tinder, divorce, "mĂ© va au bar mec"c'est pas parce que t'utilises le mot biais que t'es pas totalement dans l'erreur Tu rĂ©alises l'absurditĂ© de ton postulat ? Une idĂ©alisation d'un passĂ© inconnu, fantasmagorique, et une extrapolation de la sociĂ©tĂ© moderne Ă  travers une vision totalement n'as aucune idĂ©e du bonheur rĂ©el d'un couple vivant il y a cent ans. Il y a autant de modĂšles de relations que de relations. Deux pĂ©gus mariĂ©s en 1910 ne vivaient pas la mĂȘme vie maritale. Le divorce n'Ă©tait pas une option, on lui prĂ©fĂ©rait volontiers la souffrance d'un mariage malheureux, aux rĂ©percutions douteuses sur la rencontrĂ© mon ex-femme et mon ex-copine dans des contextes particuliers, sans chercher Ă  trouver qui que ce soit. Ça s'est fait, c'est toute maniĂšre, ce n'est pas un sujet sur lequel nous avons une once de chance d'approcher d'une quelconque "vĂ©ritĂ©".Oublie les statistiques, les idĂ©es reçues. Ce sont des gens, que tu vas rencontrer. Et tu ne peux prĂ©dire le comportement des gens. Ça dĂ©coule de trop nombreux facteurs qui t'Ă©chapperont de TimothyDalton Des gens ayant dĂ©jĂ  vĂ©cu en trouple ? SUPPRIMÉ"Je dirais bien que c'est pour un ami, mais c'est pour moi, ma femme, et la femme dont nous sommes tombĂ©s amoureux rĂ©ciproquement " j'ai pas lu ton pavĂ© et ne m'adresse plus jamais la parole J'ai beau chercher, je ne vois strictement aucun rapport avec le Ă  part, peut-ĂȘtre, le fait que j'ai Ă©tĂ© capable d'ĂȘtre avec une, puis deux femmes simultanĂ©ment. Mon avis devrait donc, en toute logique, ĂȘtre d'une certaine t'adresse la parole si je veux, mon grand. À toi de m'ignorer si tu adores absolument la stagnation."Oh mon dieu, quelqu'un qui pense et vit diffĂ©remment... vite, fermons les yeux avant qu'il remette en question notre mode de vie !" Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131719 Je suis donc condamnĂ© Ă  rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă  l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. À Ă  l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă  construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă  la pause cafĂ©, que tu parles Ă  ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă  trente ans comme Ă  qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă  la tu ne leur parles pas, Ă  ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă  une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă  titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă  des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă  ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă  une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă  l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă  frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă  l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă  d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă  10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă  la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă  tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement vrai. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190727 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131719 Je suis donc condamnĂ© Ă  rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?Ă  l'Ă©gliseC'est bon le topic est clos stop de dĂ©battre les cucks dĂ©cadents, la question de l'op est rĂ©solue. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  133140 J'ai cĂŽtoyĂ© une fille 3 mois1er rdv elle paye sa part au resto,ensuite elle se faisait rincer tout le long, avait jamais sa carteensuite elle me disait tomber amoureuse...sauf queelle me dit qu'elle sort de 7 ans de relation, qu'elle a pas couchĂ© avec un mec depuis 1 anon se voit, on couche ensemble mais je bande pas, bref elle accepte de me revoir quand mĂȘmeen parallĂšle elle dit dĂ©velopper des sentiments pour moi, sauf que- part en rep dom et donne + de nouvelles- invite des gars et des filles dans son jaccuzzi- parle toujours Ă  son ex - m'a dĂ©jĂ  mentie - Daddy issue pĂšre mort- fait des shooting nue - Affiche son boule sur insta - a que des potes mecs - peur de l'engagement, sort de 7 ans de relation - Montre peu ses sentiments - Parle sans cesse de ses prouesses sexuelles - Approuve le fait que sa copine se fasse tourner par 3 mecs, dit ouvertement que c'est son fantasme - Passe son temps Ă  me dire qu'ele kiffe les mecs musclĂ©s, qu'elle veut se faire Ă©trangler par un mec musclĂ© voilĂ , aprĂšs autant de doutes sur le fait de savoir si elle jouait un jeu ou non, j'ai prĂ©fĂ©rĂ© la dĂ©gager cette compil de redflag, tu t es epargnĂ© de la souffrance, t as fait le bon choix Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191545 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131719 Je suis donc condamnĂ© Ă  rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă  l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. À Ă  l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă  construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă  la pause cafĂ©, que tu parles Ă  ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă  trente ans comme Ă  qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă  la tu ne leur parles pas, Ă  ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă  une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă  titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă  des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă  ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă  une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă  l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă  frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă  l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă  d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă  10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă  la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă  tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement sorti 200 comme nombre arbitraire. L'idĂ©e de base, c'est qu'il est plus facile de rencontrer des personnes et donc des femmes, et donc potentiellement LA femme Ă  des soirĂ©es Ă©tudiantes, parce que ces soirĂ©es sont plus nombreuses, que t'es entourĂ© de tes potes pour te chauffer et que l'alcool aide Ă  dĂ©sinhiber, que dans une soirĂ©e "d'adulte" chiante en atelier cuisine ou cours de salsa oĂč gĂ©nĂ©ralement tu dĂ©barque tout seul. Et si t'es pas avenant et avec un grand sens social de base, ces soirĂ©es d'adultes serviront juste Ă  passer le temps. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  192046 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191545 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131719 Je suis donc condamnĂ© Ă  rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă  l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. À Ă  l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă  construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă  la pause cafĂ©, que tu parles Ă  ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă  trente ans comme Ă  qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă  la tu ne leur parles pas, Ă  ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă  une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă  titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă  des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă  ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă  une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă  l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă  frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă  l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă  d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă  10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă  la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă  tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement sorti 200 comme nombre arbitraire. L'idĂ©e de base, c'est qu'il est plus facile de rencontrer des personnes et donc des femmes, et donc potentiellement LA femme Ă  des soirĂ©es Ă©tudiantes, parce que ces soirĂ©es sont plus nombreuses, que t'es entourĂ© de tes potes pour te chauffer et que l'alcool aide Ă  dĂ©sinhiber, que dans une soirĂ©e "d'adulte" chiante en atelier cuisine ou cours de salsa oĂč gĂ©nĂ©ralement tu dĂ©barque tout seul. Et si t'es pas avenant et avec un grand sens social de base, ces soirĂ©es d'adultes serviront juste Ă  passer le sort de 9 ans de relation donc il a probablement entre 25 et 30 ans, qu'est ce qu'il irait branler a une soirĂ©e Ă©tudiante ? Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191608 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190727 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131719 Je suis donc condamnĂ© Ă  rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?Ă  l'Ă©gliseC'est bon le topic est clos stop de dĂ©battre les cucks dĂ©cadents, la question de l'op est le topic n'est pas rĂ©solu!!!!!!!!!!Ă  l'Ă©glise j'y ai Ă©tĂ©!!!! y a que des grands mĂšres Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  194042 encorebanni2319 a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  192046 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191545 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131719 Je suis donc condamnĂ© Ă  rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă  l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. À Ă  l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă  construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă  la pause cafĂ©, que tu parles Ă  ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă  trente ans comme Ă  qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă  la tu ne leur parles pas, Ă  ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă  une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă  titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă  des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă  ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă  une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă  l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă  frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă  l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă  d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă  10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă  la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă  tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement sorti 200 comme nombre arbitraire. L'idĂ©e de base, c'est qu'il est plus facile de rencontrer des personnes et donc des femmes, et donc potentiellement LA femme Ă  des soirĂ©es Ă©tudiantes, parce que ces soirĂ©es sont plus nombreuses, que t'es entourĂ© de tes potes pour te chauffer et que l'alcool aide Ă  dĂ©sinhiber, que dans une soirĂ©e "d'adulte" chiante en atelier cuisine ou cours de salsa oĂč gĂ©nĂ©ralement tu dĂ©barque tout seul. Et si t'es pas avenant et avec un grand sens social de base, ces soirĂ©es d'adultes serviront juste Ă  passer le sort de 9 ans de relation donc il a probablement entre 25 et 30 ans, qu'est ce qu'il irait branler a une soirĂ©e Ă©tudiante ?ArrĂȘte d'ĂȘtre con et concentre toi 10 parle justement du fait qu'il est plus facile de rencontrer des personnes en soirĂ©es Ă©tudiantes, et par extension pendant les Ă©tudes, qu'une fois dans la vie d'adulte, avec le boulot et compagnie. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  192046 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191545 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131719 Je suis donc condamnĂ© Ă  rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă  l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. À Ă  l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă  construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă  la pause cafĂ©, que tu parles Ă  ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă  trente ans comme Ă  qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă  la tu ne leur parles pas, Ă  ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă  une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă  titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă  des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă  ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă  une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă  l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă  frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă  l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă  d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă  10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă  la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă  tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement sorti 200 comme nombre arbitraire. L'idĂ©e de base, c'est qu'il est plus facile de rencontrer des personnes et donc des femmes, et donc potentiellement LA femme Ă  des soirĂ©es Ă©tudiantes, parce que ces soirĂ©es sont plus nombreuses, que t'es entourĂ© de tes potes pour te chauffer et que l'alcool aide Ă  dĂ©sinhiber, que dans une soirĂ©e "d'adulte" chiante en atelier cuisine ou cours de salsa oĂč gĂ©nĂ©ralement tu dĂ©barque tout seul. Et si t'es pas avenant et avec un grand sens social de base, ces soirĂ©es d'adultes serviront juste Ă  passer le chiante ? Question de perspective. Je vois pas ce qu'il y a de si exaltant Ă  ces soirĂ©es Ă  trois neurones et cinq grammes, oĂč le but est de faire le plus de conneries possible, de rĂ©duire au maximum son espĂ©rance de vie pour fuir l'idĂ©e que le temps nous soirĂ©es bondĂ©es ne m'attirent pas. J'ai dĂ©jĂ  donnĂ©, c'Ă©tait sympa Ă  quinze chacun ses Ă©tudiantes ne sont pas du tout le type de femmes que je recherche. Je prĂ©fĂšre des femmes qui ont un peu de vĂ©cu, et qui savent ce qu'elles veulent, et ce qu'elles ne veulent dĂ©jĂ  Ă©tĂ© mariĂ©, j'ai dĂ©jĂ  vĂ©cu en maison avec mon ex-femme. C'est pas pour me trouver une Ă©tudiante qui vit encore Ă  moitiĂ© chez ses que je suis cĂ©libataire, j'ai eu une occasion d'ĂȘtre en relation, et j'ai refusĂ©. La fille Ă©tait trĂšs bien, mais nous n'avions pas les mĂȘmes perspectives relationnelles, alors je n'ai pas voulu engager quelque chose qui aurait pu nous faire mutuellement caser n'est pas une fin en soi. C'est quelque chose de beau quand on construit avec quelqu'un qui nous rend encore plus heureux, encore avoir besoin de ça pour son bonheur, c'est ne jamais avoir appris Ă  vivre avec sais que c'est pas Ă©vident, j'apprends ça depuis que je suis cĂ©libataire, et j'y arrive chaque jour un peu Ă©tĂ© en couple de mes dix-sept Ă  mes vingt-sept ans. Je suis devenu un adulte en Ă©tant pas du tout envie de me jeter dans n'importe quelle relation. Je dĂ©sire ĂȘtre en paix. Et Ă©ventuellement, si je rencontre quelqu'un qui m'intĂ©resse, je songerai Ă  construire avec. Mais il y a d'autres richesses dans la puis bordel, on n'a mĂȘme pas encore trente ans. On n'est plus en 1900, oĂč t'Ă©tais mariĂ© et parent Ă  vingt-et-un ans. Les Ă©tudes durent de plus en plus des potes qui ont se sont finalement casĂ©s Ă  30, 33, mĂȘme 40 ans, et qui ont eu un enfant par la qui devra arriver arrivera, vous n'avez aucun contrĂŽle lĂ -dessus. Acceptez-le dĂšs aujourd'hui, et ça ira mieux. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  194118 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191608 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190727 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131719 Je suis donc condamnĂ© Ă  rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?Ă  l'Ă©gliseC'est bon le topic est clos stop de dĂ©battre les cucks dĂ©cadents, la question de l'op est le topic n'est pas rĂ©solu!!!!!!!!!!Ă  l'Ă©glise j'y ai Ă©tĂ©!!!! y a que des grands mĂšresC'est surtout qu'on aspire pas tous Ă  une vie chrĂ©tienne. Mais ça, y'a plein de gens ici qui ont du mal Ă  le comprendre. Qui sont entĂȘtĂ©s dans leur vision du monde, qui pensent que c'est la seule qui existe. SĂ©lection naturelle, fallait l'engrosser aprĂšs 6 mois de relations T'as jouĂ©, t'as pris ton temps et t'as perdu Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  194506 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  192046 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191545 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131719 Je suis donc condamnĂ© Ă  rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă  l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. À Ă  l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă  construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă  la pause cafĂ©, que tu parles Ă  ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă  trente ans comme Ă  qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă  la tu ne leur parles pas, Ă  ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă  une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă  titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă  des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă  ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă  une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă  l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă  frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă  l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă  d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă  10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă  la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă  tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement sorti 200 comme nombre arbitraire. L'idĂ©e de base, c'est qu'il est plus facile de rencontrer des personnes et donc des femmes, et donc potentiellement LA femme Ă  des soirĂ©es Ă©tudiantes, parce que ces soirĂ©es sont plus nombreuses, que t'es entourĂ© de tes potes pour te chauffer et que l'alcool aide Ă  dĂ©sinhiber, que dans une soirĂ©e "d'adulte" chiante en atelier cuisine ou cours de salsa oĂč gĂ©nĂ©ralement tu dĂ©barque tout seul. Et si t'es pas avenant et avec un grand sens social de base, ces soirĂ©es d'adultes serviront juste Ă  passer le chiante ? Question de perspective. Je vois pas ce qu'il y a de si exaltant Ă  ces soirĂ©es Ă  trois neurones et cinq grammes, oĂč le but est de faire le plus de connerie possible, de rĂ©duire au maximum son espĂ©rance de vie pour fuir l'idĂ©e que le temps nous soirĂ©es bondĂ©es ne m'attirent pas. J'ai dĂ©jĂ  donnĂ©, c'Ă©tait sympa Ă  quinze chacun ses Ă©tudiantes ne sont pas du tout le type de femmes que je recherche. Je prĂ©fĂšre des femmes qui ont un peu de vĂ©cu, et qui savent ce qu'elles veulent, et ce qu'elles ne veulent dĂ©jĂ  Ă©tĂ© mariĂ©, j'ai dĂ©jĂ  vĂ©cu en maison avec mon ex-femme. C'est pas pour me trouver une Ă©tudiante qui vit encore Ă  moitiĂ© chez ses que je suis cĂ©libataire, j'ai eu une occasion d'ĂȘtre en relation, et j'ai refusĂ©. La fille Ă©tait trĂšs bien, mais nous n'avions pas les mĂȘmes perspectives relationnelles, alors je n'ai pas voulu engager quelque chose qui aurait pu nous faire mutuellement caser n'est pas une fin en soi. C'est quelque chose de beau quand on construit avec quelqu'un qui nous rend encore plus heureux, encore avoir besoin de ça pour son bonheur, c'est ne jamais avoir appris Ă  vivre avec sais que c'est pas Ă©vident, j'apprends ça depuis que je suis cĂ©libataire, et j'y arrive chaque jour un peu Ă©tĂ© en couple de mes dix-sept Ă  mes vingt-sept ans. Je suis devenu un adulte en Ă©tant pas du tout envie de me jeter dans n'importe quelle relation. Je dĂ©sire ĂȘtre en paix. Et Ă©ventuellement, si je rencontre quelqu'un qui m'intĂ©resse, je songerai Ă  construire avec. Mais il y a d'autres richesses dans la puis bordel, on n'a mĂȘme pas encore trente ans. On n'est plus en 1900, oĂč t'Ă©tais mariĂ© et parent Ă  vingt-et-un ans. Les Ă©tudes durent de plus en plus des potes qui ont se sont finalement casĂ©s Ă  30, 33, mĂȘme 40 ans, et qui ont eu un enfant par la qui devra arriver arrivera, vous n'avez aucun contrĂŽle lĂ -dessus. Acceptez-le dĂšs aujourd'hui, et ça ira mais heureusement qu'Ă  30 berges t'as pas envie de te caler avec une Ă©tudiante de 18 ans."Je parle justement du fait qu'il est plus facile de rencontrer des personnes en soirĂ©es Ă©tudiantes, et par extension pendant les Ă©tudes, qu'une fois dans la vie d'adulte, avec le boulot et compagnie." Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  194730 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  194506 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  192046 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191545 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191347 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191202 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  191016 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190831 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190417 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  190122 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  185931 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183923 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  183621 TimothyDalton a Ă©crit Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  174114 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  173735 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  131719 Je suis donc condamnĂ© Ă  rester seul, sans amour, sans enfants, sans connaitre la joie de vivre et de crĂ©er une famille Ă©panouieLes seules femmes de mon Ăąge restantes Ă©tant- NĂ©vrosĂ©es, instables, un passĂ© de truie- Des grosses- Des mĂšres de familleOu rencontrer des filles bien en 2022?MER IL ET 27 ans, j'ai passĂ© 10 ans en couple, la majeure partie avec une femme, puis un an et demi avec une des tas de femmes. De plus jeunes, des plus ĂągĂ©es, des femmes du mĂȘme Ăąge. Mille raisons qu'elles soient d'optimisme...y'en a beaucoup moins qui sont cĂ©libataires qu'Ă  l'Ă©poque du lycĂ©e ou mieux du collĂšge, Ă©poque oĂč j'aurais du porter mes couilles au lieu d'avoir peur...Biais de dĂ©faitisme. À Ă  l'Ă©poque du collĂšge et du lycĂ©e, il est bien plus difficile de construire une relation longue rĂ©aliste et ancrĂ©e dans les problĂ©matiques de la vie d' il est naĂŻf de croire que tu rencontre autant de nouvelles personnes une fois dans la vie d' tes Ă©tudes, tu croise annuellement au moins 500 personnes rien que dans ta fac/IUT/ecole d'ingĂ©. Et sur ces 500 personnes, 1/3 se renouvellent tous les ans. Et je ne compte pas les centaines de personnes supplĂ©mentaires via les soirĂ©es inter-Ă©coles et compagnieUne fois dans le monde du travail, la "vie d'adulte", tu ne cotoie plus que les 50 ou 100 mĂȘmes personnes, pendant des il est bien plus difficile de commencer Ă  construire quelque chose une fois dans la vie d' qui prime, c'est la qualitĂ©, pas la pas parce que tu croises 100 visages par jour en facultĂ© Ă  la pause cafĂ©, que tu parles Ă  ces pas plus avantageux que de sortir dans un bar avec des amis. Et ça, tu peux le faire Ă  trente ans comme Ă  qu'il est plus probable de trouver 1 pierre prĂ©cieuses parmi 200 cailloux, que parmi sortir dans un bar, c'est beaucoup plus intuitif et instinctif quand t'es Ă  la tu ne leur parles pas, Ă  ces 200 personnes. Tu les croises au grĂ© des filiĂšres, parfois trĂšs diffĂ©rentes. C'est comme un lotissement, ou une rue que tu as l'habitude d' final, tu as plus de chances de rencontrer quelqu'un qui te correspond en rejoignant une asso, en t'inscrivant Ă  une activitĂ© de groupe comme une chorale, de l'escrime, n'importe quoi en lien avec tes statistiques ne sont que des Ă©chantillons, des modĂ©lisations Ă  titre purement indicatif. Elles ne sont ni le reflet du rĂ©el, ni une prend un Ă©chantillon, et on dĂ©clare qu'il est reprĂ©sentatif d'un certain type de population. Mais la statistique n'est pas une science exacte. C'est une approximation du rĂ©el Ă  des fins thĂ©oriques. La sociologie n'est pas une science encore une fois, la probabilitĂ© de trouver la personne qui te corresponde parmi un groupes de 10 pecnos Ă  ton atelier cuisine est infiniment plus faible que celle de la trouver parmi 200 personnes Ă  une soirĂ©e, dans laquelle tu va croiser beaucoup plus d'individus et dialoguer avec une grosse partie d'entre eux. La statistique est une approximation du rĂ©el qui, sur un Ă©chantillon assez vaste, permets de se rapprocher presque Ă  l'identique du fameuse soirĂ©e de 200 personnes que les membres du forum sont habituĂ©s Ă  frĂ©quenter Comme si une soirĂ©e de 200 personnes Ă©tait le contexte idĂ©el pour une rencontre, qui nĂ©cessite une connexion entre deux personnes, et donc un contexte propice Ă  l' une rencontre, non. Pour un premier contact, oui. Tu discute, le courant passe, t'Ă©change des numĂ©ros, tu recroise la ou les personnes Ă  d'autres soirĂ©es, des relations s'installent, biaisĂ©. Cette femme peut trĂšs bien ĂȘtre dans une soirĂ©e Ă  10 personnes, comme absente de la soirĂ©e de ceci prĂšs qu'Ă  la soirĂ©e de 10, il est plus aisĂ© de parler Ă  tout le monde, au moins une fois. Et d'ĂȘtre remarquĂ©, ne dis pas que tu as tort. Je dis juste que ce n'est pas fondamentalement sorti 200 comme nombre arbitraire. L'idĂ©e de base, c'est qu'il est plus facile de rencontrer des personnes et donc des femmes, et donc potentiellement LA femme Ă  des soirĂ©es Ă©tudiantes, parce que ces soirĂ©es sont plus nombreuses, que t'es entourĂ© de tes potes pour te chauffer et que l'alcool aide Ă  dĂ©sinhiber, que dans une soirĂ©e "d'adulte" chiante en atelier cuisine ou cours de salsa oĂč gĂ©nĂ©ralement tu dĂ©barque tout seul. Et si t'es pas avenant et avec un grand sens social de base, ces soirĂ©es d'adultes serviront juste Ă  passer le chiante ? Question de perspective. Je vois pas ce qu'il y a de si exaltant Ă  ces soirĂ©es Ă  trois neurones et cinq grammes, oĂč le but est de faire le plus de connerie possible, de rĂ©duire au maximum son espĂ©rance de vie pour fuir l'idĂ©e que le temps nous soirĂ©es bondĂ©es ne m'attirent pas. J'ai dĂ©jĂ  donnĂ©, c'Ă©tait sympa Ă  quinze chacun ses Ă©tudiantes ne sont pas du tout le type de femmes que je recherche. Je prĂ©fĂšre des femmes qui ont un peu de vĂ©cu, et qui savent ce qu'elles veulent, et ce qu'elles ne veulent dĂ©jĂ  Ă©tĂ© mariĂ©, j'ai dĂ©jĂ  vĂ©cu en maison avec mon ex-femme. C'est pas pour me trouver une Ă©tudiante qui vit encore Ă  moitiĂ© chez ses que je suis cĂ©libataire, j'ai eu une occasion d'ĂȘtre en relation, et j'ai refusĂ©. La fille Ă©tait trĂšs bien, mais nous n'avions pas les mĂȘmes perspectives relationnelles, alors je n'ai pas voulu engager quelque chose qui aurait pu nous faire mutuellement caser n'est pas une fin en soi. C'est quelque chose de beau quand on construit avec quelqu'un qui nous rend encore plus heureux, encore avoir besoin de ça pour son bonheur, c'est ne jamais avoir appris Ă  vivre avec sais que c'est pas Ă©vident, j'apprends ça depuis que je suis cĂ©libataire, et j'y arrive chaque jour un peu Ă©tĂ© en couple de mes dix-sept Ă  mes vingt-sept ans. Je suis devenu un adulte en Ă©tant pas du tout envie de me jeter dans n'importe quelle relation. Je dĂ©sire ĂȘtre en paix. Et Ă©ventuellement, si je rencontre quelqu'un qui m'intĂ©resse, je songerai Ă  construire avec. Mais il y a d'autres richesses dans la puis bordel, on n'a mĂȘme pas encore trente ans. On n'est plus en 1900, oĂč t'Ă©tais mariĂ© et parent Ă  vingt-et-un ans. Les Ă©tudes durent de plus en plus des potes qui ont se sont finalement casĂ©s Ă  30, 33, mĂȘme 40 ans, et qui ont eu un enfant par la qui devra arriver arrivera, vous n'avez aucun contrĂŽle lĂ -dessus. Acceptez-le dĂšs aujourd'hui, et ça ira mais heureusement qu'Ă  30 berges t'as pas envie de te caler avec une Ă©tudiante de 18 ans."Je parle justement du fait qu'il est plus facile de rencontrer des personnes en soirĂ©es Ă©tudiantes, et par extension pendant les Ă©tudes, qu'une fois dans la vie d'adulte, avec le boulot et compagnie."Oui, mais encore une fois...Rencontrer, oui, ça veut pas dire que tu passeras ta vie plus de chance d'enchaĂźner les relations superficielles, surtout dans la tranche Ă©tudiante. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  194608 SĂ©lection naturelle, fallait l'engrosser aprĂšs 6 mois de relations T'as jouĂ©, t'as pris ton temps et t'as perdu Pour Ă©lever ton enfant Ă  mi-temps ? Ah bah oui. Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  194917 Le 21 aoĂ»t 2022 Ă  194608 SĂ©lection naturelle, fallait l'engrosser aprĂšs 6 mois de relations T'as jouĂ©, t'as pris ton temps et t'as perdu Pour Ă©lever ton enfant Ă  mi-temps ? Ah bah d'etudier en 2022, bon esclave du systĂšme Xi k . /i 40 fri — MÉMOIRES DU GÉNÉRAL RAPP, AIDE-DE-CAMP DE NAPOLÉON, ECRITS PAU LUI-MEME, BT PUBLIÉS PAR SA O tlĂŻ pJytectt^ Edition originale . a PARIS 1823. Bossajvge, frĂšres. F. Didot, pĂšre et fils. a FRANCFORT sur le Meih. J. D. a T „ AVERTISSEMENT. Ces MĂ©moires n Ă©taient pas d’abord destinĂ©s Ă  l’impression. C’était une esquisse, une sĂ©rie d’anecdotes que le gĂ©nĂ©ral Ă©crivait pour lui-mĂȘme. Il cherchait Ă  se consoler de nos malheurs; il recueillait ses souvenirs. La reconnaissance acheva un travail entrepris par l’ennui. Une foule de braves qui avaient concouru Ă  la dĂ©fense de Dantzic demandaient .qu’on rendit Ă  leur courage la justice dont les Ă©vĂ©nements les avaient privĂ©s. Le gĂ©nĂ©ral rĂ©solut de le faire de la maniĂšre qui lui parut la plus propre Ă  les venger de cet oubli. Il refondit ses MĂ©moires, et en fit en quelque sorte le personnel de ceux qui s’étaient le plus distinguĂ©s par leur bravoure. Un Ă©crit avait Ă©tĂ© livrĂ© Ă  la librairie comme un don du gĂ©nĂ©ral, auquel on l’attribuait. Le rang de celui qui s’en disait le donataire avait dĂ» en imposer Ă  l’éditeur, qui l’imprimait sous le titre de MĂ©moires du gĂ©nĂ©ral Rapp. Cette circonstance nous a dĂ©terminĂ©s Ă  publier les vĂ©ritables. Nous les livrons au public tels que le gĂ©nĂ©ral les avait arrĂȘtĂ©s. MÉMOIRES DU GÉNÉRAL RAPP, PREMIER AIDE-DE-CAMP DE NAPOLÉON. CHAPITRE PREMIER. Je n’ai pas la prĂ©tention d’ĂȘtre un personnage historique mais j’ai approchĂ© long-temps d’un homme dont on a indignement travesti le caractĂšre, j’ai commandĂ© a des braves dont les services sont mĂ©connus; l’un ma comblĂ© de biens, les autres m’eussent donnĂ© leur vie je ne dois pas l’oublier. Je servais depuis plusieurs annĂ©es ; je donnais obscurĂ©ment quelques coups de sabre, comme cela se pratique quand on est subalterne. Je fus a la lin assez heureux pour ĂȘtre remarquĂ© par le gĂ©nĂ©ral Desaix. Notre avant-garde en dĂ©sordre Ă©tait vivement ramenĂ©e , J’accourus avec une centaine de hussards ; nous chargeĂąmes les Autrichiens, et nous rĂ©ussĂźmes a les mettre en fuite. Nous Ă©tions presque tous rouverts de blessures, mais nous 1 2 MĂ©moires en fĂ»mes bien dĂ©dommagĂ©s par les Ă©loges que nous reçûmes. LĂ© gĂ©nĂ©ral daigna m’engager Ă  prendre soin de moi, et me fit dĂ©livrer l’attestation la plus flatteuse que jamais soldat ait obtenue. Je note cette circonstance, non parce qu’elle me valut lĂ©s Ă©paulettes, mais parce qu’elle me concilia l’amitiĂ© de ce grand nomme, et qu’elle fut l’origine de ma fortune. L’attestation Ă©tait ainsi conçue ArmĂ©e de Rhin et Moselle. „Au quartier gĂ©nĂ©ral Ă  Blotsheim, le 3o fructidor, an 3 de la rĂ©publique française, une et indivisible. ,, Je soussignĂ©, gĂ©nĂ©ral de division commandant l’aile droite de ladite armĂ©e, certifie que le citoyen Jean Rapp, lieutenant au dixiĂšme rĂ©giment de chasseurs a cheval, a servi sous mes ordres avec ledit rĂ©giment pendant les deux derniĂšres campagnes ; que dans toutes les occasions il a donnĂ© des preuves d’une intelligence rare, d’un sang-froid Ă©tonnant, et d’une bravoure digne d’admiration; qu’il a Ă©tĂ© blessĂ© trĂšs griĂšvement a trois .reprises diffĂ©rentes, et que notamment le 9 prairial de l’an 2 , a la tĂȘte d’une compagnie de chasseurs, il s’est prĂ©cipitĂ© sur une colonne de hussards ennemis, plus que quintuple, avec un dĂ©vouement si intrĂ©pide, qu’il calbuta cette masse redoutable, protĂ©gea la retraite d’une partie de nos troupes, et remporta l’honneur de la journĂ©e. On ne peut trop regretter que, victime de son ĂŒĂšle, il ait Ă©tĂ© blessĂ© trĂšs dangereusement et de maniĂšre a ne pouvoir plus se servir de son bras. Il est trop 3 du gĂ©nĂ©ral Rapp. digue de la reconnaissance nationale pour ne pas mĂ©riter d’ĂȘtre honorablement employĂ© dans une place, si un service plus actif n’est plus en son pouvoir. J’atteste crue le citoyen Rapp emporte avec lui l’amitiĂ© et l’estime de tous ceux qui le connaissent. „ Desaix, “ Devenu aide-de-camp du modeste vainqueur d’Offenbourg, je iis auprĂšs de lui les campagnes d’Allemagne et d’Egypte. J’obtins successivement le grade de chef d’éscadron a SĂ©- diman, oĂč j’eus le bonheur, h La tĂšte de deux cents braves, d’enlever le reste de l’artillerie des Turcs; et de colonel h Samanhout sous les ruines de ThĂšbes^ Je fus griĂšvement blessĂ© dans cette derniĂšre affaire, mais aussi je fus citĂ© bien honorablement dans les relations du gĂ©nĂ©ral en chef. A la mort du brave Desaix, tuĂ© h Marengo au moment oĂč il dĂ©cidait la victoire, le premier consul daigna m’attacher a sa personne. J’hĂ©ritai de sa bienveillance pour le 4 conquĂ©rant de la haute Egypte. J’eus dĂšs lors quelque consistance ; mes rapports d evinrent plus Ă©tendus. Du zĂšle, de la frauchise, quelque aptitude aux armes, me mĂ©ritĂšrent sa confiance. 11 a souvent dit a ses alentours qu’il Ă©tait difficile d’avoir plus de bon sens naturel et de discernement que Rapp. On me rĂ©pĂ©tait ces Ă©loges, et j’avoue que j’en Ă©tais flattĂ© si c’est une faiblesse, qu’on me la pardonne; chacun aies siennes. Je me serais fait tuer pour lui prouver ma reconnaissance, il le savait aussi repĂ©tait-il frĂ©quem- 1 . 4 MĂ©moires ment a mes amis que j’étais un frondeur, une mauvaise tĂȘte, mais que j’avais un bon coeur. Il me tutoyait, ainsi que Lannes ; quand il nous appelait vous ou Monsier le gĂ©nĂ©ral, no us Ă©tions inquiets, nous Ă©tions sĂ»rs d’avoir Ă©tĂ© desservis. Il avait la faiblesse d’attacher de l’importance a une police de caquetage, qui ne lui faisait la plupart du temps que de faux rapports. Cette mĂ©prisable police ! elle a empoisonnĂ© sa vie ; elle l’a souvent aigri contre ses amis, ses proches, contre sa propre Ă©pouse. NapolĂ©on faisait peu de cas de la bravoure; il la regardait comme une qualitĂ© ordinaire, commune a tous les Français l’intrĂ©piditĂ© seule Ă©tait quĂšlque chose a ses yeux; aussi passait-, il tout a un intrĂ©pide. C’était son expression quand quelqu’un sollicitait une grĂące , soit aux audiences , soit aux revues , il ne manquait jamais de lui demander s’il avait Ă©tĂ© blessĂ©. Il prĂ©tendait que chaque blessure Ă©tait un quartier de noblesse. Il honorait, il rĂ©compensait cette espĂšce d’illustration il savait pourquoi. Cependant il s’aperçut bientĂŽt quelle n’allait pas aux antichambres, et les ouvrit a l'ancienne caste. Cettej prĂ©fĂ©rance nous dĂ©plut il le remarqua, et nous en sut mauvais grĂ©. ,,Je vois ,,bien, me dit-il un jour, que ces nobles que je ,,place dans ma maison vous donnent de l’om- „brage.“ J’avais pourtant assez bien mĂ©ritĂ© du privilĂšge. J’avais fait rayer de la liste des Ă©migrĂ©s plusieurs gentilshommes; j’avais procurĂ© des places aux uns, donnĂ© de l’argent, fait des pensions aus autres; quelques uns s’en souviennent, la plupart l’ont oubliĂ©. A la bonne heure ; ma caisse est fermĂ©e depuis le retour du roi. V du gĂ©nĂ©rai Rapp. 5 Aussibien n’était-ce pas de la reconnaissance ÂŁ que je cherchais. Je voulais soulager l’infortune; mais je ne voulais pas que les Ă©migres vinssent s’interposer entre nous et le grand homme que nous avions Ă©levĂ© sur le pavois. J’avais oubliĂ© cette scĂšne dĂ©sagrĂ©able mais NapolĂ©on n’oubliait pas les choses pĂ©nibles qui lui Ă©chappaient; il avait beau chercher a se montrer sĂ©vĂšre, la nature Ă©tait plus forte, sa bontĂ© l'emportait toujours. Il me lit appeler; il me parla de noblesse, d’émigration, et revenant tout ’a coup a la scĂšne qu’il m’avait faite, ,,Vous croyez donc que j’ai de la prĂ©dilection pour ces gens-la! vous vous trompe*. ,,Je m’en sers; mais vous savez pourquoi car ^ ,,enfin suis-je noble moi, mauvais gentilhomme ,,corse ? — Ni moi, ni l’armĂ©e, lui rĂ©pliquai-je, ne ,,nous sommes jamais informĂ©s de votre origine. ,,Vos actions nous suffisent.“ Je rendis compte i de cette conversation a plusieurs de mes amis, entre autres aux gĂ©nĂ©raux Mouton de Lauriston. La plupart de ces mĂȘmes nobles prĂ©tendent cependant qu’ils ont cĂ©dĂ© a la violence. Rien n’est plus faux. Je n’en connais que deux qui aient reçu des brevets de chambellans sans les avoir demandĂ©s. Quelques autres ont refusĂ© des offres avantageuses; mais, a ces exceptions prĂšs, tous sollicitaient, priaient, importunaient. C’était un concert de zĂšle et $ d’abandon dont on n’a pas d’exemple. Le plus chĂ©tif emploi, les functions les plus humbles, rien ne les rebutait ; on eĂ»t dit que c’était a la vie et a la mort. Si jamais quelque main infidĂšle se glisse dans les cartons de MM. Tal- leyrand, Montesquiou, SĂ©gur, Duroc, etc., de I 6 MĂ©moires quelles expressions brĂ»lantes elle enrichira le langage du dĂ©vouement ! Ils rivalisent aujourd’hui de haines et d’invectives. La chose est bien naturelle s’ils avaient en effet pour lui la haine profonde qu’ils tĂ©moignent, il faut convenir que pendant quinze ans qu’ils furent a ses pieds ils ont dĂ» se faire une Ă©trange violence. Et pourtant toute l’Europe le sait! Ă  l’aisance de leurs maniĂšres, a la continuitĂ© de leur sourire, a la souplessĂ© de leurs rĂ©vĂ©rences , on eĂ»t dit qu’ils y allaient de coeur et que cela leur coĂ»tait bien peu. du gĂ©nĂ©ral Rapp, 7 CHAPITRE IL Beaucoup de gens dĂ©peignent NapolĂ©on connue un homme violent, dur et emportĂ© c’est qu ils ne Font jamais approchĂ©. Sans doute , absorbĂ© comme il l’était par les affaires, contrariĂ© dans ses vues, entravĂ© dans ses projets, il avait ses impatiences et ses inĂ©galitĂ©s. Cependant il Ă©tait si bon, si gĂ©nĂ©reux, qu’il se fĂ»t bientĂŽt calmĂ© mais, loin de l’apaiser, les confidents de ses ennuis ne faisaient qu’exciter sa colĂšre. „Votre MajestĂ© a raison, lui disaient - ils un tel a mĂ©ritĂ© d’ĂȘtre fusillĂ© ou destituĂ©, renvoyĂ© ou disgracie.*.. Je savais depuis long-temps qu’il Ă©tait votre ennemi. II faut des exemples ; ils sont nĂ©cessaires au maintien de la tranquillitĂ©. “ S’agissait-il de lever des contributions sur le pays ennemi, NapolĂ©on demandait, je suppose, vingt millions on lui conseillait d’en exiger dix de plus. Les contributions Ă©taient-elles acquittĂ©es, ,,II faut, lui disait-on, que Yotre MajestĂ© mĂ©nage son trĂ©sor, quelle fasse vivre ses troupes aux dĂ©pens des pays conquis, ou les laisse en subsistance sur le territoire de la confĂ©dĂ©ration. “ Etait - il question de lever deux cent mille conscrits, on lui persuadait d’en demander trois cent mille ; de liquider un crĂ©ancier dontle droit Ă©tait incontestable, on lui insinuait des doutes sur la lĂ©gitimitĂ© de la crĂ©ance, on lui faisait rĂ©duire a moitiĂ©, au tiers, souvent a rien, le montant de la rĂ©clamation, 8 MĂ©moires Parlait-il de faire la guerre, on applaudissait Ă  cette gĂ©nĂ©reuse rĂ©solution la guerre seule enrichissait la France ; il fallait Ă©tonner le monde, et l’étonner d’une maniĂšre digne de la grande nation. Voila comment, en provoquant, en encourageant des vues, des entreprises encore incertaines, on l’a prĂ©cipitĂ© dans des guerres continuelles. Voila commenton est parvenu a imprimer a son rĂšgne un air de violence qui n Ă©tait point dans son caractĂšre et dans ses habitudes elles Ă©taient tou t-Ăą-fait dĂ©bonnaires. Jamais homme ne fut plus enclin a l’indulgence, et plus sensible a la voix de l’humanitĂ©. Je pourrais en citer mille exemples je me borne au suivant. George etses complices avaient, Ă©tĂ© condamnĂ©s. JosĂ©phine intercĂ©da pour MM. Polignac, Murat pour M. de RiviĂšre ils rĂ©ussirent l’un et l’autre. Le jour de l’exĂ©cution, le banquier SchĂ©- rer accourut tout en pleurs a Saint-Clond il demanda a me parler. C’était pour que je sollicitasse la grĂące de son beau-frĂšre, M. de Russil- lon, ancien major suisse, qui se trouvait impliquĂ© dans cette affaire. Il Ă©tait accompagnĂ© de quelques uns de ses compatriotes, tous parents du condamnĂ©. Ils savaient bien, me dirent-ils, que le major avait mĂ©ritĂ© la mort; mais il Ă©tait pĂšre de famille, il tenait aux premiĂšres maisons du canton de Berne. Je cĂ©dai, et n’eus pas lieu de m’en repentir. Il Ă©tait sept heures du matin ; NapolĂ©on, dĂ©jĂ  levĂ©, Ă©tait dans son cabinet avec Corvisart je me lis annoncer. ,,Sire, lui dis-je , il n’y a pas ,,long- temps que Votre MajestĂ© a donnĂ© sa mĂ©- 9 du gĂ©nĂ©ral Rapp. filiation Elle saitquetous nen ont ,,pas Ă©tĂ© Ă©galement satisfaits, les Bernois surtout... Il se prĂ©sente une occasion de leur prouver que vous ĂȘtes grand et gĂ©nĂ©reux un de ,,leurs compatriotes doit ĂȘtre exĂ©cutĂ© aujourd'hui ; il tient a ce qu’il y a de mieux dans le pays, ,,et certes la grĂące que vous lui accorderez fera ,,sensation, et vous y attachera beaucoup de ,,monde. —- Quel est cet homme? Comment ,,s’appelle-t-il? — Russillon.“ A ce nom, il devint furieux. — ,,I1 est plus dangereux, plus ..coupable que George mĂȘme. — Je sais tout ce ,,que Votre MajestĂ© me fait l’honneur de me ,,dire; mais les Suisses, mais sa famille, mais „ses enfants, vous bĂ©niront. grĂące, ,,non pas pour lui, mais pour tant de braves ^gens qui ont assez gĂ©mi de ses sottises. — ,,Entendez-vous ?“ dit-il en se tournant vers Corvisart. En mĂȘme temps, il m’arrache la pĂ©tition, l’approuve; et me la rendant avec la mĂȘme impĂ©tuositĂ©, ,,Envoyez au plus vite „un courrier pour qu’on suspende l’exĂ©cution.“ On peut aisĂ©ment se figurer la joie de cette famille, qui me tĂ©moigna sa reconnaissance par la v oie des papiers publics. Russillon fut enfermĂ© avec ses complices, et obtint plus tard sa mise en libertĂ©. Il a fait, depuis le retour du roi, plusieurs voyages a Paris, sans que je l’aie vu. Il a pensĂ© que j’attachais assez peu d’importance h ce petit service; il a eu raison. 10 MĂ©moires CHAPITRE III. Personne n'Ă©tait plus sensible, personne n’était plus constant dans ses affections que NapolĂ©on. Il aimait tendrement sa mĂšre, il adorait son Ă©pouse, il chĂ©rissait ses soeurs , ses frĂšres, tous ses proches. Tous, exceptĂ© samĂšre, l’ont abreuvĂ© d’amertumes il n’a cependant cessĂ© de leurprodiguer les biens et les honneurs, Lucien est celui qui s’est le plus opposĂ© a ses vues, qui a plus obstinĂ©ment contrariĂ© ses projets. Un jour, dans une vive discussion qu’ils eurent, je ne sais a quel sujet, il tira sa montre, la jeta par terre avec violence, en lui adressant ces paroles remarquables ,,Vous vous briserez ,,comme j’ai brisĂ© cette montre, et un temps ,,viendra oĂč votre famille et vos amis ne sauront ,,oĂč reposer leur tĂȘte.“ Il se maria quelques jours aprĂšs, sans avoir obtenu son agrĂ©ment, ni mĂȘme lui avoir fait part de son dessein. Tout cela ne l’a pas empĂȘchĂ© de l’accueillir en 1815 a la vĂ©ritĂ©, il se fit presser; Lucien fut obligĂ© d’attendre h l’avantderniĂšre poste , mais il ne tarda pas a ĂȘtre admis. NapolĂ©on ne se bornait pas a ses proches l’amitiĂ©, les services, tout avait part a ses bienfaits. Je puis en parler par expĂ©rience. Je suis revenu d’Égypte, alors aide-de-camp du brave gĂ©nĂ©ral Desaix, avec deux cents louis d Ă©pargnes; c’était tout ce que je possĂ©dais. A l’époque de l’abdication, j’avais quatre cent mille francs de revenus, tant en dotations, qu’appointe- 11 du gĂ©nĂ©rai Rapp. ments , gratifications, irais extraordinaires, etc. J’en ai perdu les cinq sixiĂšmes ; je ne les regrette pas ce qui me reste forme encore un assez beau contraste avec ma fortune primitive. Mais ce que je regrette, c’est ce long amas de gloire acquise au prix de tant de sang et de fatigues; elle est a jamais perdue voila de quoi je suis inconsolable. Je ne suis pas le seul qu’il ait comblĂ© de biens. Mille autres ont Ă©tĂ© accablĂ©s de faveurs, sans que jamais les torts que plusieurs de nous ont eus envers lui aient pu nous faire perdre sa bienveillance. Quelque forts que fussent ces griefs, il les oubliait toujours, dĂšs qu’il Ă©tait convaincu que le coeur n’y Ă©tait pour rien. Je pourrais citer cent exemples de son indulgence a ce t Ă©gard je me borne aux suivants. Lorsqu’il prit le titre d’empereur, les changements qu’il fut obligĂ© de faire dans sa maison, qui jusque-la n’avait Ă©tĂ© que militaire, dĂ©plurent a plusieurs d’entre nous ; nous Ă©tions habituĂ©s a l’intimitĂ© de ce grand homme ; la rĂ©serve que nous imposait la pourpre nous blessait. Les gĂ©nĂ©raux Reynier et Damas Ă©taient alors en disgrĂące j’étais liĂ© avec l’un et avec l’autre, et je n’avais pas l’habitude d’abandonner mes amis malheureux. J’avais tout fait pour dissiper les prĂ©ventions de NapolĂ©on contre ces deux officiers gĂ©nĂ©raux, sans pouvoir y rĂ©ussir. Je revins un jour a la charge au sujet de Reignier; NapolĂ©on impatientĂ© prit de l’humeur, et me dit sĂšchement qu’il ne voulait plus entendre parler de lui. J’écrivis a ce brave gĂ©nĂ©ral que toutes mes dĂ©marches avaient Ă©tĂ© 12 MĂ©moires infructueuses; je l’exhortai a la patience, et j’ajoutai quelques phrases dictĂ©es par le dĂ©pit. J’eus l’imprudence de confier ma lettre a la K 3ste; elle fut ouverte et envoyĂ©e a l’empereur. la lut trois ou quatre fois, se lit apporter de mon Ă©criture pour comparer, et ne pouvait se persuader que je l’eusse Ă©crite. 11 se mit dans une colĂšre affreuse, et m’envoya de Saint- Cloud un courrier aux Tuileries, oĂč j’étais logĂ©. Je crus ĂȘtre appelĂ© pour une mission, et partis sur-le-champ. Je trouvai Caulain- court dans le salon de service avec Cafarelli je lui demandai ce qu’il y avait de nouveau. 11 connaissait dĂ©jĂ  l’affaire , il en paraissait peinĂ©; mais il ne m’en dit pas un mot. J’entrai chez NapolĂ©on, qui, ma lettre a la main, sortait du cabinet comme un furieux. Il me regarda avec ces yeux Ă©tincelants qui ont fait trembler tant de monde. ,Connaissez - vous cette Ă©criture ? — ,,Oui, Sire. — Elle est de vous? — Oui, Sire. „‱—Vous ĂȘtes le dernier que j’aurais soupçonnĂ©. ,,Pouvez-vous Ă©crire de pareilles horreurs a mes ,,ennemis? vous que j’ai toujours si bien traitĂ© 1 ,,vous pour qui j’ai tout fait! vous le seul de ,,mes aides-de-camp que j’ai logĂ© aus Tuileries !“ La porte de son cabinet Ă©tait entr’ouverte ; il s’en aperçut, et alla l’ouvrir tout-a-fait, afin que 1VI. Menneval, un des secrĂ©taires , entendit la scĂšne qu’il me faisait. ,,Allez, me dit-il en ,,me toisant du haut en bas, vous ĂȘtes un in- ,,grat! — Non, sire; l’ingratitude n’est jamais ,,entrĂ©e dans mon coeur. — Relisez cette lettre ,,il me la mit devant les yeux, et dĂ©cidez. — ,,8ire, de tous les reproches que vous pouvez ,,me faire, celui-lĂ  m’est le plus sensible. du gĂ©nĂ©ral Rapp. i% ,,Puisque j’ai perdu votre confiance, je ne ,,puis plus vous servie. — Oui, f.. . .e, vous ,,l’avez perdue.“ Je le saluai respectueusement, et m’en allai. J’étais dĂ©cidĂ© a me retirer en Alsace. Je fis mes prĂ©paratifs de dĂ©part. JosĂ©phine m’envoya dire de revenir et de faire des excuses Ă  NapolĂ©on ; Louis me donna un conseil tout opposĂ©. J’eusse pu m’en passer, ma rĂ©solution Ă©tait dĂ©jĂ  prise. Deux jours se passĂšrent sans que j’eusse reçu de nouvelles de Saint-Cloud. Quelques amis, au nombre desquels Ă©tait le marĂ©chal BessiĂšrĂ©s , vinrent me faire visite. ,,\'ous ave/. ,,eu tort, me dit-il, vous ne pouvez en disconvenir. Le respect, la reconnaissance que „vous devez a l’empereur, vous en imposent ,,le devoir; faites-lui l’aveu de votre faute. 4 Je cĂ©dai. A peine NapolĂ©on eut-il reçu ma lettre, qu’il me fit dire de monter a cheval avec lui. 11 rue bouda cependant quelque temps. Enfin, un jour, il me demanda de trĂšs bonne heure a Saint-Cloud. ,,Je ne suis plus fĂąchĂ© contre ,,toi, me dit-il avec bontĂ© tu as fait une lourde ,,sottise; je n’y pense plus, tout est oubliĂ©. „Mais il faut que tu te maries.“ Il me nomma deux jeunes personnes qu’il me dit me convenir. Le mariage se fit malheureusement il ne fut pas heureux. Bernadolte Ă©tait en pleine disgrĂące, et le mĂ©ritait. Je le trouvai a PlombiĂšres, oĂč. on lui avait permis d’aller prendre les eaux avec sa femme et son fils, et oĂč j'Ă©tais pour le mĂȘme objet. J’ai toujours aimĂ© son caractĂšre afFable et bon; je le voyais souvent; il me confia ses ennuis, et me pria de m’intĂ©resser auprĂšs de 14 MĂ©moires l’empereur, qu’il n’avait jamais , disait-il, cessĂ© d’admirer, et auprĂšs de qui il avait Ă©tĂ© calomniĂ©. J’appris, a mon retour, que ses amis, son beau-frĂšre, madame Julie elle-mĂȘme, avaient inutilement intercĂ©dĂ© pour lui. NapolĂ©on ne voulait rien entendre ; il Ă©tait toulours plus irritĂ©. Cependant j’avais promis, il fallait tenir parole. L’empereur se disposait a se rendre a Villiers, oĂč Murat lui donnait une fĂȘte il Ă©tait de bonne humeur ; je rĂ©solus de profiter de cette cii’constance. Je iis part de mon projet au marĂ©chal BessiĂšres, avec lequel je l’accompagnais il m’en dissuada. 11 m’apprit que madame Julie Ă©tait encore venue le matin mĂȘme a la Malmaison, qu’elle Ă©tait repartie tout en pleurs, qu’elle n’avait rien pu obtenir. Cette circonstance n’était pas propre a m’inspirer de la confiance; je me hasardai nĂ©anmoins. Je dis a NapolĂ©on que j’avais vu Bernadotte a Plom- biĂšrs, qu’il Ă©tait triste et foi't alfectĂ© de sa disgrĂące. ,,11 proteste, ajoutai-je, qu’il n’a jamais ,,cessĂ© de vous aimer et de vous ĂȘtre dĂ©vouĂ©. ,,— Ne me parle jamais de ce b....e-la; il a ,,mĂ©ritĂ© d’ĂȘtre fusillĂ©et il partit au galop. Je trouvai chez Murat Joseph et son Ă©pouse je leur fis part de ma mĂ©saventure. Bernadotte l’apprit, et m’a toujours su grĂ© de ma dĂ©marche. Tous les griefs de NapolĂ©on contre ce prince ne l’empĂȘchĂšrent pas de lui pardonner plus tard; il le combla de biens et d’honneurs. Le prince royal est a la veille de monter sur le trĂŽne, et fauteur de sa fortune exilĂ© au milieu des mers. du gĂ©nĂ©ral jRapp. 15 CHAPITRE IV. IP j en a qui prĂ©tendent que NapolĂ©on n’a jamais Ă©tĂ© brave. Un homme qui de simple lieutenant d’artillerie est devenu chef' d’une nation comme la nĂŽtre ne peut ĂȘtre dĂ©pourvu d’aucune espĂšce de courage. Au surplus, le 18 brumaire, le 5 nivĂŽse, le complot d’Arena, attestent s’il en manquait. Il savait combien il avait d’ennemis parmi les jacobins et les chouans cependant presque tous les soirs il sortait a pied; il se promenait dans les rues, se perdait au milieu des groupes, sans ĂȘtre jamais accompagnĂ© de plus de deux personnes. C’étaient ordinairement Lannes, Duroc, Bes- siĂšres, ou quelques uns de ses aides-de-camp, qui le suivaient dans ces courses nocturnes. Ce fait n’était ignorĂ© de personne a Paris. On n’a jamais bien connu dans le public l’affaire de la machine infernale. La police avait prĂ©venu NapolĂ©on qu’on cherchait a attenter a sa vie, et lui avait conseillĂ© de ne pas sortir. Madame Bonaparte, mademoiselle Beauharnais, madame Murat, Lannes, BessiĂšres, l’aide-de- camp de service, le lieutenant Lebrun, aujourd’hui duc de Plaisance, Ă©taient au salon; le premier consul travaillait dans son cabinet. On donnait ce jour-la l’Oratorio d’Haydn; les dames avaient grande envie de l’entendre, et nous le tĂ©moignĂšrent. On demanda le piquet d escorte; et Lannes se chargea de proposera NapolĂ©on d’ĂȘtre de la partie. Ce prince y con- 16 MĂ©moires sentit; et trouvant sa voiture prĂȘte, il prit avec lui BessiĂšres et l’aide-de-camp de service. Je fus chargĂ© d’accompagner les daines. JosĂ©phine avait reçu de Constantinople un schall magnifique, qu'elle mettait pour la premiĂšre fois. ,,Per- „mettez, lui dis-je, que je vous en fasse l’obser- „vation, votre schall n’est pas mis avec cette grĂące ,,qui vous est habituelle.“ Elle me pria, en riant, de le ployer a la maniĂšre des dames Ă©giptiennes. Pendant cette singuliĂšre opĂ©rations, on entendit NapolĂ©on qui s’éloignait. ,,DĂ©pĂȘchez-vous, ma ,,soeur, dit madame Murat impatiente d’arriver „au spectacle; voila Bonaparte qui s’en va.“ Nous montĂąmes en voiture celle du premier consul Ă©tait dĂ©jĂ  au milieu du Carrousel; nous la suivĂźmes mais nous Ă©tions a peine sur la place, cpie la machine fit explosion. NapolĂ©on n’échappa que par un singulier bonheur. Saint-RĂ©gent, ou son domestique François, s’était placĂ© au milieu de la rue Nicaise. Un grenadier de l’escorte, qui les prit pour de vĂ©ritables porteurs d’eau, leur appliqua plusieurs coups de plat de sabre qui les Ă©loignĂšrent; il dĂ©tourna la charrette, Bonaparte passa, et l’explosion se fit entre sa voiture et celle de JosĂ©phine. A cette explosion terrible, les dames jetĂšrent les hauts cris; les glaces furent brisĂ©es, etmadeinoiselle Beau- harnais fut lĂ©gĂšrement blessĂ©e a la main. Je descendis et traversai la rue Nicaise au milieu des cadavres et des pans de murs que la dĂ©tonation avait Ă©bi'anlĂ©s. Le consul ni personne de sa suite n’avaient Ă©prouvĂ© d’accident fĂącheux. Il Ă©tait dans sa logç, calme, paisible, occupĂ© a lorgner les spectateurs ; il avait FouchĂ© a ses cĂŽtĂ©s. ,,JosĂ©phine !“ dit-il dĂšs qu’il m’aperçut. Elle gasaĂŻĂźf du gĂ©nĂ©ral flapp. 17 Elle entrait a l’instant mĂȘme, il n’acheva passa question, „Ces coquins, ajouta-t-il avec le ,,plus grand sangfroid, ont voulu me taire ,,sauter. Faites-moi apporter un imprimĂ© de ,,l’Oratorio de Haydn. “ Les spectateurs apprirent bientĂŽt a quel danger il avait, Ă©chappĂ©, et lui prodiguĂšrent les tĂ©moignages du plus vif intĂ©rĂȘt. Voila, je crois, des preuves de courage qui ne sont pas Ă©quivoques ceux qui l’ont suivi sur le champ de bataille ne seraient pas embarrassĂ©s d’en citer d’autres. * I 2 18 MĂ©moires CHAPITRE Y. NapolĂ©on, quoi qu’en disent ses dĂ©tracteurs, n’était ni avantageux ni tenace dans ses opinions. Il provoquait les lumiĂšres ; il recherchait les avis de tous ceux a qui il est permis d’en avoir. L’envie de lui plaire dominait quelquefois au conseil quand il s’en apercevait, il ramenait aussitĂŽt la discussion a sa sĂ©vĂ©ritĂ© naturelle. ,,Messieurs disait-il a ses lieutenants, ,,ce n’est pas pour ĂȘtre de mon avis, mais pour ,,avoir le vĂŽtre, que je vous ai appelĂ©s. Expo- ,,sez-moi vos vues je verai si ce que vous pro- ,,posez vaut mieux que ce que je pense.“ Pendant que nous Ă©tions a Boulogne, il donna une leçon de cette espĂšce au ministre de la marine. Il lui avait proposĂ© quelques 3 uestions auxquelles M. DecrĂšs rĂ©pondit paies batteries. ,,Monsieur DecrĂšs, lui Ă©crivit ,,NapolĂ©on, je vous prie de m’envoyer dans la ,,journĂ©e de demain un mĂ©moire sur cette ,,question Dans la situation des choses , si , J’admirai Viileneuve reste Ă  Cadix, que faut-il , faire? Elevez-vous a la hauteur des .circonstances et de la situation oĂč se trouvent la ,,France et l’Angleterre. Ne m’écrivez plus de .,lettres comme celle que vous m’avez Ă©crite; ,,cela ne signifie rien. Je n’ai qu’un besoin, ,,celui de rĂ©ussir. 19 du gĂ©nĂ©ral tlapp. ,.Sur ce, je prie Dieu, etc.“ La surveille de la bataille d’Austerlitz , une partie de l’armĂ©e Ă©tait placĂ©e dans une position dĂ©savantageuse , et le gĂ©nĂ©ral qui l’occupait en exagĂ©rait encore les inconvĂ©nients. Cependant lorsque le conseil fut assemblĂ©, il soutint qu’elle Ă©tait tenable, et promettait de la dĂ©fendre. ,,Qu’est-ce ci? dit le grand-duc de Berg. ,,Que sont devenues, monsieur le marĂ©chal, „les inquiĂ©tudes que vous manifestiez tout Ă  ,,l’heure ? — Pourquoi flatter quand on dĂ©libĂšre ? ,,dit Ă  son tour le marĂ©chal Lannes, Nous ,,devons exposer les choses telles qu’elles nous ,,paraissent a l’empereur, sauf a lui de faire „ce que bon lui semble. -— C’est juste, reprit ,,NapolĂ©on; pour me faire plaisir il ne faut pas ,,qu’on me trompe.“ Mais autant il recherchait les conseils de ceux qui peuvent en donner, autant il accueillait mal les observations des gens peu capables. Fesch voulut un jour lui en faire au sujet de la guerre d’Espagne. Il n’avait pas dit deux paroles que NapolĂ©on, le conduisant vers l’embrasure d’une fenĂȘtre ,,Voyez-vous cette ,,Ă©toile?“ C’était en plein midi. —- ,,Non, ,,rĂ©pondit l’archĂ©vĂȘque. —Eh bien, tant que ,,je serai le seul qui l’aperçoive, j’irai mon train ,,et ne souffrirai pas d’observations.“ Au retour de la campagne de Russie, il dĂ©plorait, avec une vive Ă©motion, la mort de tant de braves, moissonnĂ©s, non par le fer des Cosaques, mais par le froid et la faim. Un courtisan voulut placer son mot, et dit d’un ton de pĂ©nitent „Nous avons fait une bien grande A/ihnoires 10 „perte ! — Oui, repartit NapolĂ©on, madame ,,Barilli * est morte.“ Il mystifiait l’indiscrĂ©tion, mais il ne repoussait ni la plaisanterie ni la franchise. Madame Bacciochi amena un jour aux Tuileries ML d’A..., un de ses parents. Elle se retira aprĂšs l’avoir introduit au salon de service, et le laissa seul avec moi. Cet homme avait, comme beaucoup de ses compatriotes, une mauvaise figure; je me dĂ©fiais de lui. Je prĂ©vins nĂ©anmoins NapolĂ©on, qui le fit entrer. Il avait sans doute des choses importantes a lui communiquer. Un mouvement de tĂšte m’avertit de rentrer au salon. Je feignis de ne m’en ĂȘtre pas aperçu, et restai je craignais pour sa personne. Il vint a moi, et me dit qu’ils dĂ©siraient ĂȘtre seuls. Je sortis, ruais je laissai la porte entr’ouverte. Quand NapolĂ©on eut congĂ©diĂ© M. d’A...., il me demanda pourquoi je voulais absolument rester. — ,,Cous savez, lui rĂ©pondis-je, que je ,,ne suis pas indiscret; mais, je vous l’avoue „franchement, je n’aime pas vos Corses.“ Il raconta lui-mĂȘme cette anecdote, qui dĂ©plut beaucoup a sa famille; quant a lui, il prit trĂšs bien la chose. Je suis persuadĂ© cejrendant qu’il eĂ»t mieux aimĂ© ne pas m’entendre ainsi parler de ses compatriotes. Un soir, aprĂšs la bataille deWagram, nous Ă©tions a jouer au vingt-et-un, NapolĂ©on aimait beaucoup ce jeu il s’amusait a y tromper, et riait de ses supercheries. Il avait devant lui CĂ©lĂšbre eantatrice du théùtre Italien. 21 du gĂ©nĂ©ral Ilapp. une grande quantitĂ© d’or, qu’il Ă©talait sur la table. — ,,TN’est-ce pas, Rapp, me dit-il, que les „Allemands aiment bien ces petits napolĂ©ons ? M —Oui, Sire, bien plus que le grand. — Voi- ,,1'a, rĂ©pliqua-t-il, ce qu’on peut ajipeler de la „franchise germanique.“ 22 MĂ©moires CHAPITRE VI. PĂ©tais au camp de Boulogne lorsque la troisiĂšme grerre d’Autriche Ă©clata. INous passĂąmes le Rhin. CoupĂ©e , battue, l’armĂ©e ennemie alla s’enfermer dans Ulm; elle fut aussitĂŽt sommĂ©e de mettre bas les armes. Le dĂ©tail de cette nĂ©gociation, conduite par M. de SĂ©gur, peint trop bien le dĂ©sordre et l’anxiĂ©tĂ© du malheureux gĂ©nĂ©ral pour ne pas trouver place ici. Voici en quels termes, il en rendit compte. ,,Hier, 24 vendĂ©miaire 16 octobre, l’empereur m’a fait appeler dans son cabinet; il m’a ordonnĂ© d’aller a Ulm, de dĂ©cider Mack a se rendre dans cinq jours, et, s’il en exigeait absolument six, de les lui accorder. Je n’ai pas reçu d’autres instructions. La nuit Ă©tait noire ; un ouragan terrible venait de s’élever, il pleuvait a flots il fallait passer par des chemins de traverse, et Ă©viter des bourbiers oĂč l’homme, le cheval et la mission pouvaient finir avant terme. J’ai Ă©tĂ© presque jusqu’aux portes de la ville sans trouver nos avant-postes ; il n’y eu avait plus factionaires * vedettes, grandes-gardes tout s’était mis a couvert, les parcs d’artillerie mĂȘme Ă©taient abandonnĂ©s; point de feux, point d’étoiles. Il a fallu errer pendant trois heures pour trouver un gĂ©nĂ©ral. J’ai traversĂ© plusieurs villages et questionnĂ© inutilement ceux qui les remplissaient. „J’ai enfin trouvĂ© un trompette d’artillerie Ă  moitiĂ© noyĂ© dans la boue sous son caisson ; il du gĂ©nĂ©ral Rapp. 25 Ă©tait raide de froid. Nous nous sommes approchĂ©s des remparts d’Ulm. On nous attendait sans doute; car, au premier appel, M. de Latour , officier parlant bien français, s'est prĂ©sentĂ©. Il m’a bandĂ© les y eux, et m’a fait gravir par-dessus les fortifications. J’observai a mon conducteur que la nuit Ă©tait si noire quelle rendait le bandeau inutile; mais il n’objecta l’usage. La course me paraissait longue. Je fis causer mon guide mon but Ă©tait de savoir quelles troupes renfermait la ville. Je lui demandai si nous Ă©tions encore loin de la demeure du gĂ©nĂ©ral Mack et de celle de l’archiduc. C’est tout prĂšs, me rĂ©pondit mon guide. J’en conclus que nous tenions dans Ulm tout le reste de l’armĂ©e autrichienne. La suite de la conversation me confirma dans cette conjecture. Nous arrivĂąmes enfin dans l’auberge oĂč le gĂ©nĂ©ral en chef demeurait. Il m’a paru grand, ĂągĂ©, pĂąle ; l’expression de sa figure annonce une imagination vive. Ses traits Ă©taient tourmentĂ©s par une anxiĂ©tĂ© qu’il cherchaita cacher. AprĂšs avoir Ă©changĂ© quelques compliments, je me nommai; puis, entrant en matiĂšre, je lui dis que je venais de lapartde l’empereur le sommer de se rendre, et rĂ©gler avec lux les conditions de la capitulation. Ces expressions lui parurent insuppoita- bles, et il ne convint pas d’abord de la nĂ©cessitĂ© de les entendre. J’insistai, en lui observant qu’ayant Ă©tĂ© reçu, je devais supposer, ainsi que l’empereur, qu’il avait apprĂ©ciĂ© sa position me rĂ©pondit vivement qu’elle allait bien changer; que l’armĂ©e russe s’approchait pour le secourir, qu’elle nous mettrait entre deux feux, et que peut-ĂȘtre ce serait 24 MĂ©moires bientĂŽt a nous Ă  t apituler. je lui rĂ©pliquai que, dans sa position, il n’était, pas Ă©tonnant qu’il ignorĂąt ce qui se passait en Allemagne; qu’en consĂ©quence, je devais lui apprendre que le marĂ©chal Bernadotte occupait Ingol- stadt et Munich, et qu’il avait ses avant-postes sur l’Inn , oĂč les Russes ne s’étaient pas encore montrĂ©s. ,,Que je sois le plus grand., ,,s’écria le gĂ©nĂ©ral Mack tout en colĂšre, si je „ne sais pas, par des rapports certains, que les „Russes sont Ăą Dachau! Croit-on m’abuser „ainsi? Me traite-t-on comme un enfant? ]Non, ,,monsieur de SĂ©gur. Si dans huit jours je ne „suis pas secouru, je consens Ăą rendre ma place, ,,a ce que mes soldats soient prisonniers çle ,,guerre, et leurs officiers prisonniers sur pa- ,,role. Alors on aura eu le temps de me secourir, „j’uurai satisfait U mon devoir mais on me ,,secourra, j’en suis certain! —j’ai l’honneur „de vous rĂ©pĂ©ter, monsieur le gĂ©nĂ©ral, que „nous sommes non seulement, maĂźtres de Ûa- ,,chau, mais de Munich d’ailleurs, en supposant vraie votre erreur, si les Russes sont ,,a Dachau, cinq jours leur suffisent pour venir ,,nous attaquer, et Sa MajestĂ© vous les accorde. ,,— !Non, monsieur, reprit le marĂ©chal; je ,,demande huit jours. Je 11e puis entendre a ,,aucune autre proposition; il me faut huit ,,jours, ils sont indispensables Ăą ma responsabilitĂ©. — Ainsi, repris-je, toute la difficultĂ© ,,consiste dans cette diffĂ©rence de cinq a huit ,,jours? Mais je 11e conçois pas- l’importance ,,que votre excellence y attache, quand Sa ,,MajestĂ© est devant vous, a la tĂšte de plus de ,,cnt mille hommes, et quand les corps du 25 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ,,marĂ©chal Bernadotte et du gĂ©nĂ©ral Marmont „suffisent pour retarder de ces trois jours la ,,marche des Russes, mĂȘme en les supposant ,,oii ils sont encore bien loin d’ĂȘtre. — Ils sont ,,a Dachau, rĂ©pĂ©ta le gĂ©nĂ©ral Mack. — Eh „bien i soit, monsieur le baron, et mĂȘme a ,,Augsbourg; nous en sommes d’autant plus ,,pressĂ©s de terminer avec vousne nous forces ,,donc pas d’emporter Ulm d’assaut; car alors, ,,au lieu de cinq jours d’attente, l’empereur y „serait dans une matinĂ©e. — Ah! monsieur, „rĂ©pliqua le gĂ©nĂ©ral en chef, ne pensez pas ,,que quinze mille hommes se laissent forcer „si facilement; il vous en coĂ»terait cher! — ,,Quelques centaines d’hommes, lui rĂ©pondisse; et a vous votre armĂ©e et la destruction ,,d’Ulm, que l’Allemagne vous reprocherait; ,,enfin tous les malheurs d’un assaut que Sa ,,MajestĂ© veut prĂ©venir par la proposition ,,qu’elle m’a chargĂ© de vous faire. — Dites, „s’écria le marĂ©chal, qu’il vous en coĂ»terait ,,dix mille hommes! La rĂ©putation d’Ulin est ,,assez connue. — Elle consiste dans les hauteurs „qui l’environnent, et nous les occupons. — ,,Allons donc, monsieur, il est impossible que „vois ne connaissiez pas la force d’Ulm ! — ,,Sans doute, monsieur le marĂ©chal, et d’autant, mieux que nous voyons dedans. — Eh „bien ! monsieur, dit alors ce malheureux ,,gĂ©nĂ©ral, vous y voyez des hommes prĂȘts a se ,,dĂ©fendre jusqu’à la derniĂšre extrĂ©mitĂ©, si „votre empereur ne leur accorde pas huit jours. ,,Je tiendrai long-temps ici. Il y a dans Ulm ,,trois mille chevaux que nous mangerons, ,,plutĂŽt que de nous rendre, avec autant de 26 MĂ©moires ,,plaisir que vous le feriez a notre nlace. — Trois mille chevaux ? rĂ©pliquai-je; ali! mon- ,,sieur le marĂ©chal, la disette que vous devez Ă©prouver est donc dĂ©jĂ  bien grande, puisque ,,vous songez a une si triste ressource ?“ Le marĂ©chal se dĂ©pĂȘcha de m’assurer qu’il axait pour dix jours de vivres ; mais je n’en crus rien. Le jour commençait a poindre ; nous n’avancions pas. Je pouvais accorder six jours; mais le gĂ©nĂ©ral Mack tentait si obstinĂ©ment a ses huit jours, que^je jugeai cette concession d’une jour inutile; je ne la risquai pas. Je me levai, en distant que mes instructions m’ordonnaient d’ĂȘtre revenu avant le jour, et, en cas de refus, de transmettre, en passant, au marĂ©chal Ney l’ordre de commencer l’attaque. Ici le gĂ©nĂ©ral Mack se plaignit de la violence de ce marĂ©chal envers un de ses parlementaires , qu’il n’avait pas voulu Ă©couter. Je profitai de cet incident pour bien faire remarquer qu’en efFet le caractĂšre du marĂ©chal Ă©tait bouillant, impĂ©tueux, imposible a contenir; qu’il commandait le corps le plus nombreux et le plus rapprochĂ© ; qu’il attendait avec impatience l’ordre de livrer l’assaut, et que c’était a lui que je devais le transmettre en sortant d’Ulm. Le vieux gĂ©nĂ©ral ne s’est point laissĂ© effrayer; il a insistĂ© sur les huit jours, en me pressent d’en porter la proposition a l’empereur. ,,Ce malheureux gĂ©nĂ©ral est prĂȘt a signer la perte de l’Autriche et la sienne; et pourtant dans cette position dĂ©sespĂ©rĂ©e, oĂč tout en lui doit souffrir cruellement, il ne s’abandonne pas encore; son esprit conserve ses facultĂ©s, sa 27 du gĂ©nĂ©ral Ilaj/p. discussion est vive et tenace. Il dĂ©fend la seule chose qui lui reste a dĂ©fendre, le temps. Il cherche a retarder la chute de l'Autriche dont il est cause; il veut lui donner quelque jours de plus pour s’y .prĂ©parer; lui perdu, il dispute encore pour elle. EntraĂźnĂ© par son caractĂšre plus politique que militaire, il veut encore jouer au plus fin contre le plus fort; sa tĂȘte s’égare dans une foule de conjectures. ,,Le 25, vers neuf heures du matin, j’ai re- trouvĂ© l’empereur a l’abbaye d’Elchingen, oĂč je lui ai rendu compte de cette nĂ©gociation; il en a paru satisfait il m’a fait rappeler, et comme je tardais, il a çnvoyĂ© le marĂ©chal Ber- thier me porter par Ă©crit les propositions nouvelles qu’il voulait que je fisse signer au gĂ©nĂ©ral Mack sur-le-champ. L’empereur accordait au gĂ©nĂ©ral autrichien huit jours , mais a dater du 23, premier jour du blocus; Ce qui les rĂ©duisait en effet aux six jours que j’avais du d’abord proposer, et que je n’avaislpas voulu concĂ©der. ,,Toutefois, en cas d’un refus obstinĂ©, j’étais^ autorisĂ© a dater ces huit jours du 25, et i’empereur gagnait encore un jour a cette concession. Il tient a entrer promptement dans Ulm, pour’ augmenter la gloire de sa victoire par sa rapiditĂ©, pour arriver a Vienne avant que cette ville soit remise de sa stupeur et que l’annĂ©e russe ait pu se mettre en mesure, et enfin parce que les vivres commencent a nous manquer. „Le major-gĂ©nĂ©ral marĂ©chal Berthier me prĂ©vint qu’il s’approcherait delĂ  ville, et que, les conditions rĂ©glĂ©es, il serait bien aise que je l’y fisse pĂ©nĂ©trer. 28 MĂ©moires ,,Je suis rentrĂ© dans IJ lin vers micli, toujours avec les mĂȘmes prĂ©cautions ; mais cette lois j’ai trouvĂ© le gĂ©nĂ©ral Mack a la porte de la ville; je lui ai remis l'ultimatum de l'empereur. Il est allĂ© le discuter avec plusieurs gĂ©nĂ©rĂ© aux, parmi lesquels je crus remarquer un prince de Lichtenstein , et les gĂ©nĂ©raux KlĂ©nau et Giulay. Un quart d’heure aprĂšs, il revint disputer encore avec moi sur la date. Un malentendu lui persuada qu’il obtenait les huit jours entiers a partir du 25. Alors, avec une Ă©motion de joie bien singuliĂšre ,,IVlonsier de SĂ©gur! mon cher ,,monsieur de SĂ©gur! s’écria-t-il, je comptais ,,sur la gĂ©nĂ©rositĂ© de l’en\pereur je ne me suis ,,pas trompĂ©... Dites au marĂ©chal Berthier que ,,je le respecte... Ditçs a l’empereur que je n’ai ,,plus que de lĂ©gĂšres observations a taire; que ,,je signerai tout ce que vous m'apportes... ,,Mais dites a sa majestĂ© que le marĂ©chal ]Ney ,,m’a traitĂ© bien durement... ; que ce n’est pas ,,ainsi [lion traite.... KĂ©pĂ©tea bien a l’empe- ,,reur que je comptais sur sa gĂ©nĂ©rositĂ©...“ Puis, avec une eiĂŻusion de cƓur toujours croissante, il ajouta ,,Monsieur de SĂ©gur, je tiens ,,a votre estime...; je tiens beaucoup a l’opinion que vous aurĂ©x de moi. Je veux vous ,,taire voir l’écrit que j’avais signĂ©, car j’étais ,,dĂ©cidĂ©.“ En parlant ainsi, il dĂ©ploya une feuille de papier oĂč je lus ces mots Huit jours ou la mort’, signĂ© Mack. ,,Je restai frappĂ© d’étonnement en voyant l’ex>ression de bonheur qui brillait sur sa figure; j’étais et comme consternĂ© de cette puĂ©rile joie pour une si vaine concession. Dans un naufrage si considĂ©rable, a quelle 29 du gĂ©nĂ©ral Rapp. faible branche le malheureux gĂ©nĂ©ral croyait- il donc pouvoir rattacher son honneur, celui de son armĂ©e et le salut de l’au triche ! ĂŒ rue prenait les mains, me les serait, me permettait de sortir d’IJlm les yeux libres; il me laissait introduire le marĂ©chal Berlhier dans cette place sans formalitĂ©s. Enfin il Ă©tait heureux ! Il y eut encore devant le marĂ©chal Berthier une discussion sur les dates. J'expliquai le malentendu on s’en remit a l’empereur. Le gĂ©nĂ©ral Mack m’avait assurĂ© le matin qu’il lui restait pour dix jours de vivres ; il en avait si peu , comme au reste j’en avais prĂ©venu sa majestĂ©, qu’il demanda devant moi la permission d’en faire entrer dĂšs le jour mĂȘme. ,,Mack, se voyant tournĂ©, s’est imaginĂ© qu’en se jetant et restant dans Ulm, il attirerait l’empereur devant ses remparts, l’y retiendrait, et favoriserait ainsi la fuite que tenteraient ses autres corps par diffĂ©rentes directions. Il pense s’ĂȘtre dĂ©vouĂ© c’est ce qui soutient son courage. Lorsque je nĂ©gocie avec lui, il croit notre annĂ©e tout entiĂšre immobile, et comme en arrĂȘt devant Ulm. Il en a fait sortir furtivement l’archiduc et Werneck. Une autre division avait tentĂ© de s’évader versMemmingen; une autre encore fuyait vers les montagnes du Tyrol toutes sont ou vont ĂȘtre faites prisonniĂšres. ,,Aujourd’hui 27 le gĂ©nĂ©ral Mack est venu voir l’empereur a Elchingen. Tou tes ses illusions se sont Ă©vanouies. ,,Sa majestĂ© pour le persuader de ne plus le retenir inutilement devant Ulm, lui a fait 50 iMĂ©moires envisager sa position et celle de l’Au triche dans toute son horreur. Il lui a appris nos succĂšs sur tous les points ; que le corps de Werneck , toute son artillerie et huit gĂ©nĂ©raux capitulaient; que l’archiduc lui-mĂȘme Ă©tait atteint, et qu’on n’entendait pas parler des Russes. Tant de coups ont anĂ©anti le gĂ©nĂ©ral en chef; les forces lui ont manquĂ©, il a Ă©tĂ© obligĂ© de s’appuyer contre la muraill e ; il s’est affaissĂ© sous le poids de son malheur. Il est convenu de sa dĂ©tresse, et qu’il n’avait plus de vivres dans Ulm; qu’au lieu de quinxe mille hommes, il s’y trouvait vingt-quatre mille combattants et trois mille blessĂ©s; qu’au reste la confusion Ă©tait telle qu’a chaque instant on en dĂ©couvrait davantage ; qu’il voyait bien qu’il n’avait plus d’espoir, et qu’il consentait a rendre [Jim clĂ©s le lendemain 28 , a trois heures. ,,En sortant de che;? sa majestĂ©, il nous vit, et je l’entendis dire ,,I1 est cruel d’ĂȘtre dĂ©s- ,,honorĂ© dans l’esprit de tant de braves officiers. ,,J’ai pourtant dans ma poche mon opinion dĂ©crite et signĂ©e, par laquelle je me refusais „a ce qu’on dissĂ©minĂąt mon armĂ©e; mais je ne „la commandais pas l’archiduc Jean Ă©tait la.“ Il se peut qu’on n’ait obĂ©i a M'ack qu’avec rĂ©pugnance. ,,Aujourd’hui 28 , trente-trois mille Autrichiens se sont rendus prisonniers; ils ont dĂ©filĂ© devant l’empereur. L’infanterie a jetĂ© les armes sur le revers du fossĂ©; la cavalerie a mis pied a terre, s’est dĂ©sarmĂ©e, et a livrĂ© ses chevaux a nos cavaliers h pied. Ces soldats , en se dĂ©pouillant de leurs armes, criaient, ,,Vive „l’empereur!“ Mack Ă©tait la, il rĂ©pondait aux du gĂ©nĂ©ral Rapp. ol officiers qui s’adressaient a lui sans le connaĂźtre „Vous voyez devant vous le malheureux Mack !“ J’étais a Elchingen avec les gĂ©nĂ©raux Mouton et Bertrand lorsqu'il vint rendre ses hommages a NapolĂ©on. ,,Je me flatte, Messieurs, nous ,,dit-il en traversant le salon de l’aide-de-camp ,,de service, que vous ne cessez pas de me ,,regarder comme un brave homme, quoique ,,j’aie Ă©tĂ© obligĂ© de capituler avec des forces ,,aussi considĂ©rables. Il Ă©tait difficile de rĂ©sister „aux manoeuvres de votre empereur ; ses combinaisons m’ont perdu.“ NapolĂ©on, plein de joie d’une aussi bonne affaire, envoya le gĂ©nĂ©ral Bertrand vĂ©rifier les Ă©tats de situation de l’armĂ©e qui se trouvait dans Ulm. Il vint rendre compte qu’il y avait 21,000 hommes ; l’empereur ne pouvait le croire. ,,Vous parlez leur langue, me dit-il, allez voir ,,ce qui en est.“ J’allai, je questionnai les chefs de corps, les gĂ©nĂ©raux, les soldats; et je trouvai, d’aprĂšs ces renseignements, que la K lace renfermait vingt-six mille combattants. apolĂ©on me rĂ©pondit que j’étais un fou, que cela ne se pouvait pas. Effectivement quand cette armĂ©e dĂ©fila devant nous, elle comptait trente-trois mille hommes, comme le dit M. de SĂ©gur, dix-neuf gĂ©nĂ©raux, une cavalerie et une artillerie superbes. ✓ MĂ©moires CHAPITRE VII Nous n’avions pas pu enfermer tous les Autrichiens dans Ulm. Werneek s’était Ă©chappĂ© par Heydenheim, l’archiduc courait aprĂšs. Tous deux fuyaient Ă  tour de route mais le sort avait prononcĂ©; on n’appelle pas de ses dĂ©cisions. NapolĂ©on, prĂ©venu au milieu de la nuit qu’ils gagnent Albeck, mande aussitĂŽt le grand-duc. ,,IJne division, lui dit-il, est ,,sortie de la place et menace nos derriĂšres. ,,Suivez, prenez, dissipess-la. Que pas un n’é- „chappe. ÂŁ La pluie tombait par torrents, les chemins Ă©taient affreux mais la victoire fait oublier les fatigues ! On allait, on courait, on ne songeait qu’a vaincre. Murat joint l’ennemi, l’attaque et le culbute. Il le presse, le pousse dans sa fuite; pendant deux lieus il ne lui laisse pas le reprendre haleine. Des niasses occupaient Erbreetingen avec du canon. La nuit Ă©tait close, nos chevaux extĂ©nuĂ©s. Nous finies halte. Le 9 e lĂ©ger arriva sur les dix heures. Nous marchĂąmes en avant. L’attaque recommença ;j village , artillerie, caissons , tout fut enlevĂ©. Le gĂ©nĂ©ral Odonel cherchait a faire ferme avec son arriĂšre-garde; un marĂ©chal- des-logis l’apperçoit, le blesse et le prend. Il Ă©tait*minuit; la troupe tombait de lassitude. Nous ne poussĂąmes pas plus loin nos succĂšs. L’ennemi fuyait en toute hĂąte sur Nordlin- gen, oĂč nous avions de l’artillerie et des dĂ©r pots. Il Ă©tait important de le prĂ©venir. Murat dĂ©tacha 33 du gĂ©nĂ©ral Rapp. dĂ©tacha des partis qui le harcelaient, l'inquiĂ©taient dans sa marche , le forçaient a prendre position, c’est-a-dire Ăą perdre du temps. D’Ăčn autre cĂŽtĂ©, le gĂ©nĂ©ral Rivand devait mettre le pont de Donnavert en sĂ»retĂ©, et se porter avec le surplus de ses forces sur la Wiesnitz. Tout passage Ă©tait interceptĂ©. Ces dispositions prises, le prince se mit en mouvement et atteignit l'archiduc, qui se dĂ©ployaitĂąNeresheim. Nous l’abordĂąmes avec cet Ă©lan que donne la victoire ; le choc fut irrĂ©sistible; la cavalerie fuyait, l’infanterie mettait bas les armes; les piĂšces, les drapeaux, les soldats, se rendaient en masse. Tout Ă©tait dans un dĂ©sordre affreux. Klein, Fauconet, Lanusses, les poussaient, les coupaient dans tous les sens, les chassaient dans toutes les directions. On somma Werneck de se rendre il hĂ©sitait ; un concours de circonstance inouĂŻes le dĂ©cida. L’officier chargĂ© d’escorter le parlementaire français cherchait son chef a travers champs. Il rencontra le prince de Hohen- zollern, auquel-il fit part de l’objet de-sa mission. Celui-ci voulut l’accompagner, ne doutant pas que le feld-marĂ©chal n’acceptĂąt ils se dirigĂšrent v surNĂŽrdlingen, qu’ils trouvĂšrent occupĂ© non par ce gĂ©nĂ©ral, mais par les troupes françaises. D’un autre cĂŽtĂ© le gĂ©nĂ©ral Lasalle s’était portĂ© sur Merking, ety avaitenlevĂ© un millier d’hommes; les fuyards vinrent jeter l’époiivante au quartier- . gĂ©nĂ©ral. Ces rapports Ă©branlĂšrentWerneck, il se montra disposĂ© a traiter ; il retint l’officier français, et donna en otage le major du rĂ©giment de Kaunitz. Il remit cependant la nĂ©gociation au lendemain ilvoulait tenter les chances de la nuit. DĂšs qu’elle fut close, il essaya de se rallier a l’ar- 34 MĂ©moires chiduc; mais les troupes françaises interceptaient la route, le gĂ©nĂ©ral Rivaud culbutait Lichtenstein , et coupait le grand parc que nos hussards pressaient en queue. Werneck n’osa passer outi'e; il se crut envekrppĂ© et nĂ©gocia. Le gĂ©nĂ©ral Bel- liard se rendit aux avant-postes nos troupes occupĂšrent les hauteurs, afin d’ĂȘtre en mesure contre les supercheries. Mais la nuit approchait; Hohenzollern, t[ui, la veille, avait trouvĂ© la capitulation inĂ©vitable , prolita des tĂ©nĂšbres pour l’éluder, le gĂ©nĂ©ral Meczery suivit son exemple ils s’échappĂšrent avec la cavalerie et quelques fantassins ; ils faisaient partie du corps qui avait mis bas les armes. On pouvait croire qu’ils Ă©taient liĂ©s par les actes de leur chef; il n’en Ă©tait rien cependant; ces messieurs le crui’ent du moins, puisqu’ils rejoignirent les dĂ©bris de l’archiduc, avec leq uel ils se jetĂšrent sur le territoire de Prusse. Nous les atteignĂźmes a Gunclerhausen; nous les sommĂąmes d’exĂ©cuter la convention. Le prince deSchwartzenberg allĂ©guait des ordres, voulait Ă©claircir des doutes ,Ă©crire, s’expliquer en un mot gagner du temps. Les Prussiens a leur tour criaient a la neutralitĂ©; ils demandaient que la ville ne fĂ»t pas attaquĂ©e, que la colonne ennemie pĂ»t l’evacuer. Un personnage h rabat vint, sous l’escorte des officiers de l'archiduc, nous menacer de la colĂšre du roi Guillaume. Le gĂ©nĂ©ral Klein n’était pas homme a se payer d’une mascarade il envoya au grand-duc ce magistrat a livrĂ©e autrichienne, et fit sonner la charge. Le prince de SchwartzenbĂ©rg accourut tout dĂ©contenancĂ© il ne croyait pas que le gĂ©nĂ©ral fĂ»t si 35 du gĂ©nĂ©ral Happ. proche. Il prĂ©tendit aussi que nous ne devions pas violer le territoire de la Prusse, proposa de le respecter, et de ne pas occuper Gunder- hausen. Klein lui rĂ©pondit de prĂȘcher d’exemple, qu’il l’imiterait. On avançait toujours, et cependant Schwartaenberg ne se dĂ©cidait pas. Murat, fatiguĂ© d’ĂȘtre pris pour dupe, ordonna de cesser ces discussions et dĂ© marcher. L’arriĂšre-garde ennemie prit alors le galop, et nous cĂ©da la place. Nous la poursuivĂźmes pendant quelques lieues, sans pouvoir l’atteindre. il Ă©tait nuit nous primes position. INous nous remĂźmes en marche a la pointe du jour; mais l’archiduc avait tellement prĂ©cipitĂ© sa fuite, que ce ne fut qu’a Nuremberg que nous atteignĂźmes la queue de ses Ă©quipages. Un piquet d’avant-garde les chargea, et lit mettre bas les armes au bataillon d’escorte. De la, il poussa en avant, et s’engagea dans un chemin boisĂ©, a travers l’artillerie et les bagages , poussant , culbutant quelques centaines de dragons qui cherchaient vainement a se rallier. Le gros des Autrichiens nous attendait dans une position avantageuse. Nos chasseurs furent contraints de plier. Les hussaids, les carabiniers accoururent tout fut culbutĂ©. L’archiduc lui- mĂȘme faillit ĂȘtre pris. Ce fut le coup de grĂące du corps qui s’était Ă©chappĂ© d’Ulm. En cinq jours, sept mille braves parcoururent un espace de quarante-cinq lieues, dĂ©truisirent une annĂ©e de vingt - cinq mille hommes, lui enlevĂšrent sa caisse , ses Ă©quipages, s’emparĂšrent de cent vingt-huit piĂšces de canon, onxe drapeaux, et ĂŒrent douxe a quinxe mille prisonniers. De tout ce qu’avait ramenĂ© l’arcliiduc, a peine 36 MĂ©moires restait-il quelques milliers de malheureux dispersĂ©s dans les bois. Cependant le gĂ©nĂ©ral Klein persistait dans ses rĂ©clamations Werneck lui-mĂȘme insistait sur la foi jurĂ©e. Ils exigeaient que les officiels compris dans la capitulation vinssent se constituer prisonniers. Le gĂ©nĂ©ral français adressa ses plaintes h l’archiduc, ou, en son absence, au gĂ©nĂ©ral commandant l’armĂ©e autrichienne; mais le dĂ©sordre Ă©tait tel, que le parlementaire fut obligĂ© de courir jusqu’au fond de la BohĂȘme pour trouver un officier qui pĂ»t recevoir ses dĂ©pĂȘches. La rĂ©ponse se rit long-temps attendre elle arriva enfin. C’était une lettre du gĂ©nĂ©ral Kollowrad, qui lui transmettait la correspondance qui suit An lieutenant-gĂ©nĂ©ral de sa majestĂ© impĂ©riale et royale, comte de Hohenzollern. „Monsieur le lieutenant-gĂ©nĂ©ral, ,, Vous m’avez soumis la lettre du lieutenant- ,,gĂ©nĂ©ral Werneck. Je vous rĂ©pondrai que, ,,selon les lois de la guerre et les droits des ,,nations, je trouve trĂšs illĂ©gales les prĂ©tentions ,,du gĂ©nĂ©ral français, ,,En consĂ©quence, je dĂ©clare que vous et ,,les troupes avec lesquelles vous ĂȘtes rentrĂ© ,,ne pouvez ĂȘtre compris dans la capitulation. „Je vous ordonne donc, ainsi qu’a elles, de continuer a servir comme auparavant.“ ' SignĂ© , FebdiwapĂźd. Et plus bas , major et aide-de-camp. Egra, le 2,3 octobre ĂźtJoĂŽ, du gĂ©nĂ©ral Rapp. * 37 Au moyen de cette piĂšce la capitulation n’étiat pas une capitulation. Hohenaollern fuyait sans forfaire a l’honneur. Il s’étonnait qu’on voulĂ»t lui faire rendre en masse des soldats qu’il perdait aussi bien en dĂ©tail. Sa lettre Ă©tait curieuse; la voici AM. le feld-marĂ©chal baron de Wemecb. „Mon trĂšs cher camarade , ,,Je ne puis vous cacher ma surprice sur la ,,proposition de me rendre avec la cavalerie ,,qui Ă©tait de votre corps. Lorsque je vous ai ,,quittĂ©, vous aviesi refusĂ© toute capitulation, „en ma prĂ©sence, et pour moi; je pensais au ,,moyen de ramener, coĂ»te qui coĂ»te, la cavalerie a l’armee, si vous, avec l’infanterie, ,,ne pouviez vous tirer d’affaire. J’ai essayĂ©, ,,j’ai rĂ©ussi. Je ne conçois pas de quel droit ,,je pourrais ĂȘtre prisonnier de guerre, n’ayant ,,pas Ă©tĂ© prĂ©sent a vos arrangements, auxquels „jamais, par ma personne, je n’aurais pu me ,,prĂȘter. Maintenant que depuis hier je suis ,,sĂ©parĂ© de vous, il ne m’appartient plus de ,,remplir vos ordres je les reçois de son altesse royale notre gĂ©nĂ©ral en chef. ,,J’ai l’honneur d’ĂȘtre votre trĂšs humble et ,,trĂšs obĂ©issant serviteur.“ SignĂ©, le lieutenant-gĂ©nĂ©ral de Hohekzollebn, conseiller intime. NapolĂ©on Ă©tait content de lui, de l’armĂ©e, de tout le monde. Il nous tĂ©moigna sa satisfaction par la proclamation qui suit 58 MĂ©moires „Soldats de la grande armĂ©e ! „Kn quinze jours nous avons t'ait une cam- ,,pagne. Ce que nous nous proposions de „ faire est rempli nous avons chassĂ© de la BaviĂšre les troupes de la maison d’Autriche, ,,et rĂ©tabli notre alliĂ© dans la souverainetĂ© de ,,ses Ă©tats. ,,Cette armĂ©e qui av ec, autant d’ostentation ,,que d’imprudence Ă©tait venue se placer sur „nos frontiĂšres est anĂ©antie. ,,Mais qu’importe a l’Angleterre ? Son but „est rempli nous ne sommes plus a Boulogne , et son subside ne sera ni plus ni moins „ grand. ,,De cent mille hommes fui composaient „cette armĂ©e, soixante mille sont prisonniers; „ils vont remplacer nos conscrits dans les trĂ - „vaux de la campagne. „Deux cents piĂšces de canon, tout le parc, „quatre-vingt~dix drapeaux , tous leurs gĂ©nĂ©raux, sont en notre pouvoir. IJ ne s’est pas „échappĂ© de cette armĂ©e quinze mille hommes. ,,Soldats! je vous avais annoncĂ© une grande „bataille; mais, grĂąces aux mauvaises combinaisons de l’ennemi, j’ai pu obtenir les mĂȘmes rĂ©sultats sans courir aucune chance; et, ce ,,qui est sans exemple dans l’histoire des nations, un si grand rĂ©sultat ne nous affaiblit „pas de plus de quinze cents hommes hors „de combat. ,,Soldats! ce succĂšs est dĂ» a votre confiance ,,sans bornes dans votre empereur, a votre pa- ,,tience Ă  supporter les fatigues et les privations „de toute espĂšce, a votre rare intrĂ©piditĂ©. - du gĂ©nĂ©ral Rapp. 39 „Mais nous ne nous arrĂȘterons pas l'a. Vous „ĂȘtes impatients de commencer une seconde „ campagne. ,,Cette armĂ©e russe que l’or de l’Angleterre a ,,transportĂ©e des extrĂ©mitĂ©s de l’univers, nous ,,allons lui faire Ă©prouverle mĂȘme sort. „A ce combat est ettacbĂ© plus spĂ©cialement ,,l’honneur de f infanterie française ; c’est l'a que ,,va se dĂ©cider, pour la seconde fois, cette ,,question, qui l’a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© une fois en Suisse ,,et en Hollande, si l’infanterie française est „la premiĂšre ou la seconde de l’Europe. ,,11 n’y a pas la de gĂ©nĂ©raux contre lesquels ,,je puisse avoir de la gloire a acquĂ©rir. Tout ,,mon soin sera d’obtenir la victoire avec le ,,moins d’effusion de sang possible mes sol- „dats sont mes enfants. “ ! 40 MĂ©moires CHAPITRE VIII. Les Autrichiens avaient iini, nous courĂ»mes au-devant des Russes. Kutusof affectait de la rĂ©solution, nous le croyions disposĂ© a combattre, nous nous fĂ©licitions de cette nouvelle occasion de gloire mais toute cette contenance n’était qu’un simulacre; il abandonna l’Inn, la Traun, l’Ems; on ne le vit plus. Nous poussĂąmes sur Vienne; nous avancions, nous allions, nous mai’chions a tour dĂ©route jamais mouvement n’avait Ă©tĂ© si rapide. L’empereur en fut inquiet, il craignait que cette prĂ©cipitation ne compromĂźt nos derriĂšres, que les Russes ne nous prissent parle flanc. ,,Murat, me dit-il court ,,connue un aveugle; il va, comme s’il ne ,,s’agissait que d’entrer a Vienne l’ennemi n’a „personne en face , il peut disposer de toutes ,,ses forces et Ă©craser Mortier. Avertis Bertliier ,,qu’il arrĂȘte les colonnes.“ Bertliier vint, le marĂ©chal Soult eut ordre de rĂ©trograder jusqu’à Mautern; Davoust prit position Ăą l’embrancne- ment des routes de Lilienfeldt et de Neustadt, et Bernadotte Ă  Moelck. Ces dispositions ne purent prĂ©venir l’engagement dont NapolĂ©on craignait l’issue. Quatre mille Français furent chargĂ©s par l’armĂ©e ennemie tout . entiĂšre ; mais l’habiletĂ©, le courage, la nĂ©cessitĂ© de vaincre, suppléÚrent au nombre les Russes furent culbutĂ©s. A la nouvelle de cette Ă©tonnante victoire, tout se remit en mouvement l’empereur pressa la marche avec encore plus 41 du gĂ©nĂ©ral Rapp. de vivacitĂ© qu’il ne l’avait suspendue; il voulait gagner les Autrichiens de vitesse, surprendre le passage du Danube ; tourner, couper leurs alliĂ©s, les battre avant l’arrivĂ©e de nouvelles forces. Il expĂ©diait, hĂątait les ordres hommes et chevaux, tout Ă©tait en mouvement. ,,Le ,,champ est ouvert, Murat peut se livrer a ,, toute son impĂ©tuositĂ©; mais il faut qu’il agrandisse le terrain, il faut qu’il surprenne le ,,pont.“ Et il lui Ă©crivit sur-le-champ ,,La ,,grande affaire, dans le moment actuel, est ,,de passer le Danube, afin de dĂ©loger les ,,Russes de Krems en se jetant sur leurs derriĂšres; l’ennemi coupera probablement le ,,pont de Vienne si cependant il y avait possibilitĂ© de l’avoir en entier, il faut tĂącher de ,,s’en emparer. Cette considĂ©ration seule peut ,,forcer l’empereur a entrer dans Vienne; et ,,dans ce cas vous y ferez entrer une partie de ,,'votre cavalerie et les grenadiers seulement. ,,11 faut que vous connaissiez la force des ,,troupes bourgeoises qui sont armĂ©es a Vienne. ,,L’empereur imagine que vous avez fait placer ,,quelques piĂšces de canon pour intercepter le ,,passage sur le Danube entre Krems et Vienne. ,,11 doit y avoir des partis de cavalerie sur la ,,rive droite du fleuve; vous n’en parlez pas a ,,l’empereur. Sa-majestĂ© trouve nĂ©cessaire de ,,savoir a quoi s’en tenir, afin que s’il avait Ă©tĂ© ,,possible d’intercepter le Danube au-dessous ,,de Vienne, on eĂ»t pu le faire. La division ,,du gĂ©nĂ©ral Suchet restera avec une partie de ,,'votre cavalerie sur la grande route de Vienne „a Burkersdorf, a moins que vous ne soyez ,,maĂźtre du pont sur le Danube, s’il n’a pas 42 MĂ©moires „étĂ© brĂ»lĂ© ; et dans ce cas, ce tte division s’y ,,porterait, afin de pouvoir passer le fleuve ,,avec votre cavalerie et vos grenadiers, et se ,,mettre le plus tĂŽt possible en marche pour ,,tomber sur les communications des Russes. ,,Je pense que l’empereur restera toute la „journĂ©e a Saint-Polten. >,Sa majestĂ© vous recommande, prince, de ,,lui rendre compte frĂ©quemment. ,,Quand vous serez a Vienne, tĂąchez d’avoir ,,les meilleures cartes qui s’y trouvent des „environs de Vienne et de la Basse-Autriche. ,,Si M. le gĂ©nĂ©ral comte de Giulay se prĂ©sente , ou toute autre personne, pour parler ,,a l’empereur, envoyez-le en toute hĂąte ici. ,,La garde bourgeoise qui fait le service a ,,Vienne doit avoir tout au plus cinq cents ,,fusils. ,,I1 vous sera façile, une fois a Vienne, ,,d’avoir des nouvelles sur l’arrivĂ©e des autres „colonnes russes, ainsi que sur le projet des ,,autres , en se cantonnant a h rem s. ,,Vous aurez pour tourner les Russes et ,,pour tomber sur leurs derriĂšres v otre cavalerie, ,,le corps du marĂ©chal Lannes et celui du ,,marĂ©chal Davoust. Ouant aux corps des ,,marĂ©chaux Bernadotte et Soult, ils ne peuvent ,,ĂȘtre disponibles que lorsqu’on saura dĂ©finitive- „ment le parti qu’auront pris les Russes. ,,PassĂ© dix heures du matin vous pourrez „donc entrer a Vienne ; tĂąchez d’y surprendre ,,le pont du Danube, et s’il est rompu avisez ,,a trouver les plus prompts moyens de passage „c’est la seide grande affaire dans ce moment. „Si cependant avant dix heures M. de Giulay 43 du gĂ©nĂ©ral Rapp. „se prĂ©sentait pour apporter des propositions „de nĂ©gociations, et qu'il vous engageĂąt a ,,suspendre votre marche, vous suspendriez ,,votre mouvement sur Vienne, mais vous ne ,,vous occuperiez pas moins de trouver tous „ies moyens de passer le Danube a Kloster INeu- ,,bourg ou a tout autre endroit favorable. „L’empereur ordonne cpie depuis Siegharts- „kirchen jusqu'Ă  Vienne vous placiez de deux „en deux lieues de France un poste de cavalerie ,,de dix hommes, dont les chevaux serviront „a relayer les officiers que vous enverrez pour ,.rendre compte de ce qui se passera. Les „hommes du mĂȘme poste pourront porter les „dĂ©pĂȘches de Sieghartskirchen a Saint-Polten. „Le marĂ©chal BessiĂšres fera placer des postes ,,de la garde de l'empereur.“ 44 MĂ©moires CPIAPITRE IX. INous Ă©tions a Saint-PĂŽlten. NapolĂ©on se promenait a cheval sur la route de Vienne, lorsqu’il vit arriver une voiture ouverte oĂč se trouvaient un prĂȘtre et une dame tout en pleurs. Il Ă©tait, comme a son ordinaire, en costume de colonel de chasseurs de la garde. Elle ne le reconnut pas. Il s’informa de la cause de ses larmes et du lieu oĂč elle dirigeait sa course. „Monsieur, lui dit-elle, j’ai Ă©tĂ© pillĂ©e dans „une campagne a deux lieues d’ici par des „soldats qui ont tuĂ© mon jardinier. Je vais ,,demander une sauvegarde a votre empereur, ,,qui a beaucoup connu ma famille, a laquelle „ilade grandes obligations. — Votre nom? — ,,De Bunny ; je suis la fdle de M. de Marboeuf, ,,autrefois gouverneur en Corse. — Je suis ,,charmĂ©, madame, rĂ©pliqua NapolĂ©on avec ,,beaucoup d’amabilitĂ©, de trouver une occasion ,,de vous ĂȘtre agrĂ©able. C’est moi qui suis ,,l’empereur.“ Elle futtoutinterdite. NepolĂ©on la rassura et lui dit d’aller l’attendre a son quartier-gĂ©nĂ©ral. Il la traita a merveille, bd donna un piquet de chasseurs de sa garde, et la renvoya heureuse et satisfaite. NapolĂ©on avait reçu un rapport, qu’il lisait avec satisfaction; j’entrai dans son cabinet. ,,Eh ,,bien! Rapp, sais-tu que nous avions des partis ,, jusqu’au fond de laBohĂȘme?—Oui, sire.—Sais- ,,tu quelle cavalerie a battu les houlans, enlevĂ© ,,des postes, pris des magasins? — Non, sire, 45 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ,,—Nos fantassins perchĂ©s sur des chevaux de „trait ! — Comment cela ?“ Il me donna le rapport. Des dĂ©tachements qui avaient pĂ©nĂ©trĂ© en BohĂȘme s’étaient tout a coup trouvĂ©s dans un pays dĂ©couvert ils n’avaient qu’une vingtaine de dragons; ils ne voulaient pas rĂ©trograder, ils n’osaient pĂ©nĂ©trer plus avant. Dans cette perplexitĂ©, le chef imagine un expĂ©dient il rĂ©unit les chevaux des bagages, monte ses fantassins, et les lance ainsi Ă©quipĂ©s a travers les Ă©paisses forĂȘts qui avoisinent Egra. Des partis de cavalerie vinrent a le ur rencon tre et furent culbutĂ©s ; nous primes des hommes, des chevaux etdes approvisionnements qui furent livrĂ©s aux flammes. Je rendais le rapport ,,Ehhien, quetesemblede ,,cette nouvelle espĂšce de cavalerie?— Admirable, sire. — C’est que quand on a du sang français dans les veines, on fait toujours entrer la ,,mort dans les rangs ennemis.“ Nous marchions a la suite de l’arriĂšre-garde. Il nous eĂ»t Ă©tĂ© facile de l’enlever ; nous n’eĂ»mes garde de le faire nous voulions endormir sa vigilance nous ne la poussions pas, nous rĂ©pandions des bruits de paix. Nous laissions Ă©chapper des troupes, des bagages; mais quelques hommes de plus n’étaient pas une affaire la conservation des ponts Ă©tait d’une bien autre importance. Rompus , il fallait reprendre sous Ɠuvre une question dĂ©jĂ  rĂ©solue. L’Autriche assemblait de nouvelles forces ; la Prusse levait le masque, et la Russie se prĂ©sentait sur le champ de bataille avec tous les moyens de ces deux puissances. La possession des ponts Ă©tait une victoire, et il n’y avait que la surprise qui pĂ»t nous la faire remporter. Nous prĂźmes iMfhnoires 4ti nos mesures en consĂ©quence. Un dĂ©fendit aux troupes Ă©chelonnĂ©es sur la route de faire aucune dĂ©monstration capable de donner l’éveil, on ne permit a personne d’entrer a Vienne. Quand tout fut bien vu, bien examinĂ©, le grand-duc prit possession de cette capitale et chargea Lanusse et Bertrand de faire sans dĂ©lai une reconnaissance sur le fleuve. Ces deux officiers Ă©taient suivis du 10 e hussards. Ils trouvĂšrent aux portes du faubourg un poste de cavalerie autrichienne. On ne se battait plus depuis trois jours; il y avait une espĂšce de suspension d’armes. Ils abordent le commandant, lient coin ersationavec lui, s’attachent a ses pas, ne l’abandonnent plus. ArrivĂ©s sur les bords du fleuve ; ils s’obstinent encore a le suivre malgrĂ© lui; l’Autrichien s’emporte, lesFrançais demandent a communiquer avec le gĂ©nĂ©ral qui commande les troupes stationnĂ©es sur la rive gauche il y consent, mais il ne souffre pas que nos hussards les accompagnent; le 10 e est obligĂ© de prendre position. Cependant nos troupes arrivaient, conduites par le grand-duc et le marĂ©chal Lamies. Le pont Ă©tait encore intact, mais les conducteurs Ă©taient Ă©tablis, les canonniers tenaientleurs mĂšches le moindre signe qui eĂ»t dĂ©celĂ© le projet de passer de force eĂ»t fait avorter l’entreprise. Il fallait jouer de ruse; la bonhomie des Autrichiens s’y prĂȘtait. Les deux marĂ©chaux mirent pied a terre, la colonne fit halte, il n’y eut qu’un petit dĂ©tachement qui se porta sur le pont et s’v Ă©tablit. Le gĂ©nĂ©ral Belliard s’avança en se 1/ ^ o promenant les mains derriĂšre le dos avec deux officiers d’état-major. Lamies le joignit avec 47 du gĂ©nĂ©ral Rapp. d’autres; ils allaient, venaient, causaient,’et arrivĂšrent ainsi jusqu'au milieu des Autrichiens. I/ofFicier du poste ne voulait pas d’abord les recevoir, mais il finit par cĂ©der, et la conversation s’établit. On lui rĂ©pĂ©ta les propos qu’avait dĂ©jĂ  tenus le gĂ©nĂ©ral Bertrand, que les nĂ©gociations avançaient, que la guerre Ă©tait finie, qu’on ne se battrait, qu’on ne se dĂ©chirerait plus. „Pourquoi, lui dit le marĂ©chal, ,, tenez-vous encore vos canons In’aquĂ©s sur „nous? N’est-ce pas assez de sang, de combats? „Voulez-vous nous attaquer , prolonger des ,,malheurs cpii vous pĂšsent plus qu’a nous? ,,Allons , pins de provocations tournez vos piĂš- ,,ces. ,,MoitiĂ© subjuguĂ©, moitiĂ© convaincu, le commandant obĂ©it. 1/artillerie fut dirigĂ©e sur les troupes autrichiennes, et les armes mises en faisceau, Pendant ces pourparlers, lepelo- ton d’avant-garde avançait lentement, mais enfin il avançait, masquant des sapeurs, des canonniers, qui jetaient dans le fleuve les matiĂšres combustibles, rĂ©pandaient de l’eau sur les poudres et coupaient les conducteurs. L’Autrichien, trop peu familieravec notre langue pour s’intĂ©resser beaucoup a la conversation, s’aperçut que la troupe gagnait du terrain, et s’efforçait de faire comprendre que cela ne devait pas ĂȘtre, qu’il ne le souffrirait pas. Le marĂ©chal Lamies* le gĂ©nĂ©ral Belliard , tĂąchĂšrent de le rassurer ; ils lui dirent que le froid Ă©tait vif, que nos soldats marquaient le pas, qu’ils cherchaient h s’échauffer en se donnant du mouvement. Mais la colonne approchait toujours, elle Ă©tait dĂ©jĂ  aux trois quarts du pont ; il perdit patience et commanda le feu. foute la troupe 48 MĂ©moires courut aux armes, les artilleurs apprĂȘtaient leurs piĂšces, la position Ă©tait terrible un peu moins de prĂ©sence d’esprit, le pont Ă©tait en l’air, nos soldats dans les flots, et la campagne compromise. Mais l’Autrichien avait affaire a des hommes qui n’étaient pas faciles a dĂ©concerter. Le marĂ©chal Lannes le saisit d’un cĂŽtĂ©, le gĂ©nĂ©ral Belliard de l’autre; ils ĂŻe secouent, le menacent, crient, empĂȘchent qu’on ne l’entende. Arrive sur ces entrefaites le prince d’Auersberg, accompagnĂ© du gĂ©nĂ©ral Bertrand. Un officier court rendre compte au grand-duc de l’état des choses; transmet a la troupe, en passant, l’ordre d’allonger le pas et d’arriver. Le marĂ©chal s’avance au-devant du prince, se plaint du chef du poste, demande qu’il soit remplacĂ©, puni, Ă©loignĂ© d’une arriĂšre-garde oĂč il peut troubler les nĂ©gociations. Auersberg donne dans le piĂšge. Il discute, approuve, contredit, se perd dans une conversation inutile. ]Nos troupes mettent le temps a profit; elles arrivent, dĂ©bouchent, et le pont est emportĂ©. Des reconnaissances sont aussitĂŽt dirigĂ©es dans tous les sens, et le gĂ©nĂ©ral Belliard porte nos colonnes sur la route de Stokerau, oĂč elles prenent position. Auersberg, confus de sa loquacitĂ© intempestive, se rend auprĂšs du grand-duc, qui, aprĂšs un court entretien, l’adresse a NapolĂ©on et passe aussi le fleuve. Le piquet autrichien veillait toujours a la garde du pont. Nous bivouaquions pĂȘle-mĂȘle. Les troupes Ă©taient confondues a Stokerau comme sur les bords du fleuve. NapolĂ©on trouva ce mĂ©lange inutile. Il envoya les houlans a Vienne, oĂč ils furent dĂ©sarmĂ©s. Nous 49 du gĂȘnerai Rapp. Nous arrivĂąmes a Austerlitz* Les Russes avaient des forces supĂ©rieures aux nĂŽtres; ils avaient repliĂ© nos avant-gardes et nous croyaient dĂ©jĂ  vaincus* I/action s’engagea ; mais, au lieu de ces succĂšs faciles que leur garde seule devait obtenir, il trouvĂšrent partout une rĂ©sistance opiniĂątre* Il Ă©tait dĂ©jĂ  une heure, et la bataille Ă©tait loin de se dĂ©cider pour eux* Ils rĂ©solurent de tenter au centre un dernier effort. La garde impĂ©riale se dĂ©ploya ; infanterie , cavalerie , artillerie, marchĂšrent sur le pont sans que NapolĂ©on aperçût ce mouvement, que lui dĂ©robaient les accidents du terrain. Un feu de mousqueterie se fit bientĂŽt entendre, c’était une brigade commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Schinner que les Russes enfonçaient. NapolĂ©on m’ordonna de prendre les Mamelouks, deux escadrons de chasseurs, un de grenadiers de la garde , et de me porter en avant pour reconnaĂźtre l'Ă©tat des choses. Je partis au galop, et n’étais pas a une portĂ©e de canon que j’apperçus le dĂ©sastre. La cavalerie Ă©tait au milieu de nos carrĂ©s, et sabrait nos soldats. Un peu en arriĂšre nous discernions les masses a pied et a cheval qui formaient la rĂ©serve. L’ennemi lĂącha prise et accourut a ma rencontre. Quatre piĂšces d’artillerie arrivĂšrent au galop et se mirent en batterie. Je m’avançai en bon ordre; j’avais a ma gauche le brave colonel Morland , et le gĂ©nĂ©ral Dallemagne a ma droite. ,,Voyez- ,,vous, dis-je a ma troupe, nos frĂšres, nos amis „qu’on foule aux pieds vengeons-les, ven- ,,geons nos drapeaux.“ Nous nous prĂ©cipitĂąmes sur l’artillerie , qui fut enlevĂ©e* La cava- 4 50 MĂ©moires lerie nous attendit de pied ferme et fut culbutĂ©e du mĂȘme choc; elle s’enfuit en dĂ©sordre, passant , ainsi que nous, sur le corps de nos carrĂ©s enfoncĂ©s. Les soldats qui n’étaient pas blessĂ©s se ralliĂšrent. Un escadron de grenadiers a cheval vint me renforcer; je fus a mĂȘme de recevoir les rĂ©serves qui arrivaient au secours de la garde russe. Nous recommençùmes. La charge fut terrible ; l’infanterie n’osait hassarder son feu; tout Ă©tait pĂȘle-mĂȘle; nous combattions corps Ăą corps. Enfin l’intrĂ©piditĂ© de nos tronpes triomphe de tous les obstacles; les Russes fuient et se dĂ©bandent, Alexandre et l’empereur d’Autriche furent tĂ©moins a la dĂ©faite ; placĂ©s sur une Ă©lĂ©vation a peu de distance du champ de bataille , ils virent cette garde qui devait fixer la victoire taillĂ©e en piĂšces par une poignĂ©e de braves, Les canons , le bagage, le prince Repnin, Ă©taient dans nos mains ; malheureusement nous avions un bon nombre d’hommes hors de combat, le colonel Morland n’était plus , et j’avais moi-mĂȘme un coup de pointe dans la tĂȘte. J’allai rendre compte de cette affaire a l’empereur ; mon sabre a moitiĂ© cassĂ©, ma blessure , le sang dont j’étais couvei’t, un avantage dĂ©cisif remportĂ© avec aussi peu de monde sur l’élite des troupes ennemies , lui inspirĂšrent l’idĂ©e du tableau qui fut exĂ©cutĂ© par GĂ©rard. Les Russes, comme je l’ai dit, se flattaient de nous battre avec leur garde seule. Cette jactance avait blessĂ© NapolĂ©on, il s’en est rappelĂ© long-temps. AprĂšs la bataille d’Austerlitz. NapolĂ©on me nomma gĂ©nĂ©ral de division , et m’envoya au 51 du gĂ©nĂ©ral Rapp. chĂąteau d’Austerlitz pour soigner ma blessure, qui n’était pas dangereuse. Il daigna me faire plusieurs visites , une entre autres le jour de l’entrevue qu’il accorda a l’empereur d’Autriche. Il me remit deux lettres que les avant-postes avaient interceptĂ©es ; l’une Ă©tait du prince Charles, l’autre d’un prince Lichtenstein. Elles se trouvĂšrent assez importantes je les fis traduire. Le soir NapolĂ©on vint en prendre lecture a son retour. Il me parla beaucoup de François II, de ses plaintes, de ses regrets; il me dit a ce sujet des choses fort curieuses. Nous partĂźmes pour Schonbrunn. Il y avait k peine quinze jours que nous y Ă©tions lorsque NapolĂ©on me fit demander. ,,Etes-vous ,,en Ă©tat de voyager? — Oui, sire. — En ce ,,cas, allez raconter les dĂ©tails de la bataille ,,d’Austerlitz aMarmont, afin de le faire enrager ,,de n’y ĂȘtre pas venu; et voyez l’effet qu’elle „a produit sur les Italiens. Voici vos instructions. „Monsieur le gĂ©nĂ©ral Rapp, „Vousvous rendrez a Gratz. Vousy resterez ,,le temps nĂ©cessaire pour faire connaĂźtre au ,,gĂ©nĂ©ral Marmont les dĂ©tails de la bataille ,,d’Austerlitz ; que des nĂ©gociations sont ouver- ,,tes, mais que rien n’est fini qu’ donc „se tenir prĂȘt a tout Ă©vĂ©nement et en mesure; ,,et pour prendre connaissance de la situation ,,dans laquelle se trouve le gĂ©nĂ©ral Marmont et „du nombre d'ennemis qu’il a devant lui. Vous ,,lui direz que je dĂ©sire qu’il envoie des espions „en Hongrie et qu’il m’instruise de tout ce 5 ,qu’il apprendra. Vous poursuivrez votre route ,,jusqu’à Laybach, oĂč vous verrez le corps du 52 MĂ©moires \ ? ,mai'Ă©chal MassĂ©na , qui forme le huitiĂšme ,,corps de l’armĂ©e; vous m’en enverrez l’état ,,exact. Yous lui ferez connaĂźtre ,nable, aux dĂ©sastres de la troisiĂšme coalition, »,ds en ont ourdi une quatriĂšme ; mais l’alliĂ© sur >,la tactique duquel ils fondaient leur principale »,espĂ©rance n’est dĂ©jĂ  plus ses places fortes, ses »,capitales, ses magasins, ses arsenaux, deux %‱ MĂ©moires ,,cent quatre-vingts drapeaux, sept cents ,,piĂšces de bataille, cinq grandes places de ,,guerre, sont en notre pouvoir. L’Oder, la ,,Wartha, les desertsde laPologne, les mauvais „temps de la saison, n’ont pu vous arrĂȘter un ,,moment; vous avez tout bravĂ©, tout sur- ,,montĂ©; tout a lui a votre approche. C’est en f ,vain que les Russes ont voulu dĂ©fendre la ,,capitale de cette ancienne et illustre Pologne; ,,1’aigle française plane sur la \ istule. Le brave „et infortunĂ© Polonais, en vous voyant, croit ,,revoir les lĂ©gions de Sobieski de retour de „leur mĂ©morable expĂ©dition. „Soldats! nous ne dĂ©poserons pas les armes „que la paix gĂ©nĂ©rale n’ait affermi et assurĂ© la „puissance de nos alliĂ©s, n’ait restituĂ© a notre „commerce sa libertĂ© et ses colonies. INous ,,avons conquis sur l’Elbe et l’Oder PondichĂ©ry, ,,nos Ă©tablissements des Indes, le cap de Bonne- ,,EspĂ©rance et les colonies espagnoles. Qui ,,donnerait le droit aux Russes de balancer ,,les destins? Qui leur donnex-ait le droit de ,,renverser de si justes desseins? Eux et nous, „ne sommes nous plus les soldais d’Austerlitz ?“ Les troupes furent rĂ©unies sur la place de Saxe c’était l’anniversaire du couronnement; les Russes occupaient le faubourg de Prague. Ces circonstances, ces souvenirs, cette perspective de gloire , furent accueillis par de longues acclamations. On ne songea plus qu’a vaincre; toutes les prĂ©ventions disparurent. I/enneini couvrait la rive gauche, il avait remorque tous les bĂątiments ; un marĂ©chal-des-logis brava les lances des Cosaques, et rĂ©ussit a s’emparer d’un bateau. C’en fut assez , l’armĂ©e oppo- du gĂ©nĂ©ral Rapp. 97 opposĂ©e leva son camp pendant la nuit; nous S assĂ mes sans obstacle. Le Bug nous offrit plus e difficultĂ©s ; sa rive gauche est plate, marĂ©cageuse, disposĂ©e pour la dĂ©fense; mais Beningsen ne sut pas profiter de ses avantages. Nous le menaçùmes sur ses ailes, nous remĂźmes a flot les bateaux qu’il avait submergĂ©s ; il hĂ©sita* lĂ© fleuve fut franchi. Les Russes revinrent a la charge, ils essayĂšrent d’enlever la tĂȘte du pont que nous avions Ă©levĂ© a Okuniew; mais tout avait Ă©tĂ© prĂ©vu Dovoust Ă©tait en mesure, l’ennemi fut culbutĂ© * battu* obligĂ© de repasser le Wkra,ce que c’est qu’illuminĂ©. — Vous ĂȘtes donc ma- »,lade? — Je ne suis pas malade, je me porte 114 MĂ©moires „bien. — Pourquoi vouliez-vous me tuer? — ,,Parce que vous faites le malheur de mon pays. „— Vous ai-je fait quelque mal? — Comme a ,,tous les Allemands. — Par qui ĂȘtes-vous en- ,,voyĂ©? qui vous pousse a ce crime? — Personne; c’est l’intime conviction qu’en vous „tuant je rendrai le plus grand service a mon ,,pays et Ă  l'Europe, qui m’a mis les armes h la „main. — Est-ce la premiĂšre fols que vous me „voyez ? — Je vous ai vu a Erfurt lors de l’en- ,,trevue. — Nave?.-vous pas eu l’intention de ,,me tuer alors? — Non, je croyais que vous ne ,,feriez plus la guerre a l’Allemagne; j’étais un „de vos plus grands admirateurs. — Depuis „quand ĂȘtes-vous a Vienne ? —Depuis dix jours. ,,- Pourquoi avez-vous attendu si long-temps ,,pour exĂ©cuter votre projet? — Je suis venu a ,,SchƓnbrunn il y a huit jours avec l’intention „de vous tuer ; mais la parade venait de Unir, j’a- ,,vais remis l'execution de mon dessein a aujourd'hui. — Vous ĂȘtes fou, vous dis-je, ou vous .,ĂȘtes malade.—'Ni l’un ni l’autre. — Qu’on fasse ,,venir Corvisart. — Qu’est-ce que Corvisart? — ,,C’est un mĂ©dicin, lui rĂ©pondis-je. — Je rfen ai ,,pas besoin.“ Nous restĂąmes sans rien dire jusqu’à l’arrivĂ©e du docteur; St... Ă©tait impassible. Corvisart arriva; NapolĂ©on lui dit de tĂąter le poids du jeune homme, il le fit. „N’est-cepas, ,,monsieur, que je ne suis point malade? — ,,Monsieur se porte bien , rĂ©pondit le docteur ,,en s’adressant Ăą l’empereur. — Je vous l’a- ,,vais bien dit, reprit St... avec une sorte de „satisfaction.“ NapolĂ©on, embarrassĂ© de tant d’assurance, recommença ces questions. 115 du gĂ©nĂ©ral Iiapp. ,,Vous avez une tĂšte exaltĂ©e, Vous ferez la ,,perte de votre famille; Je vous accorderai la „vie, si vous demandez pardon du crime que ,,vous avez voulu commettre, et dont vous de- ,,vez ĂȘtre fĂąchĂ©. — Je ne veux pas de pardon. J’é- „prouve le plus vif regret de n’avoir pu rĂ©ussir. ,,— Diable! il paraĂźt qu’un crime n’ ,,pour nous? — Vous tuer n’est pas un crime, „c’est un devoir; — Quel est ce portrait qu’on ,,a trouvĂ© sur vous? — Celui d’une jeune personne que j’aime. — Elle sera bien affligĂ©e de „votre avanture ! —Elle sera affligĂ©e de ce que ,,je n ai pas rĂ©ussi ; elle vous abhorre autant „que moi. — Mais enfin si je vous fais grĂące, „m’en saurez-vous grĂ©? — Je ne vous en tuerai ^ ,,pas moins.“ NapolĂ©on fut stupĂ©fait. Il donna ordre d’emmener le prisonnier. Il s’entretint quelque temps avec nous, et parla beaucoup d’illuminĂ©s. Le Soir il me lit demander et me dit „Savez-', ous que l’évĂ©nement d’aujourd’hui est ,,extraordinaire. Il y a dans tout cela des ,.menĂ©es de Berlin et de Weimar.“ Je repoussai ces soupçons. ,,Mais les femmes sont capables „de tout. — Ni hommes ni femmes de ces ,,deux cours ne concevront jamais de projet ,,aussi atroce. — Voyez leur affaire de Schill. ,,— Elle n’a rien de commun avec un pareil ,,crime. —Vous avez beau dire, monsieur le ,,gĂ©nĂ©ral; on ne m’aime ni a Berlin ni Ăą WĂ©i- ,,mar. — Cela n’est pas douteux maispouvez- ,,vous prĂ©tendre qu’on vous aime dans ces >,deux cours? et parce qu’on ne vous aime pas, faut-il vous assassiner ?“ Il communiqua les mĂȘmes soupçons a. 116 MĂ©moires NapolĂ©on me donna l’ordre d’écrire au gĂ©nĂ©ral Lauer d’interroger St..., afin d’en tirer quelque rĂ©vĂ©lation. Il n’en fit point. Il soutint que c’était de son propre mouvement et sans aucune suggestion Ă©trangĂšre qu’il avait conçu son dessein. ‱ Le dĂ©part de SchƓnbrunn Ă©tait fixĂ© au 27 octobre. NapolĂ©on se leva a cinq heures du matin et me fit appeler. Nous allĂąmes a pied sur la grande route voir passer la garde impĂ©riale, qui partait pour la France. Nous Ă©tions seuls. NapolĂ©on me parla encore de St.... ,,I1 n’y a ,,pas d’exemple qu’un jeune homme de cet Ăąge, ,,Allemand , protestant, et bien Ă©levĂ©, ait voulu ‱ ,;commettre un pareil crime. Sachex comment ,,il est moi’t.“ du gĂ©nĂ©ral Rapp. 117 CHAPITRE XIX. Une pluie abondante nous lit rentrer. J’écrivis au gĂ©nĂ©ral Lauer de nous donner des dĂ©tails a ce sujet. Il me rĂ©pondit que St... avait Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© a sept heures du matin, 27, sans avoir rien pris depuis le jeudi 24; qu’on lui avait offert a manger; qu’il, avait ret’usĂ©, attendu, disait-il, qu’il lui restait encore assez de force pour marcher au supplice. On lui annonça que la paix Ă©tait faite; cette nouvelle le fit tressaillir. Son dernier cri fut Vive la libertĂ©! vive l'Allemagne! mort Ă  son tyran! Je remis ce rapport a INapolĂ©on. Il me chargea de garder le couteau, que j’ai chez moi. ^NapolĂ©on me dit que les prĂ©liminaires de la paix n’étaient pas encore signĂ©s, mais que les articles en Ă©taient arrĂȘtĂ©s, et qu’il la ratifierait a Munich, oĂč nous devions nous arrĂȘter. INous arrivĂąmes a TNymphenbourg la cour de BaviĂšre s’y trouvait. Je n’avais pas eu l’honneur de voir le roi depuis la campagne d’Austerlitz. Il me logea dans son palais. 11 me tĂ©moigna beaucoup de confiance et de bontĂ©. Il me dĂ©peignit la triste situation de ses sujets, et ajouta que si cet Ă©tat de choses ne cessait bientĂŽt, il serait obligĂ© de mettre la clef sous la porte et de s’en aller. Ce furent ses expressions. Je conservai lesouvenir de ce dernier propos. J’étais bien dĂ©cidĂ© a le rendre, non pour lui nuire, mais- pour prouver Ăą INapolĂ©on que 118 MĂ©moires toutes les indemnitĂ©s qu’il accordait a ses alliĂ©s Ă©taient loin de les satisfaire et de compenser s les charges que la guerre leur imposait. La paix fut effectivement ratifiĂ©e. Nous quittĂąmes Nyrnphenbourg, et nous arrivĂąmes a Stuttgard. NapolĂ©on fut reçu avec magnificence et logĂ© au palais, ainsi que toute sa suite. Le roi faisait construire un grand jardin, et employait Ăą ces travaux des hommes condamnĂ©s aux galĂšres. L’empereur lui demanda ce que. c’était que ces hommes enchaĂźnĂ©s. Il rĂ©pondit que c’étaient, la plupart, des rebelles de ses nouvelles possessions. Nous nous remĂźmes en route le lendemain. Chemin faisant, NapolĂ©on revint sur ses malheureux et me dit ,,C’est un homme bien dur que le roi de Wur- i ,,temberg, mais aussi bien loyal. C’est le ,,souverain de l’Europe qui a le plus d’esprit.“ Nous nous arrĂȘtĂąmes une heure-a Rastadt, oĂč les princes de Bade et la princesse StĂ©phanie Ă©taient venus lui faire leur cour. Le grand duc et la grande duchesse l’accompagnĂšrent jusqu’k Strasbourg. Il reçut a son arrivĂ©e dans cette ville des dĂ©pĂȘches qui l’indisposĂšrent de nouveau contre le faubourg Saint-Germain. Nous nous rendĂźmes a Fontainebleau aucun prĂ©paratif n’était fait, il n’y avait pas mĂȘme de service; mais peu aprĂšs toute la cour arriva, ainsi que la famille de NapolĂ©on. L’empereur eut de longues confĂ©rences avec ' le ministre de la police; il se plaignait du faubourg Saint-Germain. Ce constraste de souplesse et d’audace, que sa livrĂ©e dĂ©ployait tour a tour dans ses antichambres et les salpns, Je dĂ©concertait; il ne concevait pas qu'on fĂ»t 119 du gĂ©nĂ©ral Rapp. si bas et si perfide, qu’on dĂ©chirĂąt d’une main tandis qu’on sollicitait de l’autre. Il paraissait disposĂ© Ăą sĂ©vir ; FouchĂ© l’en dissuada. ,,C’est ,,de tradition, lui dit-il; la Seine coule, le faubourg intrigue, demande, consomme, et „calomnie ; c’est dans l’ordre, chacun a ses „attributions.“ INapolĂ©on se rendit, il ne se vengeait que des hommes. On lui proposa une entrĂ©e solennelle dans la capitale, il la refusa le vainqueur du monde Ă©tait bien au- dessus de ces triomphes dont s’enivraient les Romains. Le lendemain la cour quitta Fontainebleau. L’empereur fit le trajet a franc Ă©trier; toute son escoi'te resta en arriĂšre, un chasseur de la garde seul put le suivre; c’est ainsi qu’il arriva aux Tuileries. INapolĂ©on touchait a l’une des Ă©poques les plus importantes de sa vie. 120 MĂ©moires i CHAPITRE XX. Il Ă©tait question de divorce; on en parlait hautementdans Paris, maison n’était pas d’accord sur le choix de cet homme extraordinaire. On dĂ©signait les princesses de Russie, de Saxe, l’archiduchesse. Il fut d’abord effectivement question de la premiĂšre. M. de Metternich l’apprit et fit des ouvertures ; elles furent acceptĂ©es. Cependant tous les membres de la famille impĂ©riale Ă©taient opposĂ©s a cette alliance; ils redoutaient l’astuce autrichienne ; ils prĂ©voyaient que cette cour consentirait, se prĂȘterait a tout ce qu’il lui demandait jusqu’à ce que l’occasion devint favorable ; qu’alorselle lĂšverait le masque, et serait la premiĂšre a provoquer sa perte mais le mariage Ă©tait conclu, les reprĂ©sentations furent inutiles. Je fus dĂ©signĂ© pour assister a la cĂ©rĂ©monie ; c’était une espĂšce de faveur, puisqu’une grande partie de la cour Ă©tait confondue dans la foule. Je n’avais cependant pas , je l’avoue , le droit d’y prĂ©tendre; je m’étais permis quelques rĂ©flexions sur le divorce du chef de l’état, et elles lui avaient Ă©tĂ© rapportĂ©es. Je plaignais l’impĂ©ratrice JosĂ©phine, qui avait toujours Ă©tĂ© bonne, simple et sans prĂ©tentions. Elle Ă©tait relĂ©guĂ©e a laMalmaison; j’allais la voir souvent. Elle me confiait ses peines, ses ennuis ; je l’ai vue pleurer des heures entiĂšres ; elle parlait de son attachement pour Bonaparte, c’est ainsi quelle l’appelait parmi nous; elle regrettait le 121 du gĂ©nĂ©ral tiapp. beau rĂŽle qu’elle avait jouĂ© ce regret Ă©tait bien naturel. Le lendemain du mariage non reçûmes l’ordre d’aller faire les trois rĂ©vĂ©rences devant le couple impĂ©rial assis sur le trĂŽne. Je ne pus y aller, je fus retenu par une migraine que j’ai assez rĂ©guliĂšrement toutes les semaines, j’en prĂ©vins le grand marĂ©chal. NapolĂ©on ne crut pas a mon indisposition ; il s’imagina que je n’avais pas voulu me soumettre a l’étiquette, et m’en sut mauvais grĂ©. Il me fit donner l’ordre de repartir pour Dantzic. Le duc de Feltre me rencontra sur les boulevards et nie communiqua les intentions de l’empereur. Je demandai des instructions NapolĂ©on me rĂ©pondit sĂšchement que je n’avais qu’a surveiller la Prusse, a traiter avec Ă©gard les Russes, et a rendre compte de ce qui se passerait dans les ports de la Baltique; que je pouvais me dispenser de passer par Berlin. Je m’arrĂȘtai quelques jours a Strasbourg , a Francfort , et j’arrivai le 10 juin a Dantzic. Je fus trĂšs bien reçu des troupes et des habitants. On se plaignait beaucoup du gĂ©nĂ©ral Gra- howski "les ĂŒantzicois ne l’aimaient pas ; ils avaient tort, c’était un excellent homme. La garnison ne tarda pas a s’augmenter; elle reçut des Saxons, des Badois, des Wurtember- geois , des Westphaliens, des Hessois ; c’était une armĂ©e. Ce surcroit de forces me dĂ©plaisait parce qu’il surchargeait labourgeoisie ; car pour moi je n’avais pas a me plaindre. Les sentiments des troupes n’étaientpas Ă©quivoques, et les souverains dont elles dĂ©pendaient daignaient prĂšs 122 MĂ©moires que tous saisir cette occasion pour m’assurer de leur bienveillance; je ne citerai que la lettre du roi de BaviĂšre Munich, le i5 avril i8n. ,,Yous allez avoir mon 14 e rĂ©giment d’infan- „terie sous vos ordres, mon cher Rapp; je le ,,recommande a vos bontĂ©s et a vos soins. Le „colonel est un brave homme qui fera son de- „voir. Le lieutenant-colonel et les deux majors ,,sont bons ; le corps des officiers de mĂȘme, „et les soldats beaux et parfaits. Je les trouve ,,bien heureux , mon cher gĂ©nĂ©ral, d’ĂȘtre „sous un chef tel que vous und nochdazu ein „JSlsasser. u ,, Adressez-vous a moi directement toutes les „fois qu’il s’agira du bien-ĂȘtre de ma-troupe, „ ou que vous trouverez des dĂ©fauts, ou qu’elle ,,servira mal; chose qui, j’espĂšre, n’arrivera „pas. Je saisisavec empressement cette occasion, „moncher Rapp, pour vous rĂ©itĂ©rer l’assurance „de ma constante amitiĂ©. „Maximilibn-Joseph,“ On m'envoya des instructions pour fermer le S urt de la place, et surveiller ceiix de la Prusse. avoust vint prendre le commandement de Hambourg je n’étais pas sous ses ordres ; mais je devais correspondre avec lui et M. de Saint- Marsan. Je ne connaissais pas ce dernier, cependant je l’estimais beaucoup ; sesleĂŒres prouvaient qu’il Ă©tait homme de bien, qu’il dĂ©sirait 123 du gĂ©nĂ©ral Rapp. voir la bonne harmonie renaĂźtre entre les deux nations. Je le dĂ©sirais aussi, nous Ă©tions parfaitement d’accord.....m’écrivait souvent de me dĂ©fier de ce diplomate, que c’était un traĂźtre vendu au roi et a ses ministres. Sans doute qu’il en Ă©crivait autant a INapolĂ©on. Heureusement quand ce prince avait une fois son opinion fixĂ©e sur un homme, il faissait peu de cas des rapports qu’on lui adressait a moins, comme il le disait, de le prendre la main dans le sac, il ne lui retirait pas sa confiance. Ma position cependant devenait pĂ©niple d’un cĂŽtĂ©, les Danzicois se plaignaient de nourrir des troupes, de supporter des charges, et d’ùtre sans commerce de l’autre, les ministres me pressaient de faire rentrer les contributions, afin de couvrir les dĂ©penses d’une expĂ©dition seçrete et du dĂ©veloppement des fortifications. Les fournisseurs menaçaient de suspendre les livraisons; je ne savais que devenir. Je retirais bien quelque argent des impositions frappĂ©es sur la Prusse ; mais ces sommes Ă©taient insuffisantes. A force cependant de persĂ©vĂ©rance et de reprĂ©sentations, je rĂ©ussis a obtenir les fonds nĂ©cessaires pour acquitter les fournitures, et peu a peu la place fut dĂ©chargĂ©e de ce service. On m’assigna des ressources pour les fortifications , et des valeurs pour les prĂ©paratifs de l’expĂ©dition secrĂšte , qui n’était plus un secret. Les ministres proposĂšrent un jour a INapolĂ©on de faire entretenir la garnison par le gouvernement prussien. On m’écrivit pour avoir mon avis. Je rĂ©pondis que si jamais semblable dĂ©cision m’arrivait, je quitterais sur-le-champ 124 MĂ©moires Dantxic, sans qu’aucune considĂ©ration fĂ»t capable de me retenir. Je dois rendre justice au marĂ©chal Davoust, qui fut Ă©galement consultĂ©; il lit voir que cette mesure Ă©tait dangereuse et inexĂ©cutable. Le projet fut abandonnĂ©. Je ne passerai pas sous silence un different bizarre que j’eus a Dantzic. Je donnais a dĂźner. J’avais entre autres les rĂ©sidents de Prusse et de Russie; je plaçai l'un a ma droite et l’autre a ma gauche. Celui-ci se fonbalisa d’une disposition semblable. Il s’imagina que j’avais voulu molester lui, sa cour, et tout ce qu’il y avait de Russes au monde. Il se plaignit; sa plainte fut transmise de Saint-PĂ©tersbourg a M. de Champagny, qui la commu- niquaalNapolĂ©on. Je reçus des reproches j’avais manquĂ© d Ă©gards au rĂ©sident d’une grande nation, j’avais donnĂ© la place d’honneur a celui de Prusse; j’étais invitĂ© a rĂ©parer cette faute. J’avoue que je fus piquĂ©. Je rĂ©pondis au ministre que je ne donnais pas de dĂźners diplomatiques; que les consuls Ă©trangers n’étaient pas accrĂ©ditĂ©s auprĂšs du gouverneur, mais auprĂšs du sĂ©nat; que je pouvais mettre a cĂŽtĂ© de moi a ma table qui bon me semblait; que les plaintes du rĂ©sident Ă©taient ridicules ; que je ne le recevrais plus j’ai tenu parole, et cette affaire n’a pas eu plus de suite. J’ai cru devoir rapporter cette anecdote, parce qu’elle prouve combien on cherchait encore a cette Ă©poque Ă  mĂ©nager la Russie. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 125 CHAPITRE XXL Il ne pouvait arriver rien de plus fĂącheux aux Dantzicois que d'avoir chez eux des douaniers français. Depuis long - temps il Ă©tait question de les y Ă©tablir ; je les repoussais de toutes mes forces. Leur prĂ©sence devait donner le coup de grĂące au peu de commerce que je tolĂ©rais encore malgrĂ© les cris de ÎNapolĂ©on, Elle ne devait pas ĂȘtre moins a charge Ăą tout le littoral de la Baltique, que je ne surveillais pas, je l’avoue franchement, avec la sĂ©vĂ©ritĂ© qui m’étai t prescrite aussi les dĂ©nonciations pleuvaient-elles contre moi; mais je savais d’oĂč elles partaient, je ne m’en inquiĂ©tais pas. Cependant INapolĂ©on Ă©tait outrĂ© de mon indulgence; il m’en fit des reproches. ,,Laisser ,,faire du commerce aux Prussiens et aux ,,Dantzicois, me mandat-il, c’estmetrahir.". Ă©crivait dans le mĂȘme sens et envoyait des espions partout. INapolĂ©on Ă©tait fatiguĂ© de rapports et de dĂ©nonciations. Il chargea Bertrand de me faire connaĂźtre combien il Ă©tait mĂ©content. ,,L’empereur, mon cher Rapp, , .m’écrivit ce gĂ©nĂ©ral, sait que tu laisses faire ,,ia contrebande en Prusse etkDantzic; je te ,,prĂ©viens qu’il est fĂąchĂ© contre toi, etc.“ On cria, je laissai crier, et continuai d’user du pouvoir avec modĂ©ration. La douane fut intsallĂ©e. On sait combien elle Ă©tait sĂ©vĂšre, 126 MĂ©moires dans les pays conquis surtout. La direction de Dantzic singeait l'indĂ©pendance. Elle prĂ©tendait ne recevoir d’ordre que du ministre SuCy ; elle citait en preuve celle de Hambourg. Je tranchai la question. J’envoyai le directeur a WeichselmĂŒnde six jours de prison firent justice de ses prĂ©tentions. Un tel acte de sĂ©vĂ©ritĂ© Ă©tait alors sans exemple ; il fut regardĂ© comme un crime de lĂšse-majestĂ©. Le ministre s’en plaignit; mais, a sa grande surprise, NapolĂ©on lui rĂ©pliqua que si j’avais puni, c’est que j’avais des motifs. „D’ailleurs Dantzic est en ,,Ă©tat de siĂšge, et dans ce cas un gouverneur ,,est tout-puissant .“ Les douaniers comprirent qu’ils avaient trop prĂ©sumĂ© de leur crĂ©dit; ils furent plus circonspects, et s’en conduisirent d’autant mieux avec les Dantzicois. Le commerce fut rassurĂ©. Il le fut encore plus quand il me vit relĂącher diverses prises faites par nos corsaires. On dĂ©nonça encore, mais toujours avec aussi peu de succĂšs. Je reçus l’ordre de livrer aux flammes les marchandises anglaises cette mesure Ă©tait dĂ©sastreuse ; je l’éludai, et, malgrĂ© la prĂ©sence des douaniers, Dantzic n’en perdit pas pour plus de trois cents francs, et KƓnigsherg encore moins. Je ne parle pas de ce qui provenait des prises. Le systĂšme continental et les mesures de rigueur qu’employait NapolĂ©on dans le nord de l’Allemagne indisposait de plus en plus. La i mputation Ă©tait exaspĂ©rĂ©e. On me demandait rĂ©quemment des rapports sur sa situation morale je la dĂ©peignais telle qu’elle Ă©tait en 127 du gĂ©nĂ©ral Rapp. effet, accablĂ©e, ruinĂ©e, poussĂ©e Ă  bout. Je signalai ces sociĂ©tĂ©s secrĂštes oĂč la nation s’initiait tout entiĂšre, oĂč la haine prĂ©parait la vengeance, oĂč le dĂ©sespoir rassemblait, combinait ses moyens. 'Mais INapolĂ©on trouvait ces associations ridicules. Il connaissait peu les Allemands. Il ne leur supposait ni force ni Ă©nergie ; il les comparait avec leurs pamphlets „a ces petits chiens qui aboient et n’osent pas ,,mordre.“ 11 Ă©prouva plus tard de quoi ils Ă©taient capables. On me demandait aussi souvent des rapports sus ce qui se passait en Russie, sur l’armĂ©e qui s’assemblait a Wilna. On dĂ©sirait connaĂźtre mon opinion sur ce que ferait la nation, sur ce que ferait l’Allemagne, dans le cas oĂč une expĂ©dition au delĂ  du NiĂ©men serait malheureuse ou viendrait a Ă©chouer tout-a-fait. Je rĂ©pondis mot pour mot on croira avec peine a une prĂ©diction qui s’est malheureusement si bien vĂ©rifiĂ©e „Si votre majestĂ© Ă©prouvait des revers, elle ,,peut ĂȘtre assurĂ©e que Russes et Allemands, ,,tous se lĂšveraient en masse» pour secouer le j,joug ce serait une croisade , tous vos alliĂ©s »,vous abandonneraient. Le roi de BaviĂšre, sur m lequel vous comptez tant , se joindrait lui- >,mĂȘme a la coalition. Je n’excepte que le roi >,de Saxe ; peus-ĂȘtre il vous resterait fidĂšle, >,mais ses sujets le forceraient de faire cause ncommune avec vos ennemis." NapolĂ©on, comme on peut le croire, ne fut pas content de ce rapport il l’envoya au marĂ©chal Davoust afin qu’il en prĂźt lecture, et 128 MĂ©moires le chargea de m’écrire qu’il Ă©tait bien Ă©tonnĂ© qu’un de ses aides-de-camp se fĂ»t permis de lui adresser une lettre de cette espĂšce que mes rapports ressemblaient aux pamphlets d outre- Rhin, que je paraissais lire avec plaisir ; qu’au reste , les Allemands ne seraient jamais des Espagnols. Le marĂ©chal fit sa commission ; NapolĂ©on resta long-temps indisposĂ©. L’expĂ©rience a prouvĂ© si je-voyais juste; je me suis permis d’en faire la remarque a ce prince, comme je le dirai plus tard. Lorsqu’il obligea le roi de Prusse a faire conduire a Magdebourg les marchandises prohibĂ©es qui avaient Ă©tĂ© confisquĂ©es Ă  KĂŽnigsberg, je lui adressai les observations les plus vives ; je lui reprĂ©sentai combien cette mesure Ă©tait propre a soulever, a exaspĂ©rer la nation. M. de ClĂ©rambaut, qui Ă©tait consul gĂ©nĂ©ral, Ă©crivit dans le mĂȘme sens; nous ne prunes rien obtenir. La guerre avec la Russie Ă©tait a la veille d’éclater; NapolĂ©on songeait au rĂŽle qu’il devait donner a la Prusse. S’allier au roi Guillaume , il conservait ses doutes et ses prĂ©ventions. Le dĂ©trĂŽner, la mesure Ă©tait violente c’était pourtant ce que lui conseillaient plusieurs personnes que je ne nommerai pas; elles voulaient qu’il envahĂźt les Ă©tats de ce prince et s’en emparĂąt. Peut-ĂȘtre Guillaume n’a-t-il i jamais Ă©tĂ© bien au fait du danger qu’il avait couru; j’en connaissais toute l’étendue, et j’en ressentais des peines bien vives ; je plaignais le souverain, je plaignais la nation je dĂ©tournai ce projet de toutes mes forces. 1 Des 129 du gĂ©nĂ©ral liapp. Des instructions avaient Ă©tĂ© dĂ©jĂ  expĂ©diĂ©es a..4. Ce gĂ©nĂ©ral s’attendait a marcher incessamment. Quelle fut sa surprise, lorsqu’au lieu de l’ordre d’envahir la Prusse il reçut la nouvelle du traitĂ© d’alliance ! elle nie parvint de suite ; j’en Ă©prouvai une vive satisfaction. I ISO MĂ©moires CHAPITRE XXII. La grande armĂ©e Ă©tait dĂ©jĂ  sur la Vistule. NapolĂ©on quitta Paris, se rend it dans la capitale de la Saxe, et de la k Dantzic. Il avait Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ© par le roi de Naples , qui avait sollicitĂ© la permission d’aller a Dresde, et n’avait pu l’obtenir. Ce refus l’avait singuliĂšrement cno- quĂ© il me fit part des chagrins et des tribulations que NapolĂ©on lui causait; il le disait du moins. Nous fĂ»mes les premiers que l’empereur reçut; il dĂ©buta avec moi par une question qui Ă©tait assez plaisante. ,,Ou’est-ce que ,,les Dantzicois font de leur argent, de celui ,,qu’ils gagnent, de celui que je dĂ©pense chez „eux?“ Je lui rĂ©pondis que leur situation Ă©tait loin d’ĂȘtre prospĂšre; qu’ils souffraient, qu’ils Ă©taient aux abois. ,,Cela changera, rĂ©pliqua-t-il; c’est une chose convenue, je les „garde maintenant pour moi.“ Il Ă©tait fatiguĂ© nous nous retirĂąmes le roi de Naples et moi. Je fus rappelĂ© un instant aprĂšs ; j’assistai seul a sa toilette il me fit diverses questions sur le service de la place. Quand il fut babillĂ©, son valet-de-chambre sortit. ,,Eh bien, monsieur le gĂ©nĂ©ral Rapp, ,,me dit-il, voila les Prussiens qui sont nos ,,alliĂ©s; les Autrichiens le seront bientĂŽt. — ,,Malheureusement, sire, nous faisons beaucoup de mal comme alliĂ©s; je reçois de tous 131 du gĂ©nĂ©ral Rapp> „cĂŽtĂ©s des plaintes contre nos troupes. -—'C’est ,,un torrent momentanĂ© r je verrai si Alexandre veut vĂ©ritablement la guerre ; je l’éviterai ,,si je le puis." Et changeant tout a coup de conversation ,,Avez-vous remarquĂ© comme ,,Murat a mauvaise mine ? il paraĂźt malade. —* ,,Malade? non, sire, mais il a du chagrin. — „Pourquoi du chagrin? Est-ce qu’il n’est pas „eontent d’ĂȘtre roi? — Il prĂ©tend qu’il ne l’est ,,pas. -— Pourquoi faitil des sottises dans son ,,royaume ? Il doit ĂȘtre Français et non pas ,, Napolitain." Le soir, j’eus l'honneur de souper avecNapo- lĂ©on , le roi de Naples et le prince de NeuchĂątel. Avant de se mettre a table, on causa de la guerre ar r ec la Russie; nous Ă©tions dans le salon. L’empereur aperçut tout a coup un buste en marbre, placĂ© sur la console. ,,Quelle est ,,cette femme ? — Sire, c’est la reine de Prusse. Ah! monsieur le gĂ©nĂ©ral Rapp, vous avez ,,le buste de la belle reine chez vous ! Cette ,,femme-la ne m’aimait pas. — Sire, lui rĂ©pondis-je, il est permis d’avoir chez soi le buste d’une jolie femme; elle Ă©tait d’ailleurs l’épouse d’un roi aujourd’hui votre alliĂ©." Le lendemain nous montĂąmes a cheval ; NapolĂ©on visita la place, et paraissait content des travaux, lorsqu’il aperçut je ne sais quel objet qui lui dĂ©plut; il s’emporta et me dit, devant un assez grand nombre de personnes, ,,qu’il „n’entendait pas que ses gouverneurs tranchassent du souverain, qu’il voulait que les rĂšglements fussen t exĂ©cutĂ©s." La contravention Ă©tait rĂ©elle, mais aussi peu importante; elle 132 MĂ©moires ne mĂ©ritait pas tant de bruit. , ,N e vous affectez ,,pas de ces reproches, me dit tout bas le roi de ,,Naples ; l’empereur est contrariĂ©, il a reçu ce ,,matin des lettres qui l’ont rnis de mauvaise ,,humeur.“ Nous continuĂąmes notre course, et nous rentrĂąmes. NapolĂ©on reçut les gĂ©nĂ©raux et officiers sous mes ordres, ainsi que les autoritĂ©s civiles il adressa a celles-ci diverses questions sur le commerce et les finances; elles dĂ©ploraient leur position ,,Elle changera, leur ,,dit-il je vous garde pour moi, c’est une chose ,,convenue il n’y a que les grandes familles ,,qui prospĂšrent.“ Il aperçut M. de Franzins ainĂ©. „Quantavous, monsieur de Franzins, ,,vous ne vous plaignez pas, vos affames sont ,,en assez bon Ă©tat; vous avez au moins dix „iuillions de fortune. 44 Fe soir, j’eus l’honneur de souper encore avec NapolĂ©on, le roi de Naples et le prince de NeuchĂątel. NapolĂ©on garda le silence assez iong-temps et prenant tout a coup la parole, Il me demanda combien il y avait de Dantzic a Cadix. - ,,11 y a trop loin, sire. — Ah! je ,,vous comprends, monsieur le gĂ©nĂ©ral nous ,,en serons pourtant bien plus loin d’ici Ă  quelques mois. — Tant pis. 44 Le roi de Naples, le prince de NeuchĂątel, ne dirent pas un mot. „Je vois bien, messieurs, reprit NapolĂ©on, que ,,vous n’avez plus envie de faire la guerre le ,,roi de Naples ne veut plus sortir de son beau ,,royaume, Berthier voudrait chasser Ă  Gros- ,,Bois, et Rapp habiter son superbe hĂŽtel a ,,Paris. — J’en conviens, sire. Votre majestĂ© ,,ne m’a jamais gĂątĂ©; je connais fort peu les ,,plaisirs de la capitale. 44 135 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Murat et Berthier continuĂšrent a garder le plus profond silence ; ils avaient l’air piquĂ©. AprĂšs diner ils me dirent que j’avais bien fait de parler ainsi a NapolĂ©on. ,,A la bonne heure; „mais vous n’auriez pas dĂ», leur rĂ©pondis-je, „me laisser parler tout seul.“ 134 MĂ©moires CHAPITRE XXIII, NapolĂ©on quitta Dantzic et se rendit a KƓ- nigsberg; Murat l’avait accompagnĂ©, le gĂ©nĂ©ral Belliard s’y trouvait aussi. Il leur parla beaucoup de l’Espagne et de son frĂšre, dont il n’était pas content. Le gĂ©nĂ©ral P’iahaut revenait d’une mission dont il avait Ă©tĂ© chargĂ© auprĂšs de Schwartzenberg; il rendit compte du dĂ©vouement du prince, et de l’impatience oĂč il Ă©tait de culbuter les Russes l’empereur n’avait pas trop l’air d’y croire ; cependant il se laissa persuader il pensa qu’a la longue les protestations peuvent devenir sincĂšres, et les bienfaits inspirer aussi quelque reconnaissance. Il exposa son plan et ses projets ,,Si Alexandre, dit-il, ,,persiste a ne pas exĂ©cuter les conventions que „nous avons faites, s’il ne veut pas accĂ©der aux „derniĂšres propositions que je lui ai soumises, „je passe le NiĂ©men, je bats son armĂ©e et ,,m’empare de la Pologne russe; je la rĂ©unis „au grand duchĂ©, j’en fais un royaume , oĂč je ,,laisserai cinquante mille hommes que le pays ,,entretiendra. Les habitants dĂ©sirent se reconstituer en corps de nation; ils sont belliqueux, ,,ils se formeront, ils auront bientĂŽt des trou- ,,pes nombreuses et aguerries la Pologne man- „que d’armes, je lui en fournirai; elle bridera „les Russes ; ce sera une barriĂšre contre l’irrup- ,,tion des Cosaques. Mais je suis embarrassĂ© ; je „ne sais quel parti prendre a l’égard de la Ga- „licie ; l’empereur d’Autriche ou plutĂŽt son con- 155 du gĂ©nĂ©ral Happ. „seil ne peut pas s'en dessaisir j’ai offert d’am- ,,ples compensations , elles ont Ă©tĂ© refusĂ©es... ,,Ăźl faut s’en remettre aux Ă©vĂ©nements ; eux ,,seuls nous apprendront ce qu’il convient de ,,faire. La Pologne, bien organisĂ©e, peut four- ,,nir cinquante mille hommes de cavalerie ,,qu’en dites-vous, monsieur le gĂ©nĂ©ral Bel- ,,liard? — Je le crois, sire, rĂ©pliqua le gĂ©nĂ©- ,,ral si votre majestĂ© la mettait a cheval, l’in- „fanterie de la Yistule ferait une excellente „cavalerie lĂ©gĂšre, qu’on pourrait opposer avec ,,succĂšs a cette nuĂ©e de Cosaques dont les Russes ,,se font prĂ©cĂ©der. — Nous verrons cela plus ,,tard. Yous retournez avec Murat, vous quittiez vos Suisses; que pensez-vous des Suisses? Ils iront, sire, ils se battront ils ont beaucoup gagnĂ©; depuis six semaines, ils ne sont „pas connaissables. J’irai les voir demain. — ,,Allons, bien; rejoignez Murat et voyez avec ,,lui toute la cavalerie.“ Les propositions dont parlait l’empereur ne furentpas accueillies les Russes se plaignaient de nos forces, de nos mesures commerciales ; ils exigeaient que nous Ă©vacuassions l’Allemagne. Nous marchĂąmes en avant, nous arrivĂąmes au NiĂ©men cinq ans auparavant il avait Ă©tĂ© tĂ©moin de nos victoires; l’armĂ©e ne l’aperçut qu’avec des cris de joie. NapolĂ©on se rendit aux avant-postes , se dĂ©guisa en chasseur et reconnut les bords du fleuve avec le gĂ©nĂ©ral Axo. Il s’entretint ensuite quelques instants avec le roi de Naples il lui indiqua l’endroit oĂč il convenait de jeter les ponts, et lui donna ordre de concentrer ses troupes, afin que le passage fĂ»t rapidement effectuĂ©. La cavalerie 136 MĂ©moires Ă©tait h cheval, l’infanterie avait pris les armes; jamais spectacle ne fut plĂŒs magnifique. EblĂ© se mit a l’ouvrage ; les pontons furent placĂ©s a minuit a une heure, nous Ă©tions sur la rive droite et le gĂ©nĂ©ral Pajol a Kowsno ; Baga- wouth l’avait Ă©vacuĂ©, nous l’occupĂąmes sans coup fĂ©rir. Nous continuĂąmes le mouvement; nous marchions sans relĂąche nous n’apercevions que quelques pulks de Cosaques qui se perdaient s a l’horizon. Nous arrivĂąmes a Wilna; ses immenses magasins Ă©taient en feu nous l’éteignĂźmes ; la plus grande partie des subsistances fut sauvĂ©e. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 137 CHAPITRE XXIV, Cet incendie, cette terre qu’avaient tant de fois foulĂ©e les lĂ©gions polonaises, au retour de leurs glorieuses expĂ©ditions , nous remplirent d’une nouvelle ardeur l’armĂ©e s’abandonnait a la puissance des" souvenirs. INous nous prĂ©cipitĂąmes Ăą la suite de l’ennemi; mais la pluie tombait par torrents, le froid Ă©tait devenu sĂ©vĂšre; c’étaient les boues, les fondriĂšres de Pul- tusk nous n’avions ni abri ni aliments, Si du moins les Russes eussent osĂ© nous attendre; mais ils gagnaientle BorysthĂšne, ils se jetaient sur la Dvvina , ils fuyaient , dĂ©vastaient ce n’était pas une guerre, c’était une lutte a la course, Ils n’avaient plus ni ensemble ni communications ; nous avions perdu l’espĂ©rance d’une bataille. A force de vitesse, l’armĂ©e ennemie parvint cependant Ăą se rallier ; elle se rĂ©fugia dans les ouvrages qu’elle avait Ă©levĂ©s Ăą Drissa; mais elle se vit bientĂŽt menacĂ©e dans ses retranchements et sa retraite elle n’osa courir cette double chance et s’éloigna. Elle Ă©tait perdue si elle eĂ»t tardĂ© quelques heures; toutes les dispositions Ă©taient faites pour la prendre en flanc et lui intercepter la route un coup de main la sauva. Des coi'ps avancĂ©s ne se gardaient pas avec assez de vigilance ; Witt- genstein les surprit NapolĂ©on crut que les Russes marchaient Ăą nous; il arrĂȘta ses colonnes ce retard les sauva; ils avaient fait leur mouvement quand nous arrivĂąmes Ăą Besxenko- 138 MĂ©moires wnzi. Leroi de Naples les suivit; il les atteignit , les culbuta a Ostrowno, les chargea encore a quelques lieues plus loin % et dispersa toute l’arriĂšre-garde. Au reste, voici son rapport je l’insĂšre parce qu’il peint la maniĂšre de ce prince, qui ne mĂ©ritait pas de mourir ailleurs que sur le champ de bataille. .,Je mis en mouvement le premier corps de -la rĂ©serve de la cavalerie et deux bataillons ,,d’infanterie lĂ©gĂšre la division DĂ©lions suivit -le mouvement. Nous rencontrĂąmes l’arriĂšre-garde ennemie a environ deux lieues d’Os- ,,trowno ; elle Ă©tait avantageusement placĂ©e -derriĂšre un ravin escarpĂ©; elle avait une nom- -breuse artillerie, son front et ses flancs Ă©taient -couverts par des bois touffus on Ă©changea -quelques coups de canon, on envoya les ba- „taillons pour arrĂȘter l’infanterie qui faisait -rĂ©trograder nos hussards. La division Delzons -arriva; le rĂŽle de la cavalerie Ă©tait fini, Le -vice-roi fit ses dispositions, on marcha a l’en- -nemi; on passa le ravin la brigade de cava- -lerie Ă©trangĂšre qui longeait la Dwina protĂ©geait notre gauche et dĂ©bouchait dans la plaine ; -le reste des troupes lĂ©gĂšres marchait sur la -chaussĂ©e Ăą mesure que l’infanterie ennemie -rĂ©trogradait. Les cuirassiers furent laissĂ©s en -rĂ©serve en arriĂšre du ravin et les canons mis -en batterie. Ma droite Ă©tait protĂ©gĂ©e par des -bois immenses, et Ă©clairĂ©e par de nombreux -partis. L’ennemi fut poussĂ© jusqu’à la deuxiĂšme -position en arriĂšre du ravin oĂč Ă©tait la rĂ©- -serve; il nous ramena a son tour sur le ravin; „il en fut de nouveau repoussĂ© il nous rarae- -nait pour la seconde fois ; dĂ©jĂ  il Ă©tait sur le 139 du general liapp. ,,point d’enlever nos piĂšces, embarrassĂ©es dans ,,un dĂ©filĂ© qu’ellestraversaientpour allerpren- ,,dre position sur les hauteurs; notre gauche ,,Ă©tait culbutĂ©e , et l’ennemi faisait un grand ,,mouvement sur la droite la brigade Ă©trangĂšre allait ĂȘtre dispersĂ©e. Dans cet Ă©tat de ,,choses , il n’y avait qu’une charge de cavalerie qui pĂ»t rĂ©tablir les affaires; je la tentai. ,,NoĂčs nous portĂąmes sur cette infanterie qui ,,s’avançait audacieusement dans la plaine; les ,,braves Polonais s’élancĂšrent sur les bataillons ,,russes pas un homme n’échappa, pas un ne ,,fut fait prisonnier ; tout fut tuĂ©, tout pĂ©rit; ,,le bois mĂȘme ne put dĂ©rober personne autran- ,,chant du sabre. En mĂȘme temps les carrĂ©s ,,s’ébranlaient au pas de charge ; le gĂ©nĂ©ral ,,Girardin, qui conduisait les bataillons de ,,gauche, faisait un changement adroite, et ,,se portait par la grande chaussĂ©e sur les derriĂšres de l’ennemi ; les troupes qui se trouvaient a droite exĂ©cutaient la mĂȘme manƓuvre. Le gĂ©nĂ©ral PirĂ© les soutenait ; il chargea ,,'a le tĂȘte du huitiĂšme de hussards l’ennemi ,,fut culbutĂ©; il ne dut son salut qu’aux bois ,,et aux ravins qui retardaient la marche. ,,'foute la division suivait le mouvement; l’in- ,fanterie s’avançait par la chaussĂ©e, la cavalerie dĂ©bouchait par les hauteurs je faisais ,,cauonner les cinq a six rĂ©giments a cheval ,qu’elle avait en face. Ce fut dans cette position que me trouva votre majestĂ©; elle me >,fit poursuivre Pennemi, je le poussai jusqu’à >,une lieue et demie de Witepsk. Voila, sire, i,le rĂ©cit de l’affaire que nous venons d’avoir „avec les Russes elle leur coĂ»te environ trois 140 MĂ©moires „mille morts et un grand nombre de blessĂ©s ; „nous n’avons presque perdu personne. Ce rĂ©sultat est en grande partie l’ouvrage du comte ,,Belliard, quia donnĂ© dans cette journĂ©e de ,,nouvelles preuves de dĂ©vouement et de cou- ,,ragĂȘ. C’est a lui qu’on doifcla conservation de ,,rartillerie de la division DĂ©lions.“ Tout fatigue a la longue; la lassitude mĂȘme inspire de courage. Barclay l’éprouva deux ou trois fois il eut le dessein de tenter le sort dĂ©sarmĂ©s; mais je ne sais quel pressentiment de dĂ©faite l’agitait a la vue de uos soldats Ă  peine il les voyait paraĂźtre qu’il prĂ©cipitait sa fuite; ses magasins, ses piĂšces, ses ouvrages, tombaient dans nos mains sans l’émouvoir. Il n’avait qu’un but, qu’un objet ; c’était d’ëtre toujours quelques lieues en avance. Bagration imitait cet exemple , mais montrait parfois de la rĂ©solution ; il eut divers engagements avec notre avant-garde. Le marĂ©chal Davoust le poussait vivement ; mais le roi de Vestphalie marchait avec mollesse, Vandame discutait avec ce souverain, les ordres ne s’exĂ©cutaient pas. Cette mĂ©sintelligence sauva le prince russe; il nous gagna de vitesse, atteignit Mo- hilow, fut battu il fut, bien arrivĂ© pis sans ces contestations que NapolĂ©on ne devait pas prĂ©voir. Les Busses, Ă©parpillĂ©s sur les bords du NiĂ©men, se trouvaient rĂ©unis sur ceux duBo- rysthĂšne ils se prĂ©paraient a dĂ©fendre Smo- lensk, et nous a l’emporter. du general Rapp. 141 CHAPITRE XXV. J’avais quittĂ© Dantzic et traversais la Lithuanie ; ce pays e'tait agreste, c'Ă©taient des bois, des steps, un tableau indĂ©fini de misĂšre et de dĂ©solation. Nous Ă©tions a cette Ă©poque de l’annĂ©e oĂč la nature Ă©tale ses richesses ; cependant la vĂ©gĂ©tation Ă©tait faible, languissante tout, dans ces fatales contrĂ©es, peignait le deuil, tout prĂ©sageait les dĂ©sastres qui devaient nous accabler. La pluie n’arrĂȘtait pas, les routes Ă©taient dĂ©foncĂ©es, impraticables; on se perdait dans la vase, on succombait de lassitude et d’inanition dix mille chevaux gisaient sans vie sur un espace que nous avions parcouru en deux jours; jamais mortalitĂ© aussi effrayante n’avait signalĂ© le dĂ©but d’une campagne. Nos soldats, chancelants sur ces terres argileuses, s’épuisaient en vains efforts ; la plupart ne pouvaient suivre, ils traĂźnaient; les troupes alliĂ©es surtout en avaient un nombre prodigieux sur nos derriĂšres. Il Ă©tait facile de pressentir que l’issue de la guerre serait malheureuse nous avions pour nous la force et le courage, mais la nature prenait parti pour eux ; a la longue nous devions succomber. Quoi qu’il en soit, j’arrivai a Wilna; j’y trouvai le duc de Bassano, dont les pronostics Ă©taient moins sombres, le gĂ©nĂ©ral Hogendorp, aide-de-camp de NapolĂ©on, que je ne connaissais pas encore; et ce gĂ©nĂ©ral Jo- mini qui, depuis, dĂ©serta nos drapeaux. Les MĂ©moires 142 uns et les autres auguraient mieux que moi de la lutte qui s’était engagĂ©e. Elle se prĂ©sentait en eflet sous des auspices spĂ©cieux la Pologne entiĂšre Ă©tait en mouvement ; hommes, femmes, paysans, bourgeois, gentilshommes, tous Ă©taient animĂ©s du plus noble enthousiasme; les troupes s’organisaient, les administrations se formaient, on assemblait des ressources, et on se disposait a refouler l’oppression par-delĂ  le BorysthĂšne. La diĂšte de Varsovie Ă©tait ouverte; cette nation, si long-temps battue par l’orage, croyait enfin toucher au port aucun sacrifice ne lui coĂ»tait. Le discours du prĂ©sident avait excitĂ© des acclamations gĂ©nĂ©rales, partout il avait Ă©tĂ© reçu avec transport. Je fus curieux de le lire ; M. de Bassano me le communiqua ,,I1 pourrait ĂȘtre ,,mieux, me dit-il, mais enfin il est passable.“ L’empereur eĂ»t dĂ©sirĂ© qé’il fĂ»t plus fort de choses et renfermĂąt des phrases moins savantes. C’était l’élan du patriote et non les mouvements compassĂ©s de l’orateur qu’il fallait dans une si grave circonstance ; nĂ©anmoins il Ăą produit son effet. ,,Long-temps avait existĂ© dans le centre de ,,l’Europe une nation cĂ©lĂšbre, maĂźtresse d’une „contrĂ©e Ă©tendue et fĂ©conde, brillante du dou- ,,ble Ă©clat de la guerre et des arts, protĂ©geant ,,depuis des siĂšcles, d’un bras infatigable, les ,,barriĂšres de l’Europe contre les barbares qui ,,frĂ©missaient autour de son enceinte. Un peu- „ple nombreux prospĂ©rait sur cette terre. La ,,nature rĂ©pondait avec libĂ©ralitĂ© Ăą ses travaux. ,,Souvent ses rois avaient pris place dans l’his- „toire a cĂŽtĂ© de ceux qui ont le plus honorĂ© ,,le rang suprĂȘme. 145 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ,,Mais cette terre c’est la Pologne, le peuple ,,c’est vous que sont-ils devenus ? comment „s’est opĂ©rĂ© le dĂ©chirement de notre patrie ? ,,comment cette grande famille, qui mĂȘme en „se divisant ne se sĂ©parait pas, qui avait su res- ,,ter unie a travers des siĂšcles de divisions; ,,comment cette puissante famille s’est-elle vue ,,dĂ©membrĂ©e? quels ont Ă©tĂ© ses crimes et ses ,,juges ? de quel droit a-t-elle Ă©tĂ© attaquĂ©e, „envahie, effacĂ©e de la liste des Ă©tats et des peu- ,,ples ? d’oii lui sont venus des oppresseurs, des ,,fers?... L’univers indignĂ© nous rĂ©pondrait., cha- ,,que Ă©tat, chaque peuple nous dirait qu’il a ,,cru voir son tombeau s’entĂ©'ouvrir a cĂŽtĂ© de ,,celui de la Polongne, que dans l’audacieuse profanation des lois sur lesquelles reposent ,,Ă©galement toutes les sociĂ©tĂ©s, dans l’insultant ,,mĂ©pris qu’on en a fait pour nous perdre, le ,,monde a pu se croire livrĂ© au seul empire des „convenances, et que bientĂŽt, pour lui, il n’y ,,aura plus d’autre maĂźtre. L’Europe effrayĂ©e, „menacĂ©e, indiquerait surtout h notre juste pressentiment cet empire qui, en nous caressant, se prĂ©parait a peser sur elle d’un poids nouveau. C’est la Russie qui est l’auteur de tous nos maux. Depuis un siĂšcle elle s’avance a pas de gĂ©ant vers des peuples qui ignoraient jusqu’à son nom. „La Pologne ressentit aussitĂŽt les premiers effets de cet accroissement de la puissance russe. PlacĂ©e au premier rang de son voisi- nage, elle a reçu ses premiers comme ses der- niers coups. Qui pourrait les compter depuis quen 1717 la Russie essaya son influence par 144 MĂ©moires ,,le licenciement de l’armĂ©e polonaise? Depuis ,,cette Ă©poque quel instant a Ă©tĂ© exempt de son ,,influence ou de ses outrages ? ,,Si cette puissance astucieuse s’unit a la Pologne, c’est pour lui imposer, comme en 1764, „cette funeste garantie qui attachait l’intĂ©gritĂ© ,,de nos frontiĂšres a la perpĂ©tuitĂ© de l’anarchie ; „pour faire de cette anarchie le moyen de rem- ,,plir ses desseins ambitieux. Le monde sait ce „[u’ils ont Ă©tĂ© depuis cette funeste Ă©poque. ,,C’est depuis elle que, de partage en partage, ,,on a vu la Pologne disparaĂźtre entiĂšrement ,,sans crime comme sans vengeance c’est de- ,,puis elle que les Polonais ont entendu, en frĂ©- „missant , le langage insultant des Repnin, „des Sivers; c’est depuis elle que le soldat russe ,,s’est baignĂ© dans le sang de leurs concitoyens. ,,en prĂ©ludant a ce jour a jamais exĂ©crable, ,,faut-il le rappeler, dans lequel, au milieu „des hurlements d’un vainqueur farouche, ,,Varsovie entendit les cris de la population „de Prague qui s’éteignait dans le meurtre et ,,1’incendie. Polonais, car il est temps dĂ©faire ,,retentir a vos oreilles ce nom que nous n’au- ,,rions jamais dĂ» perdre, voila les routes odieuses par lesquelles la Russie est parvenue Ă  ,,s’approprier nos plus belles provinces ; voila ,,les titres, les seuls titres qu’elle exerce sur ,,nous. La force seule a pu nous enchaĂźner, la ,,force peut aussi briser les fers qu’elle seule a ,,forgĂ©s. Ces fers seront brisĂ©s. La Pologne existera donc; que disons-nous? elle existe dĂ©jĂ , „ou plutĂŽt elle n’a pas cessĂ© d’exister. Que „font a ses droits la perfidie, les complots, les vio- 145 du gĂ©nĂ©ral Rapp . „ violences sous lesquelles elle a succombĂ©? „Oui, nous sommes encore la Pologne , nous „le sommes aux titres que nous tenons de la „nature, de la sociĂ©tĂ©,. de nos ancĂȘtres ; a ces ,,titres sacrĂ©s que reconnaitl’univers et dont le ,,genre humain a fait sa sauvegarde.“ Je fus entraĂźnĂ©. J’avais tant ,vu les braves lĂ©gions polonaises en Italie, en Egypte et ailleurs ! Ils avaient vĂ©ritablement raison ; ils Ă©taient encore la Pologne. ,,En fait de courtage, ,,dis-je au duc, rien ne me surprendrait de la „part de cette vaillante nation ; mais j’avoue ,,que je ne la soupçonnais pas de ce talent. — „Vous ĂȘtes bon, reprit M. deBassano; ils ont „bien autre chose a faire que des harangues ! — ,,Qui tient donc la plume ? — L’abbĂ©. — Quel „abbĂ© ? Croyez-vous que l’empereur ait de la ,,prĂ©dilection pour les rabats? — Non, mais „enfin, au temps oit nous sommes, ce n’est „pas sans des considĂ©rations puissantes qu’on ,,confie une ambassade a un prĂȘtre. — C’est ,,1’archevĂȘque? — Lui-mĂȘme; nous l’avons en- „voyĂ© a Varsovie pour enivrer les Polonais de ,,son Ă©loquence. Je ne le crois pas fort habile „en affaires mais il est tout dĂ©vouĂ© a l’empereur; c’est le principal. Ses ennemis 1 accusent ,,d’ĂȘtre ambitieux, inquiet, sans consistance ,,dans ses afFections, dans ses idĂ©es, de changer blanc, de chanter noir, d’ĂȘtre tout ce que ,,les circonstances exigent. Je crois ce portrait „chargĂ©. Je suis mĂȘme persuadĂ© que si les Ă©vĂ©nements compromettaient la gloire de nos ar- „mes, on ne le verrait pas dans les rangs de ,,nos dĂ©tracteurs. — Je le crois bien; il a trop 10 146 MĂ©moires t ,,maltraitĂ© les Cosaques {jour devenir jamais ,,leur patriarche.“ La dĂ©putation de la diĂšte Ă©tait encore a Wilna. Je connaissais quelques uns de ceux qui la composaient. Je les vis, ils me parlĂšrent de leurs espĂ©rances , de leurs moyens et de leurs droits. Ces idĂ©es me frappĂšrent ; j’en rendis compte au duc. ,,Vous ĂȘtes admirable ! me dit- ,,il. Quoi! vous ne reconnaissez'pas l’archevĂȘ- ,,que ? vous ne voyez pas avec quel art il setra- ,,hit? Et ces rĂ©miniscences bibliques, a qui „voulez-vous qu’elles viennent, si ce n’est un ,,prĂȘtre? Au reste, je vais vous passer la piĂšce. “ ,,Sire, la diĂšte du grand duchĂ© de Varsovie, „rĂ©unie a l’approche des puissantes annĂ©es de ,,votre majestĂ©, a reconnu d’abord qu’elle avait ,,des droits a rĂ©clamer et des devoirs a remplir ,,d’une voix unanime, elle s'est constituĂ©e en „confĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale de la Pologne ; elle a „dĂ©clarĂ© le royaume de Pologne rĂ©tabli dans „ses droits, et en mĂȘme temps que les actes ,,usurpateurs et arbitraires par lesquels on avait ,,dĂ©truit son existence Ă©taient nuis et de nulle ,, valeur. ,,Sire, votre majestĂ© travaille pour la postĂ©ritĂ© et pour l’histoire. Si l’Europe ne peut mĂ©- ,,connaĂźtre nos droits, elle peut encore bien ,,moins mĂ©connaĂźtrĂ© nos devoirs. INatiou libre „et indĂ©pendante depuis les temps les plus refoulĂ©s, nous n’avons perdu notre territoire et „notre indĂ©pendance ni par des traitĂ©s ni par „des conquĂȘtes, mais par la perfidie et par la ftrabison. La trahison n’a jamais constituĂ© des 14 ? du gĂ©nĂ©ral Rapp. „droits. Nous avons vu notre dernier roi traĂźnĂ© „a Saint-PĂ©tersbourg, oĂč il a pĂ©ri, et notre inaction dĂ©chirĂ©e en lambeaux par des princes „avee qui nous n’avions point de guerre et qui ,,ne nous ont point conquis. „Nos droits paraissent donc Ă©vidents aux „yeux de Dieu et des hommes. Nous, Polonais, „nous avons le droit de rĂ©tablir le trĂŽne des „Jagellonsetdes Sobieski, de ressaisir notre indĂ©pendance nationale, de rassembler nos mem- ,,bres divisĂ©s, de nous armer nous-mĂȘmes pour ,,notre pays natal, et de prouver en nous bat- „tant pour lui que nous sommes de dignes descendants de nos ancĂȘtres. „ Votre majestĂ© peut-elle nous dĂ©savouer ou „nous blĂąmer, pour avoir fait ce que notre de- ,.voir, comme Polonais, exigeait de nous, et ,,pour avoir repris nos droits V Oui, sire, laPo- ,,logne est proclamĂ©e de ce jour; elle existe par „les lois de l’équitĂ©, mais elle doit exister parle „fait; le droit et la justice lĂ©gitiment notre rĂ©solution, mais elle doit ĂȘtre soutenue de notre „cĂŽtĂ©. Dieu, n’a-t-il pas assez puni la Pologne „de ses divisions ? veut-il perpĂ©tuer nos maigreurs? et les Polonais, aprĂšs avoir nourri l'a- „mour de leur patrie , devaient-ils descendre ,,au tombeau malheureux et sans espoir ? Non, ,,sire. V ousaVez Ă©tĂ© envoyĂ© par la providence ; ,le pouvoir est remis dans les mains de votre »majestĂ©, et l’existence du grand duchĂ© est due Ă  la puissance de vos armes. ,,Dites, sire Due le royaume de Pologne » existe; et ce dĂ©crĂȘtsera pour le monde Ă©qui- 10 . 148 MĂ©moires ,valent Ă  la rĂ©alitĂ©. Nous sommes seize millions de Polonais, parmi lesquels il n’y en a 5 ,pas un dont le sang, les bras, la fortune, ne soient dĂ©vouĂ©s a votre majestĂ©. Chaque sacri- iiee nous paraĂźtra lĂ©ger s’il a pour objet le rĂ©tablissement de notre pays natal. De la ,,Dwina, au Dniester, du BorysthĂšne a l’Oder, ^un seul mot de votre majestĂ© lui dĂ©vouera ,,tous les bras, tous les efforts, tous les cƓurs. Cette guerre sans exemple que la Russie a osĂ© dĂ©clarer, nonobstant les souvenirs d’Auster- ,,litz, de Pultusk, d’Eylau , de Friedland, ,,malgrĂ© les serments reçus a Tilsit, et a Er- „furth, est, nous n’en doutons pas, un effet „de la providence , qui, touchĂ©e des infortunes de notre nation, a rĂ©solu d’y mettre fin. ,,La seconde guerre de Pologne vient seules ,,ment de commencer , et dĂ©jĂ  nous apportons nos hommages a votre majestĂ© dans .,1a capitale des Jagellons. DĂ©jĂ  les aigles „de votre majestĂ© sont sur la Dwina ; et ,,les armĂ©es de la Russie , sĂ©parĂ©es , divisĂ©es , coupĂ©es , errent incertaines , et ,,cherchent en vain a se rĂ©unir et a se for- „mer, etc.“ ,,C’est bien. — Oui, sans doute; mais il „est si charmĂ© du chef-d’Ɠuvre , qu’il croirait manquer a sa gloire s’il ne publiait partout que son gĂ©nie protĂšge la Pologne. Vingt ,,fois par jour je suis obligĂ© de modĂ©rer ces ,,excĂšs d’amour-propre. Ce matin encore je ,,lui ai fait sentir l’inconvenance de ses mouvements de vanitĂ©. — Il ossianise vous ,,rappelez-vous le mot? — Il le peint a merveille. A 11 reste, si sa prose va bien, l’am- 149 du gĂ©nĂ©ral Rapp, „bassade ne va guĂšre. Sans Duroc, qui le couvre de son ombre, je l’aurais dĂ©jĂ  renvoyĂ© a „ses ouailles. Que diable l’aumĂŽnerie a-t-elle ,,de commun avec les ambassades? C’était bien ,,la peine de se donner tant de mouvement pour „ne rien faire qui vaille !“ , 150 MĂ©moires CHAPITRE XXVI. Je me remis en route c’étaient des bois, des steps, tout ce que la nature a de plus sauvage; mais je rencontrais Ă  chaque pas des officiers qui allaient en mission; ils me donnaient des nouvelles de mes amis, de l’armĂ©e j’oubliais les lieux que je parcourais ; je discourais sur les chances probables de la guerre; ils me parlaient de la valeur des troupes, de la prodigieuse activitĂ© de l’empereur. Elle Ă©tait en effet inconcevable les mouvements, l’administration, les mesures de sriretĂ© et de prĂ©voyance, il embrassait tout, il suffisait a tout. Les instructions donnĂ©es a M. d’Hautpoult en sont un exemple. Elles mĂ©ritent d’ĂȘtre conservĂ©es. ,,L’officier d’ordonnance d’Hautpoult se ren- ,,dra a Ostrowno, et de la a Beszenkowiczi. Il „verra a Ostrowno si le village est rĂ©habitĂ© et ,,s’il a un commandant de place pour le rĂ©organiser; il verra a Besxenkowiczi si les ponts ,,sont faits, et si on a substituĂ© un pont de ra- ,,deaux au pont de chevalet qui ne rĂ©sisterait ,,pas aux premiĂšres crues de la riviĂšre; il verra ,,si on travaille a la tĂȘte du pont; il verra l’hĂŽ- ,,pital, la manutention, les magasins ; et enfin, »,si le pays commence a se rĂ©organiser. Il nie »,rendra compte des troupes qu’il rencontrera, »,soit cavalerie, soit artillerie, soit infanterie, >,soit Ă©quipages militaires. Il verra a Bes3en- .,kowicxi le quatriĂšme rĂ©giment des chasseurs »,de la garde et le bataillon de Hesse-Darmstadt, 151 du gĂ©nĂ©ral Rapp. „auxquels j’ai ordonnĂ© de rester l'a en position „jusqu’a nouvel ordre il doit y avoir aussi plusieurs piĂšces d’artillerie; il faudra avoir soin ,,que tout cela soit en position, et qu’on travaille a la tĂšte du pont, afin de la terminer, „I1 s’informera si on a des nouvelles des Cosa- ,,ques; et, s’il est nĂ©cessaire, il restera un jour ,,'a Beszenkowiczi, afin de tout voir et de faire „sa dĂ©pĂȘche. Il m’écrira de cet endroit, en ,,ayant soin de remettre sa lettre a la premiĂšre „estafette qui passera a Beszenkowiczi. Il con- ,,tinuera sa route sur Polozk, d’oĂč il m’expĂ©- ,,diera sa seconde dĂ©pĂȘche ; il verra les fonctionnaires de la ville, l’hĂŽpital et la manutention. Il me fera connaĂźtre combien de prisonniers a faits le duc de Beggio a ces diffĂ©rentes ,,affaires qui viennent d’avoir lieu; combien de „blessĂ©s; tout ce qu’il pourra apprendre sur „cette affaire et sur la situation du corps du ,,duc de Reggio. Le duc de Tarente ayant pris „DĂŒnabourg, l’offiicier d’ordonnance d’Haut- „poult s’informera si la communication entre „les deux corps s’est opĂ©rĂ©e. Il prendra toutes „les informations qui pourront me faire connaĂźtre la nature des forces opposĂ©es au duc de ,,Reggio; il restera avec ce marĂ©chal, auquel ,,il remettra la lettre ci-jointe, jusqu’à ce que ,,celui-ci ait attaquĂ© l’ennemi, Ă©clairci la rive ^droite et opĂ©rĂ© sa communication avec DĂŒ- nabourg. „ u Mais toute cette vigilance ne remĂ©diait pas au mal. Les traĂźnards se multipliaient a vue d’Ɠil; ĂŒ s encombraient nos derriĂšres. Je rendis 152 MĂ©moires 'fsJ compte a l'empereur, que je rejoignis au bivouac a trois lieues en deçà de Smolensk, du triste tableau que je n’avais cessĂ© d’avoir sous les yeux dans mon voyage. ,,C’est la suite des ,,longues marches; je frapperai un grand coup ,,et tout le monde se ralliera. Vous venez de ,,Wilna que fait Hogendorp? il se berce dans ,,son indolence ? Il n’a pas de femme avec lui?“ Je n’en savais rien, je ne puis rien rĂ©pondre. NapolĂ©on reprit; ,,S’il a sa femme, il faut ,,qu’elle rentre en France, ou du moins qu’il „ia renvoie en Allemagne, sur les derriĂšres. ,,Berthier va lui Ă©crire.“ On apporta des papiers qu’on venait de traduire les uns Ă©taient les rĂ©cits de ces victoires oĂč quelques poignĂ©es de Cosaques nous avaient tous battus ; les autres des proclamations, des adresses oĂč. l’on nous signalait comme une troupe de missionnaires. ,/Voyez, me dit NapolĂ©on; vous ne vous doutiez ,,pas que nous fussions des apĂŽtres voila pourtant que nous venons damner les Russes. Ces ,,pauvres Cosaques, ils vont devenir idolĂątres. ,,lVIais en voici bien d’une autre! tenez lisez; „c’est du russe tout pur, Le pauvre Platon ! „Tout est de mĂȘme force dans ces tristes cli- ,,mats,“ Je lus c’était un long amphigouri dont le patriarche assaisonnait une relique du saint Serge qu’il offrait a l’empereur Alexandre. Il le terminait par ce paragraphe ,,La ville de ,,Moscou, la premiĂšre capitale de l’empire, la. „nouvelle'JĂ©rusalem, reçoit son Christ, comme ,,une mĂšre, dans les bras de ses fils zĂ©lĂ©s; et, ,,a travers le brouillard qui s’élĂšve, prĂ©voyant „la gloire brillante de sa puissance, elle chante ,,dans ses transports Hosanna, bĂ©ni soit celui 153 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ,,qui arrive! Que l’arrogant, l'effrontĂ© Goliath ,,apporte des limites de la France l’effroi inor- ,,tel aux confins de la Russie ; la pacifique religion, cette fronde du David russe abattra „soudain la tĂȘte de son sanguinaire orgueil. „Cette image de saint Serge, antique dĂ©fenseur „du bonheur de notre partie, est offerte a votre ,,majestĂ© impĂ©riale." 154 MĂ©moires CHAPITRE XXVII. L’affaire de Smolensk eut lieu. On se battit, on se canonna avec violence. Les Russes, pris d’écharp et d'enfilade, furent dĂ©faits. Ils ne purent dĂ©fendre ces murs tant de fois tĂ©moins de leurs victoires et les Ă©vacuĂšrent; mais les S onts, les Ă©difices publics, Ă©taient la proie des animes. Les Ă©glises surtout exhalaient des torrents de feu et de fumĂ©e. Les dĂŽmes, les flĂšches et cette multitude de tourelles qui dominaient l’incendie, ajoutaient encore au tableau et produisaient ces Ă©motions mal dĂ©finies qu’on ne trouve que sur le champ de bataille. Nous entrĂąmes dans la place. Elle Ă©tait a moitiĂ© consumĂ©e, d’un aspect sauvage , encombrĂ©e de cadavres et de blessĂ©s qu’atteignent dĂ©jĂ  les flammes. Le spectacle Ă©tait affreux. Quel cortĂšge que celui de la gloire ! Nous avions besoin de dĂ©tourner nos regards de ces scĂšnes de carnage. Les Russes fuyaient, la cavalerie s’élança sur leurs traces; elle attei- gnit bientĂŽt l’arriĂšre-garde. Korff voulut tenir, il fut accablĂ©. Barclay accourut avec ses masses, nous reçûmes des renforts; l’action devint terrible. Ney attaquait en tĂȘte, Junot par le flanc; l’armĂ©e ennemie Ă©tait coupĂ©e, si le duc se fĂ»t portĂ© en avant. FatiguĂ© de ne pas le voir paraĂźtre, Murat courut a lui ,,Que fais- ,,tu? que n’avances - tu ? — Mes Westphaliens „chancellent. — Je vais leur donner l’élan.“ Le roi de Naples se jette Ăą la tĂȘte de quelques 155 du gĂ©nĂ©ral Rapp. escadrons, charge, culbute tout ce qui s’oppose a son passage. ,,Voila ton bĂąton de marĂ©chal a ,,moitiĂ© gagnĂ©; achĂšve, les Russes sontperdus.“ Junot n’acheva pas; soit lassitude, soit dĂ©fiance, le brave des braves sommeilla au bruit du canon; et l’ennemi, qui accourait pour maintenir ses derriĂšres, se reporta sur la ligne. La mĂȘlĂ©e devint affreuse ; le brave Gudin perdit la vie, et l’armĂ©e russe nous Ă©chappa. NapolĂ©on visita les lieux oĂč l’on avait combattu. „Ce n’é- ,,tait pas au pont, c’est la, c’est au village oĂč ,,devait dĂ©boucher le huitiĂšme corps qu’était ,,la bataille. Que faisait Junot ?“ Le roi de Naples chercha k attĂ©nuer sa faute. Les troupes, les obstacles, tous les lieux communs d’usage furent employĂ©s. Berthier , qui avait toujours aimĂ© le duc, s’intĂ©ressa pour lui; Caulincourt en fit autant. Chacun plaida de son mieux en faveur d’un brave h qui on ne pouvait reprocher qu’un instant d’oubli. Mais nous avions perdu de trop grands avantages. NapolĂ©on me tit appeler „Junotvientde manquer pour toujours son bĂąton de marĂ©chal. Je vous donne „le commandement du corps westphalien vous ,,parlez leur langue , vous leur donnerez l’ex- ,,emple, vous les ferez battre." Je fus flattĂ© de cette marque de confiance et le lui tĂ©moignai; mais Junot Ă©tait couvert de blessures, il s’était signalĂ© en Syrie, en Egypte, partout; je priai l’empereur d’oublier un moment d’absence en faveur de vingt ans de courage et de dĂ©vouement. ,,I1 est cause que l’armĂ©e ,,russe n’a pas mis bas les armes cette affaire ,,m’empĂȘchera peut-ĂȘtre d’aller a Moscou. Mettez-vous a la tĂȘte des Westphaliens." Le ton 156 MĂ©moires dont il prononça ces derniĂšres paroles Ă©tait dĂ©jĂ bienradouci. Les services de l’ancien aide- de-camp attĂ©nuaient l’inaction du huitiĂšme ,,corps. Je repris „Votre majestĂ© vient de me ,,parier de Moscou. L’armĂ©e ne s’attend pas a „cette expĂ©dition. — Le versĂ©, ilfaut „le boire. Je viens de recevoir de bonnes nouvelles Schwarzenberg est en Wolhinie ; la „Pologne s’organise, j’aurai toute espĂšce de se- „cours.“ Je quittai NapolĂ©on pour faire part au prince de NeuchĂątel et au duc de Vicence de la disgrĂące dont Junot Ă©tait menacĂ©. ,,Je souffre, me „dit le prince, de lui voir ĂŽter ses troupes; ,,mais je ne puis disconvenir qu’il n’ait fait ,,manquer la plus belle opĂ©ration de la cam- „pagne. VoilĂ  Ă  quoi tiennent les succĂšs de la „guerre , a un oubli, une absence d’un instant ,,vous ne saisissez pas l’occasion Ă  la volĂ©e; elle ,,disparait et ne revient plus. Personne n’a plus ,,de courage, de capacitĂ©. Il joint aux qualitĂ©s „du militaire les connaissances les plus Ă©tendues; il est intrĂ©pide, spirituel, aimable et ,,bon. Il s’est oubliĂ© pendant une heure; il ,,s’est prĂ©parĂ© bien des ennemis. Au reste, je ,,verrai avec Caulincourt.“ Ils agirent si bien l’un et l’autre que Junot conserva son commandement ; j’en fus fort aise, d’abord parce que cela lui Ă©vitait un affront, et qu’ensuite je ne me souciais guĂšre de ses soldats. Malheureusement la fatigue avait succĂ©dĂ© Ă  l’impĂ©tuositĂ© du jeune Ăąge. Il ne montra pas a la bataille de Moskowa cet Ă©lan, cette Ă©nergie dont il avait tant de fois donnĂ© l’exemple; et l’affaire de chi gĂ©nĂ©ral Rapp. 157 VerĂ©ia mit ie comble au mĂ©contentement de NapolĂ©on. Nous apprĂźmes, quelques jours aprĂšs, l’irruption de Tormasow. Nous Ă©tions inquiets, nous discourions de ces longues pointes, des dangers auxquels on s’expose en s’éloignant outre mesure de sa ligne d’opĂ©rations. Sans doute NapolĂ©on nous entendit. Il vint a nous, parla beaucoup de la maniĂšre dont il avait assurĂ© ses derriĂšres, des corps qui formaient nos ailes, et de cette chaĂźne de postes, qui se liaient depuis le NiĂ©men jusquaux lieux oiĂź nous nous trouvions. „Tormasow, nous dit-il, a mis „tous les enfants de Varsovie en l’air. Ils le „voyaient dĂ©jĂ  fonctionnant a Prague ; mais le ,,voila renvoyĂ© plus vite qu’il n’était venu.“ Il rentra dans son cabinet, et se mit a dicter avec indiffĂ©rence, mais assez haut pour que nous n’en perdissions pas un mot, des instructions pour lĂ© duc de Bellune. NapolĂ©on au major-gĂ©nĂ©ral. Dorogobuj, le 26 aoĂ»t 1812. ,,Mon cousin, Ă©crivez au duc de Bellune de „se rendre de sa personne a Wilna, afin d’y „voĂŻr le duc de Bassano et d’y prendre con- „naissance des affaires et de l’état des choses; ,,que je serai aprĂšsdemain a Wjaezma, c’est-a- ,,dire a cinq marches de Moscou; qu’il est ,,possible que, dans cet Ă©tat de choses, les ,,communications viennent a ĂȘtre interceptĂ©es; »qu’il faut donc que quelqu’un prenne alors „le commandement et agisse selon les eircon- „stances ; que j’ai ordonnĂ© qu’on dirigeĂąt sur >,Minsk le cent-vingt-neuviĂšme rĂ©giment, le 158 MĂ©moires rĂ©giment illyrien, le rĂ©giment westphalien, qui Ă©tait a KƓnigsberg, et les deux rĂ©giments saxons; que j’ai eu outre placĂ© entre Minsk et Mohilew la division Dombrowski, forte ,,de douze bataillons et d'une brigade de cava- lerie lĂ©gĂšre ; qu’il est important que son corps ,m’approche de Wilna, et qu’il se dirige selon ,,les circonstances, afin d’ĂȘtre ahnĂȘme de sou- ,,tenir Smolensk, Witepsk, Mohilew et Minsk; „que la division Dombrowski doit ĂȘtre suffisante pour maintenir les communications de Minsk par Ors/,a jusqu’à Smolensk, puisqu’elle n’a a ,,contenir que la division russe du gĂ©nĂ©ral Heztel qui est a Mozyr, forte de six a huit ,,mille hommes, la plupart recrues et contre laquelle, d’ailleurs, le gĂ©nĂ©ral Schwartzen- ,,berg peut opĂ©rer; que les nouveaux renforts que j’envoie a Minsk pourront aussi subvenir Ă  tous les inconvĂ©nients; et dans tous les cas, le mouvement du duc de Bellune sur Minsk et Orsza, et de la sur Smolensk, me paraĂźt propre a maintenir tous les derriĂšres ; que j’ai quatre mille hommes de garnison a Witepsk et autant a Smolensk; que le duc de Bellune, prenant ainsi position entre le DniĂ©per et la Dwina, sera en communication facile avec moi, pourra promptement recevoirmes ordres et se trouvera en mesure de protĂ©ger les communications de Minsk et de Witepsk, ainsi que celles de Smolensk sur Moscou; que je suppose que le gĂ©nĂ©ral Gouvion Saint- Cyr a suffisamment des deuxiĂšme et sixiĂšme corps pour tenir en Ă©chec Witgenstein, et n’en avoir rien a craindre; que le duc de Tarente peut se porter sur Riga pour investir la place; 159 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ,,enfin, que j’ordonne aux quatre demi-brigades „de marche, formant neuf mille hommes, qui „faisaient partie de la division Lagrange, de se ,,diriger sur Kowno qu’ainsi ce ne serait que „dans le cas oĂč le gĂ©nĂ©ral touvion Saint -Cyr ,,serait battu par le gĂ©nĂ©ral Witgenstein et ,,obligĂ© de repasser la Dwina que le duc de ,,Bellune devrait marcher a son secoui's d’abord ; ,,que, ce cas exceptĂ©, il doit suivre sa direc- „tion sur Smolensk. ,,Surce, etc. „ SignĂ© NAPOtÉOK.“ MĂ©moires lfiO CHAPITRE XXVIII. L’armĂ©e continuait son mouvement, poussant toujours devant elle les troupes qu’elle avait battues a Valontina. On chantait bien des Te Deum en Russie ; on en chante pour tout dans cet heureux pays mais les victoires a la façon de Tolly ne calmaient pas l’anxiĂ©tĂ© de lr. nation; elle sentait que cette maniĂšre de vaincre la refoulerait bientĂŽt en SibĂ©i’ie elle rĂ©solut de mettre ses destinĂ©es en d’autres mains, Kutusow puisait aux pieds des images ses inspirations militaires; il jeĂ»nait, priait, flattait les prĂȘtres et la noblesse ; le ciel ne pouvait lui refuser son assistance il fut nommĂ©. Admirables dans les cours, les pasquinades ne suffisent pas sur le champ de bataille ; toutes les momeries religieuses ne tiennent pas devant une bonne disposition il l’éprouva. Le roi de INaples, qui n’avait pour les amulettes que le mĂ©pris d’un soldat, fond sur lui et le taille en piĂšces. Il veut faire ferme a Chevarino ; mais la cavalerie s’ébranle, la charge bat; on le culbute, on le jette dans ses retranchements le courage l’emporte sur les saints de la Russie. Ce dĂ©but n’était pas de bon augure ; le cielrĂ©pondait froidement au zĂšle des Cosaques. On redoubla de supplications Kutusow dĂ©ploya ses images ; on dĂ©fila devant la vierge de Smolensk , dont nous voulions dĂ©possĂ©der la dĂ©vote nation on fit des priĂšres, des vƓux, du gĂ©nĂ©ral Rapp. 161 des offrandes; et les orateurs des Calmoulvs dĂ©bitĂšrent l’homĂ©lie qui suit „FrĂšres ! ,,Vous voyez devant vous, dans cette image, „objet de votre piĂ©tĂ©, un appel adressĂ© au ciel ,,pour qu’il s’unisse aux hommes contre le tyran „qui trouble l’univers. INon contentde dĂ©truire „des millions de crĂ©atures, images de Dieu, cet „archi-rebelle a toutes les lois divines et hu- ,,maines pĂ©nĂštre a main armĂ©e dans nos sanc- ,,tuaires, les souille de sang, renverse vos au- „tels, et expose l’arche mĂȘme du Seigneur, consacrĂ©e dans cette sainte image de notre Ă©glise, „aux profanations des accidents, des Ă©lĂ©ments „et des mains sacrilĂšges. 3Ne craignez donc pas „que ce Dieu, dont les autels ont Ă©tĂ© ainsi insultĂ©s par ce vermisseau que sa toute-puissance a tirĂ© de la poussiĂšre, ne soit point avec vous; „ne craignez pas qu’il refuse d’étendre son bou- „clier sur vos rangs, et de combattre son enne- „mi avec l’épĂ©e de saint Michel. ,,C’est dans cette croyance que je veux combattre , vaincre et mourir, certain que mes „yeux mourants verront la victoire. Soldats, remplissez votre devoir; songez au sacrifice de vos citĂ©s en flammes et a vos enfants qui ,,implorent votre protection; songez a votre ,,empereur, votre seigneur, qui vous considĂšre comme le nerf de sa force; et demain, avant que le soleil n’ait disparu, vous aurez tracĂ© votre foi et votre fidĂ©litĂ© sur le sol de votre patrie, avec le sang de l’agresseur et de ses guerriers.“ 11 162 MĂ©moires L’épĂ©e de saint Michel est sans doute une Ă©pĂ©e redoutable ; mais des soldats dispos valent encore mieux aussi Kutusow n’épargnait- il pas les libations; il accroissait d’autant la ferveur des Cosaques. Quant a nous, nous n’avions ni inspirĂ©s, ni prĂ©dicants , ni mĂȘme de subsistances, mais nous portions l’hĂ©ritage d’une longue gloire ; nous allions dĂ©cider qui des Tartares ou de nous devait donner la loi au monde; nous Ă©tions aux confins de l’Asie, plus loin que n’était jamais allĂ©e armĂ©e europĂ©enne. Le succĂšs n’était pas douteux aussi NapolĂ©on aperçut-il avec la joie la plus vive les proccessions de Kutusow. ,,Bon, me dit-il, „les voila occupĂ©s de pasquinades ; ils n’échap- ,,pevont plus.“ Il fit des reconnaissances, expĂ©dia des ordres de mouvement, et se prĂ©para a la journĂ©e du Lendemain. Le roi de Naples jugeait ces dispositions superflues* il s’était emparĂ© de la principale redoute, la gauche de la position Ă©tait dĂ©bordĂ©e; il ne pensait pas que les Busses voulussent accepter la bataille; il croyait qu’ils , se retireraient pendant la nuit ce n’était pas leur projet; ils creusaient, ils remuaient la terre, ils assayaient leur position. Le lendemain nous les aperçûmes qui Ă©taient tous a l’ouvrage il Ă©tait onze heures, NapolĂ©on m’envoya faire une reconnaissance; j’étais chargĂ© d’approcher le plus prĂšs possible de la ligne ennemie. Je me dĂ©barrassai de mes plumes blanches, je mis une capote de soldat et examinai tout avec le plus de soin qu’il me fut possible je n’étais suivi que d’un chasseur de la garde. Ians plusieurs endroits je dĂ©passais les vedettes russes le village de Borodino 163 du gĂ©nĂ©ral Rapp. n’était sĂ©parĂ© de nos postes que par un ravin Ă©troit et profond ; je m’avançai trop, on me tira deux coups de canon Ă  mitraille ; je m’éloignai; je rentrai vers les deux heui'es, et vins rendre compte de tout ce que j’avais vu. NapolĂ©on s’entretenait avec le roi de Naples et le prince de NeuchĂątel Murat avait bien changĂ© d’opinion surpris de voir, a la pointe du jour, la ligne ennemie encore tendue, il avait jugĂ© faction imminente et s’y Ă©tait prĂ©parĂ©, D’autres gĂ©nĂ©raux soutenaient cependant encore que les Russes n’oseraient en courir la chance quant a mois* je prĂ©tendais le contraire; j’observais qu’ils avaient beaucoup de monde, une assez bonne position; j’étais convaincu qu’ils nous attaqueraient si nous ne les prĂ©venions. NapolĂ©on me fit l’honneur d’ĂȘtre de mon avis, qui Ă©tait aussi celui de Berthier il demanda ses chevaux, et fĂźt en personne la mĂȘme reconnaissance, Il fĂźt reçu comme je l’avais Ă©tĂ©' devant Borodino; la mitraille l’obligea de s’éloigner ce qu’il aperçut acheva de le convaincre qu’il ne s’était pas trompĂ© ; il donna en rentrant des ordres en consĂ©quence. La nuit arriva. J’étais de service ; je Couchai dans la tente de NapolĂ©on. L’endroit oĂč il reposait Ă©tait ordinairement sĂ©parĂ© par une cloison en toile de celuj, qui Ă©tait rĂ©servĂ© a i’aide- de*camp de service. Ce prince dormit fort peu. Je l’éveillai plusieurs foi pour lui remettre des rapports d’avant-postes, qui tous lui prouvaient que les Russes s’attendaient a ĂȘtre attaquĂ©s. A trois heures du matin il appela un valet de chambre et se fĂźt apporter du punch ; j’eus l’honneur d’en prendre avec lui. Il me demanda si il . 164 MĂ©moires j'avais bien dormi ; je lui rĂ©pondis que les nuits Ă©taient dĂ©jĂ  fraĂźches, que j’avais souvent Ă©tĂ© rĂ©veillĂ©. 11 me dit ,,lNons aurons affaire aujourd'hui a ce fameux Kutusow. Vous vous ,,rapelea sans doute que c’est lui qui comman- ,,dait a Braunau lors de la campagne d Auster- ,,lita. Il est restĂ© trois semaines dans cette place ,,sans sortir une seule fois de sa chambre; il ,,n’est pas seulement montĂ© a cheval pour voir ,,les fortUications. Le gĂ©nĂ©ral Bermigsen, quoi- ,,que aussi vieux, est un gaillard plus vigoureux que lui. Je ne sais pas pourquoi Alex- sandre n’a pas envoyĂ© cet Hanovrien pour reru- ,,placer Barclay. 44 Il prit Un verre de punch, lut quelques rapports et ajouta ,,Kh bien ! Rapp, crois-tu que nous ferons „de bonnes affaires aujourd’hui ? — Il n’y a pas ,,de doute, sire ; nous avons Ă©puisĂ© toutes nos ,ressources, nous sommes forcĂ©s de vaincre. 44 NapolĂ©on continua sa lecture et reprit ,,La ,fortune est une franche courtisane ; je l’ai sou- ,,vent dit, et je commence a l’éprouver. — Votre ,,majestĂ© se rappelle qu’elle m’a fait l’honneur „de me dire a Smolensk que le vin Ă©tait versĂ©, ,,qu’il fallait le boire. C’est maintenant le cas „plus que jamais ; il n’est plus temps de reculer. ,,l/armĂ©e connaĂźt d’ailleurs sa position elle „sait qu’elle ne trouvera çle subsistances qu’à ,,Moscou et quelle n’a plus que trente lieues Ă  ,,faire. — Cette pauvre armĂ©e, elle est bien ,,rĂ©duite mais ce qui reste est bon ; ma garde ,.est d’ailleurs intacte. 44 Il manda le prince Berthier et travailla jusqu’à cinq heures et demie. Nous montĂąmes a chevĂąl. Les trompettes sonnaient, les tambours battaient; des 165 du gĂ©nĂ©ral Rapp. que les troupes l’aperçurent, ce ne fut qu’accla- mations. ,,C’est l'enthousiasme l'Austerlitz. „Faites lire la proclamation.“ „Soldats ! „VoilĂ  la bataille que vous avez tant dĂ©sirĂ©e! ,,DĂ©sormais la victoire dĂ©pend de vous; elle „nous est nĂ©cessaire ; elle nous donnera l’abon- ,,dance, de bons quartiers d’hiver et un prompt ,,retour dans la patrie. Conduisez-vous connus „à Austerlitz, a Friedland, aWitepsk, a Smo- „lensk, et que la postĂ©ritĂ© la plus reculĂ©e cite ,,votre conduite dans cette journĂ©e; que l’on „dise de vous Il Ă©tait a cette grande bataille „sous les murs de Moscou.“ Les acclamations redoublĂšrent, les troupes ne demandaient qu’a combattre, l’action fut bientĂŽt engagĂ©e. 0 166 MĂ©moires CHAPITRE XXIX. Les Italiens et les Polonais tenaient les ailes. NapolĂ©on opĂ©rait sur la gauche des masses ennemies. Du reste, nous n’avions aucun renseignement prĂ©cisj femmes, enfants, vieillards , bestiaux , tout avait disparu ; il ne restait personne qui pĂ»t nous donner la moindre indication. Ney marcha a l’ennemi et l’enfonça avec cette vigueur, cette impĂ©tuositĂ© dont il a donnĂ© tant d’exemples. Nous emportĂąmes les trois redoutes qui l’appuyaient. Il accourut avec des troupes fraĂźches le dĂ©sordre se mit dans nos rangs, nous Ă©vacuĂąmes deux de ces ouvrages ; le dernier mĂȘme Ă©tait compromis. Les Russes couronnaient dĂ©jhlaci’ĂȘte desfossĂ©s. Le x’oi de Naples voit le danger, vole, met pied a terre, entre, monte sur le parapet; il appelle, anime les soldats. La redoute se garnit, le feu devient terrible, les assaillants n’osent tenter l’assaut. Quelques escadrons paraissent; Murat monte a cheval, charge, culbute les colonnes dispersĂ©es dans la plaine. Nous reprenons les retranchements , nous nous y Ă©tablissons pour ne les plus quitter. Ce trait d’audace dĂ©cida la journĂ©e. Le gĂ©nĂ©ral Compans venait d’ĂȘtre blessĂ©; j’allai prendre le commandement de sa division, Elle faisait partie dn corps d’armĂ©e du marĂ©chal Bavoust. Elle avait enlevĂ© une des positions retranchĂ©es de l’ennemi ; elle avait dĂ©jĂ  beaucoup souffert. Je me concertai en arrivant 167 du gĂ©nĂ©ral Ilapp. avec le marĂ©chal Ney, dont je tenais la droite. TNos troupes Ă©taient pĂȘle-mĂȘle; nous les ralliĂąmes , nous nous prĂ©cipitĂąmes sur les Russes, nous leur fĂźmes expier leur succĂšs. La canonnade, la fusillade, n’arrĂȘtaient pas. Infanterie, cavalerie, se chargeaient avec fureur d’une extrĂ©mitĂ© de la ligne a l’autre. Je n’avais pas encore vu de semblable carnage. TNous avions trop appuyĂ© sur la droite; le roi de .Naples restait seul exposĂ© aux ravages des batteries de ScrninskoĂ©. Il n’avait que des troupes Ăą cheval ; un ravin profond le sĂ©parait du village, il n’était pas facile de l’emporter il le fallait cependant sous peine d’ĂȘtre Ă©crasĂ© par la mitraille. Le gĂ©nĂ©ral Belliard, qui n’aperçoit qu’un rideau de cavalerie lĂ©gĂšre, conçoit le dessein de la refouler au loin et de se porter par un a gauche sur la redoute. ,,Cours ,,a Latour-Maubourg, lui rĂ©pond Murat, dis-lui „de prendre une brigade de cuirassiers français et saxons, de passer le ravin, de tout ,,sabrer, d’arriver au galop sur le revers de la ,,redoute et d’enclouer les piĂšces. S’il ne rĂ©ussit „pas, qu’il revienne dans la mĂȘme direction. »Tu disposeras une batterie de quarante piĂšces ,,et une partie de la rĂ©serve pour protĂ©ger la retraite.” Latour-Maubourg se mit en mouvement, culbuta, dispersa les Russes et s’empara des ouvrages. Friant vint les occuper. Toute la rĂ©serve passa et s’établit a la gauche du village. Restait un dernier retranchement qui nous prenait en liane et nous accablait. Elle venait d’en enlever un, elle pensa qu’elle pouvait enempov- ter un autre. Caulincourt s’avança, sema au loin lĂȘ dĂ©sordre et la mort. Il se rabattit tout a 168 MĂ©moires coup sur la redoute et s’en rendit maĂźtre. Un soldat cachĂ© dans une embrasure l’étendit roide mort. Il s’endormit du sommeil des braves; il ne fut pas tĂ©moin de nos dĂ©sastres. Tout fuyait, le feu avait cessĂ©, le carnage faisait halte. Le gĂ©nĂ©ral Belliard alla reconnaĂźtre un bois placĂ© a quelque distance. Il aperçut la route qui convergeait sur nous ; elle Ă©tait couverte de troupes et de convois qui s’éloignaient. Si on l’interceptait, toute la droite de l’armĂ©e ennemie Ă©tait prise dans le segment oĂč elle se trouvait. Il vint en prĂ©venir Murat. ,,Cours en rendre compte a l’empereur , lui ,,dit ce prince.“ Il y fut, mais NapolĂ©on ne crut pas le moment venu. „Je n’y vois pas en- ,,core assez clair sur mon Ă©chiquier. J’attends ,,des nouvelles de Poniatowski. Retournez, examinez et revenez.“ Le gĂ©nĂ©ral retourna en effet, mais il n’était plus temps. La garde russe s’avançait; infanterie, cavalerie, tout arrivait pour renouveler l'attaque? Le gĂ©nĂ©ral n’eut que le temps de rassembler quelques piĂšces. De la mitraille, de la mitraille, et toujours de la mitraille, dit-il Ă ux artilleurs. Le feu s’ouvrit, l’effet en fut terrible; en un instant la terre se couvrit de morts ; la colonne Ă©crasĂ©e se dissipa comme une ombre. Elle n’avait pas tirĂ© un coup de fusil. Son artillerie arriva quelques instants aprĂšs ; nous nous en emparĂąmes. La bataille Ă©tait gagnĂ©e, mais le feu Ă©tait toujours terrible. Les balles, les obus, pleuraient Ăą mes cĂŽtĂ©s. Dans l’intervalle d’une heure je fus touchĂ© quatre fois, d’abord de deux coups de feu assez lĂ©gĂšrement, ensuite 169 du gĂ©nĂ©ral Rapp. d’un boulet au bras gauche, qui m’enleva le drap de la manche de mon habit et la chemise jusqu’à la chair. J’étais alors a la tĂȘte du soixante- uniĂšine rĂ©giment, que j’avais connu dans la haute Égypte. Il comptait encore quelques officiers de cette Ă©poque il Ă©tait assez singulier de se retrouver ici. Je reçus bientĂŽt une quatriĂšme blessure ; un biscaĂŻen me frappa a la hanche gauche et me jeta a bas de mon cheval c’était la vingt-deuxiĂšme. Je fus obligĂ© de quitter le champ de bataille j’en fis prĂ©venir le marĂ©chal Ney, dont les troupes Ă©taient mĂȘlĂ©es avec les miennes. Le gĂ©nĂ©ral Dessaix, le seul gĂ©nĂ©ral de cette division qui ne fĂ»t pas blessĂ©, me remplaça; un moment aprĂšs il eut le bras cĂźissĂ© Friant fut atteipt plus tard. Je fus pansĂ© par le chirurgien de NapolĂ©on, qui vint lui-mĂȘme me faire visite. ,,C’est donc ,, tou jours ton tour? Comment vont les affaires? — Sire, je crois que vous serez obligĂ© „de faire donner votre garde. — Je m’en garderai bien; je ne veux pas la faire dĂ©molir. ,,Je suis sĂ»r de gagner la bataille sans qu'elle ,,y prenne part.“ Elle ne donna pas en effet, a l’exception d’une trentaine de piĂšces qui firent des merveilles. La journĂ©e finit; cinquante mille hommes gisaient sur le champ de bataille. Une foule de gĂ©nĂ©raux Ă©taient tuĂ©s ou blessĂ©s nous en avions une quarantaine hors de combat. Nous avions fait des prisonniers , enlevĂ© quelques piĂšces de canon ; ce rĂ©sultat ne compensait pas les pertes qu’il nous coĂ»tait. 170 MĂ©moires CHAPITRE XXX. l/armĂ©e russe se retirait sur sa capitale elle lit encore quelque rĂ©sistance Ăą MojaĂŻsk et gagna Moscou. Nous occupĂąmes cette ville sans coup tĂ©rir. Murat y entra a la suite des Cosaques, s’entretint avec leurs chefs et donna mĂȘme sa montre a l’un d’eux. Ils lui tĂ©moignaient l’admiration que leur causait son courage, l’abaltement qu’entrainent les longues disgrĂąces, lorsque des coups de fusil se lirĂ©nt entendre c’était quelques centaines de bourgeois qui avaient pris les armes. Ils 'firent eux- mĂȘmes cesser ce feu inutile et continuĂšrent leur retraite. NapolĂ©on fit son entrĂ©e le lendemain. Il s’établit au Kremlin avec une partie de sa garde et les personnes de sa maison; mais nous Ă©tions si mal, que je fus obligĂ© de prendre un autre logement. Je m’installai a quelque distance dans une maison qui appartenait a un des membres de la famille Nareschkin. J’étais arrivĂ© a quatre heures du soir. La ville Ă©tait encore intacte la douane seule Ă©tait la proie des flammes , qui la dĂ©voraient dĂ©jĂ  avant qu’aucun Français ne partit ; mais la nuit vint, ce fut le signal de l’incendie; a gauche, adroite, partout il Ă©clatait. Les Ă©difices publics, les temples, les pro- 171 du gĂ©nĂ©ral Rapp. priĂ©tĂ©s particuliĂšres, tout Ă©tait en feu. La conflagration Ă©tait gĂ©nĂ©rale, rien ne devait Ă©chapper. Le vent soufflait avec violence ; l'embrasement lit des progrĂšs rapides. A minuit le foyer Ă©tait si eflrayant, que mes aides-de-cainp me rĂ©veillĂšrent; ils me soutinrent; je gagnai une fenĂȘtre d’oĂč je contemplai ce spectacle , qui devenait afireux. L’incendie s’avançait sur nous Ă  quatre heures on me prĂ©vint qu’il fallait dĂ©loger. Je sortis ; quelques instants aprĂšs la maison fut rĂ©duite en cendres. Je me lis conduire du cĂŽtĂ© du Kremlin; tout y Ă©tait en alarmes. Je rĂ©trogradai et me rendis au quartier des Allemands. On m’y avait arrĂȘtĂ© l’hĂŽtel d’un gĂ©nĂ©ral russe; j’espĂ©rais m’y remettre de mes blessures ; mais quand j’arrivai, des bouffĂ©es de feu et de fumĂ©e s’en Ă©chappaient dĂ©jĂ . Je n’entrai pas; je retournai encore au Kremlin. Chemin faisant j’aperçus des soldats, des artisans russes qui se rĂ©pandaient dans les maisons et les incendiaient. Nos patrouilles en tuĂšrent quelques uns en ma prĂ©sence et en arrĂȘtĂšrent un assez grand nombre. Je rencontrai le marĂ©chal Mortier. „0Ăč allezvous ? me dit-il. — Le ,,feu me chasse, quelque part que je me loge; ,,je vais dĂ©cidĂ©ment au Kremlin. — Tout y est »en dĂ©sordre, l’incendie gagne partout Ă©loi- 5 ,gnez-vous plutĂŽt. — OĂč se retirer? — A mon »hĂŽtel; mon aide-de-camp vous conduira.“ Je le suivis. La maison Ă©tait prĂšs de l’hospice des enfants-trouvĂ©s. Nous y Ă©tions a peine, qu’elle Ă©tait dĂ©jĂ  embrasĂ©e. Je me dĂ©terminai de nouveau a aller au Kremlin. Je passai la Mos- kowa pour m’établir vis-Ă -vis le palais, qui 172 MĂ©moires Ă©tait encore intact. Je rencontrai en route le gĂ©nĂ©ral LariboissiĂšre, accompagnĂ© de son fils, malade; Talhouet se joignit binons ; nous nous logeĂąmes tous dans des maisons placĂ©es sur la riviĂšre. Mon propriĂ©taire Ă©tait un brave chapelier qui apprĂ©cia ma position et ine prodigua tons les soins possibles. J’étais Ăą peine installĂ© chez cet honnĂȘte artisan, que le feu se manifesta de toutes parts. Je quittai Ă  la hĂąte les quais sont Ă©troits; si j’eusse tardĂ©, je n’eusse pu Ă©chapper avec ma voiture. Nous repassĂąmes l’eau et nous vĂźnmes nous Ă©tablir en plein air, derriĂšre les murs du Kremlin ; c’était l’unique moven de trouver quelque repos. Le vent soufflait avec une violence toujours croissante et alimentait l’incendie. Je me dĂ©plaçai encore une fois, mais ce fut la derniĂšre. Je me retirai prĂšs d’une barriĂšre les maisons Ă©taient isolĂ©es, Ă©parses; le feu ne put les atteindre. Celle que j’occupai Ă©tait petite, commode, et appartenait a un prince Gallitzin. J’y ai nourri pendant quinze jours au moins cent cinquante habitants rĂ©fugiĂ©s. NapolĂ©on fut a son tour obligĂ© de se retirer devant les flammes. Il quitta le Kremlin et porta son quartier-gĂ©nĂ©ral hors de la ville, dans une maison impĂ©riale, oĂč il s’établit. Il n’y resta pas long-temps ; il rentra au palais des ezars dĂšs que l’incendie fut tout-Ăą-fait Ă©teint. Il envoyait presque tous les matins le gĂ©nĂ©ral Narbonne savoir de mes nouvelles. Ce gĂ©nĂ©ral, comme beaucoup de monde, Ă©tait fort inquiet. Il me disait souvent que l’empereur avait tort de compter sur la paix, que nous n’étions pas 173 da gĂ©nĂ©ral Rapp. a meme de dicter des conditions, que les Russes ne sĂ©taient pas rĂ©signĂ©s au sacriiice de leur capitale pour accepter des traitĂ©s dĂ©savantageux. ,,11s nous]amusent pour prendre leur „revanche et avoir plus beau jeu.“ 174 MĂ©moires CHAPITRE XXXI. Moscou Ă©tait dĂ©truit ; l’occupation de ses dĂ©combres n’était ni sĂ»re ni profitable; nous Ă©tions trop Ă©loignĂ©s de nos ailes, nous ne pouvions nous procurer de subsistances, et nous n’avions aucun intĂ©rĂȘt a garder des ruines. Chacun Ă©tait d’avis qu’il ne fallait pas sĂ©journer; mais on n’était pas d’accord sur ce qu’il convenait de faire. Le roi de Naples proposait de marcher sur Kaluga, d’y dĂ©truire les seuls Ă©tablissements que possĂšde la Russie, et de revenir cantonner sur le BoristhĂšne; On ne pouvait pas suivre les Cosaques au bout du monde; la plus longue fuite doit avoir son terme nous Ă©tions prĂȘts a combattre; mais nous ne voulions plus courir. Tel Ă©tait le sens de la proclamation qu’il conseillait avant de se mettre en mouvement. Le vice-roi pensait au contraire qu’il fallait marcher aux Russes , les battre, pousser sur PĂ©tersbourg , et se diriger ensuite sur Riga on eĂ»t ralliĂ© Macdonald; aprĂšs quoi on se fĂ»t Ă©tabli sur la Dwina. D’autres prĂ©sentaient d’autres plans tous Ă©taient bons, tous Ă©taient praticables; mais l’empereur avait des donnĂ©es particuliĂšres il voya juste si on n’eiĂźt reçu les inspirations de l’Angleterre. On s’est beaucoup appesanti sur ce sĂ©jour c’est une faute puisque les Ă©vĂ©nements l’ont condamne; mais ceux qui se rĂ©crient n’avaient ni le secret des affaires ni celui des nĂ©gociations ; ils peuvent , sans trop de modestie, croire que la sa- 175 du gĂ©nĂ©ral Rapp. gacitĂ© de ce grand homme n’était pas au-dessous de celle que la nature leur a dĂ©partie. Il s’est trompĂ©; nous en avons senti les consĂ©quences on saura peut-ĂȘtre un jour quelles combinaisons l’ont Ă©garĂ©. Quoi qu’il en soit, on resta, on nĂ©gocia, on batailla, on ne dĂ©cida rien. L’armĂ©e de Moldavie faisait son mouvement; elle s’avançait, mais on ne savait encore sur quelle ligne elle allait agir les uns prĂ©tendaient qu’elle se rallierait a Kutusow; les autres craignaient qu’elle ne se portĂąt sur nos derriĂšres. On Ă©tait dans l’attente de ce qui se prĂ©parait l'empereur n’était pas lui-mĂȘme sans inquiĂ©tude; mais il savait, jusqu’au dernier homme, ce qu’il avait de troupes Ă©chelonnĂ©es depuis le Rhin jusqu’à Moscou; Il se croyait en mesure; il se borna a Ă©xpĂ©dier des instructions celles qu’il adressa au 'duc de Bellune mĂ©ritent d'ĂȘtre citĂ©es; elles prouvent de quelle nature Ă©tait ce sommeil qu’on lui reproche. NapolĂ©on au major-gĂ©nĂ©ral. ,,Mon cousin, faites connaĂźtre au duc de „Bellune que je ne lui ai pas encore donnĂ© „d’ordres pour son mouvement, parce que cela „dĂ©pend du mouvement de l’ennemi; que l’ar- ^nĂ©e russe de Moldavie, forte de trois divisions ,,ou de vingt mille hommes, infanterie, cavalerie et artillerie comprises , a passĂ© le DniĂ©- ,,per dans les premiers jours de septembre; >,qu’elle peut se diriger sur Moscou pour ren- >,forcer l’armĂ©e que commande le gĂ©nĂ©ral Ku- ,tusow, ou sur la Volhinie pour renforcer celle our savoir ce qui „se passe ; que la division GĂ©rard sera placĂ©e „du cotĂ© d’Orsza, oĂč elle se trouvera a quatre ,,ou cinq marches de Minsk, Ă  trois de Witepsk, quatre ou cinq de Polozk; que l’autre division qui sera entre Orsza et Smolensk pourra ,^l’appuyer rapidement, et qu’enfin la troisiĂšme ,,division sera auprĂšs de Smolensk; que, par „ce moyen, son corps d’armĂ©e se reposera et „pourra se nourrir facilement qu’il faut le „placer au haut de la route ; afin de laisser la ,,grande communication pour les troupes qui „arrivent ; que dans cette position, ilseraĂ©ga-^ ,,iement a mĂȘme de se porter sur Minsk et „Wilna, si le centre de nos communications „et de nos dĂ©pĂŽts Ă©tait menacĂ©, et si le marĂ©chal Saint-h’yr Ă©tait repoussĂ© de Polozk ; ou „d’exĂ©cuter l’ordre qu’il recevrait de revenir ,,ii Moscou par la route d’Ielnia et de Kaluga, „si la prise de Moscou et le nouvel Ă©tat de ,,choses avaient dĂ©cidĂ© l’ennemi a se renforcer „d’une portion des troupes de Moldavie ; qu ainsi »le duc de Bellune formera la rĂ©serve gĂ©nĂ©rale >,pour se porter, soit au secours du prince de 12 178 MĂ©moires ,,Sch\vartzenberg et couvrir Minsk, soit au se- ,,cours du marĂ©chal Saint-Cyr et couvrir Wil- ,,na, soit enfin a Moscou pour renforcer la ,,grande armĂ©e ; que le gĂ©nĂ©ral Dombrowski, ,,qui a une division de huit mille hommes d’infanterie et douze cents chevaux polonais, est „sous ses ordres, ce qui portera son corps d’ar- ,,mĂ©e a quatre divisions; que la brigade de resserve deWilna, composĂ©e de quatre rĂ©giments ,,westphaliens, de deux bataillons de Hesse- ,,Darmstadt qui, vers la lin de ce mois, arrivent de la PomĂ©ranie suĂ©doise , et de huit ,,piĂšces de canon, sera aussi sous ses ordres; „qu’enfin, dans le courant de novembre, deux ,,nouvelles divisions se rĂ©unissent, l’une a Varsovie, c’est la trente-deuxiĂšme division , qui ,,sera augmentĂ©e de trois bataillons de Wiirtz- „bourg et restera commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral .,Durutte; l’autre a KƓnigsberg, c’est la trente- ,,quatriĂšme division, qui Ă©tait en PomĂ©ranie ,,sous les ordres du gĂ©nĂ©ral Morand, et qui, ,,augmentĂ©e Ă©galement de quelques bataillons, ,,sera sous les ordres du gĂ©nĂ©ral Loison ; ainsi, ,,soit qu’il faille marcher au secours du prince „de Schwartzenberg ou au secours du marĂ©chal Saint-Cyr, le duc de Bellune pourra tou- ,,jours rĂ©unir une masse de quarante mille ,,hommes; que comme la correspondance de ,,l’estafette est prompte, je serai toujours a mĂȘme „de donner mes ordres, et que ce ne serait que ,plans le cas oĂč Minsk ou Wilna seraient menacĂ©s tpie le duc de Bellune devrait se mettre ,,en marche de son autoritĂ© pour couvrir ces ,pieux grands dĂ©pĂŽts de l’armĂ©e; que le duc >,de Bellune, ayant le commandement gĂ©nĂ©ral 179 du g Ă©nĂ©ral Rapp. ,,sur toute la Lithuanie et sur les gouvernements ,,de Smolenks et de Witepsk, doit partout ac~ ,,tiver la marche de l'administration et surtout ,,prendre des mesures efficaces pour que les rĂ©quisitions de blĂ© et de fourage aient lieu; ,,qu’il y a des fours a Mohilew, a Orsza, a Ra- „sasna, aDubrowna; qu’il doit faire faire beaucoup de biscuit, et se mettre en situation ,,d’avoir trente jours de vivres assurĂ©s pour son ,,corps, sans prendre rien ni sur les transports ,,militaires, ni sur les convois qui viendraient ,,de l’armĂ©e. Le duc de Bellune aura soin d’a- „voir aussi une correspondance a Witepsk il ,,est martre d’y envoyer des troupes pour soutenir ce point et s’y maintenir; il pourra, de ,,sa personne, se porter a Mohilew, a Witepsk, „a Smolensk, pour connaĂźtre le terrain et faire ,,marcher l’administration. Si, par accident ,,quelconque, la communication avec Moscou „venait a ĂȘtre interceptĂ©e, il aurait soin d’en- „voyer de la cavalerie et de l’infanterie pour „la rouvrir.“ INous n’avions plus ni fourrages; hommes et chevaux Ă©taient Ă©galement extĂ©nuĂ©s la retraite devenait indispensable. On s’occupa des moyens d’évacuer les blessĂ©s. Je commençais a marcher, j’allai le 13 au chĂąteau ; NapolĂ©on me demanda avec bontĂ© en quel Ă©tat se trouvaient mes blessures, comment j’allais; il me fit voir le portrait du roi de Rome, qu’il avait reçu au moment d’engager la bataille de laMoskowa. Il l’avait montrĂ© a la plupart des gĂ©nĂ©raux j’étais a porter des ordres ; l’affaire commença ; nous aĂ»mes autre chose a faire. Il voulut me dĂ©dommager ; il chercha le inĂ©- 12 . 180 MĂ©moires ,,daiilon, et mĂ©dit avec une satisfaction que „ses yeux ne cachaient pas ,,Mon fils est le ,,plus bel enfant de France.“ On apporta, un instant aprĂšs, un mĂ©moire de l’intendant-gĂ©nĂ©ral, qui demandait quarante- cinq jours pour Ă©vacuer les blessĂ©s. „Ouarante- ,,ciaq jours! il se trompe. Si on ne faisait rien, ,, partie guĂ©rirait, partie mourrait; il n’y aurait ,,que le surplus a Ă©vacuer ; et l’expĂ©rience ,,prouve que trois mois aprĂšs une bataille, il ,,ne reste que le sixiĂšme des blessĂ©s je veux ,,les faire Ă©vacuer; je ne veux pas qu’ils restent ,,exposĂ©s aux brutalitĂ©s des Pusses.“ Nous apercevions, du salon, les ouvriers qui travaillaient a enlever la croix du grand Iwan. ,,Voyez quelle nuĂ©e de corbeaux voltigent autour de cette ferraille ! Veulent-ils aussi ,,nous empĂȘcher de l’emmener ? J’enverrai ,,cette croix 'a Paris ; je la ferai placer sur le „dĂŽme des Invalides.“ Nous Ă©tions au 18 octobre; le dĂ©part fut fixĂ© au 19. Ma blessure n’était pas tout-a-fait fermĂ©e; je montai a cheval pour voir si j’en supporterais le mouvement. du gĂ©nĂ©ral Ra/jp. 1 3 1 ‱ WIM CHAPITRE XXXII. Le lendemain, je me rendis de bonne heure au Kremlin; a peine arrivais-je au palais , que jNapolĂ©on en sortait pour quittera jamais Moscou; il m’aperçut ,,J’espĂšre que vous ne me ,,suivrez pas a cheval; vous n’ĂȘtes pas en Ă©tat „de le faire vous pouvez vous mettre dans „une de mes voitures.“ Je le remerciai, et lui rĂ©pondis que je croyais ĂȘtre a mĂȘme de l’accompagner. Àous quittĂąmes cette capitale, et nous primes la route de Kaluga; lorsque nous fumes a environ trois lieues, l’empereur s’arrĂȘta pour attendre des nouvelles de Mortier, qui avait ordre de faire sauter le Kremlin, en Ă©vacuant la place, lise promenait dans un champ avec M. Daru ; celui-ci le quitta je fus appelĂ©. „Eh bien Rapp, ,,nous allons nous retirer sur les frontiĂšres de ,,1aPologne, par la route deKalouga; je prendrai de bons quartiers d’hiver j’espĂšre qu’A- ,,lexandre fera la paix. — Vous avez attendu ,,bien long-temps, sire; les habitants prĂ©disent ,,un hiver rigoureux. — Bah! bah! avec vos ,,habitants! Nous avons aujourd’hui le 19 octo- „bre, voyez comme il fait beau; est-ce que vous ne reconnaissez pas mon Ă©toile? Je ne „pouvais , d’ailleurs, partir avant d’avoir mis ..en route tout ce qu’il y avait de malades et ..de blessĂ©s; je ne devais pas les abandonner !,a la fureur des Russes. —- Je crois, sire, que ,»vous eussiez mieux fait de les laisser a Mos- 182 MĂ©moires „cou ; les Russes ne leur auraient pas fait de ,,mal; tandis qu’ils sont exposĂ©s, faute de se- ,,cours, a mourir sur les grandes n’en convenait pas, mais tout ce qu’il me disait de rassurant ne le sĂ©duisait pas lui- mĂȘme ; sa figure portait l’empreinte de l’inquiĂ©tude. Arriva enfin un officier qu’avait dĂ©pĂȘchĂ© le marĂ©chal c’était mon aide-de-camp Turkheim, qui nous apprit que Moscou Ă©tait tranquille; que quelques pulks de Cosaques avaient paru dans les faubourgs, mais qu’ils n’avaient eu garde d’approcher ni du Kremlin ni des quartiers qu’occupaient encore les troupes françaises. Nous nous remĂźmes en route. Le soir nous arrivĂąmes a Krasno-Pachra. La physionomie du pays ne souriait pas a NapolĂ©on l'aspect hideux , l’air sauvage de ces esclaves rĂ©voltait des yeux accoutumĂ©s a d’autres climats. „Je ,p oudrais ne pas y laisser un homme; je donnerais tous les trĂ©sors de la Russie pour ne ,,pas lui abandonner un blessĂ©. Il faut prendre les chevaux, les foux’gons, les voitures, ,,tout, pour les transporter. Fais-moi venir un secrĂ©taire.“ Le secrĂ©taire vint, c’était pour Ă©crire a Mortier ce qu’il venait de me dire. Il n’est pas inutile de citer la dĂ©pĂȘche ces instructions ne sont pas indignes d’ĂȘtre connues ; ceux qui ont tant dĂ©clamĂ© contre son indiffĂ©rence pourront les mĂ©diter. Au major-gĂ©nĂ©ral. ,,Faites connaĂźtre au duc deTrĂ©vise qu’aus- „sitĂŽt que son opĂ©ration de Moscou sera finie, tai du gĂ©nĂ©rai liajtp. ,,c’est-a-dire le 23, a trois heures du matin, ,,il se mettra eu marche , et arrivera le 24 a „KubinskoĂ©; que, de ce point, au lieu de se ,,rendre a MojaĂŻsk, il ait a se diriger sur Ve- „rĂ©ia, arrivera le 25 il servira ainsi d’in- „termĂ©diaire entre MojaĂŻsk , oĂč est le duc „d’AbrantĂšs, et Borowsk , oĂč sera l’armĂ©e. ,,I1 sera convenable qu’il envoie des officiers ,,sur FominskoĂ© . pour nous instruire de sa ,,marche; il mĂšnera avec lui l’adjudant-com- ,,mandant Bourmont, les Bavarois et les Espagnols qui sont a la maison Galitain. Tous ,,les Westphaliens de la premiĂšre poste et de la „deuxiĂšme, et tout ce qu’il trouvera de West- ,,jhaliens, ils les rĂ©unira et les dirigera sur ,,MojaĂŻsk; s’ils n’étaient pas en nombre suffisant, il ferait protĂ©ger leur passage par de la ,,cavalerie. Le duc de TrĂ©vise instruira le duc „d’AbrantĂšs de tout ce qui sera relatif a l’éva- ,,cuation de Moscou. Il estnĂ©cessaire qu’il nous ,,Ă©crive demain 22, non plus par la route de „Dessna, mais par celle de .Karapowo et Fo- ,,minskoĂ©; le 23 il nous Ă©crira par la route ,,de MojaĂŻsk son officier quittera la route a Ku- ,,binskoĂ©, pour venir sur FominskoĂ©, le quar- ,,tier-gĂ©nĂ©ral devant ĂȘtre probablement le 23 „a Borowsk ou a FominskoĂ©. Soit que le duc ,,de TrĂ©vise fasse son opĂ©ration demain 22 a ,,trois heures du matin , soit qu’il la fasse le23 ,,a la mĂȘme heure, comme je lui ai fait dire ,,depuis, il doit prendre ces mĂȘmes dispositions ; ,,par ce moyen, le duc de TrĂ©vise pourra ĂȘtre ,,considĂ©rĂ© comme l’arriĂšre-garde de l’armĂ©e. ,,Je ne saurais trop lui recommander de char- »ger sur les voitures de la jeune garde , sur 184 MĂ©moires s ,,celles de la cavalerie a pied, et surtoutes cel- ,,les qu’on trouvera, les hommes qui restent ,,encore aux hĂŽpitaux. Les Romains donnaient „des couronnes civiques a ceux qui sauvaient ,,des citoyens ; le duc en mĂ©ritera autant qu’il ,,sauvera de soldats. Il faut qu’il les fasse mon- ,,ter sur ses chevaux et sur ceux de tout son ,,monde. C’est ainsi que l’empereur a fait au ,,siĂšge de Saint-Jean-d’Acre. Il doit d’autant ,,plus prendre cette mesure, qu’a peine ce con- „voi aura rejoint l’annĂ©e qu’on lui donnera les ,,chevaux et les voitures que la consommation „aura rendus inutiles. L’empereur espĂšre qu’il ,,aura sa satisfaction a tĂ©moigner au duc de „TrĂ©vise pour lui avoir sauvĂ© cinq cents hoin- „mes. Il doit, comme de raison, commencer „par les officiers, ensuite lĂ©s sous-officiers, et ,,prĂ©fĂ©rer les Français. Il faut qu’il assemble „tous les gĂ©nĂ©raux et officiers sous ses ordres, „pour leur faire sentir l’importance de cette ,,mesure , et combien ils mĂ©riteront de l’em- j,pereur en lui sauvant cinq cents hommes.“ Nous nous dirigeĂąmes sur Borusk, nous arrivĂąmes dans cette ville le quatriĂšme jour elle Ă©tait abandonnĂ©e. Cependant Kutusow s’occupait tranquillement a faire ses proclamations il Ă©tait paisible dans son camp de Ta- ,,rentino; il n’éclairait ni son front ni ses ailes; il ne se doutait pas du mouvement que nous faisions. Il apprit enfin que nous mai’chions sur Kaluga; il leva aussitĂŽt ses cantonnements et parut a Malojaroslawitz en mĂȘme temps que nos colonnes. L’action s’engagea nous entendions de Borusk une canonnade lointaine. Je souffrais beaucoup de ma blessure ; mais je 185 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ne voulais pas quitter NapolĂ©on nous montĂąmes a cheval. Nous arrivĂąmes vers le soir a la vue du champ de bataille on se battait encore; mais bientĂŽt le feu cessa. Le prince EugĂšne avait enlevĂ© une position qui eĂ»t dĂ» ĂȘtre dĂ©fendue a outrance nos troupes s’étaient couvertes de gloire. C’est une journĂ©e que l’armĂ©e d’Italie doit inscrire dans, ses fastes. NapolĂ©on bivouaqua a une demi-lieue delĂ  le lendemain nous montĂąmes a cheval a sept heures et demie pour visiter le terrain oĂ» l’on avait combattu; l’empereur Ă©tait placĂ© entre le duc de Vicence, le prince de NeuchĂątel et moi. Nous avions a peine quittĂ© les chaumiĂšres oĂ» nous avions passĂ© la nuit, que nous aperçûmes une nuĂ©e de Cosaques ; ils sortaient d’un bois en avant sur la droite; ils Ă©taient assez bien pelotonnĂ©s ; nous les primes pour de la cavalerie française. Le duc de Vicence fut le premier qui les reconnut. ,,Sire, ce sont les Cosaques. — Cela ,,n’est pas possible,“ rĂ©pondit NapolĂ©on. Ils fondaient sur nous en criant a tue-tĂȘte. Je saisis son cheval par la bride; je le tournai moi- mĂȘme. ,,Mais ce sont les nĂŽtres? — Ce sont les „Cosaques; hĂątez-vous. — Ce sont bien eux, ,,dit Berthier. — Sans aucun doute, ajouta „Mouton.“ NapolĂ©on donna quelques ordres et s’éloigna je m’avançai Ăą la tĂȘte de l’escadron de service; nous fumes culbutĂ©s mon cheval reçut un coup de lance de six pouces de profondeur; il se renversa sur moi nous fĂ»mes foulĂ©s aux pieds par ces barbares. Ils aperçurent heureusement a quelque distance un parc d’artillerie; ils y coururent le marĂ©chal BessiĂšres MĂ©moires 186 eut le temps d’arriver avec les grenadiers a cheval de la garde; il les chargea et leur reprit les fourgons et les piĂšces qu’ils emmenaient. Je me redressai sur mes jambes, on me replaça surmaselle, et jem’acheminai jusqu’aubivouac. j Quand ".NapolĂ©on vit mon cheval couvert de sang, il craignit que je n’eusse Ă©tĂ© de nouveau atteint; il me demanda si j’étais blessĂ© je lui rĂ©pondis que j’en avais Ă©tĂ© quitte pour quel- I ques contusions alors il se prit a rire de notre j aventure, que je ne trouvais cependant pas amusante. Je fus bien dĂ©dommagĂ© par la relation qu’il ; publia sur cette affaire ; il me combla d’éloges ! je n’ai jamais goĂ»tĂ© de satisfaction comparable j a celle que j’éprouvai en lisant les choses flatteuses qu’il disait de moi. ,,Le gĂ©nĂ©ral Rapp, ,,portait le bulletin, a eu un cheval tuĂ© sous lui ,,dans cette charge. L’intrĂ©piditĂ© dont cet officier - gĂ©nĂ©ral a donnĂ© tant de preuves, se „montre dans toutes les occasions / 4 Je rĂ©pĂšte avec orgueil les Ă©loges de ce grand homme je ne les oublierai jamais. . Nous retournĂąmes sur le champ de bataille NapolĂ©on voulait visiter les lieux qui avaient Ă©tĂ© le théùtre de la gloire du prince EugĂšne. Il trouva la position des Russes excellente ; il s’étonna qu’ils se fussent laissĂ© forcer; il reconnut Ă  l’aspect des cadavres que les milices Ă©taient confondues avec les troupes de ligne, et que, si elles ne se battaient pas avec intelligence , elles y allaient du moins avec courage. L’armĂ©e ennemie se retira Ăą quelques lieues sur la route de Kaluga, et prit position. 187 du gĂ©nĂ©ral Jla/t/j. La retraite Ă©tait interceptĂ©e nous nous jetĂąmes Ăą droite sur VerĂ©ia;' nous y arrivĂąmes le lendemain de bonne heure, nous y couchĂąmes c’est dans cette ville que NapolĂ©on apprit que le Kremlin Ă©tait sautĂ©. Le gĂ©nĂ©ral Winzinge- rode n’avait pas assez contenu son impatience ;' il s’était aventurĂ© dans cette capitale avant que nos troupes l’eussent Ă©vacuĂ©e elles le coupĂšrent; il essaya de leur faire croire qu’il venait parlementer ; il Ă©tait nĂ© sur le territoire de la confĂ©dĂ©ration, il ne se souciait pas d’ĂȘtre fait prisonnier il le fut cependant, en dĂ©pit du mouchoir blanc qu’il agitait. NapolĂ©on le fit venir, et s’emporta avec violence ; il le traita avec mĂ©pris, le flĂ©trit du nom de traĂźtre, et le menaça de lui en faire infliger le supplice; il me dit mĂȘme qu’il fallait faire nommer une commission pour instruire le procĂšs de monsieur sur-le-champ il le lit emmener par des gendarmes d’élite, et donna ordre de le mettre au secret. Wiimngerode chercha plusieurs fois Ăą se disculper; mais NapolĂ©on ne voulut pas l’entendre. On a prĂ©tendu dans l’armĂ©e russe que Ge gĂ©nĂ©ral avait parlĂ© avec courage, et dit des choses trĂšs fortes a l’empereur cela n’est pas; l’anxiĂ©tĂ© Ă©tait peinte sur sa figure tout en lui exprimait le dĂ©sordre d’esprit oĂč l’avait jetĂ© la colĂšre de NapolĂ©on. Chacun de nous s'efforça de calmer ce prince; le roi de Naples, le duc deYicence surtout, lui firent sentir combien , dans la situation des choses , la violence envers un homme qui cachait son origine sous la qualitĂ© de gĂ©nĂ©ral russe serait fĂącheuse il n’y eut pas de conseil de guerre , et l'affaire en resta la. Quant a nous, Winzingerode ne dut 188 MĂ©moires pas se plaindre du traitement que nous lui finies; sa position nous inspirait a tous de l’intĂ©rĂȘt. Son aide-de-camp fut traitĂ© avec beaucoup de bienveillance. NapolĂ©on lui demanda son nom ,,Nareschkin, rĂ©pondit le jeune ofii- „cier. — Nareschkin ! Quand on s’appelle ainsi, „on n’est pas fait pour ĂȘtre l’aide-de-camp d’un ,,transfuge.“ Nous fĂ»mes navrĂ©s de ce manque d’égards; nous cherchĂąmes tous les moyens imaginables de le faire oublier au gĂ©nĂ©ral. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 189 CHAPITRE XXXIIL Nous partĂźmes le lendemain, et nous gagnĂąmes la grande route de Moskou parlVIojaĂŻsk. Le froid, les privations Ă©taient extrĂȘmes; l’heure des dĂ©sastres Ă©tait sonnĂ©e. Nous retrouvĂąmes nos blessĂ©s morts sur la route, et les Russes qui nous attendaient a Viasma. A la vue des ces colonnes, le soldat recueillit un reste d’énergie, fondit sur elles, et les dĂ©fit. Mais nous Ă©tions harcelĂ©s par des troupes qu’excitaient l’abondance et l’espoir du pillage ; a chaque pas nous Ă©tions obligĂ©s de prendre position, de combattre; nous ralentissions notre marche sur un sol dĂ©vastĂ© qu’il eĂ»t fallu franchir a tire-d’aile. La tempĂ©rature, la faim, les Cosaques, tout ce qu’il y a de flĂ©aux Ă©tait dĂ©chaĂźnĂ© sur nous. L’armĂ©e s’affaissait sous le poids de ses maux ; sa route Ă©tait dessinĂ©e par les cadavres ; ce qu’elle souffrait passe l’imagination. Combien j’ai rencontrĂ©, dans cette terrible retraite, de gĂ©nĂ©raux malades ou blessĂ©s, que je croyais ne jamais revoir! De ce nombre Ă©tait le gĂ©nĂ©ral Priant, dont les blessures Ă©taient encore ouvertes ; le gĂ©nĂ©ral Duros- nei, qui fit le trajet avec une liĂšvre nerveuse, presque constamment dans le dĂ©lire; et le brave gĂ©nĂ©ral Belliard, atteint d’un coup de feu a la bataille de la Moskowa. Il avait autrefois pĂ©nĂ©trĂ© jusqu’en Ethiopie; il avait portĂ© nos couleurs plus loin que n’avait jamais Ă©tĂ© 190 MĂ©moires l’aigle romaine il devait trouver de la diffĂ©rence entre les deux climats. Nous marchĂąmes sur Smolensk; elle devait j ĂȘtre le terme de nos misĂšres; nous devions y \ trouver des subsistances et des vĂȘtements, de ! quoi nous garantir des flĂ©aux qui nous dĂ©vorai- j ent nous n’en Ă©tions plus qu’a dix-huit lieues. NapolĂ©on logea dans un de ces blockhouse qu’on avait construits pour recevoir des postes de cinquante Ăą soixante hommes, chargĂ©s de pro- ! tĂ©ger la correspondance et les communications. J’étais de service il y avait dĂ©jĂ  quelque temps qu’il n’était pas venu d’estafettes; il en arriva une, je la remis a l’empereur. Il ouvrit le j paquet avec prĂ©cipitation; un moniteur lui ! tomba sous la main, il le parcourut le pre- ^ mier article qui se prĂ©senta a ses yeux fut l’entreprise de Mallet; il n’avait pas lu Ses dĂ©pĂȘches, il ne savait ce que c’était. ,,Ou’est-ce ,,que cela! quoi! des complots! des conspirations !“ Il ouvrit ses lettres ; elles contenaient le dĂ©tail de la tentative il fut stupĂ©fait. Cette police qui sait tout, qui devine tout, s’était laissĂ© prendre au dĂ©pourvu; il n’en pouvait pas revenir. „Savary a la Force ! le ministre de ,.la police arrĂȘtĂ©, conduit, enfermĂ© dans une ,,prison !“ J’allais transmettre quelques ordres. L’aventure avait dĂ©jĂ  transpirĂ©; la surprise, l’étonnement, Ă©taient peints sur toutes les figures; on faisait des rapprochements qui jusque-la avaient Ă©chappĂ©. L’imprĂ©voyance des suppĂŽts de la police . Ă©tait manifeste; ils ne sont alertes que parce qu’on croit a leur vigilance. NapolĂ©on ne s’étonnait pas que ces misĂ©rables qui peuplent les 191 clu gĂ©nĂ©ral liapp. salons et les tavernes, qui obsti'uent tout, qui s’insinuent partout, n’eussent pas pĂ©nĂ©trĂ© la traĂźne ; mais il ne concevait pas la faiblesse de Rovigo. ,,Comment ne s’est-il pas fait tuer ,,plutĂŽt que de se laisser arrĂȘter! Doucet, et ,,Hullin ont montrĂ© bien plus de courage.“ ISous nous reiniines en route ; nous]lassĂąmes le BorystliĂšne. 1 /empereur Ă©tablit son quartier- gĂ©nĂ©ral dans un chĂąteau dĂ©vastĂ©, h une douzaine de lieues en avant de Smolensk, et a une et demie derriĂšre le fleuve. Les rives en sont fort escarpĂ©es dans cet endroit; elles Ă©taient couvertes de verglas. NapolĂ©on craignait que l’artillerie ne pĂ»t les franchir; il me chargea de joindre Ney, qui commandait l’arriĂšre-garde, et de rester avec lui jusqu’a ce que tout fĂ»t en sĂ»retĂ©. Je trouvai le marĂ©chal occupĂ© a donner la chasse aux Cosaques; je lui communiquai les ordres\que j’avais a lui transmettre, et nous nous retirĂąmes a un blockhouse qui devait assurer le passage , et oĂč. le quartier-gĂ©nĂ©ral fut Ă©tabli. Une partie de l’infanterie passa; l’autre bivouaqua dans un petit bois, sur la rive oĂč. nous Ă©tions. Nous fĂ»mes occupĂ©s toute la nuit a faire passer les piĂšces; la derniĂšre montait la rampe quand l’ennemi parut. Il attaqua sur- le-champ avec des masses considĂ©rables ; nous reçûmes ses charges sans nous Ă©branler mais notre but Ă©tait atteint; le combat n’avait plus d’objet; nous nous Ă©loignĂąmes. Nous abandonnions quelques centaines d’hommes que l’inanition et les blessures avaient mis hors d’état de suivre. Les malheureux ! iis se plaignaient, gĂ©missaient, demandaient la mort; c’était un spectacle dĂ©chirant mais que pouvions-nous 192 MĂ©moires faire? Chacun pliait sous le faix de la vie; on se soutenait a peine ; personne n’avait assez de forces pour les partager. Les Russes nous suivirent ils voulaient passer de vive force. Ne y les reçut avec cette vigueur, cette impĂ©tuositĂ© qu’il mettait dans ses attaques; ils furent repoussĂ©s , et le pont devint la proie des flammes, Le feu cessa; nous nous retirĂąmes pendant la nuit. Je rejoignis le surlendemain soir NapolĂ©on a Smolensk. Il savait qu’une balle m’avait effleurĂ© la tĂȘte, qu’une autre avait abattu mon cheval; il me dit ,,Tu peux ĂȘtre ,,tranquille maintenant; tu ne seras pas tuĂ© „cette campagne. — Je dĂ©sire que votre majestĂ© 1 ,,ne se trompe pas ; mais vous avez souvent ! ,,donnĂ© la mĂȘme assurance au pauvre Lannes, , „qui a pourtant liai par y passer. — Non, non, j ,,tu ne seras pas tuĂ©. — je le crois, mais je ,,pourrais bien ĂȘtre gelĂ©.“ L’empereur se rĂ©pandit alors en Ă©loges sur le marĂ©chal Ney. ,,Ouel „homme!... quel soldat!... quel vigoureux gaillard !...“ Il ne parlait que par exclamations; il ne trouvait pas de mot pour rendre l’admiration que lui inspirait cet intrĂ©pide marĂ©chal. Le prince de NeuchĂątel entra ; il fut de nouveau question de Mallet et de Savary. NapolĂ©on s’égayait aux dĂ©pens du duc; sa surprise, son j arrestation, Ă©taient le sujet de mille plaisante- ries, dont le refrain Ă©tait toujours qu’il aurait j dĂ» se faire tuer plutĂŽt que de se laisser prendre. CHA- du gĂ©nĂ©ral Rapp. 195 CHAPITRE XXXIY. La retraite avait Ă©tĂ© cruelle. Tout ce que la nature a de flĂ©aux nous l’avions Ă©prouvĂ©; mais chaque jour nous rapprochait de Smo- lensk nous devions trouver dans cette ville le repos et l’abondance. Nous marchions l’espĂ©rance nous soutenait; elle-mĂȘme allait nous abandonner nos malheurs devaient ĂȘtre inouĂŻs comme nos victoires. Le quatriĂšme corps perdit ses piĂšces ; la brigade Augereau fut dĂ©truite, et Witepsk enlevĂ©. Nous n’avions plus ni munitions , ni subsistances ; nous Ă©tions dans une position affreuse il fallut se rĂ©signer. Nous nous remĂźmes en marche. Nous arivĂąmes le lendemain a KrasnoĂŻ. Kutusow, qui se portait sur nous avec toutes ses forces, y avait dĂ©jh une avant-garde ; elle se replia a la vue de nos soldats, et s’établit a une lieue plus loin. Elle bivouaquait 'a gauche, sur la lisiĂšre d’une forĂȘt qu’elle couvrait de feux. NapolĂ©on me fit appeler, et me dit ,,Nous avons tout prĂšs d’ici de „1 infanterie russe c’est la premiĂšre fois qu’elle ,,montre tant d’audace. Je vous charge de l’attaquer a la baĂŻonnette vers le milieu de la ,,nuit. Surprenez-la ; faites-lui passer l’envie ,,d’approcher si prĂšs de mon quartier-gĂ©nĂ©ral. „Je mets a votre disposition tout ce qui reste >,de la jeune garde,“ J’avais fait mes apprĂȘts; j’attendais prĂšs d’un feu de bivouac polonais que l’heure fĂ»t venue, quand le gĂ©nĂ©ral Narbonne arriva. ,,Remette* vos troupes au duc 194 MĂ©moires „de TrĂ©vise, me dit-il sa majestĂ© ne veut pas ,,vous faire tuer dans cette affaire; elle vous ,,rĂ©serve une autre destination.“ Je reçus ce contre-ordre avec plaisir, je ne le cache pas. J’étais extĂ©nuĂ© de fatigues, de sufĂŻrances et de froid. Je ne tenais pas a marchera l’ennemi; du reste, ses Cosaques lui avaient dĂ©jĂ  donnĂ© l’éveil, il Ă©tait en mesure, il nous reçut de son mieux. Il fut nĂ©anmoins rompu et rejetĂ© sur ses masses. Celles-ci Ă©taient en position parallĂšlement a la route; elles s’étendaient pour ainsi dire de Smolensk a KrasnoĂŻ; elles nous { menaient en flanc, elles eussent pu nous acca- ler. Heureusement le prestige durait encore nous Ă©tions protĂ©gĂ©s par le souvenir de nos victoires. Kutusow voyait de loin nos colonnes qui dĂ©filaient sur la route, et n’osait les aborder. Il se dĂ©cidait enfin a courir la fortune; mais un paysan lui rapporta que Napo- lĂ©on Ă©tait a KrasnoĂŻ, que la garde en occupait tous les alentours. Cette nouvelle glaça son courage il rĂ©voqua les ordres qu’il avait expĂ©diĂ©s. Nous avions depuis long-temps la mesure de sa capacitĂ©, nous la portions en ligne de compte; c’était un de nos moyens; il pouvait nĂ©anmoins se raviser, courir aux armes et nous anĂ©antir nous le sentions tous; mais nous n’avions pas de nouvelles d’EugĂšne; Davoust et Ney Ă©taient en arriĂšre; nous ne pouvions les abandonner. La tempĂ©rature devenait d’ailleurs chaque jour plus Ăąpre; les Eusses souffraient ; ils avaient sommeillĂ© jusque-lĂ , il» Ï iouvaient sommeiller encore. NapolĂ©on rĂ©sout d’en courir la chance ; il attendit. Tout 195 du gĂ©nĂ©ral JĂźapp. rĂ©ussit comme il l’avait prĂ©vu. Milloradowitz voulut intercepter le quatriĂšme corps; mais il ne put y parvenir cinq mille hommes d’infanterie , qui n’avaient ni chevaux pour s’éclairer , ni piĂšces pour se dĂ©fendre, repoussĂšrent constamment les flots de soldats qui se prĂ©cipitaient sur eux, firent tĂȘte a toute cette avant- garde, et se dĂ©gagĂšrent. Davoust suivait; l’ennemi se flattait de prendre sa revanche sur ce marĂ©chal; mais l’empereur y pourvut. Il se dĂ©ploya a la gauche de KrasnoĂŻ, engagea quelques troupes, et fit ouvrir un feu d'artillerie assez bien nourri. Kutusow, effrayĂ© a la vue de quatorze a quinze mille hommes qui couraient aux armes, rappela ses corps dĂ©tachĂ©s le marĂ©chal passa et vint prendre part a l’action. Le but Ă©tait atteint ; le feu se ralentit, et la retraite commença. L’ennemi voulut la troubler ; mais le premier de voltigeurs de la garde repoussa toutes ses attaques la cavalerie, l’infanterie, ni la mitraille, ne purent l’ébranler; il pĂ©rit sur place. Cette hĂ©roĂŻque rĂ©sistance atterra les Russes ; ils cessĂšrent la poursuite. DĂšs que nous Ă©tions hors d’un embarras, nous tombions dans un autre nous avions osĂ©, quatorze a quinze mille que nous Ă©tions, nous mettre en ligne devant les cent vingt mille hommes de Kutusow; nous Ă©tions sortis sans Ă©chec d’une position oĂč nous eussions dĂ» tous ĂȘtre enlevĂ©s; mais nos subsistances, nos derriĂšres n’étaient plus a nous Minsfi avait Ă©tĂ© surpris , l’armĂ©e de Moldavie couvrait la BĂ©rĂ©- sina; Ney Ă©tait encore en arriĂšre jamais notre situation n’avait Ă©tĂ© plus terrible. NapolĂ©on, que cette complication de circonstances mal- 13 . 196 MĂ©moires heureuses Ă©tonnait, expĂ©dia l’ordre de reprendre l’offensive et d’enlever Polotsk le succĂšs lui paraissait facile. ,,Pour peu que le duc de Bel- ,,lune y mette de l’élan, l’entreprise est immanquable ; la qualitĂ© des troupes qu’il commande ,,la garantit. C’est JNey qui m’inquiĂšte; que ,,va-t-il devenir? 41 Ce marĂ©chal Ă©tait en effet dans une position sans exemple ; il fallait toute la valeur, le sang-froid et la persĂ©vĂ©rance de cet intrĂ©pide guerrier pour en sortir; il avait reçu dans la nuit du 16 au 17 la nouvelle du combat d’EugĂšne et du dĂ©part de Davoust ce double Ă©vĂ©nement ne put l’ébranler. ,,Tous „les Cosaques de la Russie, dit-il en l’appre- „nant, ne m’empĂȘcheraient pas d’exĂ©cuter nies ,,instructions; je ne romprai pas d’une semelle ,,quelles ne soient remplies.“ Il acheva ses dispositions et se mit en marche six mille hommes d’infanterie, trois cents chevaux et douze piĂšces de canon composaient toutes ses forces ; il Ă©tait harcelĂ© par les troupes lĂ©gĂšres de l’ennemi qui voltigeaient sur ses flancs; il marchait serrĂ©, prĂȘt a recevoir tout ce qui se prĂ©senterait. A trois heures, son avantgarde atteignit Katowa, et fit halte a la vue du corps de Milloradowitz. Le temps Ă©tait brumeux; on n’apercevait de part ni d’autre quelles forces on avait en tĂȘte Ney franchit un ravin qui le sĂ©parait des troupes ennemies, enfonce la premiĂšre ligne, culbute la seconde, et eĂ»t renversĂ© l’armĂ©e entiĂšre si les ravages de l’artillerie ne l’eussent arrĂȘtĂ©. Il fut contraint de sonner la retraite; mais son attaque avait Ă©tĂ© si impĂ©tueuse qu’on n’osa le suivre. Il alluma des feux de bivouac , comme s’il eĂ»t eu dessein 197 du gĂ©nĂ©rai Iiap/. de s’arrĂȘter la nuit les Russes l’imitĂšrent. DĂšs qu’il eut pris quelque repos, il s’éloigna, rĂ©solu de mettre le BorysthĂšne entre lui et des troupes trop nombreuses pour qu’il pĂ»t les forcer; il s’élança dans l’eau, sur la glace, et gagna la rive opposĂ©e mais de nouveaux pĂ©rils l’y attendaient. Les Cosaques couvraient la plaine, ils nous chargeaient, nous mitraillaient avec fureur. Ney, qui ne pouvait rĂ©pondre a cette canonnade meurtriĂšre , prĂ©cipitait sa marche, dispersant, culbutant tout ce qui osait l’attendre. Il gagnait un bois qui n’était pas Ă©loignĂ©; il allait i’atteindre , lorsqu’une batterie se dĂ©masque et dĂ©sorganise sa colonne. Le soldat chancelle, jette ses armes ; mais le marĂ©chal lui rend bientĂŽt son Ă©nergie ; ses paroles, sa voix, son exemple, enflamment les plus timides on s’élance; les piĂšces fuient; nous sommes maĂźtres dubois. Mais ce taillis n’avait ni routes ni frayĂ©s; il Ă©tait coupĂ© de tant de ravins, semĂ© de tant d’obstacles, qu’on n’en sortit qu’avec des peines infinies presque tout le matĂ©riel y resta. Les Cosaques en devinrent plus pressants ; pendant deux jours ils ne cessĂšrent de renouveler leurs attaques mais eux-mĂȘmes avaient Ă©tĂ© obligĂ©s de faire un dĂ©tour, leurs piĂšces Ă©taient en arriĂšre, ils n’avaient pas d’artillerie; quelques voltigeurs en faisaient justice. ISey touchait a Orsza la nuit Ă©tait avancĂ©e ; il marchait en silence, il se flattait d’ĂȘtre enfin dĂ©gagĂ© tout a coup il aperçoit des feux de bivouac, il dĂ©couvre le camp d’une armĂ©e nombreuse. 11 ne savait s’il devait se rĂ©jouir ou craindre, s il voyait des Français ou des Russes, 198 MĂ©moires lorsque la fusillade le tire de son anxiĂ©tĂ© les reconnaissances sont accueillies a coups de fusil; les dĂ©tonations, les cris, les tambours, se mĂȘlent, se confondent; on eiit dit que nous allions avoir affaire a toute la Russie. Furieux de voir le danger renaĂźtre au moment oĂč il croit en sortir, le marĂ©chal veut s’ouvrir un passage ; il se prĂ©cipite sur ces feux...mais le camp estdĂ©sert; c’est une ruse, un stratagĂšme. Platow nous avait apparemment pris pour les siens ; il avait cru nous effrayer avec des ombres. Le duc dĂ©daigna de suivre quelques Cosaques qui avaient servi a cette fantasmagorie; il poursuivit sa route, et atteignit le quatriĂšme corps trois lieues plus loin. \ du gĂ©nĂ©ral lia///. > 199 CHAPITRE XXXV. Pendant que tout ceci se passait, nous avions quittĂ© KrasnoĂŻ. iNapolĂ©on marchait b pied a la tĂšte de sa garde, et parlait souvent de ÏN'ey ; il rappelait ce coup d’Ɠil si juste et si sĂ»r, ce courage a toute Ă©preuve, enlin tout ce qui le rendait si brillant sur le champ de bataille. ,,11 est perdu. Eu bien ! j’ai 300 millions ,,aux Tuileries, je les donnerais pour qu’il me „fĂ»t rendu.“ Il Ă©tablit son quartier-gĂ©nĂ©ral a Dombrovvna. IN'ous logeĂąmes chez une dame russe qui avait eu le courage de ne pas abandonner sa maison. J’étais de service ce jour-Ta l’empereur me lit appeler vers une heure du matin ; il Ă©tait trĂšs abattu il Ă©tait difficile qu’il ne le fĂ»t pas, tant le tableau Ă©tait affreux. Il me dit ,,i\Ies affaires vont bien mal, ces pau- ,,vres soldats me dĂ©chirent le cƓur; je ne puis ,,cependant y porter remĂšde.“ On cria aux armes, des coups de feu se tirent entendre, tout Ă©tait en rumeur. ,,Allez voir ce que c’est, me ,,dit INapolĂ©on avec le plus grand sang-froid; je ,,suis sĂ»r que ce sont quelques mauvais Cosaques ,,qui veulent nous empĂȘcher de dormir. “ C’était eflectivement une fausse alerte. Il n’était pas content de certains personnages que je m’abstiens de nommer. „Quels rois de théùtre ! sans ,,Ă©nergie, sans courage, sans force morale ! Ai- ,,je pu me mĂ©prendre a ce point? A quels hom- ,,mes je me suis confiĂ© ! Pauvre INey, avec qui ,,t’avais-je appareillĂ©!“ 200 MĂ©moires Nous partĂźmes pour Orsza, nous logeĂąmes chez des jĂ©suites. NapolĂ©on dĂ©sespĂ©rait de revoir l’arriĂšre-garde. Nous n’apercevions plus d’infanterie russe; il Ă©tait probable q’uelle avait pris position elle ne devait rien laisser Ă©chapper. Le lendemain nous poussĂąmes a deux lieues plus loin; nous fĂźmes halte dans un mauvais hameau. C’est la que l’empereur apprit vers le soir l’arrivĂ©e de Ney, et sa jonction avec le quatriĂšme corps. On peut facilement se faire une idĂ©e de la joie qu’il Ă©prouva, et de l’accueil qu’il lit le lendemain au marĂ©chal. Nous arrivĂąmes a Borisow Oudinot avait battu Lambert; les fuyards s’étaient ralliĂ©s Ăą Tchitschacof, et couvraient la rive droite de la BĂ©rĂ©sina. NapolĂ©on devait ĂȘtre inquiet nous n’avions ni Ă©quipages de pont ni subsistances. La grande armĂ©e avançait, Witgenstein approchait, et les troupes de Moldavie nous fermaient le passage; nous Ă©tions cernĂ©s sur tous les points la position Ă©tait affreuse, et n’avait peut-ĂȘtre pas d’exemple. Il ne fallait rien moins que la tĂȘte et le grand caractĂšre de l’empereur pour nous tirer a’un si mauvais pas aucun Français, pas mĂȘme NapolĂ©on, n’eĂ»t dĂ» Ă©chapper. Ce prince s’arrĂȘta un instant Ăą Borisow, donna des ordres pour la fausse attaque qui nous sauva, et s’achemina vers le quartier-gĂ©nĂ©ral d’Oudinot, qui Ă©tait a quelques lieues plus loin. Nous couchĂąmes un peu en deçà, dans une campagne qui appartenait Ăą un prince Radziwill; nous passĂąmes la nuit, le gĂ©nĂ©ral Mouton et moi, sur une poignĂ©e de paille; nous pensions a la journĂ©e du lendemain, nos rĂ©flexions n’étaient pas gaies. Nous nous rend- 201 lia gĂ©nĂ©rai tlapp. mes en route a quatre heures ; nous Ă©tions dans une des calĂšches de l’empereur. ]Nous apercevions les feux des Russes, ils couvraient la rive opposĂ©e ; les bois, les marais en Ă©taient remplis ; il y en avait a perte de vue. La riviĂšre Ă©tait profonde, vaseuse, toute couverte de glaçons; c’était la qu’il fallait la franchir, c’était la qu’il fallait passer ou se rendre nous augurions mal du succĂšs. Le gĂ©nĂ©ral s’expliquait avec franchise; il l’avait souvent fait devant NapolĂ©on, qui le traitait de frondeur, et qui nĂ©anmoins l’aimait beaucoup. Nous arrivĂąmes au quartier-gĂ©nĂ©ral d’Oudi- not; le jour commençaitĂąpoindre; l’empereur s’entretint un moment avec ceinarĂ©chal, mangea un morceau et donna des ordres. Ney me prit en particulier, nous sortĂźmes; il me dit en allemand ,,Notre position est inouĂŻe ; si NapolĂ©on se tire d’affaire aujourd’hui, il faut qu’il ,,ait le diable au corps.“ Nous Ă©tions fort inquiets, et il y avait de quoi, Le roi de Naples vint a nous, et n’était pas moins soucieux. ,,J’ai „proposĂ© a NapolĂ©on, nous dit-il, de sauver sa „personne, dĂ©passer la riviĂšre a quelques lieues ,,d’ici; j’ai des Polonais qui me rĂ©pondraient „de lui, et le conduiraient Ăą Wilna mais il ,,repousse cette idĂ©e, et ne veut pas en entendre parler. Quand a moi, je ne pense pas ,,que nous puissions Ă©chapper.“ Nous Ă©tions tous les trois du mĂȘme avis; Murat reprit ,,Nous y passerons tous; il n’est pas question „de se rendre. 14 Tout en causant, nous aperçûmes l’ennemi fui filait ; ses masses avaient disparu, les feux Ă©taient Ă©teints; on ne voyait plus que la queue 202 MĂ©moires des colonnes qui se perdait dans les bois, et cinq a six cents Cosaques Ă©pars dans la plaine. Nous examinĂąmes avec la lorgnette , nous nous convainquĂźmes que le camp Ă©tait levĂ©. J'entrai chez NapolĂ©on, pii s’entretenait avec le marĂ©chal Oudinot. „Sire, l’ennemi a quittĂ© „saposition. — Cela n’est pas possible/ 1 Le roi de Naples, le marĂ©chal Ney, arrivĂšrent, et confirmĂšrent ce que j’annonçais. L’empereur sortit de sa baraque , jeta un coup d’Ɠil sur l’autre cĂŽtĂ© de la riviĂšre. ,.J’ai mis dedans l’a- ,,mirai il ne pouvait prononcer le nom Tchit- ,,scliacof; il me croit sur le point oĂč j’ai or- ,,donnĂ© la fausse attaque, il court a Borisow." Ses yeux Ă©tincellent de joie et d’impatience; il fit presser l’établissement des ponts, mettre une vingtaine de piĂšces en batterie. Celles-ci Ă©taient commandĂ©es par un brave officier h j jambe de bois, nommĂ© Brechtel ; un boulet ' la lui emporta pendaut l’action, et le renversa. ,,Cherche-moi, dit-il Ăą un de ses canonniers, j „une autre jambe dans le fourgon n° 5.“ Il se l’ajusta, et continua son feu. L’empereur fit passer a la nage une soixantaine d’hommes, sous la conduite du colonel j Jacqueminot. Ils s’avanturĂšrent mal a propos I a la suite des Cosaques ; un d’entre eux fut pris, questionnĂ©, et fit connaĂźtre aux Russes gur quel point se trouvait NapolĂ©on. Tchitscha- cof rebroussa chemin; mais il n’était plus temps NapolĂ©on, sa garde, Ney, Oudinot, et tout ce c[ue ces deux marĂ©chaux conservaient de troupes, avaientpassĂ©. L’amiral, confus d’avoir pris le change, oublia les marais de Lembhn. Le pont qui court pendant cinq quarts de lieue j 203 du gĂ©nĂ©ral Rapp. sur ce terrain fangeux Ă©tait notre seule issue; s’il l’eĂ»t dĂ©truit, il tenait encore nos destinĂ©es dans ses mains mais Witgenstein ouvrait le feu sur la rive gauche ; il occupait la droite, ses soldats nageaient dans l’abondance ; une poignĂ©e d’hommes , qui succombaient sous le faix de la vie devaient ĂȘtre foulĂ©s aux pieds. Il nĂ©gligea le dĂ©lilĂ© , EugĂšne courut s’en emparer; nous Ă©tions sĂ»rs de nos derriĂšres, nous attendĂźmes Tchitschacof. ÎN'ous n’étions pas huit mille, haletant de fatigue et de faim; il avait toute l’armĂ©e de Moldavie l’issue du combat ne lui paraissait pas douteuse. Il s’avance avec l’élan de la victoire; on se mĂȘle, on se confond, la terre est jonchĂ©e de morts. Ney dirige, anime les charges partout les Russes sont enfoncĂ©s. Ils se rallient, ils appellent de nouvelles forces mais Berkeim arrive ; les cuirassiers se prĂ©cipitent sur ces colonnes, tout est taillĂ© en piĂšces. NapolĂ©on Ă©tait entourĂ© de sa garde , qu’il avait mise en bataille a l’entrĂ©e de la forĂȘt; elle Ă©tait encore belle et imposante, deux mille prisonniers dĂ©filaient devant elle ; nous Ă©tions enivrĂ©s d’un si beau rĂ©sultat notre joie fut courte, le rĂ©cit de quelques Russes la calma, Partouneau avait Ă©tĂ© pris , toute sa division avait mis bas les armes un aide-de-camp du marĂ©chal Yictorvint confirmer cette triste nouvelle. NapolĂ©on fut vivement affectĂ© d’un malheur siinattendu. ,,Faut-il aprĂšs avoir Ă©chappĂ© „comme par miracle, aprĂšs avoir complĂštement ,,battu les Russes, que cette dĂ©fection* vienne ..tout gĂąter !“ Ee combat Ă©tait toujours trĂšs vif , sur la 204 MĂ©moires rive gauche; quatre a cinq mille hommes opposaient a l’armĂ©e ennemie une rĂ©sistance opiniĂątre. ,,Allez voir quel est l’état des affaires; „gravissez la rive droite, examinez ce qui se ,,passe sur la gauche , et vous viendrez m’en ,,rendre compte.“ J’allai, je vis des charges d’infanterie et de cavalerie trĂšs brillantes; celles que conduisait le gĂ©nĂ©ral Fournier surtout Ă©taient remarquables par leur ensemble et leur impĂ©tuositĂ©. Mais la disproportion Ă©tait immense, il fallut cĂ©der; les horreurs du pont commencĂšrent il est inutile de reproduire cette scĂšne de dĂ©solation. Nous quittĂąmes les tristes rit Ăąges de la BĂ©rĂ©- sina, oĂč nous avions acquis tant de gloire, et essuyĂ© tant de malheurs; nous nous dirigeĂąmes sur Wilna. On ne s’entretenait , on ne 1 s’occupait alors que de l’arrivĂ©e des Autrichiens ; I le moindre soldat ne rĂȘvait que de Schwarzen- i berg. OĂč est-il? que fait-il? pourquoi ne parait-il pas? Je ne me permettrai aucune rĂ©- flexion sur les mouvements de ce prince, alors j notre alliĂ©. Depuis long-temps nous n’avions pas de I nouvelles de France, nous ne savions pas mĂȘme j ce qui se passait dans le grand duchĂ©; nous j l’apprimes Ăą Malotechno. TNapolĂ©on l'eçut dix- ! neuf estafettes a la fois. C’est lĂ , je crois, qu’il arrĂȘta le projet de quitter l’armĂ©e, mais il ne l’exĂ©cuta qu’a Smorgoni, Ăą dix-huit lieues en avant de Wilna. Nous y arrivĂąmes. L’empereur me lit demander vers les deux heures; il ferma soigneusement les portes de la piĂšce qu’il occupait, et me dit ,,Eh bien, llapp, ,,je pars cette nuit pour Paris; ma prĂ©sence y 205 du gĂ©nĂ©ral Ptapp. „est nĂ©cessaire pour le bien de la Frauce, et ,.mĂšme pour celui de cette malheureuse ar- „mĂ©e. J’en donne le commandement au roi ,,de Naples. 1 “ Je n'Ă©tais pas prĂ©parĂ© a cette confidence ; car j'avoue franchement que je n’étais pas dans le secret du voyage. „Sire, „luirĂ©pondis-je, votre dĂ©part fera une fĂącheuse „sensation parmi les troupes, elles ne s’y attendent pas. — Mon retour est indispensable; „il faut que je surveille l’Autriche , et que je „contienne la Prusse. — J’ignore ce que fe- „ront les Autrichiens; leur souverain est votre fieau-pĂšre; mais pour les Prussiens, vous ne „les retiendrez pas, nos dĂ©sastres sont trop ,,grands; ils en profiteront. 1 ' NapolĂ©on se promenait les mains derriĂšre le dos ; il garda un instant le silence, et reprit „Quand ils me ,,sauront h Paris, qu’ils me verront a la tĂšte de ,,la nation , et de douze cent mille hommes „que j’organiserai , ils y regarderont a deux ,,fois avant de me faire la guerre. Duroc, Cau- „lincourt et Mouton partiront avec moi, Lau- „riston ira a Varsovie, et toi tu retourneras ,,aDantzic; tu verras Ney a Wilna, tu t’arrĂȘteras avec lui pendant au moins quatre jours ; „Murat vous joindra, vous tĂącherez de rallier ,,1’armĂ©e le mieux qu’il vous sera possible. Les „magasins sont pleins, vous trouverez tout en ,,abondance. Vous arrĂȘterez les Russes; tu ferras le coup de sabre avec Ney, s’il est nĂ©cessaire. Il doit avoir actuellement la division „Loyson, qui compte au moins dix-huit mille » hommes de troupes fraĂźches; AVrĂšde lui ara- >,mĂšne aussi dix mille Bavarois; d’autres renforts sont en marche. Vous prendrez des can- 206 MĂ©moires ,,tonnements.“ NapolĂ©on partit. Je reçus des ,,ordres du major-gĂ©nĂ©ral, qui me dit dans une lettre ce que l’empereur m’avait, dĂ©jĂ  dit de vive voix, il me remit en mĂȘme temps une lettre particuliĂšre de ce prince , oĂč il me rĂ©pĂ©tait „Fais tout avec Ney pour rallier l’armĂ©e Ă  „Wilna, restex-y quatre jours au moins; tu te ,,rendras ensuite a Dantxic.“ Je partis le lendemain le froid Ă©tait si vif que, quand j’arrivai a Wilna , j’avais le nez, une oreille et deux doigts gelĂ©s. Je descendis chez le gĂ©nĂ©ral Hogendorp et me rendis de suite au logement du marĂ©chal Ney ; je lui fis part des ordres de NapolĂ©on et de la conversation que j’avais eue avec ce prince au moment de son dĂ©part. Le marĂ©chal fut bien Ă©tonnĂ© des forces qu’il lui supposait , il me i dit ,,J’ai fait tout a l’heure battre la gĂ©nĂ©rale, ,, je n’ai pu rĂ©unir cinq cents hommes tout le „monde est gelĂ©, fatiguĂ©, dĂ©couragĂ©; personne J ,,n’en veut plus. Vous avez l’air souffrant; allez ,,vous reposer, demain nous verrons.“ Le lendemain je me rendis chez lui le roi de Na- j pies venait d’arriver avec la garde ; nous eau- ; sĂąmes beaucoup de notre situation. Ney opinait pour la retraite; il la jugeait indispensable. ,,Elle est forcĂ©e; il n’y a pas moyen de „tenir un jour de plus.“ Il m’avait pas achevĂ©, que le canon se fit entendre les Russes arrivaient en forces; on se battait a une demi-lieue de la. Tout a coup, nous vĂźmes les Bavorais qui rentraient en dĂ©sordre; ils Ă©taient pĂȘle-mĂȘle avec nos traĂźnards la confusion Ă©tait au comble ; ainsi que le disait Ney, il Ă©tait impos- ^ sible de rien faire avec nos troupes. Le roi du gĂ©nĂ©ral Rapp. 207 de Naples vint a nous il se flattait encore d’opposer quelque rĂ©sistance ; mais les rapports qu’il reçut des hauteurs de Wilna le dĂ©trompĂšrent. 11 ordonna sur-le-champ le mouvement rĂ©trograde, et se porta sur le NiĂ©men. „Je vous conseille, me dit ce prince, de partir ,,sans dĂ©lai pour Dantzic, ou votre prĂ©sence ,,va devenir nĂ©cessaire. Le plus lĂ©ger retard „peut vous faire tomber dans les mains des ,,Cosaques ce serait un accident fĂącheux qui ,,ne serait profitable ni Ăą l’armĂ©e ni a l’em- ?,pereur.“ Je suivis ce conseil; je louai deux juifs, qui ma conduisirent jusqu’au NiĂ©men. Mes Ă©quipages, qui avaient heureusement Ă©chappĂ© aux dĂ©sastres, Ă©taient dĂ©jĂ  partis. Nous arrivĂąmes bientĂŽt Ăą cette funeste hauteur oĂč fut abandonnĂ© ce qui nous restait de matĂ©riel. Il nous fut impossible de la monter nos chevaux s’épuisaient en vains efforts, nous les aidions , nous les excitions ; mais le terrain Ă©tait si glissant, si rapide, pie nous fĂ»mes obligĂ©s de renoncer a l’entreprise. Je dĂ©libĂ©rais avec mon aide-de-camp sur le parti qu’il convenait de prendre. Mes IsraĂ©lites me proposĂšrent de suivre un chemin de traverse, qui avait d’ailleurs l’avantage d’ĂȘtre plus court; ils me dirent que je devais m’en rapporter a eux, qu’ils rĂ©pondaient de moi. Je les crus; nous partĂźmes, et le lendemain au soir nous Ă©tions au delĂ  du NiĂ©men. Je sufErais horriblement; mes doigts, mon nez, mon oreille, commençaient a me donner de l’inquiĂ©tude, lorsqu’un barbier polonais m’indiqua un re- mede un peu dĂ©sagrĂ©able, mais qui me rĂ©us- 208 MĂ©moires sit.. J’arrivai enfin a Dantxic le roi de Na- S ’es me suivit a quelques jours de distance; acdonald, que les Prussiens avaient si indignement trahi , venait aprĂšs. „Ce n’est que ,,par miracle, me manda-t-il, que moi, mon „état-major et la septiĂšme division, nous n’avons ,,pas Ă©tĂ© dĂ©truits nous Ă©tions livrĂ©s , nos jambes nous ont sauvĂ©s.“ Il me remit ses troupes , qui furent incorporĂ©es avec celles que j’avais sous mes ordres. Les Russes parurent presque immĂ©diatement. Le gĂ©nĂ©ral Bachelet eut avec eux un engagement des plus vifs. Ils se rĂ©pandirent au tour de la place, et le blocus commença. CU A- du gĂ©nĂ©ral Rapp. 209 CHAPITRE XXXVI. Dantzic semble destinĂ©e a ĂȘtre une place forte baignĂ©e au nord par la Vistule, protĂ©gĂ©e au sud-ouest par une chaĂźne de hauteurs escarpĂ©es, elle est dĂ©fendue dans le reste de son pourtour par une inondation qui s’étend au moyen de deux riviĂšres qui la traversent, la Radaune et la Mottlau. FrappĂ© des avantages d’une position si belle, INapolĂ©on avait rĂ©solu de la rendre inexpugnable ; il avait fait ouvrir des travaux immenses. Des tĂȘtes de pont, des forts, des camps retranchĂ©s devaient la mettre a l’abri d’insultes et dominer le cours du fleuve ; mais le temps avait manquĂ© , et la plupart des ouvrages Ă©taient ou imparfaits ou a peine Ă©bauchĂ©s aucun magasin n’était a l’épreuve de la bombe ; aucun abri assez solide pour que la garnison pĂ»t y ĂȘtre avec sĂ©curitĂ© ; les casemates Ă©taient inhabitables, les logements en ruines et les parapets dĂ©gradĂ©s. Le froid, toujours plus sĂ©vĂšre, avait solidifiĂ© les eaux; et Dantzic, dont l’assiette est naturellement si heureuse et si forte, n’était plus qu’une place ouverte sur tous lespoints. La garnison n’était pas dans un meilleur Ă©tat; elle se composait d'un confus de soldats de toutes armes et de toutes nations; d y avait des Français, des Allemands , des Polonais , des Africains , des Espagnols , des Hollandais, des Italiens. La plupart, Ă©puisĂ©s, malades , s’étaient jetĂ©s a Dantzick faute de 14 210 MĂ©moires pouvoit continuer leur route iis s’étaient flattĂ©s d’y trouver quelque soulagement ; mais, dĂ©pourvu de mĂ©dicaments, de viande, de lĂ©gumes, sans spiritueux, sans fourrages, j’étais obligĂ© de renvoyer ceux qui n’étaient pas absolument incapables d’évacuer la place. NĂ©anmoins il m’en resta encore plus de trente-cinq mille , qui ne fournissaient pas au delĂ  de huit a dix mille combattants encore Ă©taient- ce presque tous des recrues qui n’avaient ni expĂ©rience ni discipline. Cette circonstance Ă  la vĂ©ritĂ© m’inquiĂ©tait peu ; je connaissais nos soldats ; je savais que, pour bien faire, ils n’ont besoin que de l’exemple; j’étais rĂ©solu de ne pas m’épargner. Tel Ă©tait l’état dĂ©plorable oĂč se trouvaient la place et les troupes chargĂ©es de la dĂ©fendre. Il fallait d’abord pourvoir au plus pressĂ©, et nous mettre a l’abri d’insultes ; la chose n’était pas aisĂ©e la neige encombrait les fortifications; elle obstruait tous les chemins couverts, toutes les avenus; le froid Ă©tait extrĂȘme; le thermomĂštre marquait au-delĂ  de v ingt degrĂ©s, et la glace avait dĂ©jĂ  plusieurs pieds d’épaisseur. NĂ©anmoins il n’y avait pas Ă  balancer; il fallait se rĂ©soudre Ă  ĂȘtre enlevĂ© de vive force, ou se soumettre Ă  de nouvelles fatigues presque aussi excessives que celles que nous avions essuyĂ©es. Je me concertai avec deux hommes dont le dĂ©vouement Ă©galait les lumiĂšres c’étaient le colonel Richemont et le gĂ©nĂ©ral Campredon, tous deux attachĂ©s au gĂ©nie, dont le dernier avait le coinmendement. Je donnai l’ordre d’élever de nouveaux ouvrages et de dĂ©gager les eaux de la Yistule. Cette entreprise semblait inexe- 211 du gĂ©nĂ©ral liapp. cutable par une saison aussi l'igoureuse ; nĂ©anmoins les troupes s’y portĂšrent avec leur zĂšle accoutumĂ©, malgrĂ© le froid qui les accablait, elles ne laissaient Ă©chapper ni plaintes ni murmures. Elles exĂ©cutaient les travaux qui leur Ă©taient prescrits avec un dĂ©vouement, une constance au-dessus de tout Ă©loge. Enlin, aprĂšs des peines inouĂŻes, elles triomphĂšrent de tous les obstacles ; la glace, dĂ©tachĂ©e a coups de hache, et poussĂ©e avec des leviers vers la mer, dont le courant augmentait encore l’impulsion, laissa avoir au milieu du fleuve un canal de seize a dix-sept mĂštres de large, dans une Ă©tendue de deux lieues et demie. Mais nous Ă©tions destinĂ©s a voir les difficultĂ©s renaĂźtre a mesure qu’elles Ă©taient vaincues a peine un succĂšs inespĂ©rĂ© avait-il couronnĂ© nos efforts , que le froid se lit sentir avec plus de violence; en une seide nuit, la \ r istule, les fossĂ©s, furent couverts d’une couche de glace presque aussi Ă©paisse que celle que nous avions rompue. En vain des bateaux circulaient sans relĂąche pour entretenir la fluiditĂ© des eaux; ni ces soins, ni la rapiditĂ© du fleuve, ne purent les prĂ©server il fallut reprendre ces travaux qui nous avaient tant coĂ»tĂ©, et qu’un instant avait dĂ©truits. AppliquĂ©s jour et nuit a rompre la glace, nous ne prunes cependant l’empĂȘcher de se tendre une troisiĂšme fois; mais, plus opiniĂątres encore que les Ă©lĂ©ments dĂ©chaĂźnĂ©s contre nous, nos soldats se roidissaient contre les obstacle , et parvinrent enfin Ăą en triompher. Sur tout le reste du front de la place, c’étaient mĂȘme zĂšle et mĂȘmes difficultĂ©s ; la terre, gelĂ©e a plusieurs pieds de profondeur, repous- 14 . 212 MĂ©moires sait la bĂȘche et bravait les ofForts du pionnier; rien ne pouvait dĂ©sunir cette masse compacte; la hache mĂȘme rebondissait. Il fallut recourir au feu pour l’amollir; de grands amas de bois, disposĂ©s de distance en distance, et alimentĂ©s long-temps, furent les seuls moyens qui permirent de faire les terrassements, d’élever les palissades nĂ©cessaires. A force de travail et de persĂ©vĂ©rance, nous exĂźmes encore la satisfaction de voir en Ă©tat de dĂ©fense des ouvrages a peine Ă©bauchĂ©s. Le Holm, Weichselmunde, le camp retranchĂ© de JNeufahrwasser, et cette multitude de forts qui protĂšgent les avenues de Dantzic, furent mis a mĂȘme d’opposer une noble rĂ©sistance ; et si cette ville ne reçut pas le degrĂ© de force dont elle est susceptible , elle fut du moins capable de soutenir un siĂ©gĂ© dont la durĂ©e et les Ă©pisodes ne sont pas ce qui honore le plus les armes Ă©trangĂšres. Ces fatigues Ă©taient au-dessus des forces humaines le bivouac, les privations, un service continuel, les aggravaient encore ; aussi les maladies ne tardĂšrent pas a paraĂźtre. DĂšs les premiers jours de janvier, chaque soleil nous emportait cinquante hommes a la fin du mois suivant, nous en perdions iusqu’a cent trente, et nous comptions plus de quinze mille malades. Des troupes, l’épidĂ©mie Ă©tait passĂ©e aux habitants ; elle faisait parmi eux les plus affreux ravages; ni l’ñge ni le sexe n’étaient Ă©pargnĂ©s ceux qu’assiĂšge la misĂšre, ceux que l’aisance, que le luxe environnent, sont Ă©galement sa proie. Tout succombe, tout pĂ©rit, et le jeune homme qui essaie la vie, et le vieillard qui achĂšve sa carriĂšre le deuil rĂšgne dans toutes 213 du gĂ©nĂ©ral Ilapp. les familles, la consternation est, dans tous les cƓurs. Dantxic, autrefois si animĂ©, plongĂ© maintenant dans un morne silence, n’olĂŻre partout a l’Ɠil attristĂ© que des pompes, que des chars funĂšbres. Le son des cloches, ces catafalques, ces images de la mort, reproduites sous toutes les formes, aggravaient encore une situation dĂ©jĂ  si dĂ©plorable. L’imagination des troupes commençait a s’ébranler; je me hĂątai de couper le mal a sa racine j’interdis ces funĂ©railles solennelles que la piĂ©tĂ© de ceux qui vivent consacre a ceux qui ne sont plus. Je n’avais pas attendu que l’épidĂ©mie fĂ»t dans toute sa force pour la combattre. DĂšs qu’on en eut premiers symptĂŽmes, j’avais fait ouvrir des hĂŽpitaux, acheter des mĂ©dicaments, des lits et tout ce qui est nĂ©cessaire pour cette partie du service une nourriture saine et abondante eĂ»t Ă©tĂ© bien plus efficace; mais nous Ă©tions si mal approvisionnĂ©s, qu’a peine pouvions-nous fournir a une distribution journaliĂšre de deux onces de viande fraĂźche. Un peu de viande salĂ©e, quelques lĂ©gumes secs, composaient tout ce qu’il m’était permis d'offrir a des hommes Ă©puisĂ©s par de longues privations. Cet Ă©tat de choses Ă©tait cruel; je n’y pouvais cependant apporter aucun remĂšde. J’avais inutilement expĂ©diĂ© un bĂątiment pour Stralsund, afin de tirer de la PomĂ©ranie suĂ©doise, que nous possĂ©dions encore, des vivres et des mĂ©dicaments l’aviso chargĂ© de mes dĂ©pĂȘches, assailli par une violente tempĂȘte, fut rejetĂ© sur la cĂŽte. Nous touchions a l’équinoxe, la Baltique Ă©tait dĂ©jĂ  soulevĂ©e par les orages; 214 MĂ©moires il ne fut pas possible de faire une seconde tentative. 11 ne nous restait de ressources que celles du courage ce n’était plus qu’a la pointe de l’épĂ©e que nous pouvions obtenir des subsistances ; mais quel que fĂ»t le dĂ©vouement des troupes, la prudence ne permettait pas de lesyon- duire a l’ennemi, consumĂ©es comme elles Ă©taient par les maladies et la misĂšre. Il fallut se rĂ©signer a son Ă©toile, et attendre patiemment que la douce influence de la belle saison vint rĂ©parer leurs forces ce terme ne paraissait pas Ă©loignĂ©; tous les signes qui l’annoncent se manifestaient dĂ©jĂ . La tempĂ©rature s’était adoucie, les glaces commençaient a fondre, la dĂ©bĂącle Ă©tait prochaine, et l’on se flattait que l’inondation apporterait enfin quelque relĂąche aux fatigues qu’on essuyait; mais ce qui devait soulager nos maux Ă©tait toujours ce qui les portait au comble. La Vistule se dĂ©gagea avec violence depuis 1775, on n’avait pas eu d’exemple d’une telle impĂ©tuositĂ©; la plus belle partie de Dantaic, ses magasins, ses chantiers, devinrent la proie des eaux; la campagne en Ă©tait couverte; elle ne prĂ©sentait, dans une Ă©tendue de plusieurs lieues, que l’affligeant spectacle d’arbres dĂ©racinĂ©s, de maisons dĂ©truites, d’hommes , d’animaux sans vie, flottant pĂȘle-mĂȘle au milieu des glaçons, Notre perte semblait inĂ©vitable tous nos ouvrages Ă©taient dĂ©truits ; nos palissades emportĂ©es, nos Ă©cluses rompues, nos forts entrouverts et minĂ©s par les flots, nous laissaient sans dĂ©fense devant un ennemi nombreux. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 215 ' Nous ne communiquions plus avec le Holm, position si importante et dont les fortifications Ă©taient presque anĂ©anties. L’üle d’Heubude Ă©tait dans un Ă©tat dĂ©plorable; nos postes du Werder, ceux du Nerhung avaient Ă©tĂ© submergĂ©s. Pour comble de maux, nous Ă©tions menacĂ©s, quand la Vistule reprendrait son cours, de voir tarir l’inondation qui couvre habituellement la place. 216 MĂ©moires / CHAPITRE XXXVII. Mais les alliĂ©s secondĂšrent mal les Ă©lĂ©ments cfui combattaient pour eux. Au lieu de venir Ă  nous, ils se consumaient en intrigues misĂ©rables c’était proclamations sur proclamations ; il y en avait pour la magistrature, pour les habitants , pour les soldats. Les uns Ă©taient excitĂ©s a la rĂ©volte, les autres a la dĂ©sertion; les braves Polonais, les Westphaliens, les Bavarois, Ă©taient tour a tour sollicitĂ©s, pressĂ©s, menacĂ©s. Cette guerre de plume m’inquiĂ©ta peu; je connaissais la loyautĂ© de mes troupes, j’a- . vais en elles la plus entiĂšre confiance. Je leur j en donnai la preuve dĂšs que les proclamations ; nous arrivaient, je les faisais lire h la tĂȘte des rĂ©giments, Cette maniĂšre franche leur plut, ! ils m’en surent grĂ© ; ils n’en conçurent que plus de mĂ©pris pour un ennemi qui se promettait d’avoir meilleur marchĂ© de leur honneur j que de leur courage, et souvent ils m’apportaient eux mĂȘmes, sans les avoir lues, cesbel- i les productions du gĂ©nie russe. f Les assiĂ©geants persistaient a se tenir les bras croisĂ©s dans la place ; je les tirais de temps j a autre de la lĂ©thargie oĂč ils Ă©taient plonges, Ces messieurs nous menaçaient hautement d’un assaut; ils avaient mĂȘme, sur la fin de jap- . vier, commandĂ© un grand nombre d’échelles dans les villages du Wherder. Je rĂ©solus de leur faire sentir que nous n’en Ă©tions pas en- j core la le 29, je mis quelques forces en mou- 1 217 du gĂ©nĂ©ral Rapp. vement dans la direction de Brantau ; le gĂ©nĂ©ral Granjean dĂ©boucha de Stries avec quatre bataillons, un peloton de cavalerie, et deux piĂšces de campagne il dispersa dans sa tournĂ©e des partis de Baskirs et de Cosaques. Il prĂ©ludait a une action plus sĂ©rieuse. Je savais que des troupes fraiches Ă©taient arrivĂ©es devant la place, quelles s’étaient rĂ©pandues dans le INerbung , et occupaient en forces Bohnsack et Strie je les fis reconnaĂźtre. Le gĂ©nĂ©ral DetrĂ©es fut chargĂ© de cette expĂ©dition. Il culbuta d’abord tout ce qui se prĂ©senta sur son passage ; mais ses tirailleurs s’abandonnĂšrent trop a la poursuite, et faillirent ĂȘtre victimes de leur tĂ©mĂ©ritĂ© une nuĂ©e de Cosaques fondit sur eux, et les eĂ»t taillĂ©s en piĂšces si le colonel Farine ne les eĂ»t dĂ©gagĂ©s. Nous fĂ»mes moins heureux sur un autre point; nos avant-postes avaient ordre de se tenir sous les armes, d’observer les mouvements de l’ennemi, mais de ne pas engager d’action. Le colonel de Heering, qui commandait a Stolzenberg, ne put se contenir; mal a propos dans la plaine, poussa les CĂŽsaques avec une impĂ©tuositĂ© irrĂ©flĂ©chie ses troupes, surprises dans un dĂ©filĂ©e, ne purent rĂ©sister au choc de la cavalerie, et furent enfoncĂ©es. Cette imprudence nous coĂ»ta deux cents cinquante hommes. L’ennemi s’échauffa ce petit succĂšs lui avait donnĂ© de la confiance. Vers les trois heures de 1 aprĂšs-midi, ses colonnes se prĂ©sentĂšrent devant Larigfuhr , et parvinrent a s’y Ă©tablir. Trente hommes postĂ©s en avant de ce village furent faits prisonniers; ils s’étaient jetĂ©s dans une maison, et avaient opposĂ© une longue rĂ©- 218 MĂ©moires sistance ; la terre Ă©tait jonchĂ©e de morts, mais, ne se voyant point secourus , ils Furent contraints de mettre bas les armes, faute de munitions. Je donnai aussitĂŽt l’ordre de reprendre cette position ; le gĂ©nĂ©ral Granjean so mit en marche avec huit bataillons, quatre piĂšces , d’artillerie, et quelques troupes a cheval l’attaque eut un plein succĂšs, les Russes furent culbutĂ©s et mis en fuite. Ils tentĂšrent de revenir a la charge ; mais, toujours rompus, toujours^ Ă©crasĂ©s par notre cavalerie, ils parurent enfin se dĂ©cider a la retraite. Nous ne tardĂąmes pas a suivre leur exemple le champ de bataille Ă©tait presque Ă©vacuĂ©, lorsque les Napolitains, laissĂ©s a Langfuhr, furent tout a coup assaillis par des nuĂ©es de Cosaques que soutenait une infanterie nombreuse. Le gĂ©nĂ©ral Husson, le commandant Sxembeck , accourent en toute hĂąte avec'un bataillon polonais, chargent l’ennemi a la baĂŻonnette, et en font une boucherie affreuse. Cet Ă©chec calma la pĂ©tulance des alliĂ©s il ne fut plus question d’échelles ni d’assaut. De mon cĂŽtĂ©, je les laissai tranquilles je frĂ©tais pas a mĂȘme de leur donner des alertes bien frĂ©quentes; mes troupes Ă©taient extĂ©nuĂ©es sur pied nuit et jour, consumĂ©es par les maladies, transies de froid, mal vĂȘtues, plus mal nourries encore, elles se soutenaient a peine; rien n’égalait leur misĂšre que la rĂ©signation avec laquelle elles la supportaient. Des soldats, dont le nex, les oreilles Ă©taient gelĂ©s, ou le* blessures encore ouvertes, faisaient gaiement le service des avant-postes. Ouand je les voyais dĂ©filer a la parade alFublĂ©s de peaux, la tete 219 du gĂ©nĂ©ral Rapp. enveloppĂ©e dans des linges, ou marchant a l’aide d’un bĂąton, j’étais touchĂ© jusqu’aux larmes. J’eusse voulu donner quelque relĂąche a des hommes si malheureux, et pourtant si dĂ©vouĂ©s; les Russes ne le souffrirent pas. Ils s’étaient imaginĂ© que leurs proclamations avaient produit tout l’effet qu’ils en attendaient, que nous nous battions entre nous, que le peuplĂ© Ă©tait en rĂ©volte. Ils rĂ©solurent de profiter d’aussi belles circonstances, et de nous enlever. Nous Ă©tions au mois de mars. Le 5, dĂšs la pointe du jour, ils fondent comme des essaims sur nies avant-postes ; ils couvrent, ils inondent toute ma ligne , et se rĂ©pandent par torrents dans les villages quelle renferme. Au bruit d’une aussi brusque attaque, je donne les or- dres nĂ©cessaires et je m’achemine vers Lang- fuhravec le gĂ©nĂ©ral de division Granjean. Nous avions a peine fait quelques pas que nous entendĂźmes battre vivement la charge; c’étaient les chefs de bataillon Claumont et Blaer qui se prĂ©cipitaient a la baĂŻonnette sur une colonne de trois a quatre mille Russes, et la dispersaient. Nous doublĂąmes de vitesse pour les soutenir; mais le choc avait Ă©tĂ© si impĂ©tueux que nous ne pĂ»mes arriver a temps nous touchions au village , lorsque les acclamations des soldats nous annoncĂšrent la victoire. J’accourus pour les fĂ©liciter de ce beau fait d’armes; car c’en Ă©tait un, puisque moins de huit cents hommes avaient fait mordre la poussiĂšre il des masses quadruples d’infanterie et de cavalerie. Ils avaient mĂȘme failli s’emparer des piĂšces trois voltigeurs napolitains coupaient dĂ©jĂ  les traits 220 MĂ©moires des chevaux morts, lorsqu’ils furent chargĂ©s a leur tour et obligĂ©s de lĂącher prise. La fortune nous Ă©tait moins’ favorable sur d’autres points; le gĂ©nĂ©ral Franceschi se maintenait avec peine en avant de Alt-Schottland; il cĂ©dait le terrain, mais en le dĂ©fendant pied a pied il suivait ses instructions, il gagnait du temps. Le brave colones Buthler accourait en toute hĂąte Ăą son secours. A peine parvenus aux premiĂšres maisons du village, les Bavarois se jettent avec impĂ©tuositĂ© sur l’ennemi, le poussent, le chargent Ăą la baĂŻonnette, et parviennent ale contenir; mais pendant qu’ils font face d’un cĂŽte, les Busses les menacent de l’autre. AprĂšs trois attaques infructueuses, ils avaient enlin triomphĂ© de la belle rĂ©sistance du chef de bataillon ClĂ©ment , et s’étaient emparĂ©s de Stolzenberg; ils dĂ©bouchaient dĂ©jĂ  de ce village * et allaient nous prendre en liane. Ce mouvement eĂ»t Ă©tĂ© dĂ©cisif je me hĂątai de le prĂ©venir; je donnai ordre au sixiĂšme rĂ©giment napolitain d’occupersur la droite un monticule qui assurait notre position. Le gĂ©nĂ©ral DetrĂ©es conduisit l’attaque et enleva le plateau au pas de charge; l’ennemi accourut pour le reprendre, mais il ne put y parvenir. Tout couvert de contusions, ses habits criblĂ©s de balles, le colonel Degennero lui opposa une rĂ©sistance invincible, et le força Ăą la retraite. Cependant le gĂ©nĂ©ral Bachelu, avec quatre bataillons sous ses ordres , gravissait les hauteurs a droite de Schidlitx ; tout a coup il fond sur les alliĂ©s, les attaque Ă  revers et les culbute. En vain ils se jettent dans les mai- 221 du gĂ©nĂ©ral Rapp. sons es s’y retranchent ; nos voltigeurs, conduits par le lieutenant Bouvenot et le sous-of- iicier Tarride , enfoncent les croisĂ©es, brisent les portes, tuent, prennent ou dispersent tout ce qu’ils rencontrent , et s’emparent d’une piĂšce d’artillerie un gĂ©nĂ©ral russe animait les siens a la dĂ©fendre ; mais l’impulsion Ă©tait donnĂ©; trois braves, le sous-lieutenent Yanus, le marĂ©chal-des-logis Autresol, et le fourrir Hatuite, s’élancent a la course et s’en emparent. 11 Ă©tait trois heures aprĂšs midi, et les alliĂ©s occupaient encore Schottland et Ohra; malgrĂ© tout son courage le chef de bataillon Boulan n’avait pu les dĂ©loger. Je rĂ©solus d’essayer une seconde fois d’une manƓuvre qui m’avait si bien rĂ©ussi, je les tournai. Pendant que je menais une fausse attaque par la tĂšte de Schottland, le gĂ©nĂ©ral Bachelu masquait sa marche et se portait sur Ohra; il Ă©tait suivi de trois bataillons d’infanterie, de cent cinquante chevaux, et d’une batterie lĂ©gĂšre. iNos troupes bouillaient d’impatience dĂšs quelles entendirent battre la charge, ce furent des cris de joie; elles s’élancent sur l’ennemi, le rompent et le culbutent. Il se rallie et revient a la charge. Riais la mitraille redouble, la baĂŻonnette porte le dĂ©sordre dans ses rangs. 11 fuit, il s’échappe par toutes les issues , et n’en trouve aucune qui ne soit interceptĂ©e. La nĂ©cessitĂ© rĂ©veille son courage, il se recueille, dĂ©bouche, fond sur nous. La mĂȘlĂ©e devient terrible il veut se dĂ©rober y la honte, nos soldats veulent consommer la victoire de part et d’autre on se presse, on se pousse avec fureur. Un adjudant-major du 29 e de ligne, Delondres , s’élance au milieu des 222 MĂ©moires Russes; quelques braves le suivent la mort et la confusion volent sur ses pas; accablĂ© bientĂŽt par le nombre, Ă©puise par de larges blĂ©s- 1 sures, il est obligĂ© de rendre les armes mais ses esprits reviennent, il se remet; l’indigna- i tion lui donne des forces il attaque, amĂšne j son escorte, et vient prendre part a la vie- i toire elle n’était plus disputĂ©e. Nos troupes, accourues au bruit de la fusillade, s’étaient formĂ©es en avant d’Ohra, et avaient ouvert un feu meurtrier l’ennemi en est accablĂ©; il plie, se dĂ©bande, et n’échappe a la mort qu’en invoquant la clĂ©mence du vainqueur. Dans un instant les rues sont jonchĂ©es de morts. Cinq cents hommes mirent bas les armes la plupart Ă©taient de cette armĂ©e de Moldavie que nous avions presque dĂ©truite au pas- sage de la RĂ©rĂ©sina. L’ennemi fuyait sur tous les points. Dans le Nerbung, a Neufahrwasser, partout il avait expiĂ©, par la dĂ©faite les succĂšs que la surprise lui avait donnĂ©s. Le major NougarĂšde n’avait eu qu’a paraĂźtre pour disperser des nuĂ©es de Cosaques qui s’escrimaient sans succĂšs contre de faibles postes napolitains que nous avions sur les derriĂšres. Des postes de dragons donnĂšrent la chasse aux Russes qui s’étaient portĂ©s en avant de Saspe, et enlevĂšrent Brasen, Nous occupions de nouveau les positions I tpie nous tenions avant l’attaque malheureusement elles nous coĂ»taient assez cher. Nous avions six cents hommes hors de combat; il est vrai que la plupart se de leurs blessures. De ce nombre Ă©taient le major lloradam, le colonel d’EglofĂŻstein et le gĂ©nĂ©- du gĂ©nĂ©ral Rapp. 225 rai Devilliers, qu’on verra si souvent figurer dans ce rĂ©cit. L’ennemi avait Ă©tĂ© bien plus maltraitĂ© deux mille des siens Ă©taient couchĂ©s dans la poussiĂšre; nous avions onze a douze cents prisonniers dans nos mains, et une piĂšce d’artillerie. Cette journĂ©e fut une des plus belles du siĂšge; elle Ă©tait un nouvel exemple de ce que peuvent le courage et la discipline. Sous les murs de Dantzic comme au passage de la BĂ©- rĂ©sina, consumĂ©s par la misĂšre ou les maladies, nous Ă©tions toujours les mĂȘmes; nous paraissions sur le champ de bataille avec le mĂȘme ascendant, la mĂȘme supĂ©rioritĂ©. 224 MĂ©moires CHAPITRE XXXVIII. i Les Russes devaient ĂȘtre satisfaits. Il n’était pas probable qu'ils revinssent de sitĂŽta la charge. Cependant la journĂ©e du 5 m'avait convaincu j de la nĂ©cessitĂ© de diverses mesures que je rĂ©pu- j gnais a prendre. Ils n’avaient pĂ©nĂ©trĂ© jusqu’aux pieds de Eichofsberg, oĂč le colonel Figuier exerçait une surveillance sĂ©vĂšre, qu’a la faveur d’un ancien couvent de capucins ce voisinage Ă©tait trop dangereux, je lis abattre le vieil ! Ă©difice. On retrancha aussi quelques maisons dans diffĂ©rents villages, et surtout a Schottland. Nous ne l’avions repris qu’avec beaucoup de peine; la rĂ©sistance avait mĂȘme Ă©tĂ© si opiniĂątre i qu’il fut un instant question de l’incendier. Je rejetai ce moyen cruel ; je ne pus pas me rĂ©sou- I dre a ruiner des habitants qui avaient dĂ©jĂ  tant j souffert pendant le premier siĂšge. Je trouvai 1 1 lus honorable de chasser les Russes a coup de jaĂŻonnettes, et j’y rĂ©ussis; mais je ne voulais pas courir de nouveau cette chance pĂ©rilleuse. Cependantl’épidĂ©inie Ă©taitloin dese calmer. Elle semblait au contraire prendre chaque jour de nouvelles forces. Six mille hommes avaient dĂ©jĂ  pĂ©ri, dix-huit mille gisaient sans vie dans les hĂŽpitaux. Le gĂ©nĂ©ral Franceschi, que la mort avait Ă©pargnĂ© sur tant de champs de bataille, venait de succomber. Chaque heure, chaque minute augmentait nos pertes, nous emportait nos plus vaillants soldats. Une nourriture substantielle les eĂ»t sauvĂ©s; mais nos 225 du gĂ©nĂ©ral Rapp. provisions touchaient a leur terme. Nous n’avions plus, pour ainsi dire, ni viande ni bestiaux ; la paille mĂȘme nous manquait pour coucher nos malades. Je rĂ©solus de chercher quelque remĂšde aux maux qu’enduraient tant de braves. La tentative Ă©tait pĂ©rilleuse, mais ils mĂ©ritaient bien qu’on s’exposĂąt a quelques dangers pour les secourir. Depuis long-temps je projetais une expĂ©dition sur Quadendorf, oĂč. l’on supposait d’abondantes ressources. Je l’avais diffĂ©rĂ©e jusque-la, parce que les troupes dont je disposais me paraissaient insuffisantes; mais la nĂ©cessitĂ© parlait plus haut que toutes ces considĂ©rations je n’hĂ©sitai plus. Le gĂ©nĂ©ral Devilliers couronna les hauteurs de Wonneberg et de Pitx- kendorf, la droite appuyĂ©e a Zigangenberg, et la gauche soutenue par la brigade du gĂ©nĂ©ral Husson. Il ouvrit sans dĂ©lai un feu roulant d’artillerie et de mousqueterie. Pendant que l’ennemi ripostait de son mieux a cette vaine fusillade, le gĂ©nĂ©ral Heudelet dĂ©bouchait par la vallĂ©e de Malzklau et enlevait le poste chargĂ© de la dĂ©fendre. Le gĂ©nĂ©ral Ba- chelu marchait en tĂȘte. Douxe cents hommes, six piĂšces de canon conduites par le gĂ©nĂ©ral Gault, s’avançaient en seconde ligne et formaient la rĂ©serve. Cinq cents Russes voulurent nous interdire l’entrĂ©e de Borgfeld. Ils furent foulĂ©s aux pieds. Ce qui Ă©chappa a la baĂŻonnette alla pĂ©rir sous le tranchant du sabre tous reçurent la mort. L’ennemi accourut avec les masses et ne fut pas plus heureux. AccablĂ©, rompu avant d’ĂȘtre en dĂ©fense , il ne trouva de salut que dans la fuite. Ses piĂšces MĂ©moires 22t> ne purent se mettre en batterie ; poursuivies sans relĂąche, elles furent contraintes de vider le champ de bataille sans avoir tirĂ© un seul coup. Les polonais Ă©taient irrĂ©sistibles chefs et soldats, tous fondaient sur les Russes avec un abondon, une audace dont on n’a pas d’exemple. Un tambour, le brave Mattuzalik, en terrassa un avec ses baguettes, et le força a se rendre. Pendant que nous les chassons devant nous, le gĂ©nĂ©ral Heudelet menace leurs derriĂšres. DĂšs qu’ils s’aperçoivent de ce mouvement, ce n’est plus .une fuite, c’est un dĂ©sordre, une ! confusion dont il est difficile de se faire une' image. Ils abandonnent leurs blessĂ©s, leurs ! hĂŽpitaux; ils Ă©vacuent en toute bĂąte Schweis- koplf, Saint-Albrecht, et ne s’arrĂȘtent qu’au- deßù dePraust, oĂč nos voltigeurs entrent pĂȘle- mĂȘle avec eux. En arrivant a Saint-Albrecht, j’appris que t les Russes tenaient encore sur les digues de la Mottlau. Je fis des dispositions pour empĂȘcher qu’ils ne fussent secourus pendant fixe nous irions les chercher. Le major Scifler- litz, avec un bataillon du 13 e bav arois, soutenu par une compagnie de Westphaliens et la flottille, fut chargĂ© de cette attaque. Elle eut lieu avec beaucoup d’ensemble et d’impĂ©tuositĂ© trois cents Russes furent couchĂ©s dans lapons- siĂšre avec leur chef, tombĂ© sous les coups du brave Zarlinwski ; le reste fut noyĂ© ou pns. Une centaine s’échappait Ăą travers l’inondation, lorsqu’ils furent atteints parle lieutenant I'aber, q T ui les chargea a la tĂȘte de quelques braves, ayuvnt de l’eau jusqu’au cou, et les ramena. T n 227 du gĂ©nĂ©ral Rapp. enfant, le jeune Kern, enflammait nos soldats; devance, il les excite, il se jette au plus Ă©pais de la mĂȘlĂ©e. Ses camarades balancent, hĂ©sitent Ă  le suivre. Il se retourne avec l’assurance que donne le courage En avant, Bavarois, s’écrie-t-il, et il les enlĂšve. Le jour tombait. Les Russes montrĂšrent des troupes si nombreuses en avant de Quaden- dorf, que je ne jugeai pas a propos de continuer l’attaque. Nous rentrĂąmes aprĂšs avoir causĂ© a l’ennemi une perte immense v et lui avoir pris trois cent cinquante hommes. Ce fut presque l’unique rĂ©sultat d'une sortie si brillante. A peine si elle nous valut une centaine de bestiaux. Nous avions Ă©tĂ© prĂ©venus tout ce que renfermaient les villages avait Ă©tĂ© Ă©vacuĂ© sur les derriĂšres. IndĂ©pendamment des subsistances, j’avais un autre objet qui ne me rĂ©ussit pas mieux. Depuis le commencement du blocus j’étais sans communication avec l’armĂ©e française; je ne savais ni quelle Ă©tait sa force, ni avec quelle fortune elle combattait. J’avais tout mis en Ɠuvre pour obtenir quelques lumiĂšres a cet Ă©gard; mais la haine Ă©tait si gĂ©nĂ©rale et si profonde qu’aucune sĂ©duction n’avait pu la vaincre. J espĂ©rais que les bourgmestres seraient plus dociles, mais ils ne connaissaient que les bruits l’}’°pagĂ©s par les Russes. Je restai plongĂ© dans 1 ignorance la plus complĂšte sur ce qui se passait autour de moi. AprĂšs tout, quels que fussent les Ă©vĂ©nements, il fallait dĂ©fendre la place, et ladĂ©fen- ^e le plus long-temps possible, c’est-a-dire quil fallait vivre le plus long-temps possible 16 . 228 MĂ©moires avec les ressources que nous possĂ©dions encore. Je redoublai d’économie, et, comme on gagne presque toujours a mettre ses idĂ©es en coin- I mun je crĂ©ai une commission qui fut exclusivement chargĂ©e des subsistances. Elle Ă©tait sous la prĂ©sidence du comte Heudelet, et ren- i dit les plus grands services. Elle s’appliqua d’une maniĂšre spĂ©ciale a amĂ©liorer la situation des hĂŽpitaux. Elle lit des achats de linge, de mĂ©dicaments, et remplaça le beurre, qu’on ne trouvait plus,, par de la gĂ©latine. Le vin, la viande fraĂźche , furent rĂ©servĂ©s aux malades; et, afin qu’ils n’en manquassent pas, elle saisit, aprĂšs une estimation contradictoire, les j caves et les bestiaux qui se trouvaient dans la ' place. Les troupes ne reçurent plus que du cheval obtenu par la mĂȘme voie. Mais toute la sollicitude de la commission ne put maĂźtriser l’épidĂ©mie on eĂ»t dit que ce flĂ©au cruel s’irritait des obstacles. Toujours plus violent, plus irrĂ©mĂ©diable, il Ă©clatait avec une nouvelle force dans les lieux qu’il avait dĂ©jĂ  frappĂ©s , et envahissait ceux qui ne le connaissaient pas encore. Weichselmilnde, INewfahr- wasser, jusjue la h l’abri de ses atteintes , sont maintenant en proie a ses ravages, lies troupes , la population, d’une extrĂ©mitĂ© de nos lignes a l’autre, se dĂ©bat dans les angoisses d’une maladie cruelle. Ceux qui Ă©chappent; ceux qui succombent, sont Ă©galement dignes de pitiĂ©. LivrĂ©s a toutes les convulsions de la dĂ©mence, ils pleurent, ils gĂ©missent, ils * rappellent des combats, des plaisirs qui ne sont dĂ©jĂ  plus que des songes. TantĂŽt calmes, tantĂŽt furieux, ils redemandent leuf 229 du gĂ©nĂ©ral Rapp. patrie, leur pĂšre, les amis de leur enfance; ils invoquent, ils repoussent, la destinĂ©e des braves qui ne sont plus, et, tour a tour dĂ©chirĂ©s par des passions contraires, ils exhalent un reste de vie dans les horreurs du dĂ©sespoir. Plus on prodigue les remĂšdes, plus les souffrances sont aiguĂ«s. Le mal s’étend par les efforts mĂȘmes qu’on fait pour le dĂ©truire. Chaque jour de la derniĂšre quinzaine de mars nous emporta au dĂ©fia de deux cents hommes. .L’épidĂ©mie cessa peu a peu d’ĂȘtre aussi meurtriĂšre. Ce ne fut cependant qu’a la fin de mai qu’on en triompha tout-a-fait. Elle nous avait a cette Ă©poque enlevĂ© cinq mille cinq cents habitants, et douze mille braves. De ce nombre Ă©tait le gĂ©nĂ©rai Cault, excellent officier, soldat plein de courage, il mĂ©ritait un meilleur sort. Les maladies nous faisaient la guerre au profit des Russes; mais eux-mĂȘmes nous inquiĂ©taient peu. L’expĂ©dition de Borgfeld avait amorti leur courage; ils se retranchaient, ils se fortifiaient, ils n’étaient plus occupĂ©s que de mesures dĂ©fensives. Cependant comme il fallait bien donner quelque signe de vie, ils cherchaient de temps a autre a surprendre mes avant-postes. FatiguĂ© de ces attaques insignifiantes, je voulus leur rendre les insomnies S u’ils nous causaient. Ils avaient au-dessus de rentau un signal qui m’en fournissait les moyens. Il ne s’agissait que de l’incendier; j’en confiai le soin a deux efficiers dont l’intelligence et la rĂ©solution m’étaient connues. C’é- taientles chefs de bataillon Zsembeket Potocki. Ils sortent de Langfuhr par une nuit obscure, et marchent long-temps sans ĂȘtre aperçus. Des 230 MĂ©moires coups de fusil leur apprennent enfin qu’ils sont dĂ©couverts; alors ils fondent sur l’ennemi et le renversent. Potocki s’avance sur Brentau, et disperse Ă»ne infanterie nombreuse qui s’oppose a son passage. Une quarantaine d’hoxmnes se jettent dans une espĂšce de blockaus. Un voltigeur les suit et les somme de mettre bas les j armes ; il reçoit la mort. Les Polonais furieux j inondent aussitĂŽt la redoute et exterminent tous les Russes qu’elle renferme. Pendant que ces choses se passaient au village, Zsembeck s’emparait du signal d’alarmes. Il le livre aux flammes, et descend aussitĂŽt dans la plaine ; il culbute, il taille en piĂšces I les postes qui se trouvent sur son passage, et pousse jusque sous les murs d’Oliwa, oĂč il lance quelques obus. En mĂȘme temps le brave De- villain, marĂ©chal-des-logis au huitiĂšme , balaie , avec une douzaine de hussards, toute cette partie de nos avant-postes. Il charge avec tant de rĂ©solution, qu’il Ă©tonne les Cosaques et les enfonce. Le succĂšs l’enhardit; il se rĂ©pand sur la droite, reconnaĂźt, fouille le bois, et ne joint nos troupes qu’au moment oĂč elles se retirent. Cependant tous les signaux Ă©taient en feu. L’annĂ©e russe courait aux armes et s’attendait d’un instant a l’autre a se voir attaquĂ©e ; elle passa dans cette attitude le reste de la nuit et I ta journĂ©e du lendemain. Nous lui rendĂźmes en masse les alarmes qu’elle nous avait donnĂ©es en dĂ©tail. L’horizon politique devenait chaque jour plus sombre. La Prusse arait jetĂ© le masque; elle nous faisait la guerre par insurrection. 231 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Cet Ă©vĂ©nement ne pouvait ĂȘtre cachĂ© aux soh dats; les Russes avaient trop intĂ©rĂȘt de les en instruire. Aussi ne mis-je aucun obstacle a ce qu’il fut divulguĂ©. AussitĂŽt les sĂ©ductions recommencĂšrent. On croyait le moral de nos troupes Ă©branlĂ©. La disproportion des moyens d’attaque et de dĂ©fense, l’argent, les promesses, tout Ă©tait mis en oeuvre pour les engager a la dĂ©sertion. On offrait uhe prime a la honte; je pouvais bien en proposer une a la fidĂ©litĂ©. J’annonçai deux cents francs de gratification pour quiconque livrerait un homme convaincu d’embauchage. Cette mesure eut son efFet. La plupart des Ă©missaires que les assiĂ©geants avaient dans la place me furent signalĂ©s. D’aprĂšs nos lois ils avaient encouru la peine de mort, mais les hommes sont en gĂ©nĂ©ral moins mĂ©chants que malheureux. Presque tous Ă©taient des pĂšres de famille qui avaient cĂ©dĂ© a la nĂ©cessitĂ©. Je les livrai a la risĂ©e de nos soldats, je leur fis raser la tĂȘte, et les renvoyai. Cette mesure les retint che^ eux; j’en fus dĂ©livrĂ© sans recourir aux exĂ©cutions. La garnison paraissait peu inquiĂšte du surcroit d’ennemis qu’on lui annonçait. Cependant j’étais bien aise qu’elle jugeĂąt par elle- mĂȘme de quoi elle Ă©tait encore capable. Nous touchions aux fĂȘtes de PĂąques. .La tempĂ©rature Ă©tait douce, le ciel sans nuages. J’indiquai une revue; elle eut lieu a la face de l’armĂ©e de siĂšge. DĂšs la pointe du jour les habitants, les malades mĂȘme couvraient les hauteurs de Langfuhr ; ils se rĂ©pandent sur les gla- Cls , les avenues, et couronnent tous les revers de la plaine qui sĂ©pare Stries d’Oliwa. 232 MĂ©moires Les troupes ne tardent pas a paraĂźtre. Sept mille hommes suivis d’une artillerie nombreuse, tous en tenue magnifique v viennent successivement se ranger en bataille. Ils manƓuvrent, ils dĂ©filent avec une prĂ©cision dont rien n’approche. Les Russes, Ă©tonnĂ©s de tant d’assurance, n’osent nous troubler formĂ©s eux-mĂȘmes en bataille, ils contemplent nos mouvements sans y mettre aucun obstacle. Cependant l’occasion Ă©tait belle, aucune arme n’était chargĂ©e; j’avais spĂ©cialement dĂ©fendu qu’on fit usage de cartouches. La baĂŻonnette seule devait les punir s’ils Ă©taient assez tĂ©mĂ©raires pour se permettre la moindre insulte. Cette mesure Ă©tait peut-ĂȘtre un peu audacieuse, mais il fallait exalter le courage du soldat et le convaincre du mĂ©pris que mĂ©ritait la jactance Ă©trangĂšre. du gĂ©nĂ©ral Happ. 233 CHAPITRE XXXIX. AprĂšs avoir paradĂ©, il s’agissait de vivre ; la chose Ă©tait moins aisĂ©e. L’ennemi avait fouillĂ© tous les villages et n’y avait laissĂ© ni fouri'ages ni bestiaux ; plus de ressources, a moins de les chercher a une distance de plusieurs lieues. J’en avais fait l’expĂ©rience a Borgfeld, aussi je pris mes mesures en consĂ©quence. Je m’étais procurĂ© des renseignements exacts sur les facilitĂ©s et les obstacles que prĂ©sentait une expĂ©dition dans le Nehrung; je connaissais le nombre , la position des troupes et leur parfaite sĂ©curitĂ©. Je fis mes dispositions. Douze cents hommes d’élite, trois cent cinquante chevaux, une compagnie d’artillerie lĂ©gĂšre avec huit bouches a feu, conduits par le gĂ©nĂ©ral Bachelu, s’avancĂšrent surHeubude. L’ennemi culbutĂ© cherche vainement a dĂ©fendre Bohnsack. BachelĂŒ" ne lui donne pas le temps de se reconnaĂźtre ; il le pousse , l’enfonce et le rejette en dĂ©sordre jusqu’à Woldern. Ses principales forces occupaient ce village. PrĂšs de cinq mille hommes l’accueillent et le soutiennent; mais, toujours emportĂ©es par le mĂȘme Ă©lan , nos troupes arrivent a la course et ne souffrent pas qu’il se dĂ©ploie. Elles commencent aussitĂŽt l’attaque une partie se rĂ©pand en tirailleurs sur les dunnes et dans la plaine, l’autre reste en ligne et ouvre un feu meurtrier. Nos piĂšces , notre cavalerie accourent et consomment la dĂ©route. Elle fut si prompte 254 MĂ©moires et si entiĂšre que l'artillerie n’essaya pas de tirer un seul coup ; elle s’échappa en toute lnite du champ de bataille. Une colonne de Lithuaniens osa faire tĂȘte a l’orage. Le colonel Farine s’élança sur elle avec ses dragons et la contraignit de mettre bas les armes. La rĂ©- serve Ă©tait encore intacte. Le brave Redon marche a elle, il l’épie, il saisit l’instant oĂč elle se retire, la charge et la fait prisonniĂšre ; en mĂȘme temps le capitaine Neumann se met a la piste des fuyards ; il vole de la gauche a la droite, sĂšme partout le dĂ©sordre et ramasse, avec une poignĂ©e de soldats , quelques centaines d’alliĂ©s qu’il oblige a se rendre. Cet avantage lui coĂ»ta deux blessures. Le sous-lieute- nant Schneider fut encore plus maltraitĂ© et reçut a lui seul douze coups de lance. J’avais suivi de ma personne le mouvement du gĂ©nĂ©ral Bachelu; je m’avençai jusqu’à Wol- dern. Mais les Russes fuyaient dans un tel dĂ©sordre qu’il me jjarut inutile d’aller plus loin. Les troupes qui les avaient battus suffisaient pour les poursuivre. DĂšs que j’appris qu’elles les avaient poussĂ©s a plus de douze lieues de distance, j’arrĂȘtai leur marche. Files prirent position , et se mirent a enlever les fourrages et les bestiaux qui se trouvaient dans les lieux dont elles s’étaient emparĂ©es. La rĂ©serve que j’avais avec moi Ă©tait devenue inutile, par la promptitude et l’habiletĂ© avec laquelle le gĂ©qĂ©ral Bachelu avait con- dĂŒit cette expĂ©dition ; je lui fit passer la Vis- tult". Elle dĂ©barqua en avant du fort Lacoste, et se porta siĂŻr la digue que l’ennemi occupait encore. En mĂȘme temps les chaloupes 235 du gĂ©nĂ©ral Rapp. canonniĂšres remontaient le fleuve et commençaient l’attaque. Les Russes plient aussitĂŽt et se dĂ©bandent. Nous nous rĂ©pandĂźmes sans obstacle dans toute l’étendue du Werder. Nous restĂąmes quatre jours dans ces diverses positions. Le gĂ©nĂ©ral Bachelu fouillait sur la rive droite la partie du Nehrung qu’il avait envahie, tandis qu'a l’aide de nos canots nous tirions de la rive gauche toutes les ressources qu’elle nous offrait. Cinq cents bĂȘtes a cornes , quatre cents tĂȘtes de menu bĂ©tail, douxe cents quintaux de foin, huit cents de paille et deux mille trois cents dĂ©calitres d’avoine, furent le rĂ©sultat de cette expĂ©dition. L’ennemi essaya d’en intercepter les convois; mais le sang-froid , l’habiletĂ© du lieutenant IloĂ©- kinski et du commissaire des guerres Belisal triomphĂšrent de tous les obstacles. Les agressions des Russes tournĂšrent mĂȘme a notre avantage et nous valurent encore une centaine de bƓufs que l’intrĂ©pide BrĂ©linski leur enleva aprĂšs les avoir dĂ©faits*. L’armĂ©e de siĂšge ne chercha pas a nous troubler. Immobile dans ses lignes, elle ne paraissait occupĂ©e que des dĂ©monstrations que faisaient nos troupes du cĂŽtĂ© de Langfuhr et du Neuschottland. Son inquiĂ©tude Ă©tait si vive , que le bruit d’une grosse pluie lui donna le change; elle se crut attaquĂ©e, mit le feu a ses signaux de gauche, et jeta i’alarme jusqu’à Pitxkendorf. Nous avions ravitaillĂ© nos hĂŽpitaux; car pour nous-mĂȘmes, notre situation n’était pas changĂ©e. Deux onces de cheval, une onxe de bƓuf salĂ©, voila quelle Ă©tait toujours la ration journaliĂšre. A mesure que je sortais d’un embar- 236 MĂ©moires ras, je tombais dans un autre, Je m’étais procurĂ© quelques subsistances, mais la caisse Ă©tait Ă©puisĂ©e; elle n’avait pu faire face au montant j des comestibles que nous avions enlevĂ©s. J’a- ! vais Ă©tĂ© obligĂ© d Ă©mettre des bons payables au dĂ©blocus. Cependant il fallait assurer la solde, couvrir les dĂ©penses de l’artillerie , du gĂ©nie, sans quoi la place tombait d’elle-mĂ©me. A quel expĂ©dient, quel moyen avoir recours dans cette extrĂ©mitĂ©? Il n’y en avait qu’un. Je rĂ©pugnais a le prendre; mais tout plie devant la nĂ©cessitĂ© je demandai un emprunt de trois millions aux habitants. Les Dantxicois Ă©taient rĂ©voltĂ©s. Ils se plaignaient, ils murmuraient, ils menaçaient de se porter a quelque Ă©meute. L’ennemi devenait plus pressant. La flotte, les troupes de terre, tout prĂ©nait une attitude plus hostile. Ce fut dans ces circonstances qu’un baron Servien, condamnĂ© a mort pour embauchage, accusa le sĂ©nateur Fiegelau d’ĂȘtre a la tĂȘte d’une conspiration tramĂ©e dans l’intĂ©rĂȘt de la Russie. La rĂ©putation de ce magistrat Ă©tait intacte, mais les charges Ă©taient si dĂ©taillĂ©es, si prĂ©cises, et les consĂ©quences d’une imprudente sĂ©curitĂ© si graves, que j’ordonnai son arrestation. Son innocence fut bientĂŽt reconnue j’avais un instant compromis la loyautĂ© de cet homme respectable; c’était a moi a lui rendre hommage. Je le fis de la maniĂšre qui me parut la plus propre a calmer l’impression de cette cruelle aventure. Les bourgeois Ă©taient restĂ©s paisibles , et les frĂ©quentes escarmouches qui m’avient paru si suspectes Ă©taient dues au surcroĂźt des troupes qui se succĂ©daient devant la place. Le duc de 237 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Wurtemberg venait d’en prendre le commandement. Plus entreprenant, plus inquiet que le gĂ©nĂ©ral LĂ©vis, il ne laissait pas inspirer mes avant-postes j Ă©chouait-il sur un point, il en assaillait un autre. RepoussĂ© a Langfuhr, mis en fuite a Zigangenberg, il se jette sur Ohra. Aussi mal reçu dans cette position que dans les premiĂšres, il n’en revient pas moins a la charge; il attaque a la fois Stolzenberg, Schidlitz et le poste de la barriĂšre culbutĂ© sur tous ces points , il reparaĂźt de nouveau ; de nouveau, ils est dĂ©fait. Aucun Ă©chec ne le rebute , il tente un dernier effort; il fond avec la nuit sur mes troupes, qui se remettaient de leurs fatigues, et surprend quelques maisons qu’il livre aux flammes. Mais a la vue des deux bataillons qui courent aux armes , il se trouble et se disperse. Les patrouilles, les vedettes, Ă©taient continuellement aux prises. Ces combats, oĂč le courage individuel est plus sensible , Ă©taient tout a notre avantage. Les Cosaques n’y brillaient ! >as. Trois d’entre eux se rĂ©unissent pour accabler un dragon du 12 e , nommĂ© DrumĂšs; ce brave les attend de pied ferme. RenversĂ© d’un coup de lance, il se relĂšve, se cramponne au fer, tire a lui son adversaire et l’étend mort sur la place. HĂ©quet, autre dragon du mĂȘme rĂ©giment, fait tĂȘte a quatre de ces barbares. Quoique blessĂ©, il en renverse un, en abat un autre, et met le reste en fuite. Je pourrais citer nulle traits de ce genre. Ces agressions continuelles fatiguaient mes soldats ; je ne devais pas souffrir qu’ils fussent 238 MĂ©moires insultĂ©s par des Cosaques. Nous primes les armes le gĂ©nĂ©ral Grau jean commandait la droite, le gĂ©nĂ©ral JDevilliers Ă©tait au centre, et la gauche obĂ©issait au comte Heudelet. L’apparition inopinĂ©e de nos colonnes glaça l’ennemi d’effroi. Ses chevaux paissaient librement dans la plaine; son infanterie Ă©tait paisible dans ses camps. Il ne s’attendait pas il cette ] attaque. Au moment oĂč nous commencions a nous Ă©branler je reçois la nouvelle authentique des immortelles victoires de Lutzen et de Bautzen; je la communique, je l’annonce, je la rĂ©pands. Lajoie, l’ivresse , l’enthousiasme, sont au comble; tous les sentiments s’échappent a la fois ; il tarde de combattre ; on brĂ»le de vaincre. De la gauche a la droite le cri d'en avant retentit partout. Le signal est donnĂ©. AussitĂŽt l’artillerie se dĂ©masque ; on se mĂȘle, on se confond; la terre est jonchĂ©e de morts. ! Le capitaine Preutin foudroie l’ennemi et ! l’oblige d’évacuer Schcenfeld. L’artillerie a che- val polonaise accourt au galop, se place Ă  demi- portĂ©e et renverse tout ce qui se trouve devant elle. Le major Bellancout, le chef de bataillon Duprat, poussent, accablent les fuyards , ils les dispersent a mesure qu’ils se rallient. Culbute au centre, l’ennemi se jette sur la gauche et menace Ohra. Le major Schneider lui oppose une rĂ©sistance opiniĂątre. Cet excellent ofilcier j se dĂ©fend sur un point, attaque sur un autre, et compense par son courage la faiblesse des moyens dont il dispose. Le gĂ©nĂ©ral Bressau, le gĂ©nĂ©ral Husson, volent a son secours. Les Russes Ă©crasĂ©s ne peuvent faire tĂȘte Ăą l’orage; i 239 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ils fuient et ne s’arrĂȘtent que sur les hauteurs en arriĂšre de Wonneberg. BientĂŽt ils se ravisent et fondent sur notre aile droite ; elle les reçoit avec une admirable rĂ©solution. Le colonel d’EnglofĂŻstein, le major Horadam, le lieutenant- colonel Hope, combattent a l’ern i l’un de l’autre. Le sergent Vigneux, le sergent Auger, donnent aussi l’exemple du courage. J’accours au milieu de cette lutte sanglante; je fais avancer le 10 e polonais avec cinq piĂšces d’artillerie qui Ă©taient en rĂ©serve. La mĂȘlĂ©e s’échauffe et devient de plus en plus terrible. Les ' Russes cĂšdent enfin ets’échappent en dĂ©sordre ducamp de Pitzkemlorf. Je ne jugeai pas a propos de les suivre a chaque jour suffit sa peine. Ils avaient environ dix huit cents hommes hors de combat. Je fis cesser le feu. De notre cĂŽtĂ© nous comptions quatre cents morts ou blessĂ©s. Les alliĂ©s vaincus dans deux batailles consĂ©cutives, avaient sollicitĂ© un armistice. La guerre avait Ă©tĂ© reportĂ©e sur l’Oder. Nous Ă©tions de nouveau les arbitres de la fortune, hotre gloire Ă©tait d’autant plus pure qu'elle Ă©tait due tout entiĂšre a ce courage impĂ©tueux qui supplĂ©e a l’expĂ©rience et ne recule devant aucun obstacle. .Des recrues avaient triomphĂ© des forces combinĂ©es delĂ  Prusse et de la Russie. Le capitaine Planat nous en apportait la nouvelle au moment oĂč les assiĂ©geants culbutĂ©s cherchaient leur salut dans la fuite. NapolĂ©on avait joint a ses dĂ©pĂȘches des preuves de sa munificence. Il daignait m’accorder le grand cordon de l’ordre de la RĂ©union. 11 m’auto- nsait Ă  faire des promotions , a confĂ©rer des 240 MĂ©moires grades, et a dĂ©signer les officiers supĂ©rieurs que je jugeais susceptibles d’avancement. Ses victoii’es avaient exaltĂ© tous les courages, on jurait de nouveau par son gĂ©nie, on le voyait dĂ©jĂ  triomphant sur les bords de la Vistule. Sa dĂ©pĂȘche Ă©tait ainsi conçue „Monsieur le comte Happ , „Le major-gĂ©nĂ©ral vous fait connaĂźtre la ,,situation des affaires. J’espĂšre que la paix „sera conclue dans le courant de l’annĂ©e; mais ,,si mes vƓux Ă©taient déçus , je viendrais vous ,,dĂ©bloquer. Nos armĂ©es n’ont jamais Ă©tĂ© plus „nombreuses ni plus belles. Vous verrez par ,,les journaux toutes les mesures que j’ai pri- ,,ses, et qui ont rĂ©alisĂ© douze cent mille horn- „messous les armes et cent mille chevaux. Mes ,relations sont fort amicales avec le Danemark, „oĂč le baron Alquier est toujours mon rni- „nistre. Je n’ai pas besoin de vous recommander d’ĂȘtre sourd a toutes les insinuations, et „dans tout Ă©vĂ©nement de tenir la place im- „portante que je vous ai confiĂ©e. Faites-moi ,,connaĂźtre par le retour de l’officier ceux des ,,militaires qui se sont le plus distinguĂ©s. I/a- ,,vancement et les dĂ©corations que vous ju- ,,gerez qu’ils auront mĂ©ritĂ©s, et que vous de- „manderez pour eux, vous pouvez les conside- ,,rer comme accordĂ©s et en faire porter les ,,marques jusqu’à la concurrence de dix croix ,,d’officiers et de cent croix de chevaliers. Choi- ,,sissez des hommes qui aient rendu des services importants, et envoyez-en la liste par le 241 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ,,retour de l’officier, afin que le chancelier de „la lĂ©gion d’honneur soit instruit de ces nominations. Vous pouvez Ă©galement remplacer „dans vos cadres toutes les places vacantes, ,jusqu’au grade de capitaine inclusivement. „Envoyez aussi l’état de toutes ces promotions. „Sur ce je prie Dieu , etc. „NapojlĂ©on. „Neuraark, le 5 jnin, i8i5.“ 16 242 . MĂ©moires CHAPITRE XL. Les souverains avaient rĂ©glĂ© les conditions de l’armistice. Chaque place devait ĂȘtre ravitaillĂ©e tous les cinq jours , et jouir d’une lieue de territoire au-delĂ  de son enceinte; mais le duc de WĂŒrtemberg se chargea d’éluder cet engagement. 11 refusait mes Ă©tats de situation , il contestait sur les limites, AprĂšs bien des confĂ©rences nous convĂźnmes d’un arrangement provisoire et nous renvoyĂąmes la question a ceux qui devaient la juger. Ce fut alors de nouvelles difficultĂ©s tantĂŽt ils allĂ©guaient le dĂ©faut de subsistances, tantĂŽt le manque de transports. Les fournitures toujours incomplĂštes Ă©taient constemment arriĂ©rĂ©es, enfin elles furent tout-Ăą-fait suspendues. Le duc Avait besoin d’un prĂ©texte , il le trouva. Il prĂ©tendit que nous avions rompu la trĂȘve, parce que nous avions fait justice de je ne sais quelle bande de pillards qui infestaient nos dei'riĂšres. Sa lettre, qui eĂ»t pu m’ĂȘtre transmise en deux heures, fut deux jours h me parvenir. Tant de subterfuges me rĂ©voltĂšrent, .l’allai droit au 1 fait. Je lui rĂ©pondis que je ne voulais plus de tergiversation, qu’il fallait se battre ou remplir les conditions stipulĂ©es. Il rĂ©pliqua, parla de la cause des peuples et des rois. Ce langage Ă©tait curieux. Je lui tĂ©moignai combien il m’étonnait dans la bouche d’un prince dont le souverain avait Ă©tĂ© cinq ans notre allie, et dont le frĂšre combattait encore avec nous. Ce dernier exemple le toucha peu. Il me re- 243 du gĂ©nĂ©ral Rapp. pondit avec humeur ,,qu’un gĂ©nĂ©ral en chef „russe ne se croyait inferieur en aucune ma- ,.niĂšre a un roi de la confĂ©dĂ©ration, puisqu’il ,,ne dĂ©pendait que de l'empereur Alexandre ,,de l’élever a cette dignitĂ© , qu’alors il serait ,,roi tout comme un autre; qu’il y mettrait cependant une petite condition, c’est que ce ne „serait aux dĂ©pens d’aucune puissance, ni de personne.“ On courut aux armes. Mais le duc ne voulut pas se charger des consĂ©quences de cette rupture. Il ojflrit de continuer les livraisons. Elles devaient avoir lieu dĂšs le 24; elles ne recommencĂšrent cependant que le 26 et ne furent jamais complĂštes. Des viandes corrompues , des farines si mauvaises qu’on n’osait en faire usage qu’aprĂšs les avoir Ă©prouvĂ©es, voila les subsistances que nous fournissaient les Russes. Ils n’étaient pas plus fidĂšles sur la quantitĂ©. INous ne reçûmes pas au-delĂ  des deux tiers de ce qui nous Ă©tait garanti par la suspension d’armes. Le prince de NeuchĂątel me mandait qu’il fallait tenir jusqu’au mois de mai suivant. La chose Ă©tait impossible. Je n’avais ni assez de subsistances ni assez de troupes pour une dĂ©fense aussi prolongĂ©e. Je le lui marquai, ma dĂ©pĂȘche Ă©tait prĂ©cise. Tout ce qui Ă©tait pos- lible nous Ă©tions prĂȘts Ă  l’entreprendre; mais la bonne volontĂ© ne supplĂ©e pas aux moyens. Dantzic, le 16 juin i8i5* »M'on prince , J’ai reçu la lettre que votre altesse m’a fait ,,1’honneur de m’écrire de Neumark le 5 juin. 16. 244 MĂ©moires „M. Planat m’a Ă©galement remis la collection ,,des moniteurs renfermant le dĂ©tail des batailles dĂ©cisives gagnĂ©es par NapolĂ©on sur TartinĂ©e combinĂ©e, j’avais, depuis la veille de ,,l’arrivĂ©e de M. Planat, eu connaissance des ,,brillants succĂšs obtenus par les armĂ©es de „NapolĂ©on. Ces heureuses nouvelles ont pro- ,,duit sur la garnison le meilleur effet, elle a „vu cpie je ne l’avais pas flattĂ©e d’un vain espoir; ,,et la patience et le courage dont elle a fait ,,preuve ont trouvĂ© la rĂ©compense qu’elles devaient attendre. ,,L armistice m’a Ă©tĂ© Ă©galement remis, et ,,j’écris particuliĂšrement sur cet objet a votre „altesse. ,,Je ne dois pas lui dissimuler cependant t ,que cette suspension d’armes , dans l’état oĂč pĂ©taient les choses, ne soit plus dĂ©favorable ^qu’avantageuse a la garnison ; car les rnala- J} ladies occasionnent encore une perte de onze ,,cents hommes par mois, d’oĂč il rĂ©sulte qu’au ,,l e aorit nous serons encore affaiblis d’environ „dix sept cents hommes. „Nos vivres en outre se consommeront, et, „si le duc de Wurtemberg ne montre pas une „meilleur volontĂ© qu’il n’a fait jusqu’ici, nous „ne ferons guĂšre d’économie sur ce que nous „aurions pu mettre a part des subsistances qu’il ,,doit nous fournir. Mon Ă©tat ne m’inquiĂ©terait „pas jusqu’au mois d’octobre, mais passĂ© cette ,,Ă©poque ma position deviendra pĂ©nible ; car ,,nous manquerons de bras pour dĂ©fendre Thn- ,,mense dĂ©veloppement donnĂ© a nos fortifica- ,,lions, de vivres pour les dĂ©fenseurs, et nous du gĂ©nĂ©ral Rapp. 245 „n’aurons pas plus a espĂ©rer de ressources du dedans que du dehors. ,,L’état de composition de la ration depuis „le blocus fera connaĂźtre a votre altesse que ,,j’ai apportĂ© dans la distribution des vivres „toute l’économie que commandait notre position , et que j’ai employĂ© a cette fin toutes les ressources dont on pouvait tirer parti ,,mais ces ressources s’épuisent , et ce serait ,Vainement qu’on compterait sur celles qui „pourraient ĂȘtre la suite de l’expulsion des ,,habitants; en effet, il ne faut, pour se convaincre de cette triste vĂ©ritĂ©, que se rappeler qu’il y a deux ans NapolĂ©on fit requĂ©rir k Danzic six cent mille quintaux de grains, „opĂ©ration qui fut exĂ©cutĂ©e trĂšs rigoureuse- „ment. On ne laissa a cette Ă©poque que vingt „trois mille quintaux pour la subsistance de* „habitants. Depuis ce moment , ceux-ci ont vĂ©cu avec cette portion et quelques minces ,,quantitĂ©s qu’ils avaient soustraites aux recherches les plus sĂ©vĂšres. „J’ai exposĂ© plus haut a votre altesse la „perte mensuelle que nous occasionnent encore „les maladies. L’état de situation des troupes ,,prĂ©sente un effectif de vingt mille cinq cent ,,cinquante huit hommes , ce qui suppose, „d’aprĂšs les donnĂ©es trop certaines que nous avons dĂ©jĂ , que la garnison sera rĂ©duite a la fin de l’armistice a vingt mille hommes, dont ,,il faut dĂ©duire au moins deux mille aux hospitaux, en supposant mĂȘme que les privations n’augmentent pas-les maladies. Que serait-ce donc au mois de mai, lorsque la progression de mortalitĂ© que l’état actuel des choses sup- 240 ' MĂ©moires ,,pose auraencoi’e moissonnĂ© beaucoup d’hom- ,,mes?... Il rĂ©sulte du calcul qu’on peut faire, ,,qu’en admettant que les maladies d’hiver ,,n’augmentent pas beaucoup le nombre des ,,morts et qu'il n’y en ait que mille par mois, ,,que la perte serait au 1 er mai de huit mille, ,,sans compter tous ceux qui pĂ©riront dans les ,,affaires ou par suite de blessures, 11 ne resterait donc au 1 er mai qu’un effectif de onze ,,mille hommes, sur lesquels il yen aura certainement trois mille aux hĂŽpitaux or combinent dĂ©fendre avec une si faible garnison „des fortifications aussi Ă©tendues. ,,J’ai dĂ©jĂ  donnĂ© des ordres pour la construction d’ouvrages destinĂ©s h dĂ©fendre la trouĂ©e ,,de Mottlau, point extrĂȘmement faible lorsque ,,les riviĂšres seront gĂ©lĂ©es. Je fais travailler „d’ailleurs a tout ce qui peut assurer mes corn- i ,,munications ; mais, je le rĂ©pĂšte , il faut des ,,dĂ©fenseurs. Votre altesse ne doit pas douter ,,que, si cela devenait nĂ©cessaire, je ne fasse „pour me maintenir dans un point quelconque „de Dantzic tout ce que l’honneur et mon dĂ©- ,,vouement h l’empereur pourront me suggĂ©rer. ,,L’état des magasins prouvera a votre al- ,,tesse que nos ressources sont bien bornĂ©es ,,elle doit penser que je les mĂ©nagerai avec „tout le soin que m’inspire le dĂ©sir de faire ,,une dĂ©fense honorable c’est pour parvenir a ,,ce but que j’ai fait enti-er dans la commission „des approvisionnements que la loi a instituĂ©e ,,dans les places en Ă©tat de siĂšge un nombre ,,bien plus considĂ©rable de membres que ceux j ,,qu’elle dĂ©termina. Je les ai rĂ©unis sous la prĂ©sidence du gĂšne- 241 du gĂ©nĂ©ral fiapp. „ral de division comte HeudeJet, Cette com „rnission est chargĂ©e de me proposer toutes les mesures qui peuvent tendre a l’économie et au bien-ĂȘtre du soldat; elle a rendu de grands ,,services, et je suis tachĂ© de ne pas lui avoir ,,donnĂ© plus tĂŽt les attributions qu’elle a au r jourd’hui. ,,L’article des finances mĂ©rite une attention bien particuliĂšre de la part de l’empereur et ,.de votre altesse. Tous les fonds qui avaient ,,Ă©tĂ© laissĂ©s a ma disposition ontĂ©tĂ© consommĂ©s, „et j’ai Ă©tĂ© obligĂ© d’avoir recours a un emprunt ,,forcĂ©, que j’ai imposĂ© a ceux qui Ă©taient susceptibles de donner encore quelque chose. ,,Cet emprunt s’est exĂ©cutĂ© avec les formes les plus rigoureuses envers ceux qui prĂ©tendaient „ne pouvoir contribuer a la dĂ©fense commune; „mais, quelques soins qu’on se soit donnĂ©s a „cet Ă©gard, et quoiqu’on ait alliĂ© toutes les ,.mesures qui pouvaient conduire a des rĂ©sultats prochains , on n’a pu obtenir jusqu’ici „qu’un million sept cent mille francs , et on ,,aura bien de la peine a faire rentrer le x*este. ,,Les dĂ©penses de la solde, des masses qu’il „est nĂ©cessaire de payer ; celles des constructions du gĂ©nie, quant a ce qui concerne la main-d’Ɠuvre car on prendra par rĂ©quisition payable au dĂ©blocus, ainsi qu’on l’a fait de- puis deux mois, tous les, matĂ©riaux qui sont dans la place ; celles de l’artillerie, celles des hĂŽpitaux , des diffĂ©rentes branches de servi- ces, des subsistances, c’est-a-dire encore tout ce qui est journĂ©es et main-d’Ɠuvre; les con- structions de la marine, l’habillement; toutes ces dĂ©penses, dis-je, dont j’ai fait faire l’éva- 245 MĂ©moires j ,,luation, se montent a plus de neuf cent mille , „francs par mois. ! ,,Une maison de commerce Ă©trangĂšre a of- „fert de faire ici des fonds moyennant que le ,,payeur-gĂ©nĂ©ral lui assure soni’emboursement ,.a Paris. Ce serait un grand point de tranquillitĂ© si je voyais cette affaire rĂ©glĂ©e; mais je ,,prĂ©fĂ©rerais que les fonds me fussent envoyĂ©s, „car il peut arriver telle circonstance qui arrĂȘterait dĂšs le second mois le paiement convenu. ,,Votre altesse pense bien qu’il n’y a pas mo- ,,yen de songer a ne pas payer exactement les ,,dĂ©penses ci-dessus indiquĂ©es , surtout avec „une garnison composĂ©e comme celle que je „commande ; je la supplie donc de solliciter „de sa majestĂ© des mesures qui puissent assu- ,,rer le paiement des sommes qui me sont nĂ©- j „cessaires. ,,Je ne dois pas terminer sans faire observer „a votre altesse que la quantitĂ© de poudres qui ,,existe encore dans nos magasins n’est pas a ,,beaucoup prĂšs en proportion avec celle qui ,,serait nĂ©cessaire pour un siĂšge. ,,Enfin, monseigneur, j’ai dil vous faire a „l’avance toutes ces observations, qui roulent ,,sur l’insuffisance des dĂ©fenseurs, sur celle des ,,moyens de subsistance, sur les fonds nĂ©cessaires a nos dĂ©penses obligĂ©es, enfin sur nos approvisionnements en tous genres , qui ne ,,sont pas a beaucoup prĂšs en raison des besoins a venir. Je supplie donc votre altesse ,,de mettre sous les yeux de l'empereur la position fĂącheuse dans laquelle nous nous trouve- j ,,rons, si sa majestĂ© ne vient pas a notre aide. ,,Ce qui reste de la garnison est d’ailleurs ex- 249 du gĂ©nĂ©ral Rapp. „cellent, et l’on peut compter de sa part, au „moyen de quelques rĂ©compenses bien appliquĂ©es sur un dĂ©vouement sans bornes. Elle ,,1era tout ce que l'empereur peut attendre de ,,sesmeilleurs soldats, et justiiiera la confiance ,,que sa majestĂ© lui a accordĂ©e et la faveur ,,qu’elle lui a faite en la replaçant au nombre ,,des corps de sa grande armĂ©e. „Je suis etc. „ Signe, Comte Rapp.“ Cependant l’armistice touchait a sa fin. Les troupes, les munitions, l’artillerie de siĂšge, affluaient devant la place. BientĂŽt nous eĂ»mes en prĂ©sence trois cents piĂšces de gros calibre et soixante mille combattants. Cette disproportion Ă©tait immense; mais nous avions vaincu malades, nous pouvions espĂ©rer de vaincre encore. Il ne nous fallait que des subsistances. Les Russes en Ă©taient si convaincus qu’ils donnaient la chasse aux moindres embarcations qui allaient a la pĂȘche. Leurs canonniĂšres en avaient mĂȘme capturĂ© quelques unes, qui pourtant n’avaient pas dĂ©passĂ© nos limites. J’expĂ©diai de suite un parlementaire a l’amiral, je lui reprĂ©sentai que la mer devait ĂȘtre libre jusqu’à Une lieu de la cĂŽte, et que je saurais faire respecter les conditions de l’armistice si on essayait encore d’y porter atteinte. Il promit de s ’y conformer et de ne plus inquiĂ©ter nos canots. Il ne les inquiĂ©ta plus en effet ; mais dĂšs le soir mĂȘme il fit enlever nos malheureux pĂȘcheurs, retirĂ©s sans dĂ©fiance dans leurs cabanes. Il craignait l’abondance que quelques livres de 250 MĂ©moires poisson allaient apporter dans la place. Les paysans, les cours d’eaux, n’étaient pas mieux traitĂ©s. On traquait les uns , on dĂ©tournait les autres. Il semblait que tout Ă©tait occupĂ© a nous faire parvenir des subsistances, qu’elles nous arrivaient par toutes les issues; j’avais beau rĂ©clamer, on ne manquait jamais de dĂ©faites ni d’excuses. J’étais outrĂ© de ce systĂšme de dĂ©ception. Enfin le prince de Wolkonski me dĂ©nonça la reprise des hostilitĂ©s ; je reçus cette i nouvelle avec une vĂ©ritable satisfaction. Nos rapports Ă©taient trop dĂ©sagrĂ©ables pour que je ne dĂ©sirasse pas les voir finir. du general liapfj. 251 CHAPITRE XLI. L’ennemi Ă©tait plein de confiance; il combattait, il intriguait, il se flattait d’emporter la place ou de la rĂ©duire en cendres; mais toutes ses tentatives Ă©chouĂšrent devant la vigilance et l’intrĂ©piditĂ© de mes soldats. Ses fusĂ©es incendiaires vinrent se perdre sur les remparts; ses attaques furent repoussĂ©es, et ses Ă©missaires dĂ©couverts. Plusieurs de ces misĂ©rables s’étaient dĂ©jĂ  introduits dans nos magasins, et se disposaient a les incendier. J’eusse peut-ĂȘtre dĂ» en faire un exemple; mais je craignis que cet exemple ne fĂ»t dangereux, je craignis qu’il 11e donnĂąt l’idĂ©e du crime a ceux qui ne l’avaient pas, et qu’il ne rĂ©pandit l’alarme parmi les troupes. Je feignis de croire qu’ils avaient voulu dĂ©tourner quelques comestibles, et les renvoyai; mais je publiai contre le vol des ordonnances si sĂ©vĂšres que je tins la malveillance Ă  l’écart. AprĂšs tx’ois jours d’humiliations et de fatigues les assiĂ©geants rĂ©ussirent enfin Ăą s’emparer du bois d’Olira. ChassĂ©s presque aussitĂŽt, ils reparaissent avec de nouvelles forces , et replient le poste. Le bataillon de service prend une seconde fois les armes, et vole a son secours. Le major Legros attaque le bois, deux compagnies de grenadiers se portent au village ; les troupes se joignent, elles se pressent, se poussent, se culbutent; la mĂȘlĂ©e dĂ©vint affreuse. Le capitaine Capgran saisit aux cheveux un offi- 252 MĂ©moires cier prussien; tandis qu’il le terrasse, lui-mĂȘme est sur le point de perdre la vie; un soldat l’atteint dĂ©jĂ  de sa baĂŻonnette le lieutenant Sabatier dĂ©tourne le coup, serre le Cosaque, et lui passe son sabre au travers du corps; mais 1 au moment oĂč il sauve sou chef, il l'eçoit a la gorge une blessure qui le force de quitter le champ de bataille. bois ; dans le village, ! partout les Russes sont accablĂ©s ; le capitaine Duchez en abat quatre; le commandant Char- ton, les lieutenants Devrine et Blanchard, les moissonnent a pleines mains ; une foule de braves se rĂ©pandent au milieu d’eux, et accroissent le dĂ©sordre. Francou , dont la v aleur fut quelque temps aprĂšs si fameuse, Martin, Couture, Rochette, Schiltz, Lepont, Bennot, Sou- I dĂ©, Paris, Belochio, tous sous-officiers de troupes lĂ©gĂšres , le carabinier Richida, le tambour Breignier, percent jusqu’au centre de leurs colonnes et les livrent au fer de nos soldats. Des troupes fraĂźches prennent la place de celles qui sont dĂ©faites, et s’établissent dans le bois ; nos braves s’élancent sur les pas du lieutenant Joly Delatour, les abordent et les culbutent. L’ennemi nĂ©anmoins ne pert pas courage ; il se reforme , et se prĂ©sente une troisiĂšme fois mais, toujours vaincu, toujours taillĂ© en piĂšces, il cesse enfin ses attaques. DĂšs le lendemain il se jette sur Stries, Hei- ligenbrunn , et s’empare de Langfuhr. fN° s avant-postes se replient sur deux blokhaus, situĂ©s a droite et a gauche du village. Les j Russes les suivent et se disposent a donnei l’assaut; mais les Polonais tirent si bien et si 253 du gĂ©nĂ©ral Jlapp. juste qu'ils les forcent a la retraite. Ils reviennent en forces, il couvrent, ils inondent les gorges du Jesch Kenthal ; ils menacent Heiligenbrunn, ils dĂ©bouchent par Stries; toute ma ligne est en feu. Ces manƓuvres ne laissaient aucun doute sur leurs intentions il Ă©tait palpable qu’ils avaient des vues sĂ©rieuses sur Langfuhr; je rĂ©solus de les prĂ©venir et de marcher a leur rencontre. Je rassemblai mes troupes, la gauche au village, le centre dans les ravins de Zigangenberg, et la droite s’étendant jusqu’à ĂŒlira. Vingt-quatre piĂšces de canon, conduites par le gĂ©nĂ©ral Lepin, se placent a Ă©gales distances des deux ailes; elles ouvrent aussitĂŽt le feu les redoutes de l’ennemi, ses masses, son camp de Pitzkendorf, tout est sillonnĂ© par nos boulets ; nous dĂ©montons deux de ses piĂšces. Les Polonais , les Bavarois , les Westphaliens, et deux ceut cinquante chevaux commandĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Farine, dĂ©bouchent en mĂȘme temps. Le brave Steinbeck, dĂ©jĂ  aux prises avec les Russes, les chassait deDiwelkau; dĂšs que nos soldats aperçoivent cette dĂ©route, ils s’échaufFent, ils s’animent, ils fondent sur les redoutes de Pitzkendorf. Les alliĂ©s, refoulĂ©s dans leurs ouvrages, essaient en vain de se dĂ©fendre; le jeune Centurione a la tĂȘte de ses hussaVds franchit tous les obstacles, et tombe percĂ© de coups. A la vue de cet excellent officier moissonnĂ© dans un Ăąge aussi tendre, la soif de la vengeance allume tous les courages infanterie, cavalerie, se jettent pĂȘle-mĂȘle sur les redoutes. Le trompette Bernadin, le chasseur Olire, le marĂ©chai-des-logis Boucher, s’élancent au milieu des Russes; le lieutenant Ti» 254 MĂ©moires rion, accueilli par un coup de feu, va droit Ă  l'officier qui les commande, et le fait prisonnier. DĂšs lors ce n’est plus un combat, c’est une boucherie, c’est un carnage; tout pĂ©rit sous la baĂŻonnette, on ne doit la vie qu’a la clĂ©mence du vainqueur. Tandis que nos soldats s’abandonnent au feu de leur courage, une nuĂ©e de Cosaques fond sur eux et menace de les tailler en piĂšces; mais le gĂ©nĂ©ral Cavaignac s’ébranle si a propos avec la rĂ©serve de cavalerie , les troupes chargent avec tant d’abandon, l’adjudant-commandant de Erens , les chefs d’escadron Bel et Zeluski, les capitaines Gibert, Fayaux, Vallier, Pateski et Bagatho, dĂ©ploient tant d’intelligence et de conduite , que l’ennemi culbutĂ© se disperse dans le plus at- freux dĂ©sordre. La canonnade s’échauffait de plus en plus. Les Russes occupaient toujours le johannisberg, le plateau en avant de Pitzendorf, et assaillaient Langfuhr avec violence. Je dĂ©tachai contre eux un bataillon de la Vistule, soutenu par les Napolitains que commandait le gĂ©nĂ©ral DĂ©trĂ©es , ayant sous ses ordres le gĂ©nĂ©ral PĂ©pĂ©, que les Ă©vĂ©nements survenus dans sa patrie ont depuis rendu si fameux. Le brave Szembeck commença l'attaque; elle eut lieu avec beaucoup d’ensemble et d’impĂ©tuositĂ©. Les Russes culbutĂ©s a coups de baĂŻonnettes, renversĂ©s par des charges meurtriĂšres, cherchent leur salut dans la fuite. Les Polonais les pressent avec plus d’audace le tambour Hhade en saisit un par sa giberne, l’arrache des rangs et le dĂ©sarme. Le capitaine Fate- zinsky oublie qu’il est blessĂ© ; il s’élance dans du gĂ©ne'ral Rapp. 255 une maison qu'ils occupent, tue leur chef et en fait trente prisonniers. Les Napolitains ne sont pas moins impĂ©tueux ; ils se pressent a la suite des fuyards, les poussent et les fusillent. Le gĂ©nĂ©ral PĂ©pĂ©, le colonel Lebon, les commandants Balatlner, Sourdet, les capitaines Chivandier et Cian- culli, dirigent, excitent leur courage, donnent a la fois le prĂ©cepte et l’emple. Sur le flanc opposĂ© de la montagne, la mĂȘlĂ©e n'Ă©tait ni moins opiniĂątre ni moins sanglante. Au signal convenu, le colonel Ka- minsky avait marchĂ© sur les Russes et les avait dĂ©busquĂ©s; il les chassait devant lui , lapour- suite Ă©tait ardente. Des renforts surviennent, l’ennemi veut faire tĂȘte Ăą l’orage ; mais les Polonais le pressent avec impĂ©tuositĂ© Roseizens- ky,Drabixclwsky, Doks, Zaremba, Zygnowiez, que suivent des ,hommes dĂ©vouĂ©s, fondent sur lui, et le taillent en piĂšces. Nous Ă©tions martres du Johannisberg. Le temps Ă©tait affreux, et l’ennemi fuyait au loin. Je fis sonner la retraite ; elle s’exĂ©cuta dans l’ordre le plus parfait. A six heures tout Ă©tait tranquille. Mais les Russes ne tardent pasĂą reparaĂźtre. Ils attaquent Ăą la fois le belvĂ©- der, les hauteurs d’Heiligenbrunn , et engagent une fusillade des plus vives ; nĂ©anmoins ils ne peuvent obtenir le plus lĂ©ger avantage. Le colonelKaininsky et le commandant Steinbeck dĂ©ploient un courage, une habiletĂ© qui les dĂ©concertent. Ils se retirent, mais en mĂȘme temps deux bataillons soutenus par une cavalerie nombreuse se portent sur le village de Stries, Kaininsky accourt pour le dĂ©fendre. 256 MĂ©moires AussitĂŽt les Russes reviennent a la chai'ge; ils escaladent les hauteurs, ils assaillent le belvĂ©- der, poussent, pressent leurs attaques. Toutes leurs tentatives Ă©chouent contre les excellentes dispositions du major Deskur, et la bravoure des chefs de bataillon Johman et Ro- biesky. Ce n’était pas la premiĂšre diversion qu’ils tentaient. DĂ©jĂ  ils avaient repliĂ© nos avant postes depuis Schidlitz jusqu’à Ohra attaquĂ© de front et en flanc, le major Schneider ne se soutenait dans ce faubourg qu’a force de courage. Tout a coup il aperçoit une colonne > nombreuse qui s’engage imprudemment dans la granda rue il la charge, il la mitraille, il l’anĂ©antit. Le gĂ©nĂ©ral Husson survient avec la rĂ©serve. Nous reprenons l’offensive ; en un instant le bois, le village , sont enlevĂ©s, et les Russes mis dans le plus affreux dĂ©sordre; Le chef de bataillon Boulanger en dĂ©sarme huit; un sergent blessĂ© d’un coup de feu, le brave Vestel, trois; le sous - officier Cornu dĂ©livre un des nĂŽtres, et fait mettre bas les armes Ă  l’escorte qui le conduisait. J’étais de nouveau maĂźtre du Johannisberg et de Langfuhr, mais ce succĂšs ne pouvait ĂȘtre durable ; les Russes , revenant continuel- j lement a la charge avec des troupes fraiches, devaient finir par l’emporter, D’ailleurs ces deux positions Ă©taient si Ă©loignĂ©es qu’elles ne pouvaient ni me nuire, ni m’ĂȘtre bien utiles. Je donnai en consĂ©quence l’ordre de les Ă©vacuer, si les alliĂ©s se prĂ©sentaient en force. Mais l’audace avait fait place a la rĂ©serve. Il* craignent de s’éloigner des hauteurs ; ils n o- sent 257 du gĂ©nĂ©ral Rapp. ! sent pi’endre possession d’un village abandonnĂ©. Impatients nĂ©anmoins de s’en rendre maĂźtres, ils engagent une action gĂ©nĂ©rale pour s’emparer d’un poste que j’avais rĂ©solu de ne pas dĂ©fendre. Les troupes prennent les armes; la flotte les soutient. Toute ma ligne est attaquĂ©e quatre-vingts canonniĂšres tonnent de concert, foudroient Neufahrwasser. Schel- mulle, Neu-Schottland, Ohra, Zigangendorf, deviennent la proie des flammes. L’ennemi se rĂ©pand comme un torrent dans la plaine; il renverse, incendie tout ce qui s’oppose a son jiassage. J’accours au milieu de cet affreux dĂ©sordre. Mais dĂ©jĂ  les Russes deviennent moins impĂ©tueux; ils Ă©chouent devant une poignĂ©e de braves que commande le major Pojeck, et laissent les avenues de Kabrun jonchĂ©es de morts. Je les fais suivre le bouillant Gibert accourt avec ses chasseurs; le capitaine Maisonneuve se joint a lui; ils poussent, ils Ă©branlent cette multitude en dĂ©sordre et la jettent dans Schelrnulle. Elle se rallie aux troupes pii occupent le village et soutient, sans se rompre, les dĂ©charges meurtriĂšres du capitaine Ostrowsky; mais tournĂ©e presque aussitĂŽt par le capitaine Marnier , un des plus braves officiers de l’armĂ©e fançaise, elle fuit, ' elle se dĂ©bande , elle cherche un refuge jusque sous les dĂ©combres des bĂątiments quelle a livi rĂ©s aux flammes. La mĂ©lĂ©e n’était pas moins vive Ăą Langfuhr assaillis par douze mille Russes , nos postes ! luttent, se dĂ©battent au milieu de ces Ă©paisses colonnes. Le sergent Szhatkowsky eut besoin de toute sa bravoure pour Ă©chapper aux Cosa- 258 MĂ©moires ques. OccupĂ© a une construction en avant du village,-il avait Ă©tĂ©, lui treiziĂšme, enveloppĂ© par ces tioupes irrĂ©guliĂšres; il rallie aussitĂŽt ses travailleurs, fait face d’un cĂŽtĂ©, attacpie de l’autre; il marche, il combat toujours, et se dĂ©gage enfin sans perdre un homme. Les Russes humiliĂ©s se portent au village. Deux maisons que j’avais mises a mĂȘme de rĂ©sister a un coup de main en dĂ©fendaient l’entrĂ©e ils les tournent, ils les pressent, ils les escaladent; mais une fusillade meurtriĂšre les renverse et les force a s’éloigner. Pour surcroit de maux, les Napolitains paraissent et les attaquenL. Le colonel Lebon, le colonel DĂ©gennero, pressent, rompent la cavalerie, et pĂ©nĂštrent dans Langfuhr. Elle revient a la charge plus nombreuse et plus liĂšre; elle profite des obstacles , saisit l a-propos , et s’élance sur nos bataillons Ă©pars dans Jes rues. Une mĂ©lĂ©e sanglante a lieu le brave Pal iaxxi tombe percĂ© de dix coups de lance; les capitaines Nicolaii, Angeli, DĂ©gennero, sont couverts de blessures et forcĂ©s d’évacuer le champ de bataille. En vain l’intrĂ©pide Grimaldi, en vain les lieutenants Amato, Legendre, Hubert, Pouxa, GĂŽmez, et Zanelti, veulent faire tĂšte a l’orage; le nombre l’émporte nous sommes forcĂ©s a la retraite.... Quelques braves, engagĂ©s trop avant, ne peuvent suivre et sont coupĂ©s loin de se laisser abattre, ils s’exaltent a la v ue du danger et se rallient autour de l’adjudant-major Odiardi. Ils avancent, ils tournent, ils rĂ©trogradent et gagnent enfin les maisons crĂ©nelĂ©es. DĂ©jĂ  elles Ă©taient assaillies pour la deuxiĂšme fois les alliĂ©s, furieux, se 259 du gĂ©nĂ©ral Rapp. jettent sur les palissades; ils les arrachent, et semblent devoir triompher de tous ces obstacles mais couchĂ©s dans la poussiĂšre a mesure qu’ils se dĂ©couvrent; ils dĂ©sespĂšrent bientĂŽt du succĂšs ne pouvant les emporter, ils les livrent aux flammes. Nos braves ne sont point Ă©branlĂ©s les uns continuent la fusillade, les autres Ă©teĂ»rnent le feu; et l’ennemi n’est pas plus avancĂ©. Une fumĂ©e Ă©paisse nous dĂ©robait les deux maisons; j’ignorais si nos troupes les occupaient encore, ou si les alliĂ©s s’en Ă©taient rendus maĂźtres. Des rapports l’annonçaient je rĂ©solus nĂ©anmoins de faire une tentative; mais les balles parties des maisons tombaient a flots sur nous ; je conclus qu’elles Ă©taient perdues. Une circonstance rendait la chose vraisemblable la fusillade avait cessĂ© et l’incendie Ă©tait flagrant. Je rĂ©pugnais cependant a croire quelles eussent Ă©tĂ© rendues. Je les fis de nouveau reconnaĂźtre les alentours de ces deux postes Ă©taient jonchĂ©s de cadavres vĂȘtus de capotes blanches; abusĂ©s par la couleur du costume, les officiers que j’avais expĂ©diĂ©s se persuadĂšrent que les Bavarois avaient pĂ©ri tous l’assuraient, tous en Ă©taient convaincus. La perte d’aussi braves gens Ă©tais pĂ©nible, et mĂ©ritait bien de ne pas ĂȘtre admise sur des apparences. Je chai’geai un de mes aides-de- camp, le capitaine Marnier, de savoir au juste ce qu’il en Ă©tait cette mission ne pouvait pas lui dĂ©plaire; il avait, a la bataille d’UclĂšs, somme une division espagnole de mettre bas les armes, et l’avait amenĂ©e les lances des Cosaques ne devaient pas l’arrĂȘter. 17 . MĂ©moires 260 A la pointe du jour, il sort de Kabrun avec huit hommes qui demandent a le suivre; il se porte a la course vers la maison de droite. AussitĂŽt les barriĂšres s’ouvrentle poste se joint a lui, et tait sa retraite malgrĂ© les llus- ses qui accourent pour l’enlever. Restait celui de gauche; mais le plus difficile Ă©tait fait. J’avais la certiĂŒade qu’il existait encore; je donnai des ormes pour fu’il fĂ»t secouru, [jn bataillon s’avance a peine l’eurent-ils aperçu que ces admirables soldats placent leurs blessĂ©s au milieu d’eux, et fondent sur les alliĂ©s. Plusieurs sont atteints le brave Dalvvick reçoit une balle qui lui fracasse l’épaule gauche; mais il n’en continue pas moins de combattre avec courage. La mĂȘlĂ©e devient de plus en plus sanglante. Les Bavarois , qu’échauffe le noble dessein de sauver leurs compatriotes et qu’enflamme encore l’exemple de deux officiers intrĂ©pides, l’adjudant- major Seiferlitx et le lieutenant Mue!;, se prĂ©cipitent sur l’ennemi, le rompent et-dĂ©- gagent enfin cette poignĂ©e d’hommes dĂ©vouĂ©s. Ils firent une espĂšce d’entrĂ©e triomphale chacun voulait les voir, voulait les fĂ©liciter; on r'entretenait de leur constance, on vantait leur sĂ©signation. Seuls, abandonnĂ©s a eux-mĂȘmes, sans vivres , sans munitions, consumĂ©s par la soif, suffoquĂ©s par l’incendie , ils avaient brave les menaces, repoussĂ© les sommations et rejete avec dĂ©dain les insinuations de l’ennemi. C’était surtout le capitaine Fahrenbeck qu’on accablait d’éloges; on admirait son sangfroid, ou exaltait son courage ; sa fermetĂ©, sa prudence, Ă©taient le sujet de toutes les conversations, le 26'1 du gĂ©nĂ©ral Rapj>. texte de tous les entretiens. 11 Ă©tait naturel que je tĂ©moignasse h ces braves combien j’étais satisfait je mis a l’ordre du jour les pĂ©rils qu’ils avaient affrontĂ©s, les dangers qu’ils avaient courus, et j’établis les blessĂ©s dans mon hĂŽtel, Chaque jour je les visitais ; chaque jour je m’informais de leur situation et m’assurais que leurs besoins Ă©taient satisfaits. Un ofiicier qui avait toute ma confiance, M. Romeru, Ă©tait en outre chargĂ© de leur prodiguer les soins, les consolations que je ne pouvais leur donner moi-mĂȘme. DĂšs que l’ennemi fut maĂźtre de Langfuhr, il mit ta main a l’Ɠuvre c'Ă©taient ouvrages sur ouvrages; il ne discontinuait pas. Son dessein Ă©tait de me resserrer de plus en plus et de me contraindre a m’enfermer dans la place ce projet Ă©tait admirable; il ne s’agissait que de l’exĂ©cuter ; la chose Ă©tait moins facile. J’avais couvert le front d’Olhva et celui du Hagelsberg par un camp retranchĂ© formidable ; neuf ouvrages le composaient la lunette d’istrie occupait le point culminant des hauteurs qui dominent le fort et la gorge d’Hagelsberg ; elle Ă©tait flanquĂ©e par les batteries Kirgener et Caulin- court. On choisit ensuite, parmi les mamelons qui se trouvaient entre ces ouvrages et l’allĂ©e de 1 jangfuhr, ceux qui Ă©taient le plus avantageusement situĂ©s, eton les fortifia. Voici quelle Ă©tait la disposition de ces redoutes en partant delĂ  droite de Caulincourt, la redoute Ko- meuf, la batterie Grabowshy, la redoute De- ro y, la batterie Mont brun. Enfin, pour complĂ©ter cette ligne de fortifications et la prolonger jusqu'fi la Vistule, on Ă©tablit encore deux 262 MĂ©moires batteries; l’une, dite de Fitzer, au travers de l’allĂ©e de Langfuhr l’autre, connue sous le nom de Gudin, Ă©tait un peu plus Ă©loignĂ©e elle s’appuyait a une inondation artificielle qui s’étendait jusqu’à la digue de gauche de la vis- tule, et formait la droite de toute la ligne, qui renfermait encore deux batteries placĂ©es de l’autre cĂŽtĂ© du fleuve. Tous ces ouvrages Ă©taient palissadĂ©s, munis de logements et de magasins a poudre. Je fis en outre construire deux camps de baraques l’un de quatre cents hommes, vers l’extrĂȘme gauche, derriĂšre Kir- gener; et l’autre, pour cent cinquante, derriĂšre Montbrun, La partie de cette ligne qui s’étend de Montbrun jusqu’à Gudin fut liĂ©e par une espĂšce de chemin couvert; celle qui se prolonge sur la gauche Ă©tait suffisamment ga- j rantie par les difficultĂ©s du terrain ; je pensai j d’ailleurs qu’il fallait se mĂ©nager la facultĂ© de prendre l'offensive dans une portion de ces ouvrages. i Ohra fut Ă©galement mis en Ă©tat de dĂ©fense. Une masse de maisons qui communiquaient entre elles et dont les portes, les croisĂ©es, avaient Ă©tĂ© fermĂ©es avec soin ; des parapets, des palissades , qui n’avaient d’issue mi’une langue de terre comprise entre deux flaques d’eau assez profondes, formaient un retrancne- ment avancĂ© connu sous le nom de premiĂšre coupure d'Ohra; la deuxiĂšme, situĂ©e a deux cents toises en arriĂšre, Ă©tait composĂ©e des memes Ă©lĂ©ments, et s’appuyait a un grand couvent de jĂ©suites qui avait Ă©tĂ© crĂ©nelĂ©. Les hauteurs et les gorges qui pendent vers le faubourg furent fortifiĂ©es ; les redoutes dont elles 263 du general liapp. furent revĂȘtues mirent l’ennemi hors d’état de nous tourner, et devinrent bientĂŽt fameuses sous le nom de batteries et d’avancĂ©es Frioul. Pendant que nous exĂ©cutions ces travaux, l’ennemi venait frĂ©quemment s’exercer contre nos avant-postes Schidlitz, Ohra, Stolxenherg, Ă©taient tour a tour l’objet de ses attaques. RepoussĂ© sur tous les points, il tente une surprise sur Heubude ; mais il se jouait a plus fin que lui le commandant CarrĂ©, vieux militaire plein de vigilance et de ruses, aperçoit ses colonnes, rĂ©ussit a les mettre aux prises, et se retire sans perte d’une position critique. Tout honteux de cette mystification cruelle, les Russes se flattent de prendre leur revanche a Kabrun. Ils l’entourent , ils l’escaladent; mais, accueillis par une fusillade meurtriĂšre que dirige le capitaine Nazxewski , ils s’éloignent et laissent les fossĂ©s remplis de morts. Ils se portent de nouveau sur Scliidlitz mis en fuite une premiĂšre fois , ils reviennent a la charge avec une vigueur , une impĂ©tuositĂ© nouvelle; mais l’adjudant-major Boutin, les capitaines KlĂ©ber et Feuiliade exaltent si bien nos soldats, qu’ils se jettent sur les alliĂ©s et les enfoncent. La flotte n’était pas non plus oisive le 4, dĂšs la pointe du jour, elle rĂ©parait en ligne; elle avait Ă©chouĂ© la surveille dans deux attaques consĂ©cutives, et dĂ©pensĂ© en pure perte plus de sept mille coups de canon. La honte, la soif de la vengeance, tout l’excitait a combattre ce fut l'explosion d’un volcan. Les frĂ©gates et les canonniĂšres tonnent a la fois, et nous couvrent d’un dĂ©luge de projectiles; mais,'loin 264 MĂ©moires des’effrayer, nos batteries redoublent de calme et de justesse. Officiers et soldats , tous s’élĂšvent au-dessus du danger et ne songent qu’a la victoire. Un canonnier chargĂ© de I’écouvil- lon a le bras emportĂ© ; le capitaine Pomerenski s’en empare et fait le service. Le sergent Viard sert une piĂšce qui tire a boulets rouges , et { jointe comme au polygone; le lieutenant Mi- ewski ajuste, surveille les siennes, coule une canonniĂšre, en endommage d’autres, et les force d’évacuer le champ de bataille. Le capitaine LeppigĂ© , le sergent-major Zackowski, le sergent Radzmiski, le caporal Multarowski, donnent les exemples les plus admirables de sang-froid et d’intelligence. Le capitaine Hen- rlon, le lieutenant Hagueny, le capitaine de frĂ©gate Rousseau, les marins Despeistre, Coste, les caporaux Davis, Dubois, s’attachent aux I jiĂšces, et ne cessent de combattre que lorsque ennemi a pris la fuite. La flotte, convaincue de l’inutilitĂ© de ses efforts, gagne le large avec la satisfaction d’avoir tirĂ© neuf mille coups de canon pour nous tuer deux hommes elle nous avait aussi dĂ©montĂ© deux piĂšces ; mais elle avait perdu deux canonniĂšres ; neuf autres Ă©taient fortement endommagĂ©es. et ses frĂ©gates criblĂ©es d’obus et de boulets. Nous eĂ»mes bientĂŽt un ennemi plus redoutable a combattre. Tout a coup la Vistule s’enfle; elle franchit, elle rompt les digues et s’échappe avec impĂ©tuositĂ©. La place , l es fortifications, deviennent la proie des flots. Les ponts sont emportĂ©s, les Ă©cluses anĂ©anties, et les chaussĂ©es entr'ouvertes les eaux, dĂ©sormais sans obstacles , s’engouffrent dans les 265 du gĂ©nĂ©ral Puxpp. fossĂ©s et sapent les bastions. Celui de BƓren, celui de Braun-Ross, Ă©taient en ruines, et il Ă©tait a craindre qu’on ne pĂ»t maintenir Binon- dation lorsque la Vistule rentrerait dans son lit mais le gĂ©nie ne s’oublia pas dans cette circonstance dĂ©sastreuse; a force d’habiletĂ© et de constance, il parvint a rĂ©tablir les brĂšches, et, quand le fleuve s’abaissa , l’inondation, alimentĂ©e par les branches qui sillonnent le Werder, RĂ©prouva qu’une variation de niveau presque insensible. C’était maintenant le tour des Russes ils avaient profitĂ© des embarras que, nous causait la crue des eaux ; ils avaient Ă©levĂ© 1 batteries sur batteries, et le 15 novembre ils en dĂ©masquĂšrent une vingtaine , armĂ©es de piĂšces du plus gros calibre. La flotte vint aussi s’essayer devant nos forts. Des masses d’infanterie Ă©taient prĂȘtes a donner l’assaut dĂšs que les palissades seraient dĂ©truites. L’action s’engage ; trois bombardes, quarante canonniĂšres, vomissent le fer et la flamme sur Pseufalirwasser. Loin de les abattre, le danger enflamme nos soldats ; ils jurent de vaincre, ils jurent de punir les agresseurs. Les troupes de ligne s’attachent aux piĂšces; l’artillerie les pointe comme a la manƓuvre ; elle endommage, elle dĂ©mĂąte une foule de canonniĂšres. Tout a coup une explosion terrible se fait entendre un boulet a pĂ©nĂ©trĂ© dans la saintebarbe, et le sloop a disparu. La mĂȘme dĂ©tonation se rĂ©pĂšte. On se fĂ©licitĂ©, on s’éncourage ; on brĂ»le d’imiter les braves qui tirent avec cette admirable justesse. Trois embarcations deviennent presque en mĂȘme temps la proie des flots, et la premiĂšre ligne 266 MĂ©moires se retire toute couverte de dĂ©bris. La deuxiĂšme prend sa place sans ĂȘtre plus heureuse ; et les divisions se succĂšdent ainsi de trois heures sans que le feu se ralentisse. Enfin, rebutĂ©e des obstacles que lui opposaient le courage de nos soldats, les excellentes dispositions du colonel Rousselot, et la vigilance du major François , elle se retire et va rĂ©parer ses avaries. Douze heures de combat, vingt mille coups de canon, avaient abouti a nous tuer ou blesser une demi-douzaine d’hommes, et a nous endommager trois affĂ»ts. Ce fut la derniĂšre tentative. Quelques mois plus tĂŽt elle eĂ»t Ă©tĂ© infaillible ; mais a la guerre il faut saisir la- propos. Les troupes obtinrent plus de succĂšs. Elles attaquĂšrent nos postes en avant d’Ohra, et s'emparĂšrent de celui de l’Etoile sur les hauteurs a droite du A’illage. Le major Legros ne leur laisse pas le temps de s’y Ă©tablir; quatre compagnies d’élite , sous la conduite des capitaines Valard et Aubry, s’y portent sans, dĂ©lai. Elles surprennent, elles taillent les Russes en piĂšces. En vain ils reparaissent avec des troupes fraĂźches ; culbutĂ©s, mis en fuite, ils se dispersent, sans nĂ©anmoins perdre courage. Ils tentent un nouvel effort; mais, accueillis par une fusillade meurtriĂšre ils se dĂ©bandent et tombent sous le feu de deux compagnies placĂ©es dans la village de Stadgebieth, qui les anĂ©antissent. la gĂ©nĂ©ral Rapp. 267 CHAPITRE XLII. La saison devenait chaque jour plus Ăąpre. Les pluies ne discontinuaient pas et entretenaient un brouillard fĂ©tide, qu’un soleil sans chaleur pouvait Ăą peine dissiper. Mais , ce qui Ă©tait bien plus grave, la disette allait toujours croissant. Les chevaux, les chiens , les chats, Ă©taient mangĂ©s ; nous avions Ă©puisĂ© toutes nos ressources, le sel mĂȘme nous manquait. Il est vrai que l’industrie y supplĂ©a. Quelques soldats imaginĂšrent de faire bouillir des dĂ©bris de vieilles planches, qui avaient autrefois servi dans un magasin; l’expĂ©rience rĂ©ussit. Nous exploitĂąmes cette mine de nouvelle espĂšce, et les hĂŽpitaux furent approvisionnĂ©s. La population Ă©tait rĂ©duite aux abois elle ne vivait plus que de son et de drĂšche , encore n’en avait- elle pas de quoi se satisfaire. Dans cet Ă©tat de dĂ©tresse, je pensai que les philanthropes alliĂ©s ne repousseraient pas des compatriotes, et j’expulsai les dĂ©tenus et les mendiants, tous ceux, en un mot, qui n’avaient pas de subsistances. Mais les Prussiens furent inexorables; et sans les habitants de Saint-Alhrecht, ils les eussent fait pĂ©rir d’inanition. D’autres se dirigĂšrent du du cĂŽte qu’occupaient les Russes, et ne furent pas mieux accueillis. Sans abri, sans aliments d’aucune espĂšce , ils eussent expirĂ© sous les yeux de ces libĂ©rateurs de l’humanitĂ©, si je n’eusse pris pitiĂ© de leur misĂšre. Je leur distribuai quelques secours et les renvoyai chex 268 MĂ©moires. eux. Plusieurs demandĂšrent a ĂȘtre employĂ©s aux. fortifications, et recevaient la moitiĂ© ou le quart d’un pain de munition pour salaire. Cependant l’ennemi avait perfectionnĂ© ses ouvrages. De temps a autre il essayait ses batteries, et semblait prĂ©luder a une action plus sĂ©rieuse. Le 10, en effet, toutes sont en feu dĂšs la ebute du jour. La ville, le Holm, e camp retranchĂ© de Neufahrwasser, sont inondĂ©s de bombes, d’obus, de boulets rouges. L’incendie Ă©clate et dĂ©vore le couvent des Dominicains. lies prisonniers russes soignĂ©s dans cet Ă©difice allaient pĂ©rir ; nos soldats accourent et les arrachent a la mort. Toujours plus ardentes, les flammes tourbillonnaient sur les maisons voisines et menaçaient de les rĂ©duire en cendres. En mĂȘme temps, les alliĂ©s se prĂ©sentaient en force devant nos postes d’Ohra et les repliaient jusqu’à Stadtgebieth. J’accours avec le comte Heudelet. L’ennemi culbutĂ© a la baĂŻonnette essaie vainement de revenir a la charge; le gĂ©nĂ©ral Husson, le major Legros, repoussent toutes ses attaques. Une mĂ©prise augmenta ses pertes. Deux de ses colonnes se prennent pour ennemies, et en viennent aux mains. Elles se reconnaissent aux cris des blessĂ©s; mais plus de trois cents hommes Ă©taient dĂ©jĂ  couchĂ©s dans la poussiĂšre. De notre cĂŽtĂ©, nous en avions une centaine hors de combat. DĂšs le lendemain il reparut devant les maisons situĂ©es au-dela de Stadtgebieth. Repousse deux fois, il y mit le feu. Quoique chargĂ© de deux blessures, le capitaine Basset hĂ©sitait encore a les Ă©vacuer; mais le progrĂšs des flammes ne tarda pas a l’y contraindre il se retira en 269 du gĂ©nĂ©ral liapp. combattant toujours. MaĂźtres du village, les alliĂ©s se prĂ©cipitent tout d une haleine sur le plateau de l’Etoile , et s’en emparent. Les postes qui restaient sur le rampant de la montagne Ă©tant dĂ©sormais trop faibles, je les rappelai. L’ennemi occupait enfin la position; mais il la payait assez cher pour une simple levĂ©e de terre. Plus il cheminait du cĂŽtĂ© de Langfuhr, plus sa position devenait fĂącheuse ; pris en flanc et. a revers, foudroyĂ© par les batteries du Holm, il ne put bientĂŽt plus dĂ©boucher des. redoutes qu’il avait Ă©levĂ©es a Kabrun. Confus de s’ëtre mĂ©pris sur le vĂ©ritable point d’attaque, il porte, il concentre ses forces sur les hauteurs d’Ohra. Il tente tous les moyens de s’en rendre maĂźtre ; je n’en nĂ©glige aucun de les dĂ©fendre. J’amĂ©liore, je multiplie mes ouvrages. Je mets a contribution toutes les lumiĂšres. Des officiere supĂ©rieurs de chaque arme, prĂ©sidĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Grandjean, avisent aux mesures qu’exige la sĂ»retĂ© de la place. Ils mettent nos vivres, nos munitions a l’abri des ravages de l’incendie. Ils divisent les approvisionnements, organisent le service des pompes, et font construire des moulins, afin que si les bombes venaient a dĂ©truire ceux qu’on possĂ©dait encore, on fĂ»t a mĂȘme de les supplĂ©er. Cependant le feu des alliĂ©s allait toujours croissant. Les incendies succĂ©daient aux incendies et menaçaient de tout rĂ©duire en cendres. Tout a coup les batteries se taisent, la fusillade est suspendue. A ce silence inopinĂ©, les habitants reprennent courage ; ils courent, ils volent au secours des quartiers embrasĂ©s. Malheureux ! iis disputent aux 270 MĂ©moires flammes quelques pans d’édifices, et la place touche a sa ruine!... L’ennemi n’avait cessĂ© le feu que pour le rendre plus terrible. DĂšs que ses dispositions sont faites, il l’ouvre avec violence. Les batteries de l’Étoile, celles du Johannisberg, de Ka- ! bran, de Scliellmulle, de Langfuhr, tirent a coups redoublĂ©s et nous accablent de bombes, de fusĂ©es et de boulets rouges. Les incendies Ă©clatent; les Ă©difices tombent; s’écroulent. Dantxic ne prĂ©sente plus que l’image d’un volcan dont les Ă©ruptions s’échappent, s’éteignent, se reproduisent sur tous les points. Les deux rives de laMoltlau, le Butter-Mark, le Prog- genfull, le Speiclier-Insel, tout est consumĂ©. Lu vain les troupes accourent au secours; une grĂȘle continue de projectiles triomphe de leurs efforts, et une perte de plusieurs millions vient aggraver encore les malheurs d’une population dĂ©solĂ©e. JNos forts, nos villages n’étaient pas dans j un meilleur Ă©tat; Ohra surtout n’était plus qu’un amas de cendres. Cinq batteries le foudroyaient sans relĂąche; des nuĂ©es de tirailleurs , abritĂ©s par les accidents du terrain, nous accablaient de balles , et entravaient le j jeu de nos piĂšces. La premiĂšre coupure, prĂšs- j que anĂ©antie par le feu et les boulets , rĂ©sistais toujours. Le major Schneider la dĂ©fendait avec une valeur, une sagacitĂ© qui promettaient encore une longue rĂ©sistance ; mais elle Ă©tait sur le point d'ĂȘtre prise par la tranchĂ©e; je la fis Ă©vacuer. Je cĂ©dai Ă©galement la tĂȘte de Schidliti?. L’ennemi avait essaje quelques jours auparavant de sien rendre maĂźtre. 271 du gĂ©nĂ©ral Happ. Trois compagnies s’étaient prĂ©sentĂ©es devant nos postes; chargĂ©es avec vigueur par le capitaine Leclerc et le lieutenant Kowalzky, elles furent mises en dĂ©route, et cherchĂšrent leur salut dans la fuite. Cette leçon ne fut pas perdue; les alliĂ©s revinrent avec des forces plus considĂ©rables, et s’y Ă©tablirent. Un accident plus grave nous survint bientĂŽt aprĂšs. Une bombe Ă©clata dans un magasin de bois et l’incendia. La poudre n’est pas plus prompte en un instant tout est embrasĂ©. Les flammes, dĂ©veloppĂ©es par un vent impĂ©tueux , se communiquent de proche en proche, et prĂ©sentent une masse de feu qu’aucun effort ne peut dompter. Triste spectateur d’un dĂ©sastre aussi cruel, j’espĂ©rais au moins prĂ©server les bĂ ti- timents Ă©loignĂ©s. Mon attente fut encore déçue, et nous eĂ»mes la douleur de voir consumer sous nos yeux la plus grande partie de nos subsistances. Officiers et soldats, tous Ă©taient plongĂ©s dans un morne silence, tous contemplaient avec stupeur cette scĂšne de dĂ©solation , quand tout a coup une fusillade terrible se fait entendre. L’ennemi attaquait l’avancĂ©e Frioul et s’en emparait. Le capitaine Chambure vole au secours. Ce brave commandait une troupe d’élite appelĂ©e la compagnie franche ou les enfants perdus ; il s’élance dans la redoute et taille les llusses en piĂšces. Aucun n’échappe; ceux qui Ă©vitent la baĂŻonnette tombent sous le feu des chefs de bataillon Clamon et Dybowski. Le lieutenant Conrad fit preuve, dans cette occasion, d’une rare constance. I/Ă©paule fracassĂ©e par une balle, d se jette au plus Ă©pais de la mĂȘlĂ©e. Chain- 272 MĂ©moires bure le dĂ©gage „Vous ĂȘtes blessĂ©, lui dit-il, ,,votre place n’es t plus ici ; aile? annoncer au ,,gĂ©nĂ©ral que nous sommes dans la redoute. —‱ „Capitaine, rĂ©pond l’intrĂ©pide lieutenant, j’ai i „encore mon bras droit, vous n’avez que le ,,gauche !“ et il continue de combattre. Battu a la gauche, l’ennemi se jette sur la 1 droite et nous replie jusque sur nos forts. Je ne jugeai pas a propos de reprendre l’attaque par une nuit obscure , j’attendis au lendemain. Deux colonnes commandĂ©es par les gĂ©nĂ©raux Breissan et Devilliers se portent a la fois sur j Stolzenberg et Schidlitz les Russes les occu- i paient en force ; mais nos troupes combattent avec tant d’abandon, le major Deskur, les chefs de bataillon Poniatowski, Crikicowski et CarrĂ©, les capitaines PahrenbĂ©ck, Perrin, ICa- lisa etRonsin, les guident avec tant d’habiletĂ© et de bravoure, que les alliĂ©s, rompus, laissent le champ de bataille jonchĂ© de morts. Malheureusement le succĂšs nous coĂ»tait cher le gĂ©nĂ©ral Breissan, si recommandable par ses talents et son courage , Ă©tait dangereusement blessĂ©. On lui prodigua vainement tous les secours imaginables, il expira aprĂšs un mois de souffrances aiguĂ«s. IN os troupes Ă©taient victorieuses ; mais quel i spectacle les attendait dans la place ! des ruines, des dĂ©combres, voila ce qui restait de nos magasins. Un seul avait Ă©chappĂ©. Sa conservation, due au colonel Cottin et au sous-chef d’état- major Marquessac , n’avait Ă©tĂ© assurĂ©e qua force de zĂšle et de constance. Le chef d’escadron Turckheirn , qui avait dĂ©jĂ  donnĂ© tant de preuves de dĂ©vouement, et le lieutenantFleury, Ă©taient 273 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Ă©taient aussi parvenus a sauver quatre mille quintaux de grains ; tout le reste Ă©tait flagrant, tout le reste avait pĂ©ri. Nous ne conservions pas pour deux mois de subsistances, que les flammes toujours plus actives et un bombardement continuel menaçaient encore. Les Russes cheminaient lentement, mais ils cheminaient toujours. Ils s’étaient emparĂ©s de divers postes et s’étaient portĂ©? en masse sur Stolaenberg. Trop faibles pour opposer une rĂ©sistance efficace, nos soldats l’avaient Ă©vacuĂ©. Le gĂ©nĂ©ral Husson rassemble quelques troupes et fait batti’e la charge. Elle eut lieu avec une rare impĂ©tuositĂ©. Le capitaine Milsent, l’adjudant-major Rivel, s’élancent a la tĂȘte des pl»3 braves, joignent l’ennemi et le culbutent. Le capitaine Chambure lui prĂ©parait une leçon plus sĂ©vĂšre. Il s’embarque par une nuit obscure, trompe la vigilance de la flotte et descend vis-a-vis Rohnsack. Il surprend le village, incendie les habitations , les magasins, tue, Ă©gorge les hommes, les chevaux, et regagne ses chakmpes. Elles n’étaientplus sur le rivage. Les trompettes sonnaient, la gĂ©nĂ©rale se faisait entendre la mort paraissait inĂ©vitable. NĂ©anmoins il ne perd pas courage; il calme ses soldats, se jette a travers les retranchements ennemis, et arrive sain et sauf au moment oĂč. on le croyait perdu. Il se remet bientĂŽt en route et marche sur BrƓsen ; il tombe a l’im- proviste sur les troupes qui l’occupent, les renverse, et ne se retire qu’aprĂšs avoir brĂ»lĂ© leur camp. A peine rentrĂ©, il court a une expĂ©dition plus pĂ©rilleuse. Il pĂ©nĂštre dans la tranchĂ©e de l’ennemi, culbute, chasse ses pos- 18 274 MĂ©moires tes, et vient s'abriter derriĂšre nos batteries. Le lieutenant Jaimebon, griĂšvement blessĂ© en commençant l’attaque , combattit comme s’il n’eĂ»t pas Ă©tĂ© brisĂ© par la douleur ; elle Ă©tait si aiguĂ« que la crainte de dĂ©courager les soldats fut seule capable d’étoutTer ses plaintes. Il mourut cinq jours aprĂšs honneur a sa mĂ©moire La compagnie franche devenait chaque jour plus audacieuse. Les tranchĂ©es, les palissades Ă©taient des obstacles illusoires; elle pĂ©nĂ©trait partout. Au milieu d’une nuit Ă©paisse , elle se glisse darbre en arbre le long de l’allĂ©e de Langfuhr, et s’approche sans que les dusses l’aperçoivent. Elle saute aussitĂŽt dans leurs ouvrages , tue les uns , chasse les autres et les suit jusque dans Itabrun. Le brave Surimont, l’intrĂ©pide Rozay, Payen , Dezeau , Gonipet et Francou, se prĂ©cipitent dans la redoute et l’emportent. Une centaine d’hommes furent 1 > assĂ©s au fil de l’épĂ©e, les autres ne durent eur salut qu’a la fuite. Nous faisions a l’ennemi une guerre de surprise et d’audace; il nous en faisait une de ruses et de proclamations. Ses batteries n’arrĂȘtaient pas, et nos magasins Ă©taient dĂ©truits. Nos troupes, extĂ©nuĂ©es, harassĂ©es de corvĂ©es et d’insomnies , n’avaient pour rĂ©parer leurs forces qu’un peu de pain et une. once de viande de cheval, si toutefois on peut appeler ainsi les dĂ©bris d’animaux qui, rebutĂ©s parla cavalerie, rebutĂ©s par les charrois, tournaient la meule jusqu’à ce que, devenus incapables de se soutenir, ils Ă©taient traĂźnĂ©s a la boucherie, C’est H des hommes si las de combattre et de souffrir J que les Russes promettaient le repos et l’abon- ; 275 du gĂ©nĂ©ral Rapp . dance. Tous les genres de sĂ©duction Ă©taient employĂ©s l’or, l’argent, les menaces, la colĂšre du prince, la voix de la patrie, Ă©taient offerts et invoquĂ©s. Le duc se joignait a ses Ă©missaires; il Ă©crivait, priait, protestait, circonvenait les chefs et les soldats. La dĂ©sertion se mit dans les troupes Ă©trangĂšres, et bientĂŽt elles refusĂšrent tout service. Les Bavarois, les Polonais eux-mĂ©mes, trop convaincus de nos malheurs, craignaient, de faire de leurs armes un usage sacrilĂšge et se tenaient dans l’inaction. INous Ă©tions rĂ©duits aux seules forces nationales, c’est-a-dire a moins de six nulle hommes; et nous avions plus de deux lieues d’étendue a dĂ©fendre. Je rĂ©solus de faire connaĂźtre a l’empereur la situation fĂącheuse oĂč nous Ă©tions. La chose n'Ă©tait pas aisĂ©e; 1 Allemagne entiĂšre Ă©tait en insurrection; la mer Ă©tait couverte de croisiĂšres ennemies. Mais aucun pĂ©ril, aucun obstacle n’étonnait le capitaine Marnier; il part pour cette expĂ©dition aventureuse, capture un bĂątiment, convoie avec la flotte anglaise et lui Ă©chappe. Le duc de Wurtemberg semblait avoir le projet de tout sĂ©duire. Je ne fus pas moi-mĂȘme Ăą l’abri de ses tentatives. Il exaltait ses ressources, dĂ©prĂ©ciaitles miennes, parlait de la France, de la SibĂ©rie, et me proposait de rendre la place. Ces lnenaces, ces oppositions s’adressaient mal; je le lui tĂ©moignai , et il n’en fut plus question. Des moyens plus convenables turent mis en Ɠuvre; les feux furent doublĂ©s, et le bombardement, toujours plus terrible, ne discontinuait ni le jour ni la nuit. La ville, le Bischfberg , les redoutes Frioul , Ă©taient 276 MĂ©moires Ă©crasĂ©s. Soutenus par un feu d’artillerie si formidable, les Husses imaginent de nous enlever. Ils s’avancent munis dĂ©bĂąchĂ©s, d’échei- les, et fondent sur la batterie Gudin. Le capitaine Ra;unishy la commandait; il les accueille 4/ ' par des dĂ©charges a mitraille, et les renverse. Ils se remettent nĂ©anmoins, et tentent l’escalade; mais, accablĂ©s par une fusillade meurtriĂšre, ils ^e 'dispersent a la vue du major Deskur et laissent armes et Ă©chelles dans les 1 mains des braves capitaines- Zbievviski et Pro- pocki. Ils essaient, avec aussi peu de succĂšs, de se rendre maĂźtres de la batterie Fitaer, dans l’allĂ©e de Langfuhr. Le colonel Plessmann, le capitaine Renouard et l’adjudant Stoiling leur opposent une rĂ©sistence qu’ils ne peuvent vain- 1 cre trois fois ils reviennent a la charge, trois fois ils sont dĂ©faits. Cependant les redoutes Frioul Ă©taient dans un Ă©tat dĂ©plorable sans parapets, sans fougasses, accablĂ©es par les obus et la mitraille, elles ne prĂ©sentaient plus aucun moyen de dĂ©fense ; je les fis Ă©vacuer. La plus grande partie des fortifications Ă©tait encore intacte; mais nos vivres touchaient a leur terme. Le temps des glaces Ă©tait arrivĂ©. Il aurait fallu vingt mille hommes pour m'opposer aux progrĂšs du siĂšge, garder les forts, l’inondation, et maintenir libre le cours des eaux. La lutte Ă©tait trop inĂ©gale ; c’eĂ»t Ă©tĂ© verser le sang pour le seul plaisir de le verser. Je crus trouver un moyen qui conciliait , mes devoirs et l’humanitĂ©, je calculai le nom- bre de jours que devait fournir ce qui nous restait de subsistances ; je proposai de suspen- 277 du gĂ©nĂ©ral Rapp. dre les hostilitĂ©s et de remettre la place a cette Ă©poque, si le cours des choses n'en disposait autrement. Le conseil adopta cet avis a l’unanimitĂ©. Les nĂ©gociations s’ouvrirent , le feu cessa. Le gĂ©nĂ©ral Heudelet et le colonel Ri- chemont se rendirent au camp, et arrĂȘtĂšrent une capitulation oĂč la facultĂ© de rentrer en France nous Ă©tait spĂ©cialement garantie. Une partie de ces conventions Ă©tait dĂ©jĂ  exĂ©cutĂ©e; les prisonniers russes avaient Ă©tĂ© rendus, les forts livrĂ©s , lorsque j’appris que l’empereur Alexandre refusait sa ratification. Le duc de Wurtemberg mofĂŻfait de remettre les choses dans leur premier Ă©tat. C’était une dĂ©rision. Mais pie faire? nous n’avions plus de vivres. Il fallut se rĂ©signer. Il rĂ©gla les choses comme il l’entendit, et nous primes le chemin de la Russie. TouchĂ©s de nos malheurs , les auxiliaires eussent voulu les partager. Les Polonais bri- saientleurs armes; les Bavarois juraient de ne jamais les tourner contre nous. Mais le devoir fait taire les affections. Il fallut se sĂ©parer. Le gĂ©nĂ©ral prince de Radsiwil et le colonel Butt- ler, si distinguĂ©s l’un et l’autre par leur caractĂšre et par leurs actions, les reconduisirent dans leur patrie, Ainsi finit, aprĂšs un an de combats, une dĂ©fense pĂ©nible, oĂč nous eĂ»mes a lutter contre tous les flĂ©aux, tous les obstacles, et qui n’est pas une des moindres preuves de ce que peuvent le courage et le patriotisme des soldats français. 278 MĂ©moires CHAPITRE XLIII. Nous fĂ»mes conduits a Kiow. Nous y apprĂźmes les prodiges de cette poignĂ©e de braves qui n’avaient pas dĂ©sespĂ©rĂ© du salut de la patrie. Ils avaient triomphĂ© a Montmirail, 'a Sezanne , a Champaubert, partout oĂč l'ennemi avait osĂ© les attendre. L’Europe entiĂšre fuyait devant eux, la coalition Ă©tait dissoute.... L’obstination d’un soldat nous arracha les fruits de la 'victoire. Il fallut combattre, vaincre j encore; mais les munitions manquaient, les corps n’arrivaient pas, les gĂ©nĂ©raux haranguaient la trouve pour lui faire recevoir des capitulations. Tout fut perdu notre gloire, ' nos conquĂȘtes s’évanouirent comme une ombre ; les signes mĂȘme en furent rĂ©pudiĂ©s. Le but de la coalition Ă©tait atteint. Notre 1 captivitĂ© n’était plus profitable ; nous fĂ»mes rendus a lalibertĂ©. Nous revĂźnmes en France quel spectacle elle prĂ©sentait! L’émigration avait envahi l’armĂ©e, les antichambres; elle pliait sous les insignes du commandement et les dĂ©corations. La premiĂšre personne que je rencontrai aux Tuileries fut un chef de bataillon que j’avais autrefois secouru et protĂšge il Ă©tait devenu lieutenant-gĂ©nĂ©ral; il ne me reconnut plus. Un autre que j’avais eu longtemps a Dantzic, n’avait pas mieux conserve > sa mĂ©moire. Je l’avais accueilli a la recommandation du duc de Cadore; j’avais essaye ses fades adulations il me traitait de monseig- 279 tin gĂ©nĂ©ral Rapp. neur, d’excellence; il m’eut volontiers appelĂ© l’éternel. Plus je lui tĂ©moignais combien ces sottises me dĂ©plaisaient, plus il renchĂ©rissait; il imagina mĂȘme d’assister a mon lever, line tint pas a lui [ue je ne me crusse un souverain. Ses malversations me dĂ©livrĂšrent de cet obstinĂ© flatteur; elles devinrent si criantes que le gou\ ernement fut prĂšs de sĂ©vir. Je sauvai au gentilhomme la honte d’une condamnation; mais je le fis Ă©loigner il alla exercer son industrie a. Il eut bientĂŽt connaissance de nos revers , s'effraya , prit la poste , et n’arrĂ«ta pas qu’il ne fĂ»t en-deça du Rhin la peur le servit mieux que n’eĂ»t fait le courage. Il avait des Ă©paulettes a gros grains , et quatre ou cinq dĂ©corations c’était assex bien dĂ©buter dans la carriĂšre; on ne va pas si vite sur le champ de bataille. Il s’éloigna dĂšs qu’il m’a- E erçut apparemment que son costume l’em» arrassait. J’en rencontrai un troisiĂšme , que ma prĂ©sence ne mit pas a l’aise. AttachĂ© autrefois a JosĂ©phine, il avait fait preuve d’une prĂ©voyance vĂ©ritablement exquise afin d’ĂȘtre en mesure contre les cas imprĂ©vus qui pouvaient survenir dans les promenades et les voyages , il s’était muni d’un vase de vermeil, qu’il portait constamment sur lui. Quand la circonstance l’exigeait, il le tirait de sa poche, le prĂ©sentait, le reprenait, le vidait, l’essuyait, et le serrait avec soin. C’était avoir l’instinct de la domesticitĂ©. Mais tous ces preux si ardents a la caisse, aux dĂ©corations, aux commandements, donnĂšrent bientĂŽt la mesure de leur courage. NapolĂ©on parut, ils s’éclipsĂšrent. Ils avaient MĂ©moires assiĂ©gĂ© Louis XVIII dispensateur des grĂąces; ils n’eurent pas une amorce a brĂ»ler pour Louis XVIII malheureux. Nous essayĂąmes quelques dispositions; mais le peuple, les soldats Savaient jamais Ă©tĂ© complices des humiliations de la France; ils refusĂšrent de combattre les couleurs qu’ils adoraient, et l’empereur reprittranquillement les rĂȘnes de l’état. Les gĂ©nĂ©raux Bertrand et Lemarrois m’écrivirent de me rendre aux Tuileries. Je revins Ăą Paris. Une nouvelle invitation m’attendait Ă  mon hĂŽtel; le grand marĂ©chal m’annonçait que sa majestĂ© dĂ©sirait me voir. Je ne voulus pas me faire attendre ; j’allai tel que je me trouvais, bien sĂ»r que NapolĂ©on saurait faire la part du devoir et celle des affections. Je fus introduit sur-le-champ. ,,NapolĂ©on. Vous voila, monsieur le gĂ©nĂ©- „ral Rapp ; vous vous ĂȘtes bien fait dĂ©sirer ? 99 D oh venez-vous? ,,Rapp, D’Rcouen, oĂč j’ai laissĂ© mes trouves a la disposition du ministre de la guerre. ,,NapolĂ©on. Vouliez-vous rĂ©ellement vous ,,battre contre moi? „Rapp. Oui, sire. ,,NapolĂ©on. Diable! „Rapp. La rĂ©solution Ă©tait obligĂ©e. ,,NapolĂ©on. {D'un ion animĂ©. F....e, je ,,savais bien que vous Ă©tiez devantmoi. Si l’on „se fĂ»t battu, j’aurais Ă©tĂ© vous chercher sur le ,,champ de bataille. Je vous aurais fait voir la „ tĂȘte de MĂ©duse auriez-vous osĂ© tirer sur moi? ,,Rapp. Sans doute; mon devoir.... „NapolÉon. C’est trop fort. Mais les soldats j,ne vous auraient pas obĂ©i; ils m’avaient cou- 281 du gĂ©nĂ©ral Rapp. „servĂ©plus d’afFection. Si d’ailleurs vous aviez „tirĂ© un seul coup, vos paysans d’Alsace vous „auraient lapidĂ©. ,,Rapp. \ ous conviendrez, sire, que la position Ă©tait pĂ©nible vous abdiquez, vous partez , vous nous engagez h servir le roi ; vous ,,revenez... Toute la puissance des souvenirs „ne peut nous faire illusion. ,, NapolĂ©on. Comment cela? Que voulez- „vous dire? Croyez-vous que je sois revenu ,,sans alliance, sans accord?... D’ailleurs mon „systĂšme est changĂ© plus de guerre, plus de ,,conquĂȘtes; je veux rĂ©gner en paix, et faire „le bonheur de mes sujets. ,,Rapp. Tous le dites mais vos antichambres sont dĂ©jĂ  pleines de ces complaisants qui „ont toujours flattĂ© votre penchant pour les ,,armes. „]\ t apolÉon. Bah! bah! l’expĂ©rience... Al- „liez-vous souvent aux Tuileries ? ,,Rapp. Quelquefois, sire. „1NapolĂ©on. Comment vous traitaient ces „gens-la ? ,,Rafp. Je n’ai pas a m’en plaindre. ,,NapolĂ©on. Le roi parait vous avoir bien ,,reçua votre retour de Russie? ,,Rafp. Parfaitement, sire. ,,NapolĂ©on. Sans doute. CajolĂ© d’abord, mis ,,ensuite a la porte. Voila ce qui vous attendait „tous; car enfin vous n’étiez pas leurs hommes, ,,vous ne pouviez leur convenir il faut d’autres »titres, d’autres droits pour leur plaire. ,,Rapp. Le roi a dĂ©barrassĂ© la France des ,,alliĂ©s. ,,Napoleon. C’est bien; mais a quel prix! 282 MĂ©moires „Et ses engagements, les a-t-il tenus? Pourquoi n’a-t-il pas fait pendre Ferrand pour son ^discours sur les biens nationaux? C’est cela; t , c’est l’insolence des nobles et des prĂȘtres qui ,,m’a fait quitter l’ile d’Elbe. J’aurais pu arriver ,,avec trois millions de paysans qui accouraient ,,pour se plaindre et m'offrir leurs services. „Mais j’étais sur de ne pas trouver de rĂ©sistance devant Paris. Les Bourbons sont bien „heureux que je sois revenu sans moi ils ,,auraient fini par une rĂ©volution Ă©pouvantable. ,,Avez-vous vu le pamphlet de ChĂąteau- ,,briand, qui ne m’accorde pas mĂȘme du courage ,,sur le champ de bataille? Ne m’avez-vous „pas vu quelquefois au feu? Suis-je un lĂąche? ,,Rapp. J’ai partagĂ© l’indignation qu’ont ressentie tous les honnĂȘtes gens, d’une accusation aussi injuste qu’elle est ignoble. „ Voyiez-vous quelquefois le duc ,,d’OrlĂ©ans ? „Rapp. Je ne l’ai vu qu’une fois. „NapoeÉon. C’est celui-lĂ  qui a de l’esprit ,,de la conduite et du tact! Les autres sont ,,mal entourĂ©s, mal conseillĂ©s. Ils ne m’aiment ,,pasi. Ils vont ĂȘtre plus furieux que jamais „il y a de quoi. Je suis arrivĂ© sans coup ,,fĂ©rir. C’est maintenant qu’ils vont crier Ă  ,,l’ambitieux c’est lĂ  l’éternel reproche; ils ,,ne savent dire autre chose. ,,Rapp. Ils ne sont pas les seuls qui vous „accusent d’ambition. ,,NapolĂ©on. Comment... suis-je ambitieux, ,,moi ? Est-on gros comme moi quand on a „de l’ambition? Il se frappait avec les deux ,,mains sur le ventre. du gĂ©nĂ©ral iĂźapp. ,,Rapp. Votre majestĂ© plaisante. „NapolÉon. INon j’ai voulu que la France „fĂąt ce [u’elle doit ĂȘtre; mais je n’ai jamais „étĂ© ambitieux. D’ailleurs de quoi s’avisent ,,ces gens-la? Il leur convient bien de faire „de l’importance avec la nation et avec l’ar- ,mĂ©e. Est-ce leur courage qui les rend si ,,avantageux ? „Rapp. Ils en ont quelquefois montrĂ©, k ,,l’armĂ©e de CoudĂ© par exemple. ,,NapolĂ©on. Quel est cet ordre que je vous 4 ,aperçois ? ,,Rapp. La LĂ©gion-d’Honneur. ,,NapolĂ©on. Diable! Ils ont eu au moins ,,1’esprit d’en faire une belle dĂ©coration. Et ces „deux croix-la ? Il les touchait. ,,Rapp. Saint-Louis et le Lis. Il sourit. „NapolÉon. Concevez-vous cette b.... de „Berthier, qui n’a pas voulu rester. Il reviendra; je lui pardonne tout, a une condition ,,cependant c’est qu’il mettra son habit de garde ,,du corps pour paraĂźtre devant moi. Mais tout „cela est fini. Allons, monsieur le gĂ©nĂ©ral Rapp, „il faut encore une fois servir la France, et nous „nous retirerons d’oii nous sommes. ,,Rapp. Convenez, sire puisque vous avez ,,eu quelquefois la bontĂ© de me permettre de ,,vous parler avec franchise, convenez que vous ,,avez eu tort de ne pas faire la paix a Dresde „tout Ă©tait rĂ©parĂ© si vous l’eussiez conclue. Vous ,,rappelez-vous mes rapports sur l’esprit de l’Al- ,,lemagne? vous les traitiez de pamphlets; vous ,,me faisiez des reproches. „NapolÉon. Je ne pouvais pas faire la paix ,,a Dresde; les alliĂ©s n’étaient pas sincĂšres. Si 284 MĂ©moires ,,d’ailleurs chacun eĂ»t fait son devoir au renou- ,,Tellement des hostilitĂ©s, j’étais encore le mai- „tre du inonde. J’avais dĂ©jĂ  pris de mou cĂŽtĂ© ,,trente-deux mille Autrichiens. „Rapp. Il n’y a qu’un instant que votre „majestĂ© n’avait pas d’ambition, et voici qu’il „est encore question de la souverainetĂ© du „monde. ,,ÎNapoleon . Eh! mais, oui. D’ailleurs, Mar- ,,mont, les sĂ©nateurs... Mon plan Ă©tait combinĂ© „de maniĂšre a ne pas laisser Ă©chapper un seul „alliĂ©. „Rapp. Tous ces malheurs sont la consĂ©- ,,quence des revers de Leiptzic vous les eussiez prĂ©venus en acceptant la paix a Dresde. „NapolÉon. Vous ignorez ce qu’eĂ»t Ă©tĂ© une ,,paix semblable.“ Et s’animant tout a coup, „ Aurais-tu peur, me dit-il avec vivacitĂ©, au- ,,rais-tu peur de recommencer la guerre, toi „qui as Ă©tĂ© quinze ans mon aide-de-camp? „Lors de ton retour d’Egypte, a la mort de IJe- „saix, tu n’étais qu’un soldat, j’ai fait de toi „un homme; aujourd’hui tu peux prĂ©tendre „a tout. ,,Rapp. Je n’ai jamais laissĂ© passer une occasion de vous en tĂ©moigner ma reconnaissance; ,,et si je vis encore, ce n’est pas ma faute. „] Je n’oublierai jamais ta con- „duite a la retraite de Moscou. Ney et toi, ,,vous ĂȘtes du petit nombre de ceux qui ont ,,l’ñme fortement trempĂ©e. D’ailleurs a ton ,,siĂšge de Dantzic , tu as fait plus que l’im- ,, possible. “ NapolĂ©on me sauta au cou, me serra avec vĂ©hĂ©mence contre lui pendant au moins deux du gĂ©nĂ©ral Rapp. 283 minutes. Il m’embrassa plusieurs fois, et me dit en me tirant la moustache ,,Allons, un brave d'Égypte , d’Austerlitx, „ne peut m’abandonner. Tu prendras le com- „mandement de l’annĂ©e du Rhin , pendant ,,que je traiterai avec les Prussiens et les Rus- ,,ses. J’espĂšre que d’ici a un mois tu recevras ma femme et mon fils a Strasbourg. Je „veux que dĂšs ce soir tu fasses ton service ,,d’aide-de-camp auprĂšs de moi. Ecris au comte „Maison de venir m’embrasser c’est un brave „homme; je veux le voir.' 4 NapolĂ©on raconta une partie de cette conversation Ă  quelques personnes de ses alentours. Il leur dit que je lui avais parlĂ© avec trop de libertĂ©, qu’il m’avait tirĂ© les oreilles. La fortune lui souriait. Les courtisans accouraient en foule ; c’était un abandon, un dĂ©vouement! ils bouillaient de xĂšle. Ces protestations n’eurent pourtant pas tout l’effet qu’ils s’en Ă©taient promis. Beaucoup furent repoussĂ©s un sourtout, qui s’obstinait a faire accepter ses services, fut durement Ă©cartĂ©. ComblĂ© de faveurs , d’or et de dignitĂ©s , il avait accablĂ© d’outrages son bienfaiteur malheureux; il fut conspuĂ©, traitĂ© de misĂ©rable. Ces messieurs se targuent aujourd’hui d’une fidĂ©litĂ© a toute Ă©preuve. Ils accusent l’indulgence du roi dans les salons du faubourg Saint- Germain. Ils voudraient voir conduire a l’échafaud tous ceux qui ont Ă©tĂ© employĂ©s dans les cent jours. Le hasard les a servis, les apparences sont pour eux; a la bonne heure tuais les gĂ©nĂ©raux , les ministres de NapolĂ©- °, les officiers attachĂ©s a sa personne , sa- 286 MĂ©moires vent ce qu’ils doivent penser de ces stoĂŻciens d’antichambre. TĂŽt ou tard le gouvernement royale sera Ă©clairĂ© il y a de quoi supplĂ©er au livre rouge. NapolĂ©on me fit demander le 29 mars, et m’annonça qu’il fallait partir pour l’armĂ©e du lihin. Il me donna le grand aigle de la LĂ©- gion-d Honneur, qu’il m avait destinĂ© aprĂšs le siĂšge de Dantzic. Il me dit qu’a\ ant quinze jours mes troupes seraient portĂ©es a quarante mille hommes ij en avais quinze mille au commencement des hostilitĂ©s; je lui observai que c’était bien peu en comparaison de celles que nous allions avoir sur les bras, que le congrĂšs sa dĂ©claration Ă©tait dĂ©jĂ  connue nous menaçait d’un dĂ©luge de soldats. „La dĂ©claration h „laquelle vous faites allusion est fausse, rĂ©pli- ,,qua-t-d Ă vec humeur; elle est fabriquĂ©e 'a „Pa ris. Au reste, allez. Lecourbe commandera ,,en Franche-ComtĂ©, Suchet dans les Alpes. ,,Clausel sur la Gironde. Nous avons bien des chances. GĂ©rard va a Metz; il vient de me >,tourmenter pour que je lui donne ce Bour- ,,mont, je lui ai accordĂ© a regret; je n’ai ja- ,,mais aimĂ© cette figure-la. I ,,Les propositions que j’ai faites aux souverains ont Ă©tĂ© froidement accueillies. Cependant tout espoir d’arrangement n’est pas de- „truit. 11 est possible que l’énergie avec la- ,,quelle se prononce l’opinion les ramĂšne a ,,des sentiments de paix. Je vais encore faire ,,une tentative. Voici la lettre que je leur ,,Ă©cris du gĂ©nĂ©ral Rapp. 287 „Monsieur mon frĂšre , „Vous aurez appris dans le cours du mois „dernier mon retour sur les cĂŽtes de France, „mon entrĂ©e a Paris, et le dĂ©part de la famille „des Bourbons. La vĂ©ritable uatur de ces Ă©vĂ©- ,,nements do;t maintenant ĂȘtre connue de votre „majestĂ©. Ils sont l’ouvrage d'une irrĂ©sistible ,puissance, l'ouvrage de la volontĂ© „d’une grande nation qui connaĂźt ses devoirs „et ses droits. La dynastie que la tbrce avait ,,rendue au peuple français n’était plus faite ,,pour lui les Bourbons n’ont voulu s’associer „ni a ses sentiments ni a ses mƓurs; la France „a dĂ» se sĂ©parer d’eux. Sa voix appelait un libĂ©rateur. L’attente qui m’a\ ait dĂ©cidĂ© au plus ,,grand des sacrilices avait Ă©tĂ© trompĂ©e, je suis „venu; et du point oĂč j’ai touchĂ© le rivage, ,,l’amour de mes peuples m’a portĂ© jusqu’au „sein de ma capitale. Le premier besoin de „mon cƓur est de payer tant d affection par le ,,maintien d’une honorable tranquillitĂ©. Le rĂ©tablissement du trĂŽne impĂ©rial Ă©tait nĂ©cessaire au bonheur des Français ma plus douce „pensĂ©e est de le rendre en mĂȘme temps utile „à raffermissement du repos de l'Europe. Assez ,,de gloire a illustrĂ© tour a tour les drapeaux „des diverses nations; les vicissitudes du sort „ont assez fait succĂ©der de grands revers a de grands succĂšs. Une plus belle arĂšne est ouverte aujourd’hui aux souverains, et je suis le premier a y descendre. AprĂšs avoir prĂ©sentĂ© au monde le spectacle de grands combats, il sera plus doux de ne connaĂźtre dĂ©sor- mais d’autre rivalitĂ© que celle des avantage* 288 MĂ©moires ,,ile la paix, d’autre lutte que la lutte sainte de ,,la fĂ©licitĂ© des peuples. La France se plaĂźt a ,,proclamer avec franchise ce noble but de tous ,,ses vƓux. Jalouse de son indĂ©pendance, le ,,principe invariable de sa politique sera le ,,respect le plus» absolu pour l’indĂ©pendance ,,des autres nations. Si tels sont, comme j’en ,,ai l’heureuse confiance , les sentiments personnels de votre majestĂ©, le calme gĂ©nĂ©ral ,,est assurĂ© pour long-temps, et la justice, assise aux confins des divers Ă©tats, suffira seule ,,pour en garder les frontiĂšres. ,,Je suis avec empressement, etc.“ Mais toutes ouvertures furent inutiles. Il Ă©tait hors des proportions humaines, il assurait la suprĂ©matie de la France c’étaient la des griefs que rien ne pouvait balancer; j’en Ă©tais convaincu. Sa perte Ă©tait rĂ©solue. Je partis pour l’Alsace ; l’attitude hostile des cours Ă©trangĂšres y avait excitĂ© une indignation gĂ©nĂ©rale toutes les Ăąmes gĂ©nĂ©reuses, tous ceux qui abhorrent le joug de l’étranger, se disposaient a repousser cette ligue de rois qui, sous prĂ©texte de combattre un homme , ne cherchaient qu’a s’enrichir de nos dĂ©pouilles. Les habitants, de concert et par un mouvement spontanĂ©, s’étaient portĂ©s sur les hauteurs qui dominent les dĂ©filĂ©s, les routes ou passages, et travaillaient Ă  y construire des retranchements; les femmes , les enfants mettaient la main a l’Ɠuvre. On s’égayait, on s’animait l’un l’autre en chantant des refrains patriotiques. Il J avait entre tous les citoyens rivalitĂ© de gĂšle et de dĂ©vouement les uns Ă©levaient des redoutes, les autres coulaient des balles , remontaient 289 du gĂ©nĂ©ral Rapp. de vieux fusils, confectionnaient des cartouches. Enfin tous les bras Ă©taient en mouvement; chacun voulait travailler a la dĂ©fense commune. Une scĂšne touchante et digne des temps antiques eut lieuaMuhlhausen lorsque j’y arrivai. On donnait un bal, les personnes les plus distinguĂ©es de la ville Ă©taient rĂ©unies; l’assemblĂ©e Ă©tait brillante et nombreuse. Vers la fin de la soirĂ©e on parla de la guerre, de l’invasion du territoire; chacun communiquait son avis, chacun faisait part de ses espĂ©rances et de ses craintes. Les dames discutaient entre elles, et s’entretenaient des dangers de la patrie. Tout a coup une des plus jeunes propose a ses compagnes de jurer qu’elles n’épouseront que des Français qui aient dĂ©fendu les frontiĂšres. Des cris de joie, des battements de mains accueillent cette proposition. De toutes les parties de la salle on se dirige vers cet essaim de beautĂ©s ; on les environne, on se presse autour d’elles. Je me joignis a la foule , j’applaudis a la motion gĂ©nĂ©reuse qui avait Ă©tĂ© faite, et j’eus l’honneur de recevoir le serment que chacune des jeunes patriotes vint prĂȘter entre mes mains. Ce trait rappelle les mariages des Samnites, mais il a peut-ĂȘtre quelque chose de plus admirable encore ce qui Ă©tait une institution chez ces peuples fut parmi nous l’efFet d’une rĂ©solution spontanĂ©e; chez eux le patriotisme Ă©tait dans la loi, chez nous il Ă©tait dans le cƓur des jeunes filles. 19 290 MĂ©moires CHAPITRE XLIV. Tout ce xĂšle cependant ne remplissait pas mes cadres ; le temps courait et les recrues n’arrivaient pas. Les alliĂ©s se concentraient sur la rive gauche, ils pouvaient franchir le fleuve d’un instant a l’autre; ma position devenait critique. Je fis passer mes Ă©tats de situation a l’empereur. 11 ne put cacher sa surprise. „Si ,,peu de monde !... L’Alsace, dont le patriotisme ,,est si ardent!... IN’importe... la victoire enfan- ,,tera les bataillons. Tout n’est pas dĂ©sespĂ©rĂ©/ ,,la guerre a ses chances ; nous en sortirons.“ Il m’avait ordonnĂ© quatre jours auparavant de ne pas laisser un seul homme de troupes de ligne .dans les places fortes, d’extraire des dĂ©pĂŽts tout ce qui Ă©tait en Ă©tat de servir, d’inonder, de mettre en Ă©tat les lignes de Weis- sembourg, et d’assurer avec soin mes communications avec Bitche. J’étais occupĂ© de ces mesures; mais il ne trouvait pas que j’allasse assex vite, il m’écrivit „Monsieur le gĂ©nĂ©ral Rapp, ,,J’ai reçu votre lettre du 12 mai. Je vois, ,,par l’état que vous y avex joint, que le 18 e de ,,ligne, qui a deux bataillons a votre armĂ©e, ,.forts de douxe cents hommes, peut vous four- ,,nir un troisiĂšme bataillon de six cents horn- „mes; faites-le partir sur-le-champ de Strasbourg pour venir vous rejoindre. Le 32 e ne 291 dn gĂ©nĂ©ral Rapp. „peut donner que deux cents hommes de rendort a vos bataillons de guerre, ce qui les ,,portera a douze cents hommes. Le 39 e peut „vous fournir son troisiĂšme bataillon, faites-le „partir. Le 53 e peut Ă©galement vous fournir ,,son troisiĂšme bataillon. LeĂŽ8 e peutvousfour- „nir deux cents hommes pour complĂ©ter ses „deux premiers bataillons. Le e peut complĂ©ter ses deux premiers bataillons a douze ,,cents hommes; le 104 e de mĂȘme. Le 7 e lĂ©ger „peut vous fournir son troisiĂšme bataillon ; de „mĂȘme le 10 e lĂ©ger. Vous pouvez donc avec „un peu d’activitĂ© renforcer votre infanterie de „quatre mille hommes. Je suis surpris qu’il „n’y ait pas eu plus d’engagements volontaires ,,dans l’Alsace pour ces rĂ©giments. Le 39 e de ,,ligne se recrute dans le Haut-Rhin ; ce dĂ©partement doit avoir fourni au moins deux mille „vieux soldats, qui, rĂ©partis entre le 39 e , 32 e ,,et '18 e , devaient porter les troisiĂšmes bataillions et mĂȘme les quatriĂšmes au complet. Le „!0 e lĂ©ger, qui se recrute dans la Haute-SaĂŽne, ,,doitrecevoir beaucoup de monde. Le57 e , qui „se recrute dans le Doubs, doit en recevoir .Ă©galement beaucoup. Le 7 e lĂ©ger, le 58 e , et ,,le 104 e , qui se recrutent dans le Bas-Rhin, .devraient ĂȘtre au complet. Faites-moi couinai tre pourquoi tous les hommes que vous „avez a vos dĂ©pĂŽts ne sont pas sur-le-champ „habillĂ©s, et n’augmentent pas vos cadres. ,Faites-moi connaĂźtre aussi ce qui est annoncĂ© ces rĂ©giments des diffĂ©rents dĂ©partements. ,,EspĂ©rez-vous qu’au 1 er juin vos troisiĂšmes bataillons soient complĂ©tĂ©s, et que chaque rĂ©- „giment soit a dix-huit cents hommes; ce qui 19 . 292 MĂ©moires ,,ferait sept mille hommes pour chacune de „vos divisions? Êtes-vous content des gĂ©nĂ©raux de division et de brigade que vous avez ? ,,Quelle sera la situation du 2 e de chasseurs, „ilu 7 e , et du 19 e de dragons, qui ont tous ,,leur dĂ©pĂŽt dans votre division, au 1 er juin? ,,Ces trois rĂ©giments avaient a leur dĂ©pĂŽt ,,quatre cents hommes et trois cents chevaux ,,ils doivent en avoir reçu depuis. Au I er juin, ,,avec des mesures actives, cette division doit „ĂȘtre de quinze cenls chevaux. La troisiĂšme „division a Ă©galement tous ses dĂ©pĂŽts dans „votre arrondissement elle a douze cents ,,hommes a son dĂ©pĂŽt; elle devra donc vous ,,fournir deux mille chevaux. „ Paris, le i4 mai Je rĂ©pondis sur-le-champ aux questions qu’il m’adressait; je lui exposai l’état dĂ©plora ble dans lequel la troupe Ă©tait tombĂ©e les armes, la monture, l’habillement, il fallait tout remettre a neuf. Je ne pouvais pas avoir au-delĂ  de vingt-deux mille hommes disponibles au 1 er juin. Le tableau n’était pas brillant; mais l’empereur faisait un si admirable emploi de ses ressources, qu’on ne devait jamais dĂ©sespĂ©rer. Il mit de nouveaux fonds Ă  ma disposition ; il stimulait mon zĂšle, m’engageait Ă  ne rien nĂ©gliger pour accroĂźtre mes forces et a reconnaĂźtre tous les dĂ©iilĂ©s. Sa dĂ©pĂȘche mĂ©rite d ĂȘtre connue. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 293 „Monsieur le comte Rapp, „Je reçois votre lettre du 18 mai. J'ai accordĂ© treize millions pour l’habillement dans ,,la distribution de mai. Des ordonnances pour ,,des sommes considĂ©rables ont Ă©tĂ© envoyĂ©es a -chaque corps de votre armĂ©e assurez-vous ,,qu’elles soient soldĂ©es. Je ne puis pas m’ac- -coutumer a l’idĂ©e que vous ne puissiez avoir -de disponible au 1 er juin que vingt-deux mille ,,deux cents hommes, quand la force des dĂ©pĂŽts -est de quatre mille hommes. Appelez a vous ,,le troisiĂšme bataillon du 18 e , le troisiĂšme du „59 e , le troisiĂšme du 57 e , le troisiĂšme du 7 e ,,lĂ©ger, le quatriĂšme du 10 e lĂ©ger; ce qui „vous formera un rĂ©giment a quatre bataillons, ,,quatre a trois bataillons, et quatre a deux „bataillons, ou vingt-quatre bataillons. Poussez ,,1’habillement ; l’argent est en expĂ©dition, et „ne manquera pas. La situation que vous ,,m’avez envoyĂ©e de votre cavalerie n’est pas ,,bien faite. Comment le ti e de cuirassiers n’a-1- ,,il que ses troisiĂšme et quatriĂšme escadrons ,,au dĂ©pĂŽt? Qu’est donc devenu son cinquiĂšme ,,escadron? MĂȘme observation pour le 19 e de ,,dragons. Vous avez mille sept cent quatre-vingt-sept hommes, et seulement quatre cent -vingt-sept chevaux; mais vous ne me faites -pas connaĂźtre combien d’hommes il y a en -dĂ©tachement pour prendre les chevaux des -gendarmes, combien il y en a en remonte au -dĂ©pĂŽt de Versailles, combien le rĂ©giment -doit recevoir de chevaux par suite des marchĂ©s -qu’il a passĂ©s, combien les dĂ©partements -doivent en fournir. Si vous y mettez l’activitĂ© 294 MĂ©moires ^convenable, vous devez sur ces dix-sept cents „hommes en avoir bientĂŽt quinze a seize cents ,,montĂ©s, qui, joints a ceux qui composent ,,aujourd’hui les escadrons, porteront votre „cavalerie a prĂšs de quatre mille hommes. Vous ,,voyez cela trop lĂ©gĂšrement; levez les obstacles par vous-mĂȘme; voyez les dĂ©pĂŽts, et „augmentez votre armĂ©e. Montez un espionnage ,,pour savoir ce qui se passe au-dela du Rhin, „et principalement a Mayence, aThionville; ,,et connaissez bien tous les dĂ©bouchĂ©s des „Vosges. „Napoi,Ă©ok. u „Paris, 1 20 mai i8iĂą.“ du gĂ©nĂ©ral /la//. 295 CHAPITRE XLV. J’allai occuper les lignes de la Lauter. Vingt- trois ans auparavant nous les avions dĂ©fendues ; mais alors elles Ă©taient en bon Ă©tat, la rive gauche du fleuve Ă©tait gardĂ©e ; nous avions quatre-vingt mille combattants, un corps de rĂ©serve, et l'armĂ©e du Haut-Rhin nous soutenait. Rien de tout cela n’existait plus. Les lignes n’offraient que des ruines les digues et les Ă©cluses qui en faissaient la principale force Ă©taient presque entiĂšrement dĂ©truites, et les places qui les appuyaient n’étaient ni armĂ©es ni mĂȘme Ă  l’abri d’un coup de main. Nous comptions a peine quinze mille hommes d’infanterie rĂ©partis en trois divisions, aux ordres des gĂ©nĂ©raux Rottembourg, Albert et Grand- jean. Deux mille chevaux commandĂ©s par le comte Merlin composaient toute notre cavalerie. De Weissenbourg jusqu’à Huningue d’une part, et jusqu’à la Belgique de l’autre, la frontiĂšre Ă©tait complĂštement dĂ©garnie. Dans cet Ă©tat de choses, Germersheim devenait une position importante ; dĂ©fendue par une garnison considĂ©rable et vingt - quatre bouches Ă  feu, elle ne pouvait ĂȘtre emportĂ©e que de vive force. Je ne dĂ©sespĂ©rai pas du succĂšs , et je fis, dĂšs que la nouvelle des hostilitĂ©s me fut parvenue, une reconnaissance gĂ©nĂ©rale, dans laquelle je m’emparai d’Hann , d’Anweiller, et de tous les villages de la Queich. Le chef d’escadron 296 MĂ©moires Tui'ckheim enleva au galop celui de Gottenstein et les postes bavarois qui l’occupaient. Le 21 au milieu de la nuit, toutes les dispo- 1 sitions Ă©taient faites, et dĂ©jĂ  les colonnes d’attaque se mettaient en marche, lorsqu’on annonça le dĂ©sastre de Waterloo. Elles furent aussitĂŽt rappelĂ©es. Je sentais bien que l’en- i nemi ne tarderait pas a franchir le fleuve; je me hĂątai de prendre les mesures administratives que les circonstances exigeaient, et de mettre en Ă©tat de dĂ©fense les places qui Ă©taient sous mon commandement. Je jetai un bataillon de ligne dans Landau, oĂč je fis entrer les caisses du pays. Mais dĂ©jĂ , comme je l’avais prĂ©vu, les troupes de la coalition avaient passĂ© le Rhin a Oppenheim et a Germersheim, et s’étaient partout rĂ©pandues ; nos soldats furent * obligĂ©s d’en venir aux mains pour arriver Ă . leur destination. Nous nous retirĂąmes derriĂšre la Lauter; et le bruit de l’invasion du Haut- Rhin par la grande armĂ©e sous la conduite de Schwartzenberg m’étant parvenu au mĂȘme instant, je fis partir en poste deux bataillons pour renforcer les garnisons de Neuf-Brisach et de Schelestadt. Les Russes, les Autrichiens, les Bavarois, les Wurtembergeois, les Badois, et une foule d’autres nations, rĂ©unis aumombre de plus de soixante mille hommes, sous les ordres du prince royal aujourd’hui roi de Wurtemberg, dĂ©bordĂšrent aussitĂŽt le faible corps que j’avais sous mes ordres. J’avais d’abord eu le dessein de dĂ©fendre l’Alsace pied Ăą pied, en me repliant vers les Vosges, la Meurthe, la Moselle et la Marne 297 du gĂ©nĂ©ral Rapp. mais j’appris que l’armĂ©e de la Moselle, qui m’appuyait par sa gauche , s’était dirigĂ©e vers le nord; que des colonnes ennemies occupaient dĂ©jĂ  Sarrebruck et inondaient la Lorraine-ce mouvement'n’était donc plus possible. D’un autre cĂŽtĂ©, une dĂ©cision prĂ©cipitĂ©, dans les circonstances aussi imprĂ©vues, pouvait avoir les plus graves consĂ©quences. Je temporisai, dans l’espĂ©rance de recev oir des ordres pour rĂ©gler mes mouvements. Mais, depuis la dĂ©pĂȘche qui me donna connaissance de nos revers, je n’en reçus aucune jusqu’à la rentrĂ©e de Louis XVIII dans la capitale. Dans la soirĂ©e du 24, la cavalerie wurtem- bergeoise attaqua mes avant-postes ; les 7 e chasseurs et 11 e drogons prirent les armes, fondirent sur les assaillants, et les taillĂšrent en piĂšces. Le lendemain, l’armĂ©e continua son mouvement de concentration. Je m’établis en avant de la forĂȘt de Haguenau, la droite a Sel ta, le centre a Surbourg, et la gauche a cheval sur la route de Bitche, que l’ennemi avait dĂ©jĂ  investie. Cette position n’était que provisoire elle Ă©tait trop Ă©tendue ; je ne l’avais prise que pour ne pas me porter tout Ă  coup en arriĂšre de la ville , et laisser pĂ©nĂ©trer les alliĂ©s entre cette place et Saverne , que le lieutenant-gĂ©nĂ©ral Desbureaux occupait avec un bataillon de ligne, des partisans et quelques lanciers. Le gĂ©nĂ©ral Rottembourg Ă©tait chargĂ© de surveiller le Rhin en arriĂšre et sur la droite. Je n’avais pu lui laisser qu’une brigade, que j’avais portĂ©e Ă  Selta; encore fus-je obligĂ© de 298 MĂ©moires retirer le 40 Ăš au moment oĂč les Autrichiens paraissaient. Il ne lui resta que lĂ© 39 e , dont le deuxiĂšme bataillon formait les avant-postes et la reserve. Le 1 er , une compagnie de sapeurs et huit piĂšces de canon composaient le corps de bataille pour une ligne de plus d’une demi-lieu d’étendue. La positin, sans ĂȘtre mauvaise par elle-mĂȘme, n’avait rien de rassurant. La petite ville de Seltx, appuyĂ©e au Rhin, est situĂ©e sur les deux rives de la Seltxbach. Cette riviĂšre est assex bien encaissĂ©e sur une Ă©tendue d’environ deux cents toises ; mais plus loin elle est partout guĂ©able, et les bois qui la bordent en favorisent encore le passage. D’un autre cĂŽte, je craignais un dĂ©barquement, que l’ennemi pouvait facilement effectuer en arriĂšre de la droite, et auquel je n’eusse pu m’opposer que faiblement, attendu que toute l’attention devait se porter sur le front, qui, comme je l’ai dit, s’étendait fort loin. Dans cette alternative, le gĂ©nĂ©ral Rottem- bourg se dĂ©cida a ne faire observer le Rhin que par des patrouilles, et envoya une compagnie pour garder les guĂ©s , depuis le moulin de Seltz .jusqu’à INideradern. Il plaça son artillerie sur une petite Ă©minence de la rive droite, a gauche de la ville, et ce qui lui restait de soldats se porta en avant pour soutenir le deuxiĂšme bataillon, qui occupait les avant-postes et le bois. A onxe heures, l’ennemi ayant rĂ©uni ses masses , commença l'attaque par un feu de mousqueterie bien nourri, qu’il appuya avec huit piĂšces de canon. La rĂ©sistance des nĂŽtres fut opiniĂątre, et pendant long-temps il ne put 299 du gĂ©nĂ©rai liapp. la vaincre; mais a la lin cette petite avant-garde fut contrainte de se replier dans le bois. Elle s’y maintint avec un courage hĂ©roĂŻque, et rĂ©sista long-temps aux elforts de huit a neuf mille hommes , que soutenait une artillerie nombreuse. Enlin, aprĂšs quelques heures de la plus belle rĂ©sistance, cette poignĂ©e de braves se retira dans le plus grand ordre,.et vint se rĂ©unir au premier bataillon. Enhardi par ce succĂšs, l’ennemi lit descendre ses masses. Il dĂ©boucha par la grande route, se dirigea sur Seltz, dont il croyait s’emparer sans diflicultĂ©. Nous le laissĂąmes arriver sous le feu de nos batteries ; dĂšs qu’elles purent jouer, une dĂ©charge Ă©pouvantable porta la mort dans ses rangs. RassurĂ© par le nombre, il continua nĂ©anmoins d’avancer, et le combat se rĂ©tablit avec plus de vigueur qu’auparavant. Mais, toujours contenus par la valeur de nos soldats, et foudroyĂ©s par l’artillerie française, les Autrichiens Unirent par cĂ©der, et se retirĂšrent en dĂ©sordre dans le bois. Leurs mouvements dĂšs lors devinrent incertains, et ils hĂ©sitĂšrent longtemps sur ce qu’ils avaient a faire. Nos piĂšces' continuaient de porter la mort au milieu de leurs colonnes. L’attaque n’était pas plus pĂ©rilleuse que l’inaction ; ils marchĂšrent en avant, et parvinrent a s’emparer de la partie de la ville situĂ©e sur la rive gauche. Niais ce triomphe leur corita cher. Quelques obus lancĂ©s sur les maisons dont il Ă©taient maĂźtres les contraignirent a les quitter, et a regagner prĂ©cipitamment leur premier asile; nos batteries redoublĂšrent leur feu, et firent essuyer aux fuyards une perte immense. 300 MĂ©moires Cette attaque ne fut pas la seule dans laquelle ils Ă©chouĂšrent. DĂšs le commencement de l’action, ils s’étaient avancĂ©s, par la grande route de Weissembourg a Haguenau, sur Surbourg, qu’occupait un bataillon du 18 e , commandĂ© par le colonel Yoyrol. Ce village fut vaillamment dĂ©fendu pendant plus de deux heures l’ennemi ne put y pĂ©nĂ©trer; mais il dĂ©ploya enfin des forces si considĂ©rables , que, dans la crainte de voir tourner la position, le gĂ©nĂ©ral Albert la fit Ă©vacuer. Nos soldats se. repliĂšrent derriĂšre la SaarĂ©, oĂč ils se rĂ©unirent au reste du rĂ©giment. Assaillis en cet endroit par l’élite de l’armĂ©e autrichienne, ils restĂšrent inĂ©branlable. LassĂ©s de tant d’attaques infructueuses , convaincus qu’ils ne parviendraient pas a forcer des hommes qui paraissaient dĂ©cidĂ©s a mourir h leur poste, ni a s’emparer des avenues de la forĂȘt , alliĂ©s se dĂ©cidĂšrent enfin a la retraite. Nous avions trois cents hommes tuĂ©s ou blessĂ©s les Autrichiens, de leur propre aveu, en avaient perdu deux mille et avaient eu deux piĂšces de canon dĂ©montĂ©es. Nos troupes avaient a peine pris quelques heures de repos, lorsque je fus obligĂ© de les remettre en marche. L’armĂ©e alliĂ©e du Haut- Rhin s’avançait sur Strasbourg; cette nouvelle m’était parvenue pendant l’action. Je n’avais pas un instant a perdre. Je me dirigeai sans dĂ©lai sur cette place, et l’évĂ©nement a fait voir si cette mesure Ă©tait juste. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 301 CHAPITRE XLVI. Ce fut pendant cette retraite que les soldats apprirent le dĂ©sastre de Waterloo et l’abdication de l’empereur, que, jusqu’à ce moment, je leur avais soigneusement cachĂ©s. Ces Ă©vĂ©nements produisirent un dĂ©couragement universel, et la dĂ©sertion se mit bientĂŽt parmi eux. Les moins emportĂ©s roulaient dans leurs tĂȘtes des projets funestes. ExcitĂ©s par la malveillance, les uns voulaient se rendre dans leurs foyers , les autres proposaient de se jeter en partisans dans les Vosges. Je fus aussitĂŽt informĂ© de ces dispositions. J’envisageai de suite les terribles consĂ©quences qu’elles pouvaient avoir. Je publiai un ordre du jour; il rĂ©ussit, les esprits se calmĂšrent; mais l inquiĂ©tude ne tarda pas a se rĂ©veiller. ArrivĂ© a Haguenau, le *** rĂ©giment, autrefois si fameux, annonça hautement le dessein de quitter l’armĂ©e et de se rendre avec son artillerie dans les montagnes. DĂ©jalespiĂšces Ă©taient attelĂ©es et un bataillon avait pris les armes. Je fus averti; j’accourus, je pris a la main l’aigle de ces rebelles; et me plaçant au milieu d’eux, „Soldats, leur dis-je, j’apprends qu’il est question,- parmi vous, de nous abandonner. Dans ,,une heure nous allons nous battre; voulex- „vous que les Autrichiens pensent que vous „avez fui le champ d’honneur? Que les braves >, jurent de ne quitter ni leurs aigles ni leurgĂ©- i,nĂ©ral en chef. Je permets aux lĂąches de s’eu MĂ©moires ‱'02 ,,aller.“ A ces mots , tons s’écrient ,,Vive ,,Rapp ! vive notre gĂ©nĂ©ral !“ Tous font le serment de mourir sous leurs drapeaux, et le calme est rĂ©tabli. Nous nous mimes aussitĂŽt en marche , et nous nous portĂąmes sur la Souffel , a deux lieues en avant de Strasbourg. La quinziĂšme division avait sa droite a la riviĂšre d’ill, son centre a Hoenheim, sa gauche a Souffelvveyers- heim, et s’étendait jusqu’à la route deBrumpt la seiziĂšme occupait Lampertheim , Mundols- heim , les trois villages de Hausbergen , et appuyait sa gauche a la route de Saverne ; enfin la dix-septiĂšme Ă©tait en colonnes sur celle de Molsheim, avec deux rĂ©giments de cavalerie ; deux autres Ă©taient placĂ©s en arriĂšre de la quinziĂšme division a Bischheim. Telle Ă©tait la position de nos troupes le 28 au matin, lorsque l’ennemi se jeta avec impĂ©tuositĂ© sur le village de Lampertheim , occupĂ© par un bataillon du 10 e , sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Beurmann. Ce bataillon seul soutint long-temps les efforts de huit mille hommes d’infanterie et le feu continu de six piĂšces de canon. NĂ©anmoins, comme le nombre des assaillants augmentait sans cesse, il se retira derriĂšre la riviĂšre, et vint, conformĂ©ment a ses ordres, s’établira Mundolsheim. Des colonnes ennemies, fortes de quarante a cinquante mille hommes, s’avancĂšrent aussitĂŽt par les routes de Brumpt et de Bisclnveil- ler. Toutes ces dispositions , et les masses de cavalerie qui couvraient la premiĂšre de ces routes, annonçaient le projet de sĂ©parer les divisions des gĂ©nĂ©raux Rottembourg et Albert, 303 du gĂ©nĂ©ral Rapp. afin d’accabler celle-ci. Je ne me mĂ©pris pas sur les le dessein des alliĂ©s mais je ne pouvais rĂ©unir mes troupes , dĂ©ployĂ©s dans une plaine immense et dĂ©jĂ  engagĂ©es sur toute la ligne. 11 ne me restait qu’un parti; je le pris sur-le-champ heureusement c’était le plus funeste pour l’ennemi. Je serre en colonnes le 10 e rĂ©giment, au milieu du feu; je fais avancer le ĂŽ2 e , et je l’échelonne aprĂšs l’avoir formĂ© en carrĂ©. Le reste de la di\ ision Albert reste en rĂ©serve h la hauteur de Hiderhausbergen. Tout en dĂ©fendant le terrain pied a pied, le gĂ©nĂ©ral Rottembourg fit un changement de front, l’aile gauche en arriĂšre, et vint couvrir les villages de Hoenheim, Bischeim et Schit- tigheim, en menaçant le flanc des troupes I qui s’engageaient entre ces deux divisions. C’étaient ses instructions. Le 103 e fut placĂ© sur la route de Brumpt, et le 3j e sortit de SoufFelweyersheim pour l’appuyer; mais a peine Ă©tait- il en marche que les alliĂ©s attaquent le village. J’envoie aussitĂŽtune compagnie pour dĂ©fendre cette importante position. Nos soldats s’y portent a la course, mais l’ennemi s’en empare ar mit qu'ils puissent arriver. Le capitaine Chauvin soutient avec une rare bravoure le feu d’une nuĂ©e de tirailleurs, et donne au gĂ©nĂ©ral Fririon le temps d’accourir. Celui-ci laisse un bataillon et quatre piĂšces de canon pour couvrir la route, et 1 s’avance au pas de charge avec le reste de ses forces. Le gĂ©nĂ©ral Gudin seconde ce mouvement, et manƓuvre sur celle de Bischweiller les Autrichiens cĂšdent et se retirent ; mais les renforts qu’ils reçoivent a chaque instant ne 304 MĂ©moires laissent a nos troupes aucun espoir de se maintenir. D’un autre cĂŽtĂ©, les assaillants avaient dĂ©bordĂ© le 10 e , et le moment Ă©tait venu d’exĂ©cuter le mouvement que j’avais prescrit. En consĂ©quence, la seizsime division replia son aile gauche perpendiculairement en arriĂšre, et en conservant la tĂȘte de Hoenheim, d’oĂč notre artillerie foudroyait l’ennemi en flanc et a revers. En mĂȘme temps, le brave gĂ©nĂ©ral Beurmann , attaquĂ© de toutes parts et dĂ©jĂ  enveloppĂ© , sortait de Mundolsheim a la tĂȘte du 10 e , et faisait retraite en bon ordre sur la division. Les Autrichiens, de leur cĂŽtĂ©, se portaient sur la route de Brumpt avec des masses Ă©normes de cavalerie et d’infanterie, soutenues pay une artillerie formidable. Ils s’engagĂšrent entre les deux divisions , et arrivĂšrent sans obstacle sur quatre bouches a feu qui n’avaient cessĂ© de mitrailler leurs colonnes. Elles furent enlevĂ©es mais l’ennemi prĂȘta le flanc aux troupes du gĂ©nĂ©ral Rottembourg, et a deux rĂ©giments de cavalex’ie qui se trouvaient sur son front, Je profitai de cette circonstance , je me mis a la tĂȘte du 11 e de dragons et du 7 e de chasseurs a cheval. Je me prĂ©cipitai en avant, je renversai la premiĂšre ligne, pĂ©nĂ©trai dans la seconde, culbutai tout ce qui opposa de la rĂ©sistance. INous fĂźmes une boucherie affreuse de la cavalerie autrichienne et wurtembergeoise. > En mĂȘme temps le 32 e de ligne arrive au pas l de charge, en colonnes serrĂ©es, et l’empĂȘche de se rallier. Elle se renverse sur sa propre infanterie et la met en fuite. De son cĂŽtĂ© le gĂ©nĂ©ral Rottembourg porte sa 305 du gĂ©nĂ©ral Rapp. sa droite en avant, et fond sur l'ennemi, qui dĂ©file en dĂ©sordre devant ses colonnes, le feu le plus meurtrier d’artillerie et de mousquete- rie, en un instant le champ de bataille est couvert de morts, et l’immense armĂ©e du prince de Wurtemberg mise en dĂ©route. Elle fut telle que des bagages qui se trouvaient a deux lieues en arriĂšre furent culbutĂ©s, pillĂ©s, et que le prince lui-mĂȘme perdit ses Ă©quipages. Le dĂ©sordre s’étendit jusqu’à Haguenau, et aurait Ă©tĂ© plus loin, si 50,030 Russes, arrivĂ©s de Weis- sembourg, n’eussent par leur prĂ©sence l’assurĂ© les fuyards. La nuit qui survint, et le danger qu’il y aurait eu a s’aventurer devant des forces aussi supĂ©rieures , nous empĂȘchĂšrent de profiter de nos avantages. Nous ne pĂ»mes reprendre notre artillerie; l'ennemi s’était hĂątĂ© de la faire passer sur ses derriĂšres. Elle lui coĂ»tait assez cher pour qu’il tint a la conserver. Il avait quinze cents Ăą deux mille morts et un nombre de blessĂ©s encore plus considĂ©rable. De notre cĂŽtĂ©, nous eĂ»mes environ sept cents hommes hors de combat. De ce nombre Ă©taient les deux capitaines d’artillerie lĂ©gĂšre Favier et Dandlau, blessĂ©s l’un et l’autre en dĂ©fendant leurs piĂšces, et le colonel Montagnier, qui rendit de si grands services en cette occasion. Le gĂ©nĂ©ral ennemi se vengea de sa dĂ©faite par des dĂ©gĂąts. Il incendia, le lendemain de la bataille, le village de SoufFelweyersheim, sous prĂ©texte que les paysans avaient tirĂ© sur ses troupes. Le fait n’est pas vrai, et le nom, du prince de Wurtemberg reste a jamais souillĂ© 306 MĂ©moires d’une action qui a plongĂ© une foule de familles dans la misĂšre. Soit que la vigueur avec laquelle nous avions repoussĂ© toutes ses attaques l’eĂ»t dĂ©goĂ»tĂ© d’en faire de nouvelles , soit tout autre motif, il resta quelques jours sans rien entreprendre. Je profitai de ce repos pour approvisionner Strasbourg et me fortifier dans mes positions. J’eus le temps aussi de donner a tous les commandants de place qui Ă©taient sous mes ordres les instructions les plus prĂ©cises. Cependant l’armĂ©e alliĂ©e augmentait sans cesse, de nouveaux corps venaient la grossir tous les jours bientĂŽt soixante-dix mille hommes se dĂ©ployĂšrent devant nous, et vinrent nous presser de toutes parts. Les parlementaires se succĂ©daient l’un a l’autre, et sans avoir aucun but marquĂ©. Je fis proposer au gĂ©nĂ©ral ennemi une suspension d’armes, pendant laquelle je pourrais envoyer un officier a Paris, et recevoir des ordres du gouvernement. Le prince de Wurtemberg refusa, sans renoncer nĂ©anmoins au systĂšme de communication qu’il avait adoptĂ©. Ce fut a peu prĂšs a cette Ă©poque qu’il fit venir devant lui le pasteur de Wendenheim, homme respectable et excellent patriote. „Con- „naissez-vous , lui dit-il, le gĂ©nĂ©ral Rajip ? — ,,Oui, monseigneur. — Vous chargeriez-vous ,,d’une mission auprĂšs de lui ? — AssurĂ©ment, ,,si elle n’avait rien de contraire aux intĂ©rĂȘts ,,de mon pays. -— Eh bien, allez lui dire que ,,s’il veut me livrer Strasbourg pour le roi de ,,France, il verra pleuvoir sur lui les biens et ,,les honneurs. — Monseigneur, le gĂ©nĂ©ral Rapp 307 du gĂ©nĂ©ral Rapp. „est Alsacien, et par consĂ©quent bon Français; „jamais il ne consentira a dĂ©shonorer sa carriĂšre „militaire. En consĂ©quence, je prie votre al- ,,tesse de charger un autre que moi de ce mesusage.“ A ces mots, le vĂ©nĂ©rable pasteur s’incline et disparaĂźt, laissant le prince Ă©tonnĂ© et confondu d’avoir proposĂ© inutilement une bassesse. NĂ©anmoins son altesse ne se rebuta pas. Le 3 juillet, elle m’envoya le gĂ©nĂ©ral Vacquant, en qualitĂ© de parlementaire, pour me demander, au nom du roi de France, la remise de la place de Strasbourg. Afin d’inspirer plus de confiance, l’officier autrichien portait un Ă©norme ruban blanc et la dĂ©coration du lis. Je lui demandai s’il venait de la part du roi, il rĂ©pondit que non. ,,Eh bien, lui dis-je, je ne rendrai ,,la place que lorsque mes soldats auront mangĂ© .„des cuisses autrichiennes, comme ceux que ,,j’avais a Dantzic en ont mangĂ© de russes.“ ImportunĂ© des communications insignifiantes que me faisait passer chaque jour le commandant des alliĂ©s, je cherchai a pĂ©nĂ©trer ses motifs. Dans cette vue, une reconnaissance gĂ©nĂ©rale fut exĂ©cutĂ©e le 6' sur les positions autrichiennes. Nos soldats enlevĂšrent quelques postes de cavalerie, en taillĂšrent d’autres en piĂšces, et rentrĂšrent au camp aprĂšs avoir fait prendre les armes a toute l’armĂ©e ennemie. Une forte canonnade s’étant fait entendre deux jours aprĂšs du cĂŽtĂ© de Phalsbourg, je rĂ©solus de faire une seconde pointe, tant pour m’assurer au juste des forces que j’avais devant moi, que pour empĂȘcher le prince de Wurtemberg de dĂ©tacher des troupes contre cette 20 . 308 MĂ©moires. place. La division Albert et la cavalerie marchĂšrent contre le camp retranchĂ© que les Autrichiens avaient assis , depuis la forte position d'Oberhausbergen jusqu’à Hiderhausbergen. L’attaque commença Ă  trois heures du matin, elle fut impĂ©tueuse et couronnĂ©e du plus grand succĂšs. La cavalerie ennemie fut culbutĂ©e et mise en fuite par la brigade du gĂ©nĂ©ral Grou- vel ; les principaux villages furent pris a la " baĂŻonnette, et les retranchements emportĂ©s. Plusiurs officiers furent faits prisonniers dans leurs lits, d’autres au moment oĂč ils couraient aux armes. Des gĂ©nĂ©raux s’échappĂšrent en chemise, et ne durent leur salut qu’aux tĂ©nĂšbres qui les protĂ©geaient. Le 10 e d’infanterie lĂ©gĂšre, commandĂ© par le brave Colonel CrettĂ©, dĂ©ploya dans cette affaire la mĂȘme valeur qu’a la bataille du 28. Le 18 e sous les ordres du colonel Yoyrol, l’un des officiers les plus intrĂ©pides de l’annĂ©e française, se renditrnaitre du village de Mittelhaus- bergen , oĂč il se maintint long-temps contre des forces supĂ©rieures et des attaques non interrompues sur tous les points. Le signal de la retraite ayant Ă©tĂ© donnĂ©, le gĂ©nĂ©ral Albert fit Ă©chelonner le 57 e vers l’attaque de droite, et le 32 e vers celle de gauche. ÏNous nous repliĂąmes dans le plus grand ordre. I/ennemi voulut nous troubler, il fondit sur nos troupes. Le 57 e le reçut sans s’ébranler, et fit une dĂ©charge a bout portant qui dĂ©sorganisa ses colonnes; deux fois la cavalerie alliĂ©e revint a la charge, deux fois elle fut repoussĂ©e avec perte. Le gĂ©nĂ©ral Laroche, qui la conduisait, fut atteint et tomba sous les pieds des 309 du gĂ©nĂ©ral Rapp. chevaux; il eĂ»t pĂ©ri si les Français ne fussent venus k son secours. ,,Amis, s’écrie-t-il, j’ai ,,servi autrefois dans vos rangs, sauvez-moi.“ Il fut aussitĂŽt relevĂ© et rendu aux siens. Un gros de cuirassiers faillit surprendre le 18 e dans son mouvement rĂ©trograde ; mais le chef de l’état-major-gĂ©nĂ©ral, le colonel Schneider, lui ayant habilement opposĂ© un bataillon qu’il avait sous la main , rompit son choc et sauva le rĂ©giment d’une dĂ©faite inĂ©vitable. Les alliĂ©s, convaincus qu’ils ne parviendraient pas a nous entamer, nous laissĂšrent paisiblement continuer notre marche. Nos troupes rentrĂšrent au camp aprĂšs avoir acquis la certitude de l’immense supĂ©rioritĂ© des forces qu’elles avaient a combattre. De part et d’autre on prit des cantonnements. Une convention militaire fut conclue peu de jours aprĂšs, et les hostilitĂ©s cessĂšrent dans toute l’Alsace. 310 MĂ©moires CHAPITRE XLVII. L’oisivetĂ© engendra bientĂŽt la sĂ©dition. D’autres armĂ©es, d’autres corps, que n’égarait aucune combinaison politique, avaient foulĂ© aux pieds la discipline militaire. Est-il Ă©trange qu’au milieu de reifervescence gĂ©nĂ©rale mes soldats se soient un instant oubliĂ©s? Cet Ă©pisode est pĂ©nible. Je ne dois ni l’écrire ni le taire. Je puis bien supporter le blĂąme qu’ont encouru Joubert, MassĂ©na, et tant d’autres gĂ©nĂ©raux que je n’ai pas la prĂ©tention d’égaler. Voici en quels termes un anonyme a rendu compte de cet acte d’indiscipline. Il n’a pas voulu tout dire, mais il s’agit de moi je dois imiter sa rĂ©serve. Je souscris du reste au jugement qu’il a portĂ©. ,,Les Autrichiens, dĂ©sespĂ©rant de se rendre maĂźtres de Strasbourg par la force des armes, cherchĂšrent a se mĂ©nager des intelligences dans cette ville. Ils y rĂ©ussirent d’autant mieux qu’ils employĂšrent avec sagacitĂ© les deux moyens qui agissent le plus puissamment sur le cƓur de l’homme, l’or et la frayeur. Ils sĂ©duisirent les uns par l’appĂąt des richesses, ils en subjuguĂšrent d’autres en leur faisant craindre les vengeances du gouvernement. Lorsqu’ils se furent de la sorte assurĂ©s de tous ceux qu’ils jugĂšrent susceptibles d’ĂȘtre Ă©garĂ©s , ils se hĂątĂšrent d’exĂ©cuter leurs perfides desseins. ,,BĂšs l’ouverture de la campagne, nos sol- 311 du general Ilapp. dats se trouvaient dans une Ă©tat d’irritation bien propre a seconder les vues secrĂštes de l'ennemi ils connaissaient l'afFreuse journĂ©e de Waterloo, ils en savaient tous les dĂ©tails; mais ils avaient trojĂŻ de confiance dans l’habiletĂ© de,cette homme fameux avec lequel ils avaient cinq fois triomphĂ© de l’Europe entiĂšre, ils l’avaient vu trop souvent ressaisir par des inspirations soudaines la victoire qui lui Ă©chappait, pour croire que son gĂ©nie militaire l’eut tout a coup abandonnĂ© ; ils songeaient perpĂ©tuellement a ce dĂ©sastre, et ils ne pouvaient y songer sans frĂ©mir. PersuadĂ©s qu’ils Ă©taient que nos troupes Ă©taient toujours les mĂȘmes, et qu’elles avaient affaire aux mĂȘmes ennemis, une telle dĂ©faite leur parraissait inconcevable. IN’en connaissant pas les vĂ©ritables causes, ils, accusaient les traĂźtres de tous nos malheurs des traĂźtres avaient livrĂ© nos plans, des traĂźtres avaient commandĂ© de fausses manƓuvres, des traĂźtres avaient criĂ© sauve qui peut ; il y en avait parmi les gĂ©nĂ©raux, parmi les officiers, parmi 1 les soldats qui sait mĂȘme s’il n’en existait que dans l’annĂ©e du nord? qui sait si le corps dont ils faisaient partie, si leur rĂ©giment, si leur compagnie, n’en Ă©taient pas infectĂ©s? Pouvaient-ils compter sur leur chefs, sur leurs camarades ? Tou t le monde Ă©tait suspect, il fallait se dĂ©fier de tout le monde. ,,Tels Ă©taient les discours qui Ă©chappaient a la colĂšre, que la malveillance accueillait, amplifiait, envenimait, et que chaque soldat finit par rĂ©pĂ©ter et par croire. BientĂŽt on expliqua tout par cette idĂ©e. AccoutumĂ© a tenir la campagne , on s’était vu avec douleur contraint de 312 MĂ©moires se retirer devant un ennemi, qu’on mĂ©prisait. Il eĂ»t Ă©tĂ© natui’el d’attribuer ses progrĂšs a son immense supĂ©rioritĂ© numĂ©rique on aima mieux les expliquer autrement ; les chefs Ă©taient d’intelligence avec les Autrichiens. Plusieurs circonstances aussi fatales qu’inĂ©vitables vinrent donner a cette opinion une sorte de vraisemblance aux yeux des soldats pi'Ă©venus. Ce fut d’abord l’ordre que reçut le comte Rapp de licencier l’armĂ©e, et de renvoyer chaque homme isolĂ©ment, sans argent et sans armes. Ce fut ensuite une injonction qui lui fut faite par le gouvernement de livrer Ă  des commissaires russes dix mille fusils tirĂ©s de l’arsenal de Strasbourg. Ces deux dĂ©pĂȘches l’obligĂšrent d’entrer en correspondance avec les alliĂ©s. Les frĂ©quents Ă©changes de couriers qui eurent lieu a cette occasion produisirent un mauvais effet sur les esprits. Le mystĂšre dont le gĂ©nĂ©ral fut obligĂ© de s’envelopper pour cacher aux troupes le transport des armes Ă  feu augmenta l’irritation ; les malveillants la poi'tĂšrent a son comble. Ils disaient hautement que Le comte Rapp Ă©tait vendu, qu’il avait reçu plusieurs millions des Autrichiens pour les introduire dans la place, et que s’il renvoyait les soldats individuellement et dĂ©sarmĂ©s, c’était d’aprĂšs une convention faite et pour les livrer a l’ennemi. ,,DĂšs qu’une fois ces germes de fermentation eurent Ă©tĂ© jetĂ©s dans les diffĂ©rents corps, il se dĂ©veloppĂšrent d’eux-mĂȘmes; les instigateurs n’eurent plus qu’a en observer les progrĂšs, a combiner les incidents propres a augmenter les troubles, et a rendre inĂ©vitable la catastrophe qu’ils prĂ©paraient. 315 du gĂ©nĂ©ral Rctpp. „Quoique le gĂ©nĂ©ral Rapp fĂ»t bien loin de soupçonner une telle trame, il avait pris, en quelque sorte, toutes les mesures qu’il pouvait prendre pour la dĂ©jouer. AussitĂŽt que la dĂ©pĂȘche ministĂ©rielle rĂ©lative au licenciement lui fut parvenuĂš , il avait expĂ©diĂ© en toute hĂąte a Paris un de ses aides-de-camp, le chef d’escadron Marnier. Cet officier vit plusieurs fois les ministres, il leur reprĂ©senta a quelle violence l’armĂ©e allait se porter si la solde entiĂšre n’était pas payĂ©e; mais il ne put obtenir, malgrĂ© les instances les plus vives , qu’une traite de quatre cent mille francs sur la caisse de service. Son retour avec cette faible somme vint dĂ©truire toutes les espĂ©rances. Le gĂ©nĂ©ral en chef, qui voyait les esprits s’aigrir de plus en plus, ne nĂ©gligea rien pour conjurer l’orage. Le manque de fonds Ă©tait ce qui indisposait le plus pour faire disparaĂźtre cette cause de mĂ©contentemĂȘnt, il essaya d’ouvrir un emprunt dans Strasbourg. Les habitants lui ayant demandĂ© une hypothĂšque, il fit solliciter, auprĂšs du ministre des finances, l’autorisation d’engager les tabacs qui se trouvaient dans la ville le ministre s’y refusa. NĂ©anmoins, par l’entremise du gĂ©nĂ©ral SemelĂ©, qui commandait la place, on obtint des autoritĂ©s civiles une somme de cent soixante mille francs. De si faibles moyens ne pouvaient satisfaire les soldats, que de faux bruits animaient sans cesse, et l’insurrection ne tarda pas a Ă©clater. Elle fut soudaine, elle fut gĂ©nĂ©rale, et prĂ©senta un caractĂšre tout-a-fait particulier. J’en retracerai tous les dĂ©tails, parce qu’ils serviront a faire mieux connaĂźtre l’esprit du soldat français. 314 MĂ©moires ,,Le 2 septembre, vers les huit heures du matin, environ soixante officiers subalternes de diffĂ©rents rĂ©giments s’assemblĂšrent dans un des bastions de la place. Ils arrĂȘtĂšrent un projet d’obĂ©issance aux ordres qui licenciaient l’armĂ©e, mais a des conditions dont ils rĂ©solurent de ne point se dĂ©partir. Cette dĂ©claration commençait ainsi „Au nom de l’armĂ©e du Rhin, les officiers, „sous-officiers et soldats n’obĂ©iront aux ordres ,,donnĂ©s pour le licenciement qu’aux conditions suivantes „Art. 1 er . Les officiers, sous-officiers et sol- ,,dats ne quitteront l’armĂ©e qu’aprĂšs avoir Ă©tĂ© „soldĂ©s de tout ce qui leur est dĂ». ,, Art. 2. Ils partiront tous le mĂȘme jour, emportant armes, bagages, et cinquante cartou- „ches chacun, etc., etc.“ ,,DĂšs que cette piĂšce eut Ă©tĂ© libellĂ©e, ils se rendirent chez le gĂ©nĂ©ral en chef pour lui en donner communication. Celui-ci, alors malade, Ă©tait dans le bain. EtonnĂ© de cette visite inattendue, il donne ordre de laisser approcher. Cinq officiers s’approchent aussitĂŽt de la baignoire; ils font l’exposĂ© du sujet de leur mission , et dĂ©clarent que l’armĂ©e ne subira le licenciement qu’autant que ces conditions auront Ă©tĂ© remplies. A qe mot de conditions, le gĂ©nĂ©ral furieux s’élance du bain, et arrachant le papier des mains de l’orateur ,,Quoi! messieurs , vous voulez m’imposer des conditions ! vous refusez d’obĂ©ir ! des conditions a ,,moi !...“ ,, ton de voix, le regard du comte Rapp, peut-ĂȘtre l’attitude dans laquelle il se prĂ©sen- 315 du gĂ©nĂ©ral Rapp. tait; imposĂšrent a la dĂ©putation. Elle se retira confuse, et chacun des officiers alla rendre comte a son rĂ©giment du mauvais accueil qu’ils avaient reçu. ,,Les sous - officiers, assemblĂ©s au nombre d’environ cinq cents , attendaient pour agir la rĂ©ponse du gĂ©nĂ©ral. Ils sentirent bien, quand ils en eurent connaissance, qu’un tel homme n’était pas facile a intimider, et qu’en faisant une dĂ©marche, ils ne seraient pas plus heureux que leurs chefs. Mais leur parti Ă©tait pris; ils vinrent se ranger en bataillĂ© dans la cour du palais, et demandĂšrent qu'on les introduisit auprĂšs du gĂ©nĂ©ral en chef. Un aide- de-camp descent pour connaĂźtre les motifs qui les amĂšnent, ils refusent d’entrer en explication avec lui. ,,Quel est le chef de la „ troupe? demande cet officier. Aucun... ,,tous,“ rĂ©pondent-ils en masse. Il appelle au centre les plus anciens de chaque rĂ©giment; il leur adresse quelques reprĂ©sentations sur l’acte d’indiscipline dont ils se rendent coupables. Mille voix confuses l'interrompent aussitĂŽt „De l’argent! de l’ai’gent!.... Nous ,,voulons ĂȘtre payĂ©s de tout ce qui nous est ,,dĂ»; nous saurons nous faire payer. “ ,,Le chef d’état-major colonel Schneider, dont ils avaient tant de fois admirĂ© la rĂ©solution au milieu des dangers, arrive sur ces entrefaites, et essaie avec aussi peu de SuccĂšs de les calmer ,,De l’argent, rĂ©pĂštent-ils encore, de l’argent 1“ FatiguĂ©s de pousser des cris, de faire des menaces inutiles, et n’ayant pu arriver jusqu’au gĂ©nĂ©ral en chef, ils se dispersent enfin, aprĂšs s’ĂȘtre assignĂ© un ren- 316 MĂ©moires > dez-vous. La plupart se portent sur la place d’armes, oĂč ils procĂšdent aussitĂŽt a l’élection des nouveaux chefs qu’ils avaient rĂ©solu de se donner. L’un d’eux, nommĂ© Dalouzi, sergent au 7 e lĂ©ger, connu par sa capacitĂ©, son audace, et surtout par un habil soldatesque qui lui Ă©tait propre, rĂ©unit tous les suffrages ,,Vous voulez ĂȘtre pavĂ©s, dit-il a ses eamara- „des, et c’est pour cela que vous ĂȘtes ici. — ,,ui, rĂ©pondit-on d’une commune voix. — „Ehbien! si vous promettez de m’obĂ©ir, de, „vous abstenir de tout dĂ©sordre, de faire re- ,,specter les propriĂ©tĂ©s, de protĂ©ger les personnes, je jure sur ma tĂȘte que vous le serrez avant vingt-quatre heures.“ Ce discours fut accueilli avec des cris de joie, et le sergent fut nommĂ© gĂ©nĂ©ral. 11 choisit aussitĂŽt pour son chef d’état-major le tambour-major du 58 e ; un second sous-officier fut chargĂ© des fonctions de gouverneur de la place; un troisiĂšme, du commandement de la premiĂšre division; un autre de la seconde, et ainsi de suite. Les rĂ©giments eurent des colonels; les bataillons, les escadrons, des chefs; et les compagnies, des capitaines; enfin on complĂ©ta un Ă©tat-major. „Les autres sous-officiers Ă©taient retourné» aux casernes, oĂč les soldats attendaient avec impatience le rĂ©sultat de la dĂ©marche qui venait d’ĂȘtre faite. lia gĂ©nĂ©rale est aussitĂŽt battue, et tous les corps, infanterie, cavalerie, artillerie, sont dirigĂ©s en ordre et a la course sur la place d’armes. L’organisation Ă©tait a peine terminĂ©e, lorsqu’ils y arrivĂšrent. Ame sure qu’ils paraissaient, les nouveaux chef» du gĂ©nĂ©ral Rapp. 31 ? allaient en prendre le commandement, et les dirigeaient sur les points qu’ils avaient ordre d’occuper. ,,Cependant le general Rapp, Ă©tonnĂ© de voir Ă©clater une insurrection si grave , s’était habillĂ© a la hĂąte, dans l’espĂ©rance de connaĂźtre/ les motifs de ces mouvements sĂ©ditieux, et de * parvenir Ăą les calmer. Mais les diverses opĂ©rations dont nous venons de rendre comte avaient Ă©tĂ© conduites avec une telle cĂ©lĂ©ritĂ©, qu’au moment oĂč il sortait accompagnĂ© de son chef d’état-major et de quelques officiers, les colonnes, suivies d’une populace nombreuse, dĂ©bouchaient dĂ©jĂ  par toutes les rues qui aboutissent, a la place du palais. DĂšs qu elles aperçoivent le gĂ©nĂ©ral, les troupes se mettent prĂ©cipitamment en bataille, et croisent la baĂŻonnette pour l’empĂȘcher de passer. AussitĂŽt des cris forcenĂ©s se font entendre des derniers rangs. ,.Tii'ez.... il a vendu TartinĂ©e.... Tirez donc." Des misĂ©rables, rĂ©pandus dans les groupes, excitaient du geste et de la voix a massacrer ce vaillant homme. La fureur se rĂ©pand de proche en proche , et bientĂŽt la confusion est a son comble; les soldats Ă©garĂ©s apprĂȘtent leurs armes; les rangs se doublent; huit piĂšces de canon arrivent au galop, et sont incontinent chargĂ©es a mitraille. „Chaque fois que le gĂ©nĂ©ral Rapp adresse la parole a ceux qui le menacent, les vocifĂ©rations recommencent et les cris provocateurs se font entendre avec une nouvelle rage. Mis en joue a plusieurs reprises, les piĂšces de canon sont constamment dirigĂ©es sur lui, et les pointeurs suivent tous ses mouvements 318 MĂ©moires ,,Rangez-vous ! s’écriaient-ils , que nous tirions ,,dessus.“ Un obusier s’attache avec tant de persĂ©vĂ©rance au groupe dont le gĂ©nĂ©ral est environnĂ©, qu’il s’en aperçoit. 11 court au canonnier qui tient la mĂšche ,,Eh bien! ,,que prĂ©tends-tu faire, misĂ©rable? lui dit-il; „veux-tu me tuer ? Mets le feu, me voici a ,,l’embouchure. — Ah! mon gĂ©nĂ©ral! s’écrie ,,le soldat en laissant Ă©chapper son boute-feu, „j’ai Ă©tĂ© au siĂšge de Dantzic avec vous , je v ous ,,donnerais ma vie... Mais les camarades venaient ĂȘtre payĂ©s, je suis obligĂ© de faire commue eux." Et il reprend sa mĂšche. „AccablĂ© de questions vides de sens, d’interpellations sans objet, Ă©tourdi des clameurs de la multitude, dont les flots grossissaient sans cesse, le gĂ©nĂ©ral se dĂ©cida enfln a rentrer au palais. ,,Les troupes l’y suivirent, et les diffĂ©rentes avenues en furent occupĂ©es par huit piĂšces de canon, mille hommes d’infanterie et un escadron de cavalerie. Cette garde se nomma la garde extĂ©rieure du palais. Un bataillon de grenadiers vint s’établir dans la cour, et prit la dĂ©nomination de garde intĂ©rieure. PrĂšs de soixante factionaires furent placĂ©s deux a deux a toutes les portes et sur l’escalier qui conduisait a l'appartement du comte Rapp ; il y en eut mĂȘme, pendant quelques instants, jusqu’à celle de sa chambre a coucher. On s’empara ensuite du tĂ©lĂ©graphe et de la monnaie. Pour tĂ©moigner en mĂȘme temps qu’on n’avait aucun mauvais dessein, un dĂ©tachement fut envoyĂ© a l’hĂŽtel du gĂ©nĂ©ral autrichien Volkman, qui se trouvait dans 319 du gĂ©nĂ©ral Rapp. la place, et fat mis a sa disposition. Les ponts furent levĂ©s , et l’on ne communiqua plus avec les dehors sans une permission signĂ©e du nouveau commandant. Le tambour-major du 58 e se rendit avec un trompette au quartier- gĂ©nĂ©ral des alliĂ©s, et leur signilia que s’ils respectaient la trĂȘve, la garnison ne se porterait a aucun acte d’hostilitĂ© ; mais que s’ils essayaient de profiter de la mĂ©sintelligence qui rĂ©gnait entre le chef et les soldats, elle saurait opposer une noble rĂ©sistance. ,,Cependant Dalouzi avait Ă©tabli son Ă©tat- major sur la place d’armes, et créé deux commissions , l’une des vivres, composĂ©e de fourriers , et l’autre des finances, formĂ©e de sergents -majors; elles se constituĂšrent en permanence , dĂ©libĂ©rĂšrent sur les mesures les plus propres a maintenir la tranquillitĂ© publique, i et a mettre la ville a l’abri de toute surprise. Les postes de la citadelle et ceux de l’intĂ©- ! rieur furent doublĂ©s ; on plaça mĂȘme des gar- I des a quelques vieilles poternes qui jusque- lĂ  avaient Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©es; on renforça la ligne j extĂ©rieure , les troupes bivouaquĂšrent sur les places et dans les rues; enfin on n’oublia au- ! cune des prĂ©cautions que peut suggĂ©rer lapru- ! dence la plus soupçonneuse. Afin de prĂ©venir les excĂšs auxquels la malveillance pouvait exciter les soldats, il fut dĂ©fendu, sous peine de mort, d’entrer dans aucun des lieux oĂč l’on vendait de l’eau-de-vie, du vin ou de la biĂšre. I-a mĂȘme peine fut portĂ©e contre tous ceux qui se rendraient coupables de pillage, de dĂ©sordre d’insubordination. Enfin, pour assurer mieux encore la tranquillitĂ© publique, il fut 320 MĂ©moires rĂ©solu que l’armĂ©e serait instruite de six heures en six heures de sa situation. ,,Ces dispositions prises, le receveur-gĂ©nĂ©ral et l’inspecteur aux revues furent mandĂ©s. Celui-ci lit un Ă©tat approximatif des sommes nĂ©cessaires pour mettre la solde au courant, l’autre prĂ©senta le montant de son avoir en caisse; aprĂšs quoi, Dalouzi convoqua le conseil municipal, auquel il exposa les motifs qui avaient dĂ©terminĂ© la garnison a prendre les armes, et pria le maire d’aviser aux moyens de faire des fonds pour acquitter l’arriĂ©rĂ©. ,,I1 envoya ensuite au comte Rapp une dĂ©putation composĂ©e du nouveau gouverneur et de cinq ou six gĂ©nĂ©raux-sergents. „Eh bien! ,,que me voulez-vous encore? leur dit ce gĂ©nĂ©ral avec l’accent de l’indignation et dumĂ©- ,,pris. Vous ĂȘtes indignes de porter l’uniforme ,,français...J’ai cru que vous Ă©tiez des gens ,,d’honneur, je me suis trompĂ©.... Vous vous ,,laissez sĂ©duire par des piisĂ©rables.... Que ,,prĂ©tendez-vous faire?.... Pourquoi ces gar-, ,,des qui environnent le palais?... Pourquoi „eette artillerie dirigĂ©e contre moi?... Je suis ,,donc bien redoutable?... Croit-on que je ,,veuille m’évader?... Et pour quelle raison ,,m’évaderais-je ?... Je ne crains rien... Je „ne vous crains pas... Mais au fait que me ,,voulez-vous ? encore une fois que me vouliez-vous ?... “ L’agitation du comte Rapp, en prononçant ces mots, contrastait vivement avec l’air sombre de la dĂ©putation. Ces sous- officiers, confus de retenir captif un chef qu’ils aimaient, et dont la valeur , la loyautĂ© leur Ă©taient si connus , gardaient un profond silence. 321 du gĂ©nĂ©ral Rapp. lence. Ils Ă©taint sur le point de se retirer 1 , lorsqu'un d’entre eux prenant la parole „Mon ,,gĂ©nĂ©ral, dit-il, nous avons appris que les ,,autres corps d’armĂ©e ont Ă©tĂ© payĂ©s, nos sol- ,,dats veulent Ă©galement l’ĂȘtre ; ils sont en „rĂ©voite, mais ils nous obĂ©issent. INous ne ,,demandons que ce qui nous est dĂ», le faible dĂ©dommagement de tant de sang et de blessures; nous ne demandons que ce qui nous „est indispensable pour faire notre route et ,,nous retirer dans nos foyers. Les troupes ne ,,rentreront dans l’ordre, c’est une chose fer- „mement arrĂȘtĂ©e, que lorsque la solde sera ,,alignĂ©e pour tout le monde. — Il n’y a pas „assez d’argent en caisse, repartit le gĂ©nĂ©ral. ,,J’ai eu l’intention de vous faire payer, mĂȘme „de vos masses; j’ai envoyĂ© un aide-de-camp „a Paris, il a vu les ministres, mais on n’a pu „lui donner que quatre cent mille francs. C’est ,,cette somme, ainsi que celle qui existe dĂ©jĂ  ,,dans la caisse du payeur, que je ferai rĂ©par- ,,tir entre les divers rĂ©giments. — L’armĂ©e „veut ĂȘtre payĂ©e, mon gĂ©nĂ©ral. — Je vous ai „dit ce que j’avais a vous dire ; retii’ez-vous, ,,et rentrer au plus tĂŽt dans l’ordre...Si l’en- „nemi a malheureusement connaissance de ce ,,qui se passe ici, que deviendrez-vous ?—On „a tout prĂ©vu, mon gĂ©nĂ©ral un rĂ©giment de „cavalerie et douze piĂšces de canon sont partis ,,pour renforcer la division qui est au camp. ,,1L vous est facile de nous faire payer et vous ,,avez tout Ă  craindre de la part des soldats, si ,,d’ici a vingt-quatre heures ils ne sont pas satisfaits.— Que m’importe Ă  moi, ce que vous „et vos soldats pouvez faire! Je vous rĂ©pĂšte 21 322 MĂ©moires ,,que vous n’aurez que les fonds qui vous sont ,,destinĂ©s. Quelque chose qui puisse arriver, ,,n’espĂ©rez pas me contraindre a faire ce que ,,j non devoir me dĂ©fend. — GĂ©nĂ©ial, les sol- „dats peuvent vous conduire a la citadelle, „ils peuvent mĂȘme vous fusiller; nous rĂ©pondions d’eux maintenant, mais si vous ne nous ,,faites pas payer... — Je n’ai plus rien a vous ,,dire, sortez de chez moi... Si vous me fusilliez, eh bien, je prĂ©fĂšre la mort a la honte... „Vous ĂȘtes des ennemis de l’ordre...; vous ĂȘtes „des instruments de la malveillance et d’une „conspiration que vous ne connaissez pas... ,,1/ennemi est peut-ĂȘtre d’accord... Je vous ,,rends responsables de tout ce qui peut arriver... ,,Vous m’avez entendu, sortez!... Je rougis de ,,converser avec des rebelles.“ ,,Ges mots de conspirations furent sur eux une impression trĂšs-vive; ils se turent quelque temps, ils se remirent nĂ©anmoins , et l’un d’eux rĂ©pondit de bataille trouvĂšrent-ils toujours dans le gĂ©nĂ©ral un protecteur dĂ©vouĂ©. Sa bourse, son crĂ©dit, leur Ă©taient ouverts. Jamais il ne rebuta l’infortune. Ceux mĂȘmes qui n’avaient auprĂšs de lui aucun des droits que donne le drapeau participaient a ses bienfaits. Il suffisait qu’ils fussent dans le besoin. Le malheur Ă©tait quelque chose de sacrĂ© a ses yeux. L’inaction dans laquelle il Ă©tait tout a coup tombĂ©, aprĂšs une vie d’alarmes et de fatigues, avait achevĂ© l’ouvrage des blessures dont il 533 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Ă©tait couvert. Sa santĂ© s’était Ă©vanouie; bientĂŽt il toucha au terme que lui avait assignĂ© la nature. Il envisagea la mort sans Ă©motion, se fit placer de maniĂšre a faire front a l’étranger, qu’il n’avait jamais regardĂ© qu’en face, et rendit l’ñme en faisant des vƓux pour sa famille et pour la France. PIECES JUSTIFICATIVES ! Lettre du gĂ©nĂ©ral Rapp au duc de TV'Ăčrtemberg. Du 14 juin. M. le colonel Richemont m’a communiquĂ© la lettre dont votre altesse royale l’a honorĂ© le... de ce mois. J’ai vu avec peine que les propositions trĂšs conciliantes faites, en mon nom, par M. Richemont, n'ont point Ă©tĂ© admises et que des discussions se sont entamĂ©es sur des points qui me semblaient ne devoir donner lieu Ă  aucun dĂ©bat. En gĂ©nĂ©ral, je dois faire observer Ă  votre altesse royale que l’armistice n’a pas Ă©tĂ© demandĂ© par l’empereur NapolĂ©on, ce qui suppose que tous les articles doivent ĂȘtre entendus Ă  l’avantage de l’armĂ©e française; mais puisque l’on mĂ©connaĂźt les intentions du traitĂ©, je ne vois d’autre moyen pour remplir le but de votre altesse loyale et le mien, que de lui proposer de laisser, quant aux limites, les choses dans l’état oĂč elles sont, et d’informer les commissaires nommĂ©s par l’article 9 et 12 de l’armistice, des difficultĂ©s qui se sont Ă©levĂ©es ici sur l’exemption de l'article 6. Je prie donc votre altesse de nommer, conjointement avec moi, deux officiers qui seront chargĂ©s de se rendre auprĂšs de ces commissaires, et qui rap- 336 MĂ©moires porteront bientĂŽt la solution cj[ue nous devons attendre. Je consens pareillement Ă  ce que l’article relatif aux subsistances ne soit rĂ©glĂ© que provisoirement, c’est-Ă -dire que si votre altesse royale ne voulait pas prendre sur elle de faire livrer trente mille rations de vivres Ă  compter du jour de l’armistice, ainsi qu’elles me sont nĂ©cessaires d’aprĂšs l’état de la garnison, le colonel Richemont pourra rĂ©gler avec MM. les commissaires russes, les quantitĂ©s qui devront nous ĂȘtre fournies, Ă  valoir sur ce qui sera dĂ©finitivement rĂ©glĂ© par les commissaires de l’armistice, auxquels on en rĂ©fĂ©rera comme pour l’article des limites. L’officier qui a apportĂ© l'armistice aurait pu se charger de faire connaĂźtre au quartier-gĂ©nĂ©ral impĂ©rial les discussions qui se sont Ă©levĂ©es, si ses instructions ne l’obligeaient Ă  retarder son dĂ©part jusqu’aprĂšs la premiĂšre distribution qui doit ĂȘtre faite Ă  la garnison par les soins du gĂ©nĂ©ral commandant le blocus. J’aurais beaucoup dĂ©sirĂ© qu’on s’entendĂźt pour l’exĂ©cution du traitĂ©, car j’ai lieu de craindre que l’on ne tire du retard de cet officier des inductions fĂącheuses sur la bonne intelligence que l’armistice suppose entre nous, ce dont, j’aurais Ă©tĂ© d’autant plus contrariĂ© qu’il me semble que votre altesse aurait pu accĂ©der aux propositions du colonel Richemont; ce que j’aurais trĂšs - certainement fait en sa place, sans pour cela craindre aucun reproche de mon souverain- ‱ SignĂ©, Comte R ait. HÉ- du gĂ©nĂ©ral Rapp. RĂ©ponse. 357 Sulmin, le 1 5 juin i8i3. J’ai reçu la lettre que votre excellence m’a fait l’honneur de m’écrire en date du 14 juin, et je dois lui avouer avec franchise que je 11e puis trop m’expliquer les motifs des mĂ©sentendus qui existent relativement Ă  l’exĂ©cutioji littĂ©rale des articles de la trĂȘve. Ce traitĂ© ayant dĂ©terminĂ© des bases fixes pour Ă©viter tout sujet de contestation, il me semble qu’il serait infiniment plus simple et plus naturel de s'y tenir entiĂšrement. J'avoue Ă  votre excellence que c’est avec une vĂ©ritable peine que je consens Ă  m’en Ă©carter d’aprĂšs sa proposition. Il me semble que, par cet arrangement qu’elle dĂ©sire, nous outre - passons d’une certaine maniĂšre tous deux nos pouvoirs, et qu’il vaudrait beaucoup mieux de rĂ©gler entre nous le rayon de neutralitĂ© d’aprĂšs le sens littĂ©ral de l’armistice. Cependant, pour Ă©viter toutes discussions ultĂ©rieures, je consens, d’aprĂšs sa proposition, de laisser les choses sur le pied actuel ; j’ordonnerai mĂȘme aux chefs de mes avant-postes de s’entendre avec les vĂŽtres pour faire quelques arrangements qui pourront lui ĂȘtre agrĂ©ables relativement Ă  mes vedettes et Ă  mes piquets, pour empĂȘcher toute collision entre nos troupes lĂ©gĂšres. Pour ce qui concerne l’article des subsistances, la commission rassemblĂ©e Ă  cet effet a dĂ©jĂ  commencĂ© ses sĂ©ances, et j’espĂšre que M. le colonel Richeinont sera bientĂŽt en Ă©tat de pouvoir lui annoncer que cet article a Ă©tĂ© dĂ©finitivement rĂ©glĂ©. 22 MĂ©moires Quant Ă  ce qui regarde J es deux officiers que voire excellence voudrait envoyer auprĂšs des commissaires destinĂ©s Ă  rĂ©gler dĂ©finitivement toutes les difficultĂ©s pii paraissent naĂźtre relativement aux stipulations de la .trĂȘve, je dois vous observer, monsieur le comte, ipie je n’ai point le pouvoir de leur accorder les passeports nĂ©cessaires l’article des subsistances qui sera rĂ©glĂ© incessamment permettra, dans peu de jours, a M. le capitaine Planat de se charger de cette commission. Veuillez vous persuader au reste, mon gĂ©nĂ©ral, qu’accoutumĂ©, depuis vingt-cinq ans de service, Ă  remplir avec une parfaite exactitude les ordres de mon souverain, j’aurais agi d'une maniĂšre bien diffĂ©rente si j’avais consenti aux propositions qui m’ont Ă©tĂ© faites par M. le colonel Riehemont, et qui s’écartaient si essentiellement des articles d’une trĂȘve dont les expressions simples et naturelles ne laissent aucune latitude Ă  la moindre discussion. Votre excellence me trouvera au reste toujours prĂȘt Ă  faire tout ce qui pourra lui ĂȘtre agrĂ©able et qui s’ac cordera avec mes devoirs. Je saisirai de mĂȘme avec empressement toutes les occasions oĂč je pourrai la convaincre que rien n’égale la trĂšs-haute considĂ©ration avec laquelle j'ai l’honneur d’ĂȘtre, etc. SignĂ©, Alexandre , duc de Wurtemberg. 339 du gĂ©nĂ©ral flapp. Lettre du duc de f'Furtemberg Ă  son excellence le comte Rapp. De mon quartier-gĂ©nĂ©ral, le 12 juillet i8i3, ArrivĂ©e le 14, quoique le duc ne fĂ»t qu’à 2 lieues dt Dantzic. GĂ©nĂ©ral, Un courrier, qui vient de m'arriver du quartier- gĂ©nĂ©ral , m’apporte l’ordre de suspendre les fournitures qui ont Ă©tĂ© faites jusqu’ici Ă  la garnison de Dantzic. Le corps de volontaires qui se trouvait sous les ordres du major prussien Lutzow ayant Ă©tĂ© attaquĂ©, pendant la durĂ©e de la trĂȘve, sans le moindre motif, on m’annonce que c’est la raison qui a causĂ© cette dĂ©termination , qui doit avoir son cours jusqu'au moment oĂč cette affaire sera rĂ©glĂ©e dĂ©finitivement. En communiquant les ordres que j’ai reçus Ă  votre excellence, je la prĂ©viens en mĂȘme temps que cette affaire, qui sera probablement bientĂŽt rĂ©glĂ©e, ne change cependant point les autres articles de la trĂȘve, qui doit subsister dans toute sa teneur. J’ai l’honneur, etc. SignĂ©, Alexandre, duc de Wurtemberg, gĂ©nĂ©ral de cavalerie. 22 . Ăź40 MĂ©moires RĂ©ponse. Dantzic, le 14 juillet i8i3. Monsieur le duc, Depuis les arrangements convenus’entre nous par suite de l'armistice, fai vu avec beaucoup de peine que votre altesse royale ne les remplissait pas avec l’exactitude qu’exigent de pareilles conventions. j’ai aperçu, dans le retard de toutes les livraisons, une guerre sourde qui dĂ©truisait par le fait l’esprit de l'annistice. MalgrĂ© mes continuelles rĂ©clamations, on a laissĂ© arriĂ©rer une grande partie des fournitures; vous n’avez pas mĂȘme acquittĂ© le courant, et c'est dans cet Ă©tat de choses que je reçois, aujourd’hui 14, la lettre de votre altesse, en date du 13 juillet, qui me prĂ©vient quelle a ordre de suspendre les fournitures. Cette cessation a effectivement lieu depuis quatre jours, c’est-Ă -dire depuis le 10; et comme notre correspondance peut nous parvenir en deux heures, je ne cacherai point Ă  votre altesse avec quels sentiments je dois apprĂ©cier la diffĂ©rence de la date et de l’arrivĂ©e de votre dĂ©pĂȘche. Les conditions d un armistice, monsieur le duc lient Ă©galement les deux parties ; et dĂšs que l’une , d’entre elles se permet d’en annuler une des clauses I principales et des plus essentielles, l’armistice est des 1 lors rompu, et elle se met en Ă©tat de guerre contre l’autre et c’est ainsi que je considĂšre, dĂšs Ă  prĂ©sent, la dĂ©claration que vous me faites ; et quoique votre altesse m’annonce que les autres articles de la treve subsisteront. elle sentira que je ne puis recevoir de 541 du general Rapp. pareilles modifications que par les ordres de mon souverain. 11 ne me reste donc plus qu’à la prier de me faire savoir si les six jours qui doivent prĂ©cĂ©der la reprise des hostilitĂ©s courront du 13 Ă  une heure du matin, ou du i4 Ă  midi. Je dois lui dĂ©clarer, au surplus, que je la rends responsable de la rupture d'un armistice conclu entre nos souverains, et que je ne puis entendre Ă  aucune explication Ă©vasive quaprĂšs la rĂ©ception de tous les vivres qui me sont dĂ»s. SignĂ©, comte Rapp. Lettre du duc deJVurlcrnberg au g Ă©nĂ©ral comte Rapp. De mon quartier-gĂ©nĂ©ral, le i 5 juillet 181Ô. Je viens de recevoir la lettre que vous m'avez Ă©crite, et je ne puis dissimuler Ă  votre excellence que j’ai Ă©tĂ© plus que surpris de son contenu. 11 serait absolument inutile de rĂ©pĂ©ter encore a votre excellence ce que MM. les gĂ©nĂ©raux Borozdin et Jelebtzow n’ont pas manquĂ© de lui observer a plusieurs reprises, c’est-Ă -dire que les retards momentanĂ©s qu’a Ă©prouvĂ©s la garnison de Dantzic dans son ravitaillement n’ont Ă©tĂ© occasionĂ©s que parce que 1 arrangement proposĂ© et damandĂ© par votre excellence , de faire acheter des vivres par ses propres commissaires, a Ă©tĂ© changĂ© subitement, ce qui n’a pas 342 MĂ©moires manquĂ© de produire les plus grands embarras, les commissaires prussiens s’étant excusĂ©s sur le dĂ©nu- ment total des provinces limitrophes de Dantzic, qui sont dĂ©jĂ  chargĂ©es depuis si long-temps de l’approvisionnement de mes troupes. Si, comme je l’avais dĂ©jĂ  demandĂ© plusieurs fois, il y avait eu ici, Ă  mon quartier - gĂ©nĂ©ral, conformĂ©ment aux stipulations de la treve, un commissaire français en permanence, il aurait pu se convaincre lui-mĂȘme de l’embarras extrĂȘme qu ont eu les commissaires prussiens pour se procurer les charrois et les vivres nĂ©cessaires pour le ravitaillement de la place de Dantzic, et pour l’entretien de mes propres troupes, de maniĂšre que ce n’est point l’armĂ©e formant le blocus qui a mis des entraves au ravitaillement de la place de Dantzic. Au reste, ce n’est qu’à mon souverain, l’auguste empereur Alexandre, auquel je dois rendre compte de mes actions. Je viens maintenant Ă  un article beaucoup plus important, puisqu’il peut avoir des suites trĂšs-consĂ©quentes ; car il paraĂźt, d’aprĂšs la lettre de votre excellence , quelle est dĂ©cidĂ©e Ă  recommencer les hostilitĂ©s de son chef, tandis que les places de Stettin et de Custrin sont aussi privĂ©es momentanĂ©ment, comme Dantzic, des fournitures stipulĂ©es dans l'armistice. J'espĂšre au reste qu’elle fera de mĂ»res rĂ©flexions sur ce quelle entreprendra; et c’est moi qui la rends responsable de toutes les dĂ©marches quelle fera, et qui pourraient empĂȘcher les puissances belligĂ©rantes de se rapprocher. Je lui envoie ci-joint la copie exacte de la lettre que j’ai reçue de M. le commandant en chef de toutes 543 du gĂ©nĂ©ral Rapp. les armĂ©es, Barclay de Tully ; elle verra que bien loin qu'il soit question de recommencer les hostilitĂ©s, cela m'est* expressĂ©ment interdit. Si, malgrĂ© toutes mes observations, monsieur le gĂ©nĂ©ral , dont au reste j’ai pris acte devant mes gĂ©nĂ©raux, commandants de corps, vous ne jugiez pas Ă  propos d’attendre patiemment que l’affaire de la lĂ©gion de Lutzow, qui a causĂ© la suspension momentanĂ©e du ravitaillement de Dantzic, dont les arrĂ©rages au reste ne sont que suspendus, et des autres forteresses, soit rĂ©glĂ©e Ă  l’amiable , et que vous m’attaquiez, je vous prouverai que mes braves Russes ne craignent les menaces de personne, et qu’ils sont au reste prĂȘts Ă  verser leur sang pour la cause de tous les souverains et de tous les peuples. SignĂ©, Alexandhe , duc de Wurtemberg. RĂ©ponse. Dantzic, le 16 juillet i8t5. J'ai reçu la lettre que votre altesse royale ma fait 1 honneur de m’écrire, le i5 de ce mois. Je ne reviendrai pas sur les diverses observations quelle me fait sur la non-exĂ©cution des conditions de l’armistice, relativement aux vivres ; elles ont Ă©tĂ© constamment reproduites et toujours victorieusement refutĂ©es, et ne prĂ©sentent rien de nouveau. Le gĂ©nĂ©ral Heudelet, que j’ai envoyĂ© Ă  la confĂ©rence demandĂ©e par M. le 344 MĂ©moires gĂ©nĂ©ral Borodzin , a fait connaĂźtre de ma part les seuls moyens d'arrangement provisoire qui pouvaient encore i avoir lieu entre nous. Dans une lettre du i4i j’ai priĂ© votre altesse royale de me fixer Ă  quelle Ă©poque devaient commencer les six jours entre la rupture et la reprise des hostilitĂ©s; je n’ai pas eu de rĂ©ponse positive. Je dois donc la prĂ©venir que la lettre de votre altesse royale du 12 ne m'Ă©tant parvenue que le 14 Ă  midi, et ne pouvant considĂ©rer son refus positif et officiel de continuer les fournitures que comme une rupture de l’armistice, les hostilitĂ©s recommenceront le 20 ; je dois cette dĂ©termination Ă  l’empereur et Ă  l’honneur de mon corps d'armĂ©e. Six coups de canon tirĂ©s des divers forts de Dantzic, Ă  midi, ne laisseront aucun doute .Ă  ce ; sujet. Je prie votre altesse royale de ne pas considĂ©rer comifie une menace l’obligation oĂč je me suis trouvĂ© J d’interprĂ©ter la violation d’un des articles du traitĂ© ! comme une, dĂ©claration formelle qui annulle l'armistice ; je connais les braves troupes russes, que j’ai souvent combattues, et je sais quelles sont dignes d'ĂȘtre opposĂ©es aux nĂŽtres. , Ma lettre serait finie, monseigneur, si je n’étais dans l’obligation de faire remarquer Ă  votre altesse royale, relativement Ă  quelques expressions de sa lettre du i5, que je ne dois Ă©galement compte quĂ  mon souverain de mes dĂ©terminations; que, quant Ă  j ce que votre altesse appelle la cause de tous les souverains et de tous les peuples, ces phrases sont bien extraordinaires dans la lettre d’un prince qui sait mieux que personne que l’empereur Alexandre, son j souverain, a Ă©tĂ© engagĂ© pendant cinq ans dans noire J 545 du general Rapp, alliance contre le despotisme d’une puissance maritime qui voudrait avoir tout le continent pour tributaire, et que son auguste frĂšre, le roi de Wurtemberg. a Ă©tĂ© depuis long-temps l’un des plus fermes soutiens de cette mĂȘme cause. SignĂ© , Comte Rapp. Lettre du duc de Wurtemberg au gĂ©nĂ©ral Rapp. De mon quartier-gĂ©nĂ©ral, le 17 juillet i8t3. Monsieur le gĂ©nĂ©ral, Je n’aurais plus rien Ă  ajouter Ă  la lettre que j’ai Ă©crite Ă  votre excellence en date du i 5 juillet, si la guerre formelle quelle nie dĂ©clare connue de puissance Ă  puissance ne m’obligeait de faire encore quelques remarques essentielles, avant le commencement des hostilitĂ©s qu’elle va entrepi’endre. Je lui observerai donc, quoiqu’il me soit absolument impossible d’accepter officiellement la dĂ©claration quelle va recommencer les hostilitĂ©s, et en vous rendant encore une fois responsable, mon gĂ©nĂ©ral, de toutes les suites que produira cet Ă©vĂ©nement, que si, malgrĂ© mes observations, vous persistiez cependant dans une dĂ©termination qui, Ă  ce que je crois, 11e sera pas mĂȘme approuvĂ©e par l’empereur NapolĂ©on, que le terme de la rupture que vous fixez au 20 juillet Ă  midi est contraire aux articles 2 et 3 de l’armistice, puisqu’aprĂšs le 20 juillet, le terme de l’expiration de 34 b' MĂ©moires la trĂȘve, les hostilitĂ©s ne 'pourront cependant recommencer, d'aprĂšs l’article 9, que six jours aprĂšs le 20 juillet, ce qui nous mĂšnerait donc au 26 de ce mois; et il serait vraiment extraordinaire que nous fussions les deux seuls chefs de corps sur le théùtre de la guerre qui recommençassent les hostilitĂ©s. Je suis convaincu qu’avec un peu de patience nous aurons bientĂŽt la nouvelle que les affaires des cabinets prennent une autre tournure. Quel serait, alors le regret de votre excellence si, par une trop grande prĂ©cipitation, il pourrait de nouveau naĂźtre des embarras entre les cours, dont la mienne, au reste, n’a aucun reproche Ă  se faire',! puisqu’il Ă©tait bien naturel quelle usĂąt momentanĂ©ment de reprĂ©sailles aprĂšs avoir appris la destruction du corps de Lutzow au milieu de l’armistice, les homme 11e pouvant point renaĂźtre, au lieu qu’il sera trĂšs-possible de fournir Ă  la garnison de Dantzic les ravitaillements arriĂ©rĂ©s. Je linis ma lettre, mon gĂ©nĂ©ral, forcĂ© de vous faire quelques observations sur les derniĂšres phrases de la vĂŽtre, qui m’ont paru extrĂȘmement Ă©tranges. L’Europe entiĂšre, et j’ose dire la France mĂȘme, connaĂźt parfaitement les raisons qui ont causĂ© la rupture de la paix signĂ©e Ă  Tilsit. Elle connaĂźt de mĂȘme aussi le ton dictatorial dont s’est servi l’ambassadeur comte Lauriston au sein de la capitale de Pierre - le - Grand. L’auguste empereur Alexandre a dĂ» appeler, Ă  cette audace extrĂȘme, Ă  son glaive; il a dĂ» s’entourer de ses preux, ouvrir les Ă©glises saintes, et se confier au peuple gĂ©nĂ©reux et fidĂšle qui lui a prouvĂ© ce que peut une nation heureuse dans ses guĂ©rets, mais qui 11’a pas balancĂ© un instant de s’armer pour la dĂ©fense de son honneur et de son souverain. 347 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Pour ce qui concerne mon frĂšre, le roi de Wurtemberg, que votre excellence appelle un des plus fermes soutiens de la cause qu’elle dĂ©fend, je puis assurer voti'e excellence qu’un gĂ©nĂ©ral en chef russe ne se croit point infĂ©rieur en aucune maniĂšre a un roi de la confĂ©dĂ©ration, puisqu’il ne dĂ©pend que de l’empereur Alexandre de m’élever Ă  cette dignitĂ©, s’il le juge Ă  propos, et alors je serai roi comme un autre j’y mettrai cependant une petite condition, c’est que ce ne soit point aux dĂ©pens d’aucune puissance, ni de personne. SignĂ©, Alexandre, duc de Wurtemberg. 348 MĂ©moires capitulation. DE LA PLACE DE DANTZIG. Capitulation de la place de Dantzic, sous conditions spĂ©ciales, conclue entre leurs excellences, M. le lieutenant - gĂ©nĂ©ral Borozdin ; M. le gĂ©nĂ©ral- major Welljaminoff, en fonction de chef de l’état- major; et MM. les colonels du gĂ©nie Manfredi et Pullet; chargĂ©s de pleins pouvoirs de son altesse royale monseigneur le duc de Wurtemberg, commandant en chef les troupes formant le siĂšge de Dantzic, d’une part Et leurs excellences M. le comte Heudelet, gĂ©nĂ©ral de division ; M. le gĂ©nĂ©ral de brigade d’HĂ©ri- court, chef de l’état-major; et M. le colonel Riche- mont; Ă©galement chargĂ©s de pleins pouvoirs de son excellence le comte llapp, aide-de-champ de l’empereur, commandant en chef d’i dixiĂšme corps d’armĂ©e, gouverneur-gĂ©nĂ©ral, d’autre part ARTICLE PREMIER. Les troupes formant la garnison de Dantzic, des forts et redoutes y appartenants, sortiront de la ville avec armes et bagages, le ir janvier j8i 4, Ă  dix heures du matin par la porte d’Oliwa, et poseront les armes devant la batterie Gottes-Engel, si Ă  cette Ă©poque la garnison de Dantzic n’est point dĂ©bloquĂ©e par un corps d’armĂ©e Ă©quivalent Ă j la force de l’armee assiĂ©geante, ou si un traitĂ© conclu entre les puis- 349 du general JĂźapp. sauces belligĂ©rantes n’a pas fixĂ© Ă  cette Ă©poque le sort de la ville de Dantzic. MM. les officiers conserveront leurs Ă©pĂ©es, en Ă©gard Ă  la vigoureuse dĂ©fense et Ă  la conduite distinguĂ©e de la garnison. Le peloton de la garde impĂ©riale, et un bataillon de six cents hommes, conserveront leurs armes, et ils prendront avec eux deux piĂšces de six, ainsi que les chariots de munition y appartenants. Vingt - cinq cavaliers conserveront de mĂȘme leurs chevaux et leurs armes. ARTICLE II. Les forts de Weiehselmunde, le Ilolm, et les ouvrages intermĂ©diaires, ainsi que les clefs de la porte extĂ©rieure dOliwa, seront remis Ă  l'armĂ©e combinĂ©e dans la matinĂ©e du 34 dĂ©cembre i8i3, ARTICLE III. D’abord aprĂšs la signature de la prĂ©sente capitulation , le fort Lacoste, celui de Neufahrwasser avec ses dĂ©pendances, et la rive gauche de la Vistule jusqu’à la hauteur de la redoute Gudin, et Ă  partir de ce dernier ouvrage la ligne des re outes qui se trouvent sur le Zigangenberg , ainsi que la Mowenhrugschantz , seront remis dans leur Ă©tat actuel, sans aucune dĂ©tĂ©rioration, entre les mains de l’armĂ©e assiĂ©geante; le pont qui rĂ©unit prĂ©sentement la tĂȘte du pont de Fahrwasser avec le fort de Weiehselmunde, sera reculĂ© et placĂ© Ă  1 embouchure de la Vistule, entre Neufahrwasser et la Movvenlmigschantz. MĂ©moires ARTICLE IV. 3fS0 La garnison de Dantzic sera prisonniĂšre de guerre et sera conduite en France. Monsieur le gouverneur comte Rapp, s'engage formellement Ă  ce que ni les officiers ni les soldats ne servent, jusqu'Ă  leur parfait Ă©change, contre aucune des puissances qui se trouvent en guerre contre la Fi’ance. Il sera dressĂ© un contrĂŽle exact des noms de tous messieurs les gĂ©nĂ©raux, offi- ciers, ainsi que des sous-officiers et soldats, composant la garnison de Dantzic, sans exception quelconque. Cette liste sera double; chacun de messieurs les gĂ©nĂ©raux et officiers signera la promesse et donnera sa parole d’honneur de ne point servir ni contre la Russie ni contre ses alliĂ©s, jusqu’à leur parfait Ă©change. On fera de mĂȘme un contrĂŽle exact de tous les soldats qui se trouvent sous les armes, et un autre de ceux qui sont ou blessĂ©s ou malades. ARTICLE V. Monsieur le gouverneur, comte Rapp, s’engage de faire accĂ©lĂ©rer autant que possible l’échange des individus formant la garnison de Dantzic, gi’ade pour grade, contre un nombre Ă©gal de prisonniers appartenants aux puissances coalisĂ©es. Mais si, contre toute attente, cet Ă©change ne pouvait avoir lieu Ă  dĂ©faut du nombre nĂ©cessaire de prisonniers russes, autrichiens, prussiens, ou autres, appartenants aux cours alliĂ©es contre la France, ou si lesditcs cours y mettaient quelque obstacle, alors au bout d’un an et d’un jour, Ă  dater du icr jan vier mil huit cent quatorze , nouveau style, les individus formant la garnison de Dantzic, seront dĂ©chargĂ©s de l’obligation formelle contractĂ©e 351 du gĂ©nĂ©ral Rapp. dans l’article IV de la prĂ©sente capitulation, et pourront ĂȘtre employĂ©s de nouveau par leur gouvernement. ARTICLE VI. Les troupes polonaises et autres appartenantes Ă  la garnison auront une pleine et entiĂšre libertĂ© de suivre le sort de l’armĂ©e française, et dans ce cas seront traitĂ©es delĂ  mĂȘme maniĂšre, exceptĂ© celles de ces troupes dont les souverains seraient alliĂ©s avec les puissances coalisĂ©es contre sa majestĂ© l’empereur NapolĂ©on , lesquelles seront acheminĂ©es sur les Ă©tats ou les armĂ©es de leurs souverains, suivant les ordres qu’elles en recevront, et qu’elles enverront chercher par des officiers ou courriers aussitĂŽt aprĂšs du prĂ©sent. Messieurs les officiers polonais et autres donneront chacun leur parole d’honneur par Ă©crit, de ne pas servir contre les puissances alliĂ©es, jusqu’à leur parfait Ă©change, conformĂ©ment Ă  l’explication donnĂ©e par l’article V. ARTICLE VII. Tous les prisonniers, de quelque nation qu’ils soient, qui appartiennent aux puissances en guerre contre la France, et qui se trouvent prĂ©sentement Ă  Dantzic, seront remis en libertĂ© et sans Ă©change, et envoyĂ©s aux avant-postes russes par la porte Peters-Hagen, le matin du 13 dĂ©cembre i8i3. ARTICLE VIII. Les malades et les blessĂ©s appartenants Ă  la garnison seront traites de la mĂȘme maniĂšre et avec les mĂȘmes soins que ceux des puissances alliĂ©es 5 ils seront en- . S'inmoireti 3r>2 voyĂ©s en France aprĂšs leur parfait rĂ©tablissement, sous les mĂȘmes conditions que le reste des troupes formant la garnis on de Dantzic. Un commissaire des guerres et des officiers de santĂ© seront laissĂ©s auprĂšs de ces malades pour les soigneV et rĂ©clamer leur Ă©vacuation. ARTICLE IX. D’abord qu’un certain nombre d’individus appartenants aux troupes des puissances coalisĂ©es aura Ă©tĂ© Ă©changĂ© contre un nombre Ă©gal d’individus appartenants Ă  la garnison de Dantzic, alors ces derniers peuvent se regarder comms libres de leur engagement prĂ©cĂ©dent, contractĂ© formellement dans l’article IV de la prĂ©sente capitulation. ARTICLE X. Les troupes de la garnison de Dantzic, Ă  l’exception de celles qui, aux termes de l’article VI, recevront lĂšs ordres de leurs souverains, marcheront par journĂ©es d’étape en quatre colonnes , et Ă  deux jours de distance l’une de l’autre, et d’aprĂšs la marche-route ci-jointe, et seront escortĂ©es jusqu’aux avant-postes de l’armĂ©e française. Les fournitures pour la garnison de Dantzic se feront en marche, conformĂ©ment Ă  l'etat ci-joint. La premiĂšre colonne se mettra en marche le i janvier 1814 ; la seconde le et ainsi de suite. ARTICLE XI. Tous les Français non combattants, et qui ne sont point au service militaire, pourront suivre, s ils le veulent, les troupes de la garnison; mais ils ne peuvent point prĂ©tendre aux rations fixĂ©es pour les nu- r litan-es du gĂ©nĂ©ral Rapp. 353 litaires ; ils pourront disposer-au reste des propriĂ©tĂ©s qui seront reconnues leur appartenir.. ARTICLE XII. Le i 3 dĂ©cembre i8i3, il sera remis au commissaire . nommĂ© par l’armĂ©e assiĂ©geante, tous les canons, mortiers, etc., etc., armes, munitions de guerre, plans, dessins, devis, les caisses militaires, tous les magasins de quelque nature qu’ils soient, les pontons, .tous les objets appartenants aux corps du gĂ©nie, Ă  la marine, Ă  l’artillerie, au train, voitures, etc., etc., sans aucune exception quelconque ; et il en sera l’ait un double inventaire qui sera remis au chef d’état-major dĂ© l’armĂ©e combinĂ©e. ARTICLE XIII. MM. les gĂ©nĂ©raux, officiers d’état-major et autres, conserveront leurs bagages et leurs chevaux fixĂ©s par le rĂ©glĂ©ment’ français, et recevront le fourrage en consĂ©quence pendant la marche. ARTICLE XIV. Tous les dĂ©tails relatifs aux transports Ă  accorder, soit pour les malades et blessĂ©s, ou pour les corps et officiers, seront rĂ©glĂ©s par les chefs des deux Ă©tats- majors respectifs. ARTICLE XV. f ‱ Il demeure rĂ©servĂ© au sĂ©nat de Dantzic de faire valoir auprĂšs de sa maje- tĂ© l’empereur NapolĂ©on tous 2b 354 MĂ©moires ses droits Ă  la liquidation des dettes qui peuvent exister de part et d’autre.; et son excellence le gouverneur- gĂ©nĂ©ral s’oblige Ă  faire donner Ă  ceux envers qui ces dettes ont Ă©tĂ© contractĂ©es des reconnaissances qui servent Ă  certifier leurs CrĂ©ances ; mais sous aucun prĂ©texte, il ne pourra ĂȘtre retenu des otages pour ces crĂ©ances. ARTICLE XVI. Les hostilitĂ©s de tout genre cesseront de part et d’autre Ă  dater de la signature du prĂ©sent traitĂ©.. ARTICLE XVII- Tout article qui pourrait prĂ©senter des doutes sera toujours interprĂ©tĂ© eu faveur de la garnison. ARTICLE XVIII. On fera quatre copies exactes de la prĂ©sente capitulation, dont deux en langue russe et deux en langue française, pour ĂȘtre remises en double aux deux gĂ©nĂ©raux en chef. ARTICLE XIX. i ‱ AprĂšs la signature de ces piĂšces officielles, il au gouverneur gĂ©nĂ©ral, comte Rapp, d'envoyer un courrier Ă  son gouvernement ; il sera accompagnĂ© jusqu’aux avant-postes français par un. officier russe. du gĂ©nĂ©ral Rapp. 355 Fait et convenu Ă  Langfuhr, cejourd'hui 2^ novembre i8x3. ^ - * SignĂ©, lĂ© gĂ©nĂ©ral de division comte HstroBLET, le gĂ©nĂ©ral d’HÉRicouRT, le colonel Richbmont, le lieutenant-gĂ©nĂ©ral et chevalier Borozdin, le gĂ©nĂ©ral-major Wkll- jaminoff, en fonction de chef d’état-major, le colonel du gĂ©nie Manfredi , le colonel du gĂ©nie PullĂȘt. Vu et approuvĂ©, Le Comte Rapp. 356 MĂ©moires * ' Lettre du duc de Wurtemberg au gĂ©nĂ©ral Rapp. De mon quartier-gĂ©nĂ©ral de Pelouken, le 23 dĂ©cembre i8i'3, Ă  n heures du soir. GĂ©nĂ©ral, ^ Je suis obligĂ© de tous faire pari que j e viens de recevoir un courrier de sa majestĂ© impĂ©riale qui m’apprend que la capitulation conclue' entre votre excellence et moi a Ă©tĂ© approuvĂ©e par l’empereur, hormis ce qui concerne le retour de la garnison en France. Quoiqu’il ne 4 m’appartienne pas d’examiner si oh a pris en considĂ©ration particuliĂšre que la garai-, son de Dantzic ne soit forcĂ©e, Ă  l’instar de celle de Thorn et d’auti’es places, Ă  reprendre service ayant son parfait Ă©change, et aprĂšs qu elle aura repassĂ© le Rhin, je suiscependant. obligĂ© de faire part Ă  votre excellence de la volontĂ© prĂ©cise de sa majestĂ©, Ă©tant cependant persuadĂ© qu’aucun de MM. les gĂ©nĂ©raux ni officiers faisant partie de la brave garnison de Ifantzic ne se permettrait;, dans aucun cas, de manquer Ă  ses engagements, ce dont je serais volontiers le garant. Sa majestĂ© m’a aussi formellement autorise Ă  vous dĂ©clarer, mon gĂ©nĂ©ral, que la garnison ne sera point envoyĂ©e dans les provinces Ă©loignĂ©es de la Russie, si votre excellence me remet la place sans dĂ©tĂ©rioration ultĂ©rieure, aux termes de la capitulation. Elle pourra choisir pour son sĂ©jour particulier, celui, de MM. les gĂ©nĂ©raux et officiers, entre les villes de Rçyal Plesliow, Zaliega et Orel, pour y demeurer jusqu'Ă  ce que la garnison soit Ă©changĂ©e. D’ailleurs il s’entend de soi-mĂȘme que MM. les gĂ©nĂ©raux et offi- du gĂ©nĂ©ral Rapp. 357 cierS, d’aprĂšs la capitulation, consĂšrvenont tous les avantages qui leur ont Ă©tĂ© assurĂ©s. Pour ce qui concerne les troupes polonaisĂšs qui se trouvent encore Ă  Dantzic, la volontĂ© de sa majestĂ© est quelles soient renvoyĂ©es tranquillement dans Jours foyers., Ă  leur sortie de la place, de mĂȘme que les troupes allemandes. Je dois croire, mon gĂ©nĂ©ral, que votre excellence n’hĂ©sitera sĂ»rement pas de consentir Ă  ces arrangements, puisqu’il est Ă . croire que la guerre ne pourra pas durer un an, et alors chacun retournera d'abord chez soi; et je suis d’autant plus persuadĂ© que votre excellence prendra cette dĂ©termination que, dans le cas contraire, je ' ne pourrai lui Ă©pargner, ainsi qu’à sa garnison, toutes les rigueurs inĂ©vitables qu’entraĂźnerait une rĂ©sistance parfaitement inutile, qui aurait pour suite infaillible de voir transporter sa garnison dans les provinces lĂ©s plus Ă©loignĂ©es de l’empire russe, sans qu’elle puisse jouir alors des moindres avantages qui lui seront parfaitement garantis maintenant, ainsi que toutes les commoditĂ©s nĂ©cessaires pour- la route et stipulĂ©es dans la capitulation. Si votre excellence, contre toute attente, prenait cependant cette dĂ©termination .aussi inattendue que prĂ©judiciable aux intĂ©rĂȘts de la garnison, je lui remettrai alors aprĂšs-demain samedi, Ă  midi, tous .les ouvrages qui ont Ă©tĂ© cĂ©dĂ©s Ă  l’armĂ©e assiĂ©geante, exceptĂ© le fort de Neufahrwasser, puisque la volontĂ© suprĂȘme de sa majestĂ© est qĂče votre excellence fasse sortir prĂ©alablement toutes les troupes allemandes qui se trouvent .Ă  Dantzic avec armes et bagages, la confĂ©dĂ©ration du Rhin n’existant. plus, tous les 358 MĂ©moires Ă©tats qui Ă©tant devenus nos alliĂ©s ; et dans ce cas Neufahrwasser lui sera remis de mĂȘme de suite et sans la moindre difficultĂ©. J’enverrai aussi Ă  Dantzic par la porte d’Oliwa tous les Ă©cloppĂ©s, dĂ©s qu’ils seront de retour, et alors les hostilitĂ©s re- commenceraient, le lendemain de leur remise, Ă  neuf heures du matin. SignĂ©, le duc de Wurtemberg. P. S. Je prie votre excellence de vouloir bien me faire parvenir sa rĂ©ponse demain matin. Si M. le gĂ©nĂ©ral Heu- delet, ou un autre de MM. les gĂ©nĂ©raux, Ă©tait envoyĂ© Ă  mon quartier-gĂ©nĂ©ral, cela faciliterait infiniment la conclusion -d’une affaire qui pourrait se terminer Ă  sa satisfaction. J r ai Ă©crit sur ceci Ă  sa majestĂ© par un courrier. RĂ©ponse. Monseigneur, J’ai fait une capitulation avec Votre altesse royale ; aujourd’hui elle m’annonce que, sans, y avoir Ă©gard, l’empereur Alexandre ordonne que la garnison de- Dantzic soit envoyĂ©e en Russie comme prisonniĂšre de guerre;, au lieu de rentrer en France. Le 10 e corps d’armĂ©e laisse Ă  l’Europe, Ă  l’histoire, et Ă  la postĂ©ritĂ©, Ă  juger une aussi Ă©trange infraction des traitĂ©s, contre laquelle je proteste formellement. Par suite de ces principes sacrĂ©s, j’ai l’honneur d’annoncer Ă  votre altesse royale que, m’en tenant 359 du gĂ©nĂ©ral Rapp. strictement au texte d’une capitulation que je ne dois pas regarder comme anĂ©antie parce qu’elle est -violĂ©e, je l’exĂ©cuterai ponctuellement, et que je suis prĂȘt Ă  remettre aujourd’hui mĂȘme aux troupes . de votre altesse-des' forts Weichselmunde, NapolĂ©on, et le Holm, ainsi que tous les magasins, et Ă  sortir de la place avec ma garnison le i er janvier prochain, A. cette Ă©poque, la force et l’abus du pouvoir pourront nous entraĂźner en Russie, en SibĂ©rie, partout oĂč l’on voudra. Nous sourons souffrir, mourir mĂȘme, s’il le faut, victimes de notre confiance dans un traitĂ© solennel. L’empereur NapolĂ©on et la France sont assez puissants pour nous venger tĂŽt ou tard. Dans cet Ă©tat de choses, monseigneur, il ne me reste aucun arrangement Ă  faire avec votre altesse royale, m’en rĂ©fĂ©rant entiĂšrement Ă  la capitulation, du 29 novembre, qu’on peut, je le rĂ©pĂšte, enfreindre, mais non anĂ©antir. SignĂ©, Comte RaĂź-f. DantĂŻic, le 23 dĂ©cembre i8i3. 560 . MĂ©moires- Lettre du comte Rapp ait duc de Wurtemberg. Dantzic, le Ăźo dĂ©cembre i8i3. Monseigneur, Mon aide-de-camp m'a remis hier soir la lettre que votre altesse m’a fait l’honneur de m’écrire. D’aprĂšs le renvoi qu’elle m’a fait de ma lettre, je crois m’apercevoir quelle me suppose de l'aigreur. Votre altesse ne me rend pas justice voilĂ  23 ans que. je fais la guerre ; je suis habituĂ© Ă  la bonne comme Ă  la mauvaise fortune. Votre altesse m’a l’ait l’honneur de me dire qu’il Ă©tait tout naturel que l’empereur Alexandre pĂ»t ratifier on non la capitulation ou. votre altesse Ă©tait munie de pleins pouvoirs ou ne l’était pas; ma conduite dans ce cas eĂ»t Ă©tĂ© toute diffĂ©rente. Le marĂ©chal Ilalkreuth, aprĂšs une dĂ©fense trĂšs- courte, a obtenu une capitulation, fort honorable. Je me rappelle mĂȘme que l’empereur NapolĂ©on, qui n’était qu’à vingt lieues de la place, en Ă©tait mĂ©content; mais'il ne voulut pas faire Ă©prouver de dĂ©sagrĂ©ment Ă  son gĂ©nĂ©ral en chef, en annulant la capitulation, et le marĂ©chal Ilalkreuth sortit de Dantzic sans la moindre humiliation. Il est impossible de mettre plus de dĂ©licatesse et de loyautĂ© que nous l’avons fait, le marĂ©chal Lefebvre et moi. Le marĂ©chal Ilalkreuth vit encore, et .il en a conservĂ© le souvenir. Il y a des du gĂ©nĂ©ral Rapp. -" S 1 officiers prussiens au quartier-gĂ©nĂ©ral de votre altesse qui pourront aussi en rendre tĂ©moignage. Votre altesse me fait l’honneur de me dire que sa majestĂ© ordonne que toutes les choses soient remises sur le mĂȘme pied oĂč elles Ă©taient avant, si je veux recommencer les hostilitĂ©s. Votre altesse sait parfaitement que les avantages Ă©taient alors de notre cĂŽtĂ©, puisqu’elle nous a fait constamment des off res quelle prĂ©tendait ĂȘtre favorables, et que maintenant c’est tout le contraire cela n’a pas besoin de preuves. C’est d’ailleurs vous, monseigneur, qui m'avez toujours proposĂ© d’entrer en arrangement pour faire cesser l’effusion de sang, en nous offrant comme condition fondamentale notre rentrĂ©e en France. La correspondance de votre altesse avec moi en fait foi. Votre altesse sait bien dans quelle situation nous nous trouvons, et qu’il est de toute impossibilitĂ©, sous tous les rapports, de prolonger notre dĂ©fense ; ainsi le choix quelle me laisse devient parfaitement illusoire. Je prie votre altesse de faire occuper aujourd’hui Weichselmunde, le Ilolm, et ouvrages intermĂ©diaires. Je n’y ai laissĂ© que de petits dĂ©tachements pour empĂȘcher les dĂ©gradations. Je dĂ©sire aussi que votre altesse envoie des commissaires pour recevoir les inventaires de nos magasins de toute espĂšce ; j’y tiens beaucoup, pour qu’il n'y ait pas de rĂ©clamation, et qu’on ne puisse pas nous reprocher d’avoir rien dĂ©tĂ©riorĂ©, non pas dans la crainte d’aller en Russie avec moins de commoditĂ©s, comme votre altesse le rĂ©pĂšte dans sa lettre, mais par le dĂ©sir de remplir religieusement tous mes engagements. 362 MĂ©moires J’ai l’honneur de dĂ©clarer de nouveau Ă  votre altesse que la garnison de Dantzic sortira le 1 er janvier, dans la matinĂ©e, en exĂ©cution de l’article Ăźerde la capitulation du 29 novembre, Ă  laquelle je m’en tiens entiĂšrement, ' et a laquelle il est tout-Ă -fait inutile d’ajouter aucun autre arrangement. Les circonstances, aprĂšs notre sortie, nous mettront absolument Ă  la disposition de votre altesse. J’ai l’honneur, etc. SignĂ© , Comte IIait. Au MĂȘme. 26 dĂ©cembre 8i5. Monseigneur, Le gĂ©nĂ©ral Manfredi m’a remis la lettre de votre altesse royale, d’hier, c 5 de ce mois. Ayant eu dĂ©jĂ ' l’honneur de traiter avec elle les premiers articles de cette lettre, ce dernier est le seul qui me semble exiger une rĂ©ponse. Votre altesse royale me dĂ©clare quelle 11e peut consentir Ă  me laisser sortir de Dantzic, a moins d’un arrangement prĂ©alable. De mon cĂŽte, ne croyant pas pouvoir revenir sur la capitulation du 29 novembre, approuvĂ©e par votre altesse royale et par moi, jai l’honneur de lui dĂ©clarer qu’au 3 i dĂ©cembre, n’ayant plus de moyens de prolonger ma dĂ©fense, jĂ© me mets Ă  sa disposition, ainsi que les troupes sous mes ordres. 363 du gĂ©nĂ©ral Rapp. Cet arrangement, monseigneur, est bien simple; c’est Ă  -votre altesse royale Ă  rĂ©gler le sort de la garnison. Je me contente de recommander Ă  sa gĂ©nĂ©rositĂ© les soldats, surtout ceux qui par leurs infirmitĂ©s et leurs blessures rĂ©clament plus particuliĂšrement ma sollicitude. Je lui recommande Ă©galement les non-combattants, les femmes, les enfants, et les Français qui habitent Dantzie. ~ SignĂ© , Comte IIapf. V FIN. E r r ata. Page 5 ligne 26 lisez franchise >3 5 33 21 33 et Lauriston JJ 0 33 Ô 1 33 fonctions >5 12 33 25 33 aux 33 *4 33 6 33 toujours » 14 33 20 33 biĂšres 55 18 33 12 33 verrai 35 18 33 22 33 amiral 33 *9 33 3 33 Qu’est ce-ci >3 '9 33 24 33 Voyez-vous, lui dit il 33 21 33 5 33 NapolĂ©ons 33 22 33 3 33 guerre 33 23 33 8 33 m’objecta. 33 26 33 12 33 un 33 28 33 33 33 j etais comme 33 29 33 4 33 serrait 33 02 33 J 7 33 li eues 33 02 33 18 33 le temps de reprendre. 33 53 33 4 33 Rivaud 33 33 33 5 33 Donauwert 33 l? 33 2 33 n’était 33 33 7 33 attachĂ© 33 53 33 17 33 la 33 55 33 23 33 torts 33 5 7 33 l 7 33 gentils-hommes 33 57 33 23 33 la fortune 33 58 33 35 33 Champagne ♩3 % 33 24 33 m’éveillerait 33 60 33 26 33 eu lieu 33 63 33 18 33 l’appuye 33 64 33 2 » 33 dĂ©route 33 66 33 l 8 33 accueillies 67 fi 9 6 9 70 7 1 76 78 79 9 3 95 » xolf. 1 11 127 102 142 V 14 22 15 i5 21 20 24 8 o 11 7 5i 22 2 9 21 18 Ă  la baĂŻonnette Wittemberg n'en a de l’empereur carçp de sa majestĂ© traĂźtresse de sa confiance versa ĂȘ u'elies avousfc camp, influents restĂ© bien peut-ĂȘtre long-temps qu'il fĂ»t 'ffM/ mm -, .S*' » , '‱**>*[ tek

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